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Parution: mars 2021

5 - Télétravail d’un commun accord entre l’employeur et le salarié

Modalités du commun accord

Principe du double volontariat

5-1

Le télétravail revêt un caractère volontaire pour le salarié et l'employeur concernés (ANI pour une mise en œuvre réussie du télétravail du 26 novembre 2020, § 2.3.1).

À cet égard, lorsqu'un salarié informe l'employeur de sa volonté d'effectuer du télétravail, l'employeur peut librement accepter ou refuser sa demande.

Lorsqu'un accord ou une charte sur le télétravail existe, le refus de l'employeur doit être motivé si le salarié occupe un poste éligible au télétravail (voir § 5-15). Il en est de même lorsque le salarié est en situation de handicap ou est aidant proche (voir § 5-14) (c. trav. art. L. 1222-9).

Inversement, le salarié qui travaille déjà dans l'entreprise et à qui l'employeur propose du télétravail peut librement accepter ou refuser l'offre (voir § 5-11). En pratique, la donne n'est pas exactement la même lorsqu'il s'agit d'une embauche.

Un salarié à qui l'on aurait imposé de télétravailler à son domicile, et d'y installer ses dossiers et instruments de travail, après la suppression de son bureau, pourrait prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur au motif qu'il y aurait modification de son contrat de travail (cass. soc. 2 octobre 2001, n° 99-42727, BC V n° 292).

Ce principe du double volontariat ne permet pas à un salarié de s'autoproclamer télétravailleur sans accord préalable de l'employeur. Dans cette affaire, le salarié s’estimait en situation de télétravail au motif qu’il manquait d’espace sur son lieu de travail et qu’il devait consacrer une pièce de son domicile à son activité professionnelle. Il avait alors réclamé le remboursement des frais causés par cette activité à son domicile. La Cour de cassation ne lui a pas donné gain de cause en relevant qu'un accord entre l’employeur et le salarié s’impose pour qu’une situation puisse caractériser le télétravail et permette, le cas échéant, de solliciter des remboursements de frais (cass. soc. 17 février 2021, n° 19-13783 D).

Cas particulier des circonstances exceptionnelles et de la force majeure

5-2

En cas de circonstances exceptionnelles (ex. : menace d'épidémie), ou en cas de force majeure, le télétravail peut être imposé aux salariés pour les protéger et assurer la continuité de l’entreprise (c. trav. art. L. 1222-11), ce qui est précisément le cas dans le contexte de la crise sanitaire liée au covid-19.

À cet égard, en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure, le recours au télétravail peut être considéré comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. Dans ce cas, la décision relève du pouvoir de direction de l’employeur dans le respect des dispositions légales et réglementaires en vigueur (ANI du 26 novembre 2020, § 7).

Dans ces circonstances, le salarié ne peut pas refuser de télétravailler. L'employeur peut le lui imposer (Q/R « Télétravail en période de covid-19 », dans sa version actualisée du 25 mars 2021).

Mais, est-ce qu'à l'inverse, le télétravail devient alors un droit pour le salarié ? La décision reste entre les mains de l'employeur car, comme le relève le ministère du Travail dans son document questions / réponses sur le télétravail en période de covid-19, toutes les activités professionnelles ne peuvent pas être exercées à distance même si on a pu constater, dans le cadre de la pandémie, que la liberté de choix des employeurs avait d’une certaine façon quelque peu « disparu » avec la nécessité de s’appuyer sur le télétravail pour lutter contre la propagation du virus. L'employeur qui aurait refusé le télétravail dans ces circonstances à un salarié dont les fonctions le permettaient pourrait effectivement risquer de voir sa responsabilité engagée sur le terrain de la protection de la santé et de la sécurité des salariés (voir §§ 6-13 et s.).

Cas particulier du salarié pour qui le médecin du travail préconise le télétravail

5-3

Lorsque l'état de santé du salarié le nécessite, le médecin du travail peut préconiser un aménagement du poste de travail impliquant, le cas échéant, des jours de télétravail (c. trav. art. L. 4624-3). En cas de refus, l'employeur devra faire connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite (c. trav. art. L. 4624-6).

Même si, dans ces circonstances, le principe du double volontariat joue aussi, l'employeur n'a néanmoins pas la même liberté de choix.

Modalités de mise en place

Acter les échanges

Absence de formalisme pour un accord de gré à gré

5-4

En l’absence d’accord collectif ou de charte sur le télétravail applicable dans l’entreprise, aucun formalisme particulier n’est exigé qu’il s’agisse :

-de la demande du salarié de passer en télétravail ou de la proposition de l’employeur de télétravailler ;

-de la formalisation de l’accord entre le salarié et l’employeur.

Une demande de télétravail, de même que l’accord de l’employeur et du salarié sur le télétravail, peuvent être établis « par tout moyen », qu’il s’agisse de télétravail régulier ou de télétravail occasionnel (c. trav. art. L. 1222-9).

Par conséquent, il n’est pas obligatoire d’établir un avenant (sauf disposition le prévoyant dans un accord ou une charte), que ce soit dans une clause du contrat de travail initial ou dans un avenant ultérieur. Dans ce cas, il suffit que l’employeur et le salarié en conviennent et que leur accord soit constaté par un écrit, par un courriel, voire par oral. Mais pour des questions de preuve, il est recommandé de privilégier l’écrit (ANI du 26 novembre 2020, § 2.3.2).

L’ANI du 19 juillet 2005 impose un avenant (ANI du 19 juillet 2005, art. 2).

Respecter le formalisme exigé par l'accord ou la charte

5-5

Si le télétravail a été mis en place dans l’entreprise par un accord collectif ou par une charte, il convient de se référer à ces textes pour connaître le formalisme exigé. En effet, l’accord ou la charte doit préciser les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail (c. trav. art. L. 1222-9 ).

Circonstances exceptionnelles ou force majeure

5-6

La mise en œuvre du télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure ne nécessite aucun formalisme particulier (Q/R « Télétravail en période de covid-19 », dans sa version mise à jour le 25 mars 2021).

Informations transmises au salarié

5-7

Le salarié qui accède au télétravail régulier doit être informé par écrit des conditions de mobilisation et de mise en œuvre de ce télétravail en fonction de son lieu d’exercice. Les informations peuvent porter sur (ANI du 26 novembre 2020, § 2.3.2) :

-le cadre collectif existant (accord, charte) ;

-la pratique du télétravail (rattachement hiérarchique, modalités de compte rendu, modalités d’évaluation de la charge de travail, etc.) ;

-l’articulation entre télétravail et présentiel ;

-les équipements (règles d'utilisation, coûts, assurances, etc.) ;

-les règles de prise en charges des frais professionnels.

Bien que l'ANI pour une mise en œuvre réussie du télétravail du 26 novembre 2020 ne précise pas que l'employeur fournit ces informations par écrit au télétravailleur ponctuel, cela n'est pas pour autant exclu.

5-8

Acceptation télétravail [avenant (1)]

Entre les soussignés

La Société (l’Association) dont le siège social est à … représentée par Mme/M. … agissant en qualité de …

D’une part,

Et

Mme/M. … demeurant à …

D’autre part.

Préambule

Le présent document (avenant) est destiné à matérialiser l’acceptation des parties conformément aux dispositions de l’accord du … (de la charte du …) et ce conformément à l’article … dudit accord (de ladite charte).

Article 1. - Durée (2)

Le télétravail est accordé à Mme/M. … pour une durée de … (ou sans limite de durée). Il s’inscrit dans le cadre des dispositions précitées de l’accord d’entreprise (de la charte) et pourrait être renouvelé aux conditions définies dans son article …. Ces dispositions n’ayant pas valeur contractuelle, en tout état de cause, Mme/M. … reprendra son activité en présentiel dans l’entreprise si l’accord (la charte) venait à cesser de produire effet et ceci indépendamment des dispositions relatives à la réversibilité prévue dans l’accord d’entreprise (la charte).

Article 2. - Dispositions relatives au temps de travail

Mme/M. … pourra bénéficier du télétravail à raison de … jours par semaine soit les … (3).

Lors de ces jours de télétravail, les plages horaires de connexion sont définies ainsi qu’il suit :

 Lundi : de … à …

 Mardi : de … à …

 Mercredi : de … à …

En dehors de ces plages horaires, Mme/M. … devra se déconnecter afin de préserver son droit au repos.

Si l’accord (la charte) venait à être révisé ou dénoncé à l’effet de modifier le nombre de jours télétravaillables, le présent document (avenant) cessera de produire effet et soit Mme/M. … reprendra son activité en présentiel dans l’entreprise, soit selon les modalités définies par les nouvelles dispositions applicables, Mme/M. … poursuivra son activité en télétravail. Dans cette hypothèse, un nouveau document (avenant) formalisera l’acceptation des parties.

Article 3. - Autres dispositions

Les autres dispositions qui régissent les conditions relatives au télétravail dans l’entreprise sont celles conclues dans l’accord d’entreprise du … (la charte du …) sauf modifications ultérieures de ces dispositions.

Article 4. - Informations

À l’effet que Mme/M. … soit parfaitement informé du dispositif de télétravail mis en place dans l’entreprise, est annexé à ce document (avenant) l’accord d’entreprise (la charte) relatif au télétravail.

Fait à …, le …

En deux exemplaires.

Pour la Société (Association)

Pour Mme/M. …

(1) Selon ce que prévoit l’accord ou la charte. (2) Selon les dispositions de l’accord ou de la charte. (3) Selon les dispositions de l’accord ou de la charte.

Période d'adaptation

5-9

Le code du travail ne prévoit pas de période d’adaptation en cas de passage en télétravail. Et il n’impose pas à l’accord collectif ou à la charte sur le télétravail d’en prévoir une. Cependant, rien n’interdit à l’accord ou à la charte de prévoir une période d’adaptation.

De leur côté, les ANI de 2005 et de 2020 sur le télétravail prévoient une période d’adaptation en cas de passage au télétravail régulier.

L’ANI de 2020 précise ainsi qu’une période d’adaptation est aménagée pendant laquelle chacun peut mettre un terme au télétravail en respectant un délai de prévenance défini soit par l’accord, soit par la charte, soit de gré à gré entre l'employeur et le salarié, en fonction des règles applicables dans l'entreprise. Le salarié retrouve alors son poste dans les locaux de l’entreprise (ANI du 26 novembre 2020, art. 2.3.4).

En pratique il est utile de prévoir une période d’adaptation en cas de télétravail régulier afin de permettre à l’employeur et au salarié de s’assurer que le télétravail fonctionne bien.

Réversibilité du télétravail régulier

5-10

La réversibilité constitue le droit pour le salarié à un retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail. En pratique, cela va viser le télétravail régulier et non ponctuel.

Lorsqu’il existe un accord collectif ou une charte sur le télétravail dans l’entreprise, ce droit à la réversibilité fait partie des mentions obligatoires de l’accord ou de la charte. L’accord ou la charte doit ainsi fixer les conditions de retour au travail en présentiel (c. trav. art. L. 1222-10).

Ce droit à la réversibilité est aussi prévu par les ANI de 2005 et 2020 sur le télétravail.

L’ANI du 26 novembre 2020 nous indique ainsi que (ANI, art. 2.3.5) :

-si le télétravail faisait partie des conditions d’embauche : le salarié qui souhaite revenir en présentiel dispose d’une priorité d’accès à tout emploi vacant dans les locaux correspondant à sa qualification ;

-si le télétravail ne faisait pas partie des conditions d’embauche, mais qu’il a été mis en place ultérieurement, l’employeur et le salarié peuvent se mettre d’accord pour cesser le télétravail (l’initiative peut venir soit de l’employeur, soit du salarié).

Dans ce cas, le salarié retourne dans l’entreprise dans l’emploi tel qu’il est prévu dans son contrat de travail.

Dans tous les cas, le code du travail pose une obligation minimale (c. trav. art. L. 1222-10) :

-l’employeur doit donner une priorité au salarié en télétravail pour reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et ses compétences professionnelles ;

-pour que le salarié puisse utiliser cette priorité d’accès, l’employeur doit l’informer sur les postes disponibles.

Enfin, notons que, sans que le droit à la réversibilité soit exercé, le télétravail régulier n’empêche pas le retour ponctuel du salarié dans les locaux en cas de besoin particulier, que ce soit à la demande de l’employeur ou du salarié (ANI du 26 novembre 2020, art. 2.3.5).

Le retour à un emploi sans télétravail se fait dans les conditions fixées par l'accord collectif ou la charte. En leur absence, il est vivement conseillé de le prévoir dans l'accord employeur/salarié. Si rien n'est prévu, le renoncement au télétravail est une modification du contrat de travail qui suppose l'accord de l'employeur et du salarié (cass. soc. 12 février 2014, n° 12-23051, BC V n° 48).

Dénonciation de l’accord

5-11

En cas de dénonciation de l’accord ou de la charte, le télétravailleur reprendra ses fonctions dans l’entreprise, sous réserve que le télétravail n’ait pas été contractualisé. Or, quand le télétravail est formalisé par le consentement de gré à gré entre l’employeur et le salarié, cette situation risque d’aboutir à la contractualisation, ce qui – sauf si le télétravail a été consenti pour une durée limitée dans le temps – supposera l’accord du salarié pour y mettre un terme.

Quiz Télétravail d'un commun accord entre l'employeur et le salarié

5-12

Testez vos connaissances !

Ce quiz vous permet de déterminer l’étendue de vos connaissances sur le télétravail mis en œuvre d'un commun accord entre l'employeur et le salarié.

QUESTIONS

1. Le salarié peut s'autoproclamer télétravailleur, sans l'accord préalable de l'employeur.

Vrai / Faux

2. La mise en œuvre du télétravail implique, à la fois une volonté du salarié, mais aussi de l'employeur.

Vrai / Faux

3. L'employeur peut imposer le télétravail en cas de circonstances exceptionnelles.

Vrai / Faux

4. Le salarié dispose d'un droit au télétravail en cas de circonstances exceptionnelles.

Vrai / Faux

5. L'accord de l'employeur et du salarié sur le télétravail doit être formalisé.

Vrai / Faux

6. Le salarié ne dispose pas d'un droit au retour à un emploi sans télétravail.

Vrai / Faux

7. Le télétravail régulier n'exclut pas un retour ponctuel dans les locaux en cas de besoin particulier du salarié.

Vrai / Faux

RÉPONSES

1. Le salarié peut s'autoproclamer télétravailleur, sans l'accord préalable de l'employeur.

Faux. Aucune circonstance ne permet au salarié de se placer en télétravail sans l'accord préalable de l'employeur. Voir § 5-1.

2. La mise en œuvre du télétravail implique, à la fois une volonté du salarié, mais aussi de l'employeur.

Vrai. La mise en œuvre du télétravail est basée sur le principe du double volontariat, sauf circonstances exceptionnelles ou force majeure. Voir § 5-1.

3. L'employeur peut imposer le télétravail en cas de circonstances exceptionnelles.

Vrai. En cas de circonstances exceptionnelles, le télétravail peut être imposé aux salariés pour les protéger et assurer la continuité de l'activité de l'entreprise. Voir § 5-2.

4. Le salarié dispose d'un droit au télétravail en cas de circonstances exceptionnelles.

Faux. Même en cas de circonstances exceptionnelles, la décision de permettre le télétravail reste entre les mains de l'employeur. Voir § 5-2.

5. L'accord de l'employeur et du salarié sur le télétravail doit être formalisé.

Faux. En l'absence d'accord collectif ou de charte sur le télétravail, aucun formalisme particulier n'est exigé pour un accord de gré à gré. Voir § 5-4.

6. Le salarié ne dispose pas d'un droit au retour à un emploi sans télétravail.

Faux. Le droit à la réversibilité pour le salarié existe, selon certaines modalités. Voir § 5-10.

7. Le télétravail régulier n'exclut pas un retour ponctuel dans les locaux en cas de besoin particulier du salarié.

Vrai. À la demande de l'employeur ou du salarié, le salarié peut ponctuellement retourner dans les locaux de l'entreprise. Voir § 5-10.