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Parution: septembre 2024

1 - Racheter une entreprise

La reprise d’entreprise est, par excellence, le terrain d’élection de la société holding

Consistant à acquérir la cible au moyen d’un endettement contracté par une telle société interposée, la technique bien connue du LBO (leverage buy out) présente d’importants atouts par rapport à un achat en direct

Sa mise en œuvre permet de bénéficier de forts effets de leviers à la fois juridiques, fiscaux et financiers

Quelles problématiques ?

Celui qui veut se rendre acquéreur d’une société cible se trouve quasi immanquablement confronté à deux problématiques particulières.

Première problématique : comment prendre le contrôle de cette cible en minimisant son investissement ?

La prise de contrôle d’une société cible passe nécessairement par l’acquisition de plus de la moitié du capital de celle-ci, ou tout au moins, de plus que la moitié de ses droits de vote. Un objectif souvent difficile à atteindre par une personne physique par ses seules disponibilités financières et capacités d’endettement personnelles.

Deuxième problématique : comment alléger le coût fiscal de son investissement ?

La personne physique acquérant en direct les titres d’une société cible se heurterait à deux obstacles pour faire face au remboursement de l’emprunt contracté à cette fin.

-Le premier résiderait dans la fiscalité alors applicable aux dividendes perçus de la société-cible et ayant normalement vocation à lui permettre d’effectuer ce remboursement. En effet, compte tenu de la fiscalité applicable aux revenus de capitaux mobiliers perçus par les personnes physiques - 12,8 % d’impôt proprement dit plus 17,2 % de prélèvements sociaux -, ces dividendes se trouveraient amputés de 30 %.

-Le second obstacle tiendrait aux restrictions apportées à la déductibilité fiscale des intérêts de l’emprunt contracté pour financer l’opération.

Les intérêts des emprunts contractés par une personne physique pour acquérir des titres d’une société soumise à l’IS ne sont en aucun cas admis en déduction des dividendes qu’elle perçoit de la société concernée. S’ils sont en revanche susceptibles d’être déduits des rémunérations qui lui sont versées par cette société, cette possibilité est strictement encadrée par la législation.

Aux termes de l’article 83, 3° du CGI, les intérêts admis en déduction des rémunérations sont ceux qui correspondent à la part de l’emprunt « dont le montant est proportionné à la rémunération annuelle perçue ou escomptée au moment où l’emprunt est contracté ». À titre de règle pratique, le montant des intérêts déductibles est présumé correspondre à ceux dus pour la part de l’emprunt qui n’excède pas le triple de la rémunération perçue ou escomptée.

Un salarié acquiert des titres de la société pour laquelle il travaille pour un montant de 800 000 euros, financé à hauteur de 200 000 euros par un apport personnel et à hauteur de 600 000 euros par un emprunt représentant 18 000 euros d’intérêts au titre d’une année donnée. Sa rémunération se monte à 120 000 euros.

-Part de la rémunération annuelle correspondant à la part de l’acquisition financée par l’emprunt : 120 000 x 600 000/800 000 = 90 000 euros

-Part de l’emprunt prise en compte : 90 000 x 3 = 270 000 euros

-Montant des intérêts déductibles : 18 000 x 270 000/600 000 =  8 100 euros, soit 45 % seulement du montant des intérêts effectivement supportés.

Il convient en outre de spécifier que, dans le cadre du dispositif de l’article 83, 3° du CGI, la prise en compte des intérêts d’emprunts s’opère selon les règles prévues pour les frais professionnels. Elle implique donc, de la part du contribuable, une renonciation à la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels (plafonnée à 14 171 euros pour 2023) et une option pour la déduction des frais réels. C’est ainsi que, pour un salarié dont les frais professionnels consisteraient uniquement en des intérêts d’emprunts contractés pour l’acquisition de titres de la société qui l’emploie, l’avantage lié à l’option pour les frais réels se limiterait à la fraction de ces intérêts excédant 10 % du montant de sa rémunération (ou 14 171 euros si cette dernière excède 141 710 euros).

Au total, le régime de l’article 83,3 ° du CGI, propre aux intérêts des emprunts contractés par une personne physique en vue d’acquérir les titres d’une société dans laquelle elle est appelée à exercer des fonctions, se révèle d’une portée toute relative.

La situation est toute différente si, au lieu de titres d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés du type SARL ou société par actions simplifiée, l’acquisition réalisée par une personne physique porte sur des titres d’une société de personnes (par exemple, une société en nom collectif). Les intérêts de l’emprunt contracté par l’intéressé pour réaliser son opération sont en ce cas déductibles sans limitation de sa quote-part des bénéfices de la société.

Les techniques mises en œuvre

Acte 1 : Constitution d’une holding de rachat

Selon les circonstances, cette société est créée à l’initiative soit d’un repreneur unique, soit d’un repreneur accompagné de membres de l’équipe managériale de la société cible. Des investisseurs extérieurs (fonds d’investissement ou business angels) peuvent éventuellement être associés au capital.

À cette occasion, des apports en numéraire pouvant représenter par exemple 20 % de la valeur des titres dont le rachat est projeté et constituant les fonds propres de la nouvelle société sont réalisés par les différentes parties prenantes, le financement du solde étant assuré par des emprunts.

En s’associant avec des partenaires et en utilisant éventuellement les outils offerts par le droit des sociétés qui permettent de moduler les droits, notamment financiers, des différentes parties prenantes (actions de préférence, pactes d’associés…), le repreneur pourra amplifier considérablement son contrôle de la société cible par rapport à ce qu’il aurait pu obtenir en mobilisant ses seules disponibilités financières et capacités d’endettement personnelles.

Il suffira à un investisseur de détenir 51 % du capital de la société holding détenant elle-même 51 % du capital de la société cible pour exercer le contrôle de celle-ci.

Cet objectif pourra donc être atteint par l’intéressé en mobilisant des capitaux deux fois inférieurs à ce qui aurait été nécessaire en cas d’acquisition en direct des titres de la cible.

Acte 2 : Option de la société holding pour le régime des sociétés mères et filiales

Subordonnée à la condition qu’elle détienne au moins 5 % du capitale de la société cible, cette option permettra à la société holding de bénéficier d’une fiscalité ultra-privilégiée pour les dividendes qui lui seront versés par cette dernière : les dividendes en question ne supporteront l’impôt sur les sociétés que sur 5 % de leur montant (« quote-part de frais et charges »).

Acte 3 : Mise en place par la société holding d’un financement de l’acquisition des titres de la société cible

Le financement du coût d’acquisition des titres nécessaire pour compléter les apports en numéraire des associés sera assuré par un prêt bancaire (dette « senior ») auquel pourront s'ajouter des emprunts subordonnés (dette « junior ») n’offrant pas les mêmes garanties de remboursement aux prêteurs.

La dette « senior » consiste en un emprunt bancaire amortissable comportant une ou plusieurs tranches et dont le remboursement est garanti par un nantissement pris sur les titres de la société holding.

Permettant de bénéficier de l’effet de levier financier au-delà de ce que les banques acceptent de prêter, la dette « junior » ou dette subordonnée est ainsi nommée car son remboursement n’intervient que si la dette « senior » a elle-même été remboursée. Elle peut prendre la forme d’émission d’emprunts obligataires classiques ou bien d’obligations convertibles en actions (OCA) ou d’obligations avec bons de souscription d’actions (OBSA). Forme de financement intermédiaire entre les apports de fonds propres et le crédit bancaire classique, la dette « junior » est couramment appelée dette « mezzanine ».

Sous certaines restrictions, les charges financières occasionnées par ces différentes dettes sont déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés de la société holding (voir focus « Charges financières supportées par la société holding : quelles limites de déduction ? », page 26).

Acte 4 : Versement par la société cible de dividendes à la société holding

Ces dividendes seront générés par le résultat d’exploitation courant de la société cible, mais aussi, le cas échéant, par le produit de la vente de certains éléments d’actif de celle-ci.

Compte tenu de l’option de la société holding pour le régime des sociétés mères et filiales, les dividendes ne seront compris dans son résultat imposable que pour 5 % de leur montant (« quote-part de frais et charges »). Sachant que, par ailleurs, la holding sera amenée à comptabiliser des charges financières parfois très significativement importantes, son résultat pourra se révéler lourdement et durablement déficitaire. C’est ici que ressort tout l’intérêt, chaque fois qu’elle est possible (détention par la société holding d’une participation supérieure à 95 % dans la société cible), de l’option pour le régime de l’intégration fiscale. Faisant de la société holding la redevable unique de l’impôt sur les sociétés, cette option permettra d’opérer une compensation entre ses résultats déficitaires et les résultats bénéficiaires de la société-cible et ainsi d’effacer une partie des bénéfices imposables de cette dernière.

Acte 5 : Remboursement par la société holding de ses différentes dettes grâce aux dividendes provenant de la société cible

Outre les distributions de dividendes, ce remboursement pourra, le cas échéant, être partiellement assuré par les frais de siège versés par la société opérationnelle.

À cette échéance, une fusion entre les deux structures pourra éventuellement être envisagée.

Conclusion

L’inventaire des atouts dont dispose la société holding dans une optique de prise de contrôle d’une société cible est impressionnant. Ils tiennent principalement, d’une part, à l’effet démultiplicateur de la société holding permettant à l’investisseur d’opérer une prise de contrôle dans des conditions optimales et, d’autre part, à une fiscalité ultra-privilégiée applicable aux dividendes permettant le remboursement des emprunts contractés pour financer l’opération.