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Parution: mars 2021

4 - Adoption d’une charte sur le télétravail

Modalités d'adoption de la charte

À défaut d'accord collectif

4-1

La mise en place du télétravail au moyen d'une charte s'effectue « à défaut » d'accord collectif (c. trav. art. L. 1222-9).

À notre sens, cela signifie que, dans les entreprises dotées d'au moins un délégué syndical (DS), l'employeur est tenu au préalable de recourir à la négociation d'un accord collectif (voir § 2-1). En revanche, dans les entreprises non pourvues de DS, l'employeur n'est pas tenu d'ouvrir une négociation, y compris donc par la voie des modes alternatifs de négociation [avec les élus du comité social et économique (CSE) ou des salariés mandatés], et peut directement envisager l'élaboration d'une charte.

Le code du travail n'impose pas à l'employeur d'être couvert par un accord collectif ou une charte sur le télétravail. L'employeur peut tout à fait recourir au télétravail sans accord ou sans charte, de gré à gré avec le salarié (voir § 5-1).

Élaboration par l'employeur

4-2

La charte relative au télétravail est élaborée par l'employeur. Elle a valeur d'un engagement unilatéral de l'employeur. L'employeur peut librement la modifier, après avis du CSE (voir § 4-3).

Il peut également librement décider de mettre fin à la charte, sans obligation de justifier sa décision, sous réserve de dispositions contraires prévues dans la charte. Pour ce faire, il doit suivre la procédure de dénonciation similaire à celle de la dénonciation des usages.

Les modalités d'élaboration d'une charte sur le télétravail sont plus simples que celles d'un accord collectif (voir § 2-1). Cependant, à la différence d'un accord collectif, la charte ne peut pas déroger aux dispositions des ANI de 2005 et de 2020 (voir § 3-23), ni aux dispositions d'un accord de branche sur le télétravail éventuellement applicable.

Consultation préalable du CSE

4-3

La charte relative au télétravail est élaborée par l'employeur après avis du CSE, s'il existe (c. trav. art. L. 1222-9).

En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, l'employeur peut vouloir modifier la charte, par exemple pour l'adapter à un télétravail généralisé (voir § 6-3). Il doit à cet effet soumettre les modifications envisagées à l'avis préalable du CSE.

Effet de la charte sur la relation de travail

4-4

En principe, la mise en place du télétravail au moyen d'une charte ne saurait à elle seule modifier le contrat de travail du salarié. Dès lors, un document doit matérialiser le consentement du salarié. Toutefois, il n'est pas nécessaire d'établir un avenant au contrat de travail du salarié qui passerait en télétravail, sauf si la charte le prévoit (voir § 2-10).

Néanmoins, le salarié doit être d'accord pour passer en télétravail et il peut refuser le télétravail même s'il occupe un poste éligible au sens de la charte. Attention à ce que le document qui formalise l’acceptation du salarié ne contractualise pas le télétravail, ni le nombre de jours télétravaillés, ni les jours télétravaillés notamment en cas de dénonciation ou de révision de la charte. À l'inverse, l'existence d'une charte sur le télétravail ne permet pas au salarié d'imposer à l'employeur de passer en télétravail. Cependant, l'employeur est tenu de motiver son refus d'un passage en télétravail dans certains cas (voir §§ 2-12 et 3-6).

Ce principe de double volontariat est suspendu en cas de télétravail mis en place dans des circonstances exceptionnelles ou en raison d'un cas de force majeure (voir § 2-13).

Des dispositions particulières s'appliquent pour les salariés dont le contrat de travail, prévoyant le recours au télétravail, est antérieur à l'ordonnance du 22 septembre 2017 qui a réformé le télétravail. Si la charte sur le télétravail contient des dispositions contraires ou incompatibles avec celles du contrat de travail, elles s'y substituent sauf refus du salarié (voir § 2-11).

Contenu de la charte

Mentions légales obligatoires

4-5

La charte relative au télétravail doit comporter certaines mentions prévues par la loi (c. trav. art. L. 1222-9) :

-les conditions de passage en télétravail. Il s'agit ici de définir les conditions de recours au télétravail régulier ou occasionnel et les activités qui peuvent être télétravaillées (pour une méthode d’identification des activités télétravaillables voir §§ 10-1 et s.) ;

-les conditions de passage en télétravail en cas d’épisode de pollution de l’air ayant conduit le préfet à prendre des mesures pour en limiter l’ampleur et les effets ;

-les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail (période d'adaptation et réversibilité du télétravail) ;

-les modalités d'acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail, c'est-à-dire la formalisation de l'accord de l'employeur et du salarié pour le passage en télétravail (ex. : avenant au contrat, écrit, courriel, tout moyen) ;

-les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;

-la détermination des plages horaires durant lesquelles l'employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;

-les modalités d'accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail (voir § 4-6).

Il s'agit des mêmes clauses obligatoires que celles devant figurer dans l'accord collectif sur le télétravail. Pour plus de détails sur ces clauses, le lecteur peut se reporter à l'étude relative au contenu de l'accord collectif (voir §§ 3-1 à 3-12).

4-6

Le télétravail des personnes handicapées

Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur est tenu de s'assurer que le poste de travail des personnes handicapées est accessible en télétravail (c. trav. art. L. 5213-6). Si un accord collectif sur le télétravail est conclu dans l'entreprise ou, à défaut, si une charte est mise en place, ils doivent impérativement préciser les modalités d'accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail (voir § 4-5).

En l'absence d'accord collectif ou de charte, lorsque l'employeur s'oppose au passage en télétravail d'un travailleur handicapé, il doit obligatoirement motiver son refus, exigence qui n'est pas prévue pour les autres salariés (c. trav. art. L. 1222-9).

Mentions supplémentaires

4-7

Des mentions supplémentaires peuvent être insérées dans la charte sur le télétravail, notamment au regard des dispositions prévues par l'ANI du 19 juillet 2005 et l'ANI du 26 novembre 2020 (voir § 3-23), qui complètent les dispositions légales.

L'employeur qui est soumis à ces ANI ne peut pas prévoir dans la charte des dispositions contraires à ces deux textes.

L'ANI du 19 juillet 2005 a été étendu (arrêté du 30 mai 2006, JO 9 juin) et s’applique dans toutes les branches et entreprises entrant dans le champ de l’accord. Il en est de même pour l'ANI du 26 novembre 2020 depuis avril 2021 (arrêté du 2 avril 2021, JO du 13).

Les mentions supplémentaires qui peuvent être inscrites dans la charte sont par exemple :

-les modalités d'accès au télétravail pour certaines situations particulières (nouveaux embauchés, salariées enceintes, salariés en alternance, salariés ayant un problème de santé, aidants familiaux) (ANI du 26 novembre 2020, art. 4.3) ;

-la fréquence du télétravail (ex. : nombre de jours par semaine, par mois, par année) (ANI du 26 novembre 2020, art. 3.2) ;

-le lieu du télétravail (domicile habituel du salarié, autre habitation, autre site de l'entreprise, tiers-lieu) (ANI du 19 juillet 2005, art. 7 ; ANI du 26 novembre 2020, préambule) ;

-les équipements utilisés pour le télétravail (équipements fournis par l'entreprise, équipements personnels du salarié), leurs modalités et restrictions d'usage, ainsi que les règles relatives à la protection des données et à leur confidentialité (ANI du 19 juillet 2005, art. 5 et 7 ; ANI du 26 novembre 2020, art. 3.1.4) ;

-les modalités d'accès au lieu du télétravail afin d'en vérifier les conditions de santé et de sécurité (ANI du 19 juillet 2005, art. 8) ;

-les modalités de prise en charge des frais professionnels exposés par le salarié (ex. : versement d'une allocation forfaitaire d'un montant variant selon le nombre de jours télétravaillés) (ANI du 26 novembre 2020, art. 3.1.5 ; rapport relatif à l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017) ;

-les modalités d’utilisation des outils numériques par les représentants du personnel (notamment pour permettre la diffusion des PV du CSE, les communications du CSE et les communications syndicales) (ANI du 26 novembre 2020, art. 6.2) ;

-les conditions et modalités de mobilisation du télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure (ANI du 26 novembre 2020, art. 7.1).

Ces mentions supplémentaires sont aussi celles qui peuvent figurer dans l'accord collectif sur le télétravail. Pour plus de détails sur ces clauses, le lecteur peut se reporter à l'étude relative au contenu de l'accord collectif (voir §§ 3-13 à 3-22).

Mentions propres à la charte

4-8

Il est utile de préciser la durée d'application de la charte sur le télétravail, ainsi que ses modalités de révision et de dénonciation.

L'employeur peut aussi prévoir des modalités de suivi de la charte, incluant s'il le souhaite le CSE, permettant d'en évaluer la mise en œuvre pratique dans l'entreprise.

Information des salariés

4-9

Une fois la charte élaborée, l'employeur doit logiquement la rendre accessible aux salariés, soit par une information individuelle, soit par une information collective.

Il est également recommandé d'informer par écrit au salarié qui accède au télétravail régulier des conditions de mobilisation et de mise en œuvre de cette forme de travail, en fonction du lieu d’exercice du télétravail (ANI du 26 novembre 2020, art. 2.3.2). Ces informations peuvent notamment porter sur :

-la pratique du télétravail telles que le rattachement hiérarchique, les modalités d’évaluation de la charge de travail, les modalités de compte rendu et de liaison avec l’entreprise ;

-les modalités d’articulation entre télétravail et présentiel pour tenir compte notamment du maintien de la qualité du travail avec les autres salariés ;

-les équipements, leurs règles d’utilisation, leurs coûts et les assurances, etc. ;

-les règles de prise en charge des frais professionnels, telles que définies dans l’entreprise.

Dans tous les cas, le code du travail impose d'informer les salariés en télétravail de toute restriction à l'usage d'équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de ces restrictions (voir § 9-12) (c. trav. art. L. 1222-10). Par ailleurs, les salariés doivent être informés préalablement à la mise en place d'un dispositif de contrôle de leur activité (voir § 9-3) (c. trav. art. L. 1222-4).

Quiz Adoption d'une charte sur le télétravail

4-10

Testez vos connaissances !

Ce quiz vous permet de déterminer l’étendue de vos connaissances sur l'adoption d'une charte relative au télétravail.

QUESTIONS

1. L'employeur peut librement opter pour la négociation d'un accord collectif sur le télétravail ou la mise en place d'une charte.

Vrai / Faux

2. L'employeur peut librement mettre fin à la charte, sans avoir à justifier sa décision.

Vrai / Faux

3. L'employeur doit consulter le CSE avant de finaliser la charte.

Vrai / Faux

4. En présence d'une charte sur le télétravail, l'acceptation du salarié pour effectuer du télétravail n'est pas nécessaire.

Vrai / Faux

5. Le contenu de la charte sur le télétravail est librement élaboré par l'employeur.

Vrai / Faux

6. La charte sur le télétravail doit préciser les modalités d'accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail.

Vrai / Faux

7. L'employeur doit prévoir des modalités de suivi de la charte sur le télétravail permettant d'évaluer sa mise en œuvre pratique.

Vrai / Faux

RÉPONSES

1. L'employeur peut librement opter pour la négociation d'un accord collectif sur le télétravail ou la mise en place d'une charte.

Faux. Lorsque l'entreprise est dotée d'au moins un délégué syndical, l'employeur doit tenter de recourir à la négociation d'un accord collectif. Voir § 4-1.

2. L'employeur peut librement mettre fin à la charte, sans avoir à justifier sa décision.

Vrai, sauf si la charte prévoit des dispositions contraires. Pour ce faire, il doit suivre la procédure de dénonciation d'un usage. Voir § 4-2.

3. L'employeur doit consulter le CSE avant de finaliser la charte.

Vrai. La charte est élaborée après avis du CSE, lorsqu'il existe. Voir § 4-3.

4. En présence d'une charte sur le télétravail, l'acceptation du salarié pour effectuer du télétravail n'est pas nécessaire.

Faux. Même si le salarié occupe un poste télétravaillable au sens de la charte, l'employeur ne peut pas lui imposer le télétravail, sauf circonstances exceptionnelles ou force majeure. Voir § 4-4.

5. Le contenu de la charte sur le télétravail est librement élaboré par l'employeur.

Faux. Le code du travail fixe un minimum de clauses qui doivent être prévues dans la charte sur le télétravail. Voir § 4-5.

6. La charte sur le télétravail doit préciser les modalités d'accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail.

Vrai. Cette règle légale vaut aussi lorsqu'un accord collectif sur le télétravail est conclu. Voir § 4-6.

7. L'employeur doit prévoir des modalités de suivi de la charte sur le télétravail permettant d'évaluer sa mise en œuvre pratique.

Faux. Ce n'est pas une obligation mais une simple option. Voir § 4-8.