Jurisprudence
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 avril 2009, 07-45.525, Inédit
N° de pourvoi 07-45525

M. Texier (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
SCP Bachellier et Potier de La Varde

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé à compter du 17 septembre 1990 en qualité de technicien de maintenance par la société ICV Mascareignes pour une période déterminée de trois mois, a signé ensuite un contrat de travail à durée indéterminée le 18 décembre 1990, stipulant notamment qu'il percevrait une rémunération mensuelle sur treize mois sur la base du coefficient 150 de la convention collective nationale de la publicité ; qu'un second contrat de travail a été conclu le 1er janvier 1992 qui a fait l'objet d'avenants successifs les 1er octobre 1992 et 6 juin 1994 ne portant plus la référence à cette convention collective ; que le salarié a été licencié par lettre du 8 août 2002 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en paiement de sommes à titre de rappel de salaire et d'indemnités de rupture ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de ses demandes en paiement d'indemnités de licenciement, préavis, congés payés, primes d'ancienneté et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1° / que la mention sur le bulletin de paie d'une convention collective emporte reconnaissance de l'application générale de cette convention dans les relations individuelles de travail sauf si le contrat de travail indique expressément que seules certaines clauses de la convention sont applicables ; qu'ainsi, en l'espèce et jusqu'en décembre 1991, ses bulletins de paie faisaient mention de la convention collective de la publicité, la cour d'appel, en considérant que la mention dans le contrat de travail d'un coefficient 150 conformément à cette convention collective excluait qu'il soit fait une application générale de la convention collective, a violé les articles 1134 du code civil et R. 143-2 du code du travail ;

2° / que l'application volontaire d'une convention collective a la valeur d'un usage qui ne peut être dénoncé qu'après une information préalable du salarié et des représentants du personnel ; qu'ainsi, la cour d'appel, en considérant qu'il ne pouvait plus revendiquer l'application de la convention collective de la publicité dès lors que le contrat de travail du 1er janvier 1992 et les bulletins de paie postérieurs ne la mentionnent plus, sans constater que l'usage d'appliquer cette convention avait été régulièrement dénoncé, a violé les articles 1134 du code civil et L. 132-5 du code du travail ;

Mais attendu que lorsque le contrat de travail prévoit l'application volontaire de certaines clauses d'une convention collective, la seule mention de cette convention sur les bulletins de paie ne confère pas au salarié le droit de bénéficier de l'application des autres dispositions de cette convention ;

Et attendu que la cour d'appel qui, appréciant souverainement la portée de la mention contenue à l'article 3 des contrats de travail des 25 septembre et 18 décembre 1990 du salarié, a décidé que la référence à la convention collective de la publicité contenue dans ses bulletins de salaire jusqu'au 31 décembre 1991 ne visait explicitement que le coefficient déterminant le salaire de base et la place de l'intéressé dans la grille de classification et n'était pas de portée générale ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'une indemnité de congés payés, alors, selon le moyen, que la mention sur le bulletin de paie de congés acquis vaut reconnaissance par l'employeur qu'ils sont dus ; qu'ainsi, en l'espèce, où ses bulletins de paie de janvier à mai 2002 mentionnaient trente cinq jours de congés acquis, la cour d'appel en le déboutant de sa demande d'indemnité au motif que ces congés devaient être pris pendant la période de référence, a violé les articles L. 223-11 du code du travail et 1134 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que le salarié, qui n'avait pas été empêché de prendre les congés auxquels il avait droit et dont il n'avait jamais sollicité le report, les avait perdus le 1er juin 2002 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce que la convention collective du commerce de la Réunion du 20 octobre 1982 n'étant pas applicable, son article 51, qui fait notamment obligation à l'employeur de mettre le salarié absent depuis cent soixante-dix jours en demeure de reprendre son travail dans un délai de dix jours avant de rompre les relations contractuelles ne pouvait être utilement invoqué ;

Qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le champ d'application de cette convention, la cour d'appel n'a pas mis en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle et a violé l'article susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fondée sur l'application de la convention collective du commerce de la Réunion, l'arrêt rendu le 18 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;

Condamne la société IVC Mascareignes aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille neuf.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bachellier et Potier de la Varde, avocat aux Conseils pour M. X...


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... de ses demandes en paiement d'indemnité de licenciement, préavis, congés payés, primes d'ancienneté et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE l'activité principale d'ICV Mascareignes (la production de films institutionnels et de documentaires ainsi que la réalisation d'émissions de télévision, généralement en partenariat avec RFO) n'entrait pas dans le champ d'application de cette convention collective, ainsi qu'en témoigne son code APE (92. 1B) ; la cour d'appel de céans n'en a pas jugé autrement le 10 septembre 1996, dans un litige opposant cette société à Mme Véronique Y... (RG 934 / 95) qu'elle a tranché en faveur de cette dernière en retenant que l'employeur avait appliqué volontairement la convention collective des entreprises de publicité et assimilées jusqu'au mois de décembre 1991, ce qui ne correspond pas au cas de l'espèce ; que Joseph X... soutient précisément que son employeur appliquait, sans y être obligée, ladite convention, dont ses contrats du 25 septembre (prise d'effet le 17 septembre) et du 18 décembre 1990 ainsi que ses 16 premiers bulletins de paye (jusqu'au 31 décembre 1991) faisaient expressément mention, et qu'aucun élément ne permet de restreindre cette application à certaines stipulations conventionnelles ; qu'il est exact que l'article 3 de chacun des contrats stipulait qu'il a été embauché (ou exercerait) « en qualité de technicien de maintenance... au coefficient de 150, conformément à la convention collective nationale de la publicité », mais cette référence n'était pas de portée générale puisqu'elle ne visait explicitement que le coefficient en vertu duquel le salaire de base était déterminé et, nécessairement, la place de l'intéressé dans la grille de classification ; le fait que, mention en ait été faite sur les bulletins de paye de M. X... n'était pas le signe indiscutable d'un engagement volontaire de l'employeur de l'appliquer volontairement dans son intégralité ; qu'il importe peu, dès lors, que l'usage d'entreprise selon lequel cette convention collective aurait été partiellement appliquée par ICV Mascareignes ait été, ou non, régulièrement dénoncé ; en tout état de cause, l'intimé ne pouvait prétendre ni à la prime d'ancienneté prévue par l'article 18 de cette convention ni, le cas échéant, à l'indemnité de licenciement prévue par son article 31 pas plus que ses arrêts de travail pour maladie n'étaient assimilables à du temps de travail effectif pour le calcul de ses droits à congés payés (article 21) ; qu'au surplus, le contrat du 1er janvier 1992 qui s'est « substitué » aux conventions « initialement conclues entre les mêmes parties » ne comporte aucune référence à la convention collective précitée dont les bulletins de paye postérieurs ne font nulle mention, renvoyant systématiquement aux dispositions légales ;

ALORS QUE d'une part la mention sur le bulletin de paie d'une convention collective emporte reconnaissance de l'application générale de cette convention dans les relations individuelles de travail sauf si le contrat de travail indique expressément que seules certaines clauses de la convention sont applicables ; qu'ainsi en l'espèce où jusqu'en décembre 1991 les bulletins de paie de M. X... faisaient mention de la convention collective de la publicité, la cour d'appel, en considérant que la mention dans le contrat de travail d'un coefficient 150 conformément à cette convention collective excluait qu'il soit fait une application générale de la convention collective, a violé les articles 1134 du code civil et R 143-2 du code du travail ;


ALORS QUE d'autre part l'application volontaire d'une convention collective a la valeur d'un usage qui ne peut être dénoncée qu'après une information préalable du salarié et des représentants du personnel ; qu'ainsi la cour d'appel, en considérant que M. X... ne pouvait plus revendiquer l'application de la convention collective de la publicité dès lors que le contrat de travail du ler janvier 1992 et les bulletins de paie postérieurs ne la mentionnent plus, sans constater que l'usage d'appliquer cette convention avait été régulièrement dénoncé, a violé les articles 1134 du code civil et L. 132-5 du code du travail.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débuté M. X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE la convention collective du commerce de la Réunion du 20 octobre 1982 n'étant pas applicable, son article 51, qui fait notamment obligation à l'employeur de mettre le salarié absent depuis 170 jours en demeure de reprendre son travail dans un délai de 10 jours avant de rompre les relations contractuelles, ne pouvait être utilement invoqué ;

ALORS QU'en se bornant à affirmer que la convention collective du commerce de la Réunion n'était pas applicable au sein de la société ICV Mascareigne, sans s'expliquer sur le champ d'application de cette convention, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION


Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité de congés payés ;

AUX MOTIFS QUE l'intimé soutient à tort qu'il avait droit, au 31 janvier 2002, à 35 jours de congés auxquels s'ajoutent les 25 jours acquis entre le 4 février et le 8 octobre 2002 période pendant laquelle il a été en congés maladie ; que son bulletin de paye de janvier 2002 indique certes qu'il avait alors acquis 35 jours, mention reprise sur les bulletins de février, mars, avril et mai 2002 ; les congés payés devant toutefois sauf cas particuliers dont aucun ne correspond à celui de l'espèce, être pris pendant la période de référence, et X... n'ayant pas été empêché de prendre les congés auxquels il avait droit dont il n'a jamais sollicité le report, ces droits étaient perdus à partir du 1er juin, raison pour laquelle la mention en cause a disparu des bulletins postérieurs ; au demeurant, Joseph X... ayant demandé à bénéficier (lettre du 16 janvier 2002), de 10 jours de congés à imputer sur ses congés 2002 (du 21 janvier au 31 janvier), ses droits ne pouvaient être, à la fin dudit mois, de 35 jours, étant rappelé que la durée totale du congé annuel ne peut, sauf disposition conventionnelle, excéder 30 jours par an... les droits à congé sont fonction du temps de travail effectif, notion excluant en principe, les périodes de suspension du contrat de travail dont celle de maladie non professionnelle ;


ALORS QUE la mention sur le bulletin de paie de congés acquis vaut reconnaissance par l'employeur qu'ils sont dus ; qu'ainsi en l'espèce où, les bulletins de paie de monsieur X... de janvier à mai 2002 mentionnaient 35 jours de congés acquis, la Cour d'appel en le déboutant de sa demande d'indemnité au motif que ces congés devaient être pris pendant la période de référence, a violé l'article L. 223-11 du code du travail et 1134 du code civil.