Aggrandir la taille du texteRéduire la taille du texte
Parution: mars 2021

1 - Le télétravail : le définir et le mettre en place

Définition du télétravail

1-1

Le télétravail est une forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux (ex. : au domicile du salarié ou dans des lieux tiers comme des bureaux en coworking) de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication (c. trav. art. L. 1222-9).

Cette forme d'organisation du travail est relativement récente dans la mesure où elle est liée au développement des technologies de communication.

Il peut y être recouru soit dès l’embauche, soit ultérieurement et ce, de façon régulière, occasionnelle ou en cas de force majeure ou de crise sanitaire (voir §§ 6-1 et s.).

Le télétravail peut prendre plusieurs formes : il peut être occasionnel (seulement quelques jours par an) ou régulier (un à plusieurs jours par semaine ou par mois) ; il peut être sédentaire (réalisé de façon permanente depuis le domicile privé ou un autre espace) ou nomade (n'importe quel lieu, comme c'est souvent le cas pour les commerciaux) ; il peut être formel ou informel.

Un salarié ne peut pas s'autoproclamer télétravailleur au motif qu’il manquerait d’espace sur son lieu de travail et qu’il doit consacrer une pièce de son domicile à son activité professionnelle (cass. soc. 17 février 2021, n° 19-13783 D). Un accord entre l’employeur et le salarié s’impose pour qu’une situation puisse caractériser le télétravail et permettre, le cas échéant, de solliciter des remboursements de frais à ce titre (voir §§ 5-1 et s.).

Réglementation du télétravail

Code du travail et deux accords nationaux interprofessionnels

1-2

Le télétravail relève à la fois :

-du code du travail dont les dispositions s’imposent à tous les employeurs (c. trav. art. L. 1222-9 à L. 1222-11 et L. 5213-6) étant rappelé que s’il y a lieu les dispositions du code du travail sur le travail à domicile doivent être appliquées (c. trav. art. L. 1222-9) ;

-de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005, obligatoire pour les employeurs relevant d’un secteur professionnel représenté par les organisations patronales signataires (Medef, CGPME, UPA devenus CPME et U2P) (étendu par arrêté du 30 mai 2006, JO du 9 juin), sous réserve toutefois d'un accord collectif d'entreprise qui en écarterait l'application, celui-ci primant notamment sur les ANI, à l'exception de certains domaines. Cet ANI concerne donc la très grande majorité des entreprises, puisque les activités non représentées par ces organisations patronales sont peu nombreuses ;

-de l'ANI du 26 novembre 2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail obligatoire pour les employeurs relevant d’un secteur professionnel représenté par les organisations patronales signataires (Medef, CPME, U2P) (étendu par arrêté du 2 avril 2021, JO 13 avril).

Pour en savoir plus sur la portée du nouvel ANI du 26 novembre 2020 voir § 3-24. Il n'abroge en rien l'ANI de 2005 excepté pour ses articles 2 et 3 qui posent les conditions d’accès au télétravail des salariés.

Dans l'arrêté d’extension relatif à l'ANI du 26 novembre 2020, le ministère du Travail émet une réserve d’interprétation concernant l’article 3.1.5 de l’ANI relatif aux frais professionnels. Cet article prévoit que les dépenses engagées par le salarié en télétravail, pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, sont prises en charge par l’entreprise « après validation de l’employeur ». Le ministère du Travail précise que la validation de l’employeur doit être interprétée « comme étant préalable, et non postérieure, à l'engagement des dépenses par le salarié ».

Pour rappel, l’obligation pour l’employeur de prendre en charge les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise est issue de la jurisprudence (cass. soc. 21 mai 2008, n° 06-44044, BC V n° 108). Elle s’applique pour toutes les situations de travail. Néanmoins, s’agissant du télétravail, le salarié doit avoir obtenu la validation préalable de l’employeur sur l’engagement des dépenses.

1-3

Contenu de l'ANI du 26 novembre 2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail

Avant de parvenir à l’ANI du 26 novembre 2020, les partenaires sociaux ont tiré les conséquences du télétravail massif et intégral mis en place durant le premier confinement (mars à mai 2020) lié à la crise sanitaire en élaborant un diagnostic partagé préalable.

L’objectif de ce diagnostic était « d’avoir une vision claire et approfondie de ce qu’ont vécu réellement les salariés et les entreprises au cours du confinement ».

L’accord finalement conclu a pour objectif de servir de référentiel et de rappeler en un même document le cadre juridique du télétravail, tout en apportant des précisions. Il se présente comme un outil d’aide aux entreprises pour négocier sur le télétravail.

L’ANI de 2020 rappelle :

-les règles de mise en place du télétravail ;

-les règles d’organisation du télétravail, en matière de durée de travail et de repos, de droit à la déconnexion et à la vie privée, d’équipement, de frais professionnels, de santé et sécurité.

L’ANI de 2020 traite aussi du management, et de la nécessité d’adapter les pratiques managériales, de former les managers.

Il fait aussi un point sur les situations particulières : nouveaux salariés, alternants, travailleurs handicapés ou ayant des problèmes de santé, aidants familiaux.

Il aborde aussi la question de la préservation du lien social et de la prévention de l’isolement.

Et bien sûr, il aborde la question de la continuité du dialogue social avec les représentants du personnel de l’entreprise.

C’est un accord très complet qui porte sur tous les aspects du télétravail dans l’entreprise. Mais c’est aussi un accord global, et c’est là son aspect novateur, puisqu’il traite non seulement du télétravail en période « normale », mais aussi du télétravail en période de circonstances exceptionnelles. L’ANI de 2020 a ainsi su tirer les leçons de la pandémie pour proposer aux entreprises des solutions permettant d’anticiper le recours au télétravail dans un tel contexte.

Réglementation liée à la crise sanitaire

1-4

Des dispositions spécifiques sur la pratique du télétravail ont été adoptées dans le cadre de la crise sanitaire liée au covid-19 (voir §§ 6-1 et s.).

Lors de cette crise le ministère du Travail a mis à la disposition des entreprises des informations et recommandations sur la pratique du télétravail présenté comme une obligation – et non pas une option – pour tous ceux pouvant exercer leurs fonctions à distance. Dans ce cadre, le temps de travail effectué en télétravail a même été porté jusqu'à 100 % au plus fort de la crise pour les salariés en mesure d'effectuer l'ensemble de leurs tâches à distance (« Télétravail en mode confiné : on vous guide ! » du ministère du Travail, du 1er décembre 2020 ; Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19 ; Questions-réponses sur le télétravail et déconfinement, voir www.travail-emploi.gouv.fr).

Rappelons que ces mesures, susceptibles de changements liés à l’évolution de la situation, ont néanmoins été jugées comme dénuées de force obligatoire. Pour le Conseil d'État, qui a été saisi à plusieurs reprises, le protocole édicte uniquement des « recommandations », de sorte qu'il n'a pas en lui-même de portée obligatoire. Pour autant, le juge a souligné que le protocole contenait des mesures concrètes permettant à l’employeur de mettre en œuvre son obligation légale de sécurité (CE 19 octobre 2020, n° 444809 ; CE 17 décembre 2020, n° 446797). Or l’obligation de sécurité implique que l’employeur doit pouvoir justifier avoir pris toutes les mesures de prévention nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés, tel le télétravail qui permet de limiter la contamination liée au covid-19 sur le lieu de travail.

En pratique, un employeur qui n'aurait pas en place le télétravail pendant la période de crise sanitaire, alors que son activité s’y prêtait pourrait voir sa responsabilité engagée au titre de son obligation de protéger la santé et d'assurer la sécurité de ses salariés. Par contre, sa responsabilité ne pourrait pas être engagée au seul motif qu’il n'a pas respecté le protocole sanitaire.

Mise en place du télétravail

1-5

Le télétravail peut être mis en place dans l’entreprise par le biais (c. trav. art. L. 1222-9) :

-d’un accord collectif (voir §§ 2-1 et s. et 3-1 et s.) ;

-ou, à défaut, d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique (CSE), s'il existe (voir §§ 4-1 et s.).

En l’absence d’accord collectif ou de charte, le télétravail peut être instauré de façon régulière ou occasionnelle par un accord entre le salarié et l’employeur (voir §§ 5-1 et s.).

Cette mise en place n’est pas en principe obligatoire.

Toutefois il peut être obligatoire de recourir au télétravail en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure. Dans cette hypothèse le recours au télétravail est considéré comme un aménagement du poste de travail permettant la continuité de l'activité de l'entreprise et garantissant la protection des salariés (c. trav. art. L. 1222-11) (voir §§ 6-1 et s.).

1-6

Le télétravail : à ne pas confondre avec le travail à domicile

Est un travailleur à domicile toute personne qui exécute, moyennant une rémunération forfaitaire, pour le compte d'un ou plusieurs établissements, un travail qui lui est confié soit directement, soit par un intermédiaire. Le chef d’établissement qui occupe un travailleur à domicile est alors un donneur d’ouvrage. Le statut du travailleur à domicile est régi par des dispositions spécifiques du code du travail (c. trav. art. L. 7411-1 à L. 7424-3).

En pratique, le travail à domicile, est une forme d’activité professionnelle exercée de manière indépendante. Dans ce mode de travail, le travailleur à domicile effectue ses tâches professionnelles selon ses disponibilités et à son gré. Par conséquent, il organise lui-même son emploi du temps suivant le nombre d’heures qui lui convient.

Le télétravail prend place en revanche dans le cadre d’une relation classique employeur-salarié (lien de subordination, salaire, durée du travail, etc.) même si le travail n’est pas nécessairement accompli sur le lieu de travail mais à domicile ou dans un autre lieu de coworking, en utilisant les technologies de l'information et de la communication.

Le télétravail est un simple mode d'organisation interne de l'entreprise permettant uniquement d’exercer son activité en dehors de l’entreprise au moyen des outils informatiques. Dans le cadre de ce travail, le salarié est toujours sous les ordres de son employeur et doit respecter un objectif journalier déterminé. En pratique, le télétravailleur a un statut juridique similaire aux salariés qui travaillent sur site, sauf qu’il effectue son travail ailleurs. De ce fait, il doit respecter le nombre d'heures de travail indiquées dans son contrat et les horaires de travail de l'entreprise. En contrepartie de son travail, il reçoit un salaire fixe chaque mois.