Jurisprudence
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 septembre 2021, 19-23.596, Inédit
N° de pourvoi 19-23596
ECLI:FR:CCASS:2021:C300637

M. Chauvin (président)
Me Haas

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 septembre 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 637 F-D

Pourvoi n° R 19-23.596




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 SEPTEMBRE 2021

M. [G] [V], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 19-23.596 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2019 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [K] [N], domicilié [Adresse 2],

2°/ à M. [C] [N], domicilié [Adresse 1],

3°/ à la société Les Acacias, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4], représentée par son mandataire ad'hoc, M. [R] [J],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de M. [V], après débats en l'audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Abgrall, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 18 juin 2019), par acte du 26 décembre 2005, M. [V] a vendu à la société civile immobilière Les Acacias (la SCI), constituée entre lui-même et MM. [K] et [C] [N] le 2 novembre 2005, un appartement et une maison d'habitation au prix total de 250 000 euros.

2. Par acte du 30 août 2012, M. [V] a assigné la SCI et MM. [N] en nullité de la vente pour vice du consentement ou en résolution pour inexécution et paiement de dommages-intérêts et, subsidiairement, en dissolution de la SCI et paiement de la somme de 194 250 euros.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, et sur le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui sont irrecevables ou manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

4. M. [V] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 194 250 euros au titre du solde du prix de vente, alors « que la faute du créancier ne peut exonérer le débiteur de son obligation que lorsqu'elle présente les caractéristiques de la force majeure ou qu'elle constitue la cause exclusive du dommage ; qu'en relevant, pour débouter M. [V] de sa demande en paiement du solde du prix, que faute d'avoir payé les loyers, il avait mis la SCI les Acacias dans l'impossibilité de s'acquitter de son engagement de payer, cependant que cette circonstance ne présentait pas les caractères de la force majeure et ne pouvait pas davantage être considérée comme la cause exclusive du non-paiement du prix, dès lors que la SCI pouvait agir en exécution forcée des paiements de loyers, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a retenu que les loyers que M. [V] devait verser en contrepartie de son occupation des lieux vendus devaient permettre à la SCI, qui n'avait contracté aucun emprunt, de payer le solde du prix de vente, soit la somme de 120 000 euros.

6. Elle a relevé que M. [V] n'avait plus payé de loyer depuis 2007.

7. Elle en a déduit souverainement que M. [V] avait mis la SCI dans l'impossibilité d'honorer ses engagements, de sorte que sa propre faute devait lui être opposée, ce dont il résultait que cette faute était la cause exclusive du non-paiement du solde du prix.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. M. [V] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dissolution de la SCI, alors « que le juge, tenu de motiver sa décision, doit répondre aux conclusions des parties ; qu'en considérant, pour débouter M. [V] de sa demande en dissolution de la SCI pour mésentente entre associés, que son attitude consistant à occuper les biens de la SCI les Acacias était à l'origine de la mésentente entre associés, sans répondre aux conclusions d'appel de M. [V] selon lesquelles le fait qu'il n'avait jamais été convoqué aux assemblées, que ses associés entendaient gérer seuls la société sans jamais lui en rendre compte et qu'ils ne s'acquittaient pas non des obligations incombant à celle-ci, étaient à l'origine, au moins en partie, de la mésentente entre associés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. La cour d'appel, ayant souverainement retenu que l'attitude consistant à occuper les biens de la SCI sans contrepartie était à l'origine de la mésentente des associés, n'était pas tenue de répondre à des conclusions portant sur des causes de mésentente éventuelles postérieures à celle qu'elle avait retenue.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt et un.








MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. [V].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté M. [V] de sa demande en paiement de la somme de 194 250 euros au titre du paiement du solde du prix de vente ;

AUX MOTIFS QU'en cas de rejet de ses demandes de nullité et de résolution de la vente, M. [V] forme des demandes subsidiaires ; qu'il sollicite le paiement de la somme de 194 250 euros au titre du solde du prix ; qu'ainsi qu'il a été vu précédemment, M. [V] a d'ores et déjà perçu la somme de 130 000 euros sur le prix de vente de 250 000 euros ; que sa demande ne peut être examinée qu'en ce qu'elle porte sur le solde du prix de 120 000 euros dont la SCI les Acacias ne conteste pas dans ses conclusions qu'il n'a pas été payé ; qu'elle s'oppose cependant à la demande de paiement et dénonce, comme le font les consorts [N] dans des termes plus vifs encore, l'attitude de M. [V] qui l'a privée de la totalité de ses ressources ; qu'il ressort des mentions de l'acte de vente (page 17) qu'en sus des sommes payées au jour de la vente, la somme de 120 000 euros devait être acquittée au plus tard dans un délai de dix ans, soit le 25 décembre 2016 ; qu'il était également prévu qu'elle serait payable sans l'aide d'un ou plusieurs prêts ; qu'il n'est pas contesté que M. [V] a continué d'occuper les biens vendus et il précise d'ailleurs en page 13 de ses conclusions qu'il occupe l'appartement de [Localité 1] ; qu'il ne soutient pas que l'occupation était prévue à titre gratuit et des baux sont d'ailleurs produits aux débats ; qu'il s'en déduit que ce sont les loyers que M. [V] devait verser en contrepartie de son occupation qui devaient permettre à la SCI les Acacias qui n'avait contracté aucun emprunt, de payer le solde du prix de vente soit 120 000 euros ; qu'or il n'est pas contesté que M. [V] n'a plus honoré aucun loyer depuis 2007 ; qu'en agissant de la sorte, M. [V] a mis la SCI les Acacias dans l'impossibilité d'honorer ses engagements, de sorte que sa propre faute doit lui être opposée ;

ALORS, 1°), QUE la partie envers laquelle un engagement contractuel n'a pas été exécuté a la faculté de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsque celle-ci est possible ; que l'action en exécution forcée en nature est distincte de l'action en responsabilité contractuelle et son succès suppose seulement la preuve de l'inexécution ; qu'en déboutant M. [V] de sa demande en paiement de la somme de 120 000 euros au titre du solde du prix au motif inopérant que sa propre faute pouvait lui être opposée, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1142 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1650 du même code ;

ALORS, 2°), QUE la partie envers laquelle un engagement contractuel n'a pas été exécuté a la faculté de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsque celle-ci est possible ; qu'en relevant, pour débouter M. [V] de sa demande en paiement du solde du prix, que faute d'avoir payé les loyers, il avait mis la SCI les Acacias dans l'impossibilité de s'acquitter de son engagement de payer, cependant que cette circonstance était impropre à caractériser une impossibilité matérielle, juridique ou morale pour la société d'exécuter son obligation de payer le prix, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1142 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1650 du même code ;

ALORS, 3°), QUE l'exception d'inexécution suppose l'existence d'obligations interdépendantes nées du même contrat ou d'un ensemble contractuel ; qu'en relevant, pour débouter M. [V] de sa demande en paiement du solde du prix, que faute d'avoir payé les loyers, il avait mis la SCI les Acacias dans l'impossibilité de s'acquitter de son engagement de payer, cependant que l'inexécution du contrat de bail ne pouvait permettre à la SCI les Acacias de s'exonérer de son obligation de payer, de lors que les contrats de vente et de bail étaient indépendants l'un de l'autre et qu'il n'était pas contesté que, dans le cadre du contrat de vente, M. [V] avait satisfait à son obligation de délivrance, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

ALORS, 4°), QUE la faute du créancier ne peut exonérer le débiteur de son obligation que lorsqu'elle présente les caractéristiques de la force majeure ou qu'elle constitue la cause exclusive du dommage ; qu'en relevant, pour débouter M. [V] de sa demande en paiement du solde du prix, que faute d'avoir payé les loyers, il avait mis la SCI les Acacias dans l'impossibilité de s'acquitter de son engagement de payer, cependant que cette circonstance ne présentait pas les caractères de la force majeure et ne pouvait pas davantage être considérée comme la cause exclusive du non-paiement du prix, dès lors que la SCI pouvait agir en exécution forcée des paiements de loyers, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté M. [V] de sa demande de dissolution de la SCI les Acacias ;

AUX MOTIFS QU'invoquant la mésentente entre les associés, M. [V] formule en second lieu une demande de dissolution de la SCI les Acacias pour juste motif ; que l'attitude consistant à occuper les biens de la SCI les Acacias sans contrepartie est à l'origine de la mésentente entre les associés ; que cette circonstance fait obstacle à ce que la mésentente entre les associés soit regardée comme un juste motif de la dissolution de la SCI les Acacias ;

ALORS, 1°), QUE le juge, tenu de motiver sa décision, ne peut statuer par voie de simple affirmation et doit viser et analyser les pièces sur lesquelles il se fonde ; qu'en se bornant à affirmer, pour débouter M. [V] de sa demande en dissolution de la SCI pour mésentente entre associés, que son attitude consistant à occuper les biens de la SCI les Acacias était à l'origine de la mésentente entre associés, sans préciser, ni procéder à l'analyse des pièces sur lesquelles elle se fondait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, 2°), QUE le juge, tenu de motiver sa décision, doit répondre aux conclusions des parties ; qu'en considérant, pour débouter M. [V] de sa demande en dissolution de la SCI pour mésentente entre associés, que son attitude consistant à occuper les biens de la SCI les Acacias était à l'origine de la mésentente entre associés, sans répondre aux conclusions d'appel de M. [V] selon lesquelles le fait qu'il n'avait jamais été convoqué aux assemblées, que ses associés entendaient gérer seuls la société sans jamais lui en rendre compte et qu'ils ne s'acquittaient pas non des obligations incombant à celle-ci, étaient à l'origine, au moins en partie, de la mésentente entre associés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.