3 - Le régime des apports-cessions
(CGI art. 150-0 B ter et 200 A, 2 ter-a)
Source à consulter : BOFiP-RPPM-PVBMI-30-10-60 à RPPM-PVBMI-30-10-60-40
Ce régime permet à qui veut céder son entreprise de parer, au moins provisoirement, à une imposition au titre des plus-values
Et parfois d’y échapper définitivement si certaines conditions sont respectées
En quoi consiste-t-il ?
Le régime des apports-cessions consiste en un report d’imposition des plus-values constatées à l’occasion de l’apport de titres réalisé par une personne physique (ou par une société interposée) à une société qu’elle contrôle.
Les plus-values réalisées lors d’apports de titres réalisés à une société non contrôlée par l’apporteur relèvent du régime du sursis d’imposition prévu par les articles 150-0 B et 150-0 D, 9 et 10 du CGI. Différence : dans le cadre du régime du sursis, le différé d’imposition n’est pas susceptible d’être remis en cause en cas cession, par la société bénéficiaire des apports, des titres qui lui avaient été apportés.
L’apporteur est réputé contrôler la société bénéficiaire des apports dans trois cas distincts :
-Soit lorsqu’il détient directement ou indirectement, ou par l’intermédiaire de son groupe familial, la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société bénéficiaire des apports. Le groupe familial comprend son conjoint (ou partenaire d’un Pacs), leurs ascendants et descendants et leurs frères et sœurs ;
-Soit lorsqu’il dispose seul de la majorité des droits de vote et des droits dans les bénéfices sociaux de cette société en vertu d’un pacte d’associés ou d’actionnaires ;
-Soit lorsqu’il exerce en fait le pouvoir de décision dans cette société. Aux termes des dispositions légales, il est présumé exercer ce contrôle lorsqu’il dispose, directement ou indirectement, d’une fraction des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux égale ou supérieure à 33,33 % et qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détient, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne.
Enfin, l’apporteur et une ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérés comme contrôlant conjointement la société lorsqu’ils déterminent en fait les décisions prises en assemblées générales.
Les plus-values constatées à l’occasion de l’apport (différence entre la valeur des titres reçus en contrepartie de l’apport et celle des titres apportés) deviennent en tout état de cause imposables en cas de cession par l’apporteur des titres reçus en rémunération de son apport.
En principe, ces plus-values deviennent également imposables en cas de cession par la société bénéficiaire de l’apport des titres qui lui ont été apportés.
L’imposition de la plus-value d’apport établie au nom de l’apporteur des titres (impôt proprement dit et prélèvements sociaux) est dans chaque cas strictement identique à celle qui aurait été due en l’absence de report d’imposition. Selon l’expression couramment utilisée, cette imposition est « figée » à la date de l’apport.
Pour rappel, les plus-values sur valeurs mobilières supportent actuellement le prélèvement forfaitaire unique de 12,8 % ainsi que les prélèvements sociaux applicables aux revenus du patrimoine (17,2 % au total actuellement), le contribuable ayant toutefois la possibilité d’opter pour leur assujettissement à l’impôt sur le revenu calculé selon le barème progressif en lieu et place du prélèvement forfaitaire unique.
Une cession des titres par la société bénéficiaire de l’apport aura également pour conséquence une imposition de celle-ci sur la plus-value réalisée à cette occasion (différence entre le prix de cession des titres et leur valeur d’apport). Cependant, les conditions d’application du régime des plus-values à long terme sur titres de participation (« niche Copé ») étant supposées remplies, les plusvalues en question ne donneront prise à l’impôt sur les sociétés qu’à hauteur de 12 % de leur montant.
Quels avantages procure-t-il ?
Si, comme on vient de le voir, une cession des titres ayant fait l’objet de l’apport met en principe fin au report d’imposition, de nombreuses et importantes exceptions sont prévues à cet égard par la législation :
-Tout d’abord, une cession de ces titres ne met pas fin au report d’imposition des plus-values constatées à l’occasion de l’apport des titres dans le cas où elle intervient plus de trois ans après cet événement ;
-En second lieu, même dans le cas où elle intervient avant la fin de ce délai de trois ans, une cession des titres ne met pas fin au report d’imposition dans le cas où au moins 60 % du produit de la cession des titres fait l’objet d’un « réinvestissement économique ».
En pratique, dans chaque cas - revente des titres après le délai de trois ans ou avant le délai de trois ans mais avec « réinvestissement économique » du produit de la cession -, les plus-values demeurent en report d’imposition. Elles ne sont alors susceptibles de donner lieu à taxation qu’en cas de cession par l’apporteur des titres reçus en rémunération de son apport (titres de la société holding).
Selon l’administration, même lorsque cette opération est motivée par des pertes, la réduction de capital de la société bénéficiaire de l’apport par annulation des titres reçus en rémunération de cet apport met fin au report d’imposition (réponse Woerth, JOAN 29 août 2023, n° 7128).
Quelle est son utilité ?
L’objectif recherché par le contribuable optant pour la solution de l’apport de ses titres à une société holding en lieu et place d’une cession directe est d’en soustraire les plus-values à l’impôt. Les contreparties ne sauraient cependant être sous-estimées. Sauf cession de ses titres de la holding – ce qui entraînerait une taxation immédiate de sa plus-value d’apport – le contribuable ne dispose que des revenus de son capital, et non de ce capital lui-même qui reste captif dans la holding. Aussi le recours à cette solution se justifie essentiellement pour les dirigeants souhaitant opérer une reconversion professionnelle.
Quelles sont les conditions à remplir ?
Comme on l’a vu, la cession, par la société bénéficiaire des apports, des titres qui lui ont été apportés n’entraîne aucune remise en cause du différé d’imposition des plus-values d’apport dans deux cas distincts :
-Dans le cas où cette vente a lieu plus de trois ans après l’apport des titres ;
-Et dans le cas où, cette vente ayant lieu moins de trois ans après l’apport, le produit de la vente fait l’objet d’un « investissement économique ».
La société bénéficiaire des apports doit s’engager à procéder, dans un délai maximum de deux ans à compter de la cession des titres, à un réinvestissement de 60 % du produit de cette vente :
1 - Soit dans l’acquisition de moyens d’exploitation permanents affectés à sa propre activité commerciale, industrielle, libérale, agricole ou financière (équipements, biens immobiliers…) ;
2 - Soit dans l’acquisition de titres d’une société exerçant une activité éligible (activité commerciale, industrielle, libérale, agricole ou financière), cette acquisition ayant pour effet de lui conférer le contrôle de cette société ;
3 - Soit dans la souscription en numéraire au capital ou à l’augmentation de capital d’une société exerçant une activité éligible (activité commerciale, industrielle, libérale, agricole ou financière), soumise à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ;
Les biens ou les titres susvisés doivent être conservés par la société pendant une durée minimale de douze mois à compter de leur inscription à son actif.
4 – Soit, enfin, dans la souscription de parts ou actions de fonds communs de placement à risques (FCPR), de fonds professionnels de capital investissement (FPCI), de sociétés de capital-risque (SCR), de sociétés de libre partenariat (SLP) et d’organismes similaires établis dans d’autres États de l’espace économique européen.
1 - L’engagement de souscrire des parts ou actions de ces organismes doit être pris par la société dans les deux ans qui suivent la cession des titres qui lui avaient été apportés. Cependant, un délai de cinq ans à compter de cet engagement est fixé par la loi pour procéder au versement effectif des sommes correspondant aux souscriptions.
2 – Les parts ou actions souscrites doivent être conservés par la société jusqu’à la fin du délai de cinq ans susvisé.
Quelles formalités déclaratives ?
Diverses formalités déclaratives doivent être respectées par le contribuable au titre de l’année au cours de laquelle l’apport est intervenu, au titre de chacune des années suivantes, tant que la plus-value d’apport reste en report d’imposition, et au titre de l’année d’expiration du report.
De son côté, en cas de cession dans un délai de trois ans des titres qui lui ont apportés, la société bénéficiaire de l’apport doit joindre à sa déclaration de résultat une attestation mentionnant, le cas échéant, son engagement de procéder à un réinvestissement économique du prix de cession.
Quelles limites ?
Le but de la réforme du régime du différé d’imposition des plus-values d’apport intervenue en décembre 2012 a été d’offrir « davantage de lisibilité et de visibilité aux contribuables ». De fait, compte tenu de règles du jeu désormais strictement définies (notamment en ce qui concerne la nature des réinvestissements permettant de conserver le bénéfice du différé d’imposition), ces derniers sont aujourd’hui beaucoup moins exposés à l’écueil d’un reproche d’abus de droit qu’ils ne pouvaient l’être auparavant.
Précisons cependant qu’une utilisation très particulière, du régime du report d’imposition a été incluse par l’administration dans sa Carte des pratiques et montages abusif (juin 2022)