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Parution: mars 2021

2 - Identifier les activités télétravaillables

Une identification en trois étapes

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Préalable à la mise en place du télétravail ou à la négociation d'un accord de télétravail, la détermination et l'identification des postes télétravaillables constituent une étape essentielle et incontournable. Il n'existe pas de liste officielle permettant d'identifier les postes éligibles au télétravail au sein d'une entreprise.

En premier lieu, rappelons que c’est l’accord collectif ou la charte qui fixent les critères à remplir pour être éligible au télétravail dans l’entreprise.

À défaut, l'entreprise devra identifier concrètement les activités qui peuvent faire l’objet de télétravail et non réfléchir globalement à partir des « métiers ». En effet pour des métiers qui paraissent a priori non « télétravaillables », une partie des activités de ceux-ci peut parfois s’effectuer en partie à distance dans le cadre du télétravail.

Pour aider les entreprises à cette identification et encadrer la question, le ministère du Travail a diffusé, le 1er décembre 2020 sur son site internet, un guide et une série d’infographies contenant les 7 mesures clés pour bien organiser et bien vivre le télétravail, dont notamment une consacrée à « identifier les activités télétravaillables ». Elles s’accompagnent de fiches conseils élaborées par l’Agence nationale des conditions de travail (Anact), qui fournissent de nombreuses recommandations. Le ministère du travail a également apporté des précisions sur l’identification de ces activités dans le Questions-réponses sur le télétravail en période de covid-19 (régulièrement mis à jour).

Le ministère du Travail conseille une méthode en 3 temps pour identifier les activités télétravaillables :

-lister les principales activités pour chaque fonction ou métier ;

-évaluer les freins ou difficultés éventuelles au télétravail pour chacune de ces activités pour l’entreprise, le client et le télétravailleur ;

-identifier si des moyens et conditions peuvent être réunis pour lever ces difficultés.

Pour identifier au mieux ce qu’il est réalisable ou non d'effectuer en télétravail, ce qui le rend possible, ce qui l'empêche, ce qui le facilite, ce qui le contraint, il est nécessaire au représentant de la direction de l'entreprise d'échanger et de discuter avec chaque salarié concerné sur l'ensemble des activités qu'il accomplit.

Pour aider concrètement les employeurs à développer le télétravail, les pouvoirs publics (ministère du travail et Anact) ont mis en place un dispositif « Objectif télétravail » destiné aux PME. En pratique, il permet aux employeurs de moins de 250 salariés de « bénéficier gratuitement de conseils et d’un accompagnement » pour organiser le télétravail en période de crise. Ce dispositif a pour but d'aider les entreprises notamment sur le repérage des activités réalisables en télétravail. Pour en bénéficier, les employeurs doivent demander à être contactés (formulaire sur https://www.anact.fr/objectifteletravail). Bien entendu, les employeurs peuvent aussi se tourner vers les professions du conseil juridique et leur conseil habituel (avocats, experts-comptables, etc.), en particulier pour élaborer une charte ou un accord de télétravail.

Raisonner en termes d'« activité » plutôt qu'en « métier »

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Le ministère du Travail propose une méthode pour repérer les tâches télétravaillables, en tout ou partie, en recommandant de procéder activité par activité et non à partir des « métiers », ce en associant les salariés (Q/R « Télétravail »). De même, l’Anact préconise d’éviter de raisonner en termes de « métier », mais plutôt en termes « d’activité » et pose le constat suivant : il n’est pas nécessaire qu’un métier soit entièrement télétravaillable pour qu’un salarié puisse avoir accès au télétravail.

Ainsi, pour détecter si une activité est télétravaillable ou non, en tout ou partie, il s’agit tout d’abord pour chaque fonction ou métier dans l’entreprise, de lister les activités qui lui sont associées et de décortiquer ces activités. L’idée est bien de détailler chaque activité, prioritaire ou non, et de mettre en avant celles qui pourraient être effectuées en télétravail.

L’Anact donne l’exemple de techniciens de service maintenance : « Il est possible d’identifier avec eux des activités de back office, de suivi des réclamations ou encore l’organisation de partage des pratiques en visioconférence entre les plus expérimentés et les nouveaux ».

Plus généralement le ministère du Travail donne des exemples d'activités pouvant s'organiser en télétravail : renseigner le public, réaliser des enquêtes, faire du support informatique, de la gestion de projet, des achats, réaliser des supports de communication, traiter des dossiers en retard, développer des projets, etc. En revanche, le télétravail n’est en général pas un mode d’organisation applicable pour les activités attachées à des lieux ou des personnes, qui impliquent de se rendre sur des lieux spécifiques par exemple pour inspecter, nettoyer, installer, réparer ou utiliser des outils et machines ou encore s’occuper de personnes ou d’animaux (Q/R « Télétravail »).

Dans une instruction destinée à l’Inspection du travail, la Direction générale du travail donne aussi l’exemple de fonctions managériales nécessitant une présence minimale sur site pour encadrer des équipes dont les activités ne sont pas réalisables à distance. À l’inverse, vouloir organiser des réunions, même managériales, ne peut justifier de ne pas télétravailler dès lors que ces réunions peuvent facilement être organisées en visio ou audio-conférence (instr. DGT du 3 novembre 2020, § 1.1).

En l'absence d'accord ou de charte, il est à notre sens recommandé de formaliser l'identification des activités télétravaillables. Ainsi, par exemple dans le cadre de la crise sanitaire, l'employeur peut apporter la preuve de ses démarches visant à prévenir les risques liés au covid-19, par exemple, en cas de contrôle de l'inspection du travail (c. trav. art. L. 8113-5). L'employeur pourrait motiver l'absence de télétravail par la nature même des activités (Q/R « Télétravail »), mais aussi, à notre sens, par des considérations techniques, financières ou encore organisationnelles.

Évaluer les freins au télétravail

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Une fois les activités potentiellement télétravaillables identifiées, l'employeur ou le DRH doit prendre le temps de lister les éventuelles complications ou difficultés liées à la mise en place du télétravail.

L’Anact a identifié plusieurs freins possibles, dont : le manque d’équipement ou un équipement inadapté au travail chez soi, une difficulté de la part du salarié à maîtriser efficacement les outils numériques, un espace inadapté, l'absence d'accès au serveur à distance, la faible qualité du réseau internet, un manque de confiance de la part du management, une appréhension des managers concernant l’efficacité, la production et la fiabilité des collaborateurs vis-à-vis des tâches à effectuer, l'inquiétude sur le non-respect de la confidentialité des données, la croyance dans laquelle certains métiers ne sont pas compatibles avec le télétravail, une réticence de la part de l'entreprise à fournir ou à acheter du matériel à fournir ou faire face aux scepticismes de certains clients ou partenaires et à préserver les relations avec les clients.

L’objectif est de trouver les solutions qui peuvent être apportées pour lever ces freins.

Lors de l'évaluation des freins au télétravail, l'employeur doit rechercher les moyens à mettre en œuvre pour lever ces freins (équipement, outils numériques, etc.) et peut prévoir si besoin un plan d’investissement.

Identifier les moyens pour lever les freins

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Suite à cette évaluation, l'entreprise doit alors identifier si des moyens et conditions peuvent être réunis pour lever les difficultés décelées à l'émergence du télétravail.

Il pourra s'agir, par exemple, de mise à disposition de matériel de travail, d'installation de connexion sécurisée, d'ouverture de salles de visioconférence, de définir les modalités et des plages de disponibilité pour les clients, les collègues et les managers, de mise en place de formation à distance à l’usage de nouveaux outils numériques, etc.

Si l’employeur veut mettre en place un accord ou une charte d’entreprise sur le télétravail, ce travail d’identification doit être, bien entendu, réalisé dans le cadre du dialogue social et de la concertation avec les représentants du personnel.

Exemples de clauses identifiant les activités

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Accords collectifs d'entreprise relatifs au télétravail : extraits

Les exemples de clauses ci-après sont issus des accords relatifs au télétravail de l’UES Aviva France du 30 mai 2020, d'AXA Partners SAS du 16 juin 2020 et de Jeumont Électric du 2 juillet 2020 (www.legifrance.gouv.fr).

Salariés et activités éligibles au télétravail (1)

Exemple : « Tous les salariés étant liés, soit par un contrat à durée déterminée de plus de 6 mois, soit par un contrat de travail à durée indéterminée avec l’une des sociétés (…) Ces collaborateurs doivent (…) travailler au sein d’un service dont les contraintes (…) n’empêchent pas la mise en place du télétravail (…). Les contrats en alternance (…) ainsi que les stagiaires sont exclus du champ d’application sauf en cas de circonstances exceptionnelles (pandémie…) » (accord Aviva, art. 1).

Exemple : « Le télétravail est soumis au double volontariat du salarié et de l’entreprise. Il est accessible aux collaborateurs qui répondent notamment aux critères suivants : volontaires, justifiant d’un an d’ancienneté (…). Ce mode d’organisation est destiné aux collaborateurs dont les activités sont compatibles avec une organisation sous forme de télétravail et qui répondent notamment aux critères suivants : compatibilité avec l’activité (…) » (accord AXA, art. 4-2).

Exemple : « Le télétravail est ouvert aux activités (...) pouvant être exercées à distance, notamment aux activités suivantes : commercial, projets - achats, partiellement le BE et R&D (...), finance, juridique - informatique, direction, RH, marketing. Ne sont pas éligibles au télétravail, les activités qui répondent à l’un des critères suivants : métiers de la production (...) » (accord Jeumont Électric, art. 2).

(1) Ce type de clause n’est pas visé par le code du travail (c. trav. art. L. 1222-9) mais recommandé en pratique, tous les postes n’étant pas « télétravaillables ». Plutôt que de définir des métiers et fonctions susceptibles d’être télétravaillables, les négociateurs peuvent s’entendre de façon paritaire sur les critères d’éligibilité aux activités télétravaillables.