1 - Le régime des sociétés mères et filiales
(CGI art. 145 et 216)
Source à consulter : BOFiP-IS-BASE-10-10 à IS-BASE-10-10-20
Ce régime constitue la pierre angulaire de la plupart des montages reposant sur la mise en place d’une société holding
Entraînant pour cette dernière une quasi-exonération d’impôt sur les dividendes remontant de ses filiales, il lui facilite grandement le remboursement des emprunts qu’elle a contractés pour réaliser ses prises de participation dans celles-ci
En quoi consiste-t-il ?
Les dividendes perçus par les sociétés soumises à l’IS sont en principe soumis au régime de droit commun des résultats d’exploitation et doivent donc être intégrées pour leur montant total dans l’assiette de l’impôt calculé au taux normal.
Par exception, dans le cas où elle opte pour le régime mère-fille, une société mère bénéficie d’une exonération d’impôt pour les dividendes qu’elle reçoit de ses filiales hormis une quote-part de frais et charges égale à 5 % de leur montant. Cette quote-part de frais et charges est censée représenter les frais afférents à la gestion des participations ouvrant droit au régime de faveur (frais qui ne peuvent donner lieu à déduction dès lors qu’ils se rapportent à des éléments d’actif dont les revenus sont exonérés d’impôt).
En pratique, les dividendes perçus par la société mère sont :
-dans un premier temps, retranchés des bénéfices de la société pour leur montant total ;
-puis, dans un second temps, réintégrés dans ces mêmes bénéfices pour 5 % de leur montant (quote-part de frais et charges).
Le bénéfice d’une société holding, qui entre autres produits a perçu 180 000 euros de dividendes de sa filiale, se monte à 300 000 euros.
Sur sa liasse fiscale (ligne XA du tableau n° 2058 A), la société holding déduira 100 % des 180 000 euros de dividendes puis réintégrera 5 % de cette somme, soit 9 000 euros (quote-part de frais et charges).
Son résultat fiscal se montera donc à 300 000 – 180 000 + 9 000 = 129 000 euros.
Dans la mesure où la holding satisfait aux conditions pour bénéficier du taux d’IS de 15 % à hauteur de 42 500 euros de bénéfices (*), son impôt se limitera à (42 500 x 15 %) + (86 500 x 25 %) = 28 000 euros.
En l’absence d’option pour le régime des sociétés mères et filiales (imposition sur la base de 300 000 euros de bénéfices), cet impôt se serait élevé à (42 500 x 15 %) + (257 500 x 25 %) = 70 750 euros.
L’option pour ce régime aura donc permis à la société holding de réaliser une économie d’impôt de 70 750 – 28 000 = 42 750 euros.
(*) Chiffre n’excédant pas 10 millions d’euros, capital entièrement libéré et détention de celui-ci à hauteur de 75 % par des personnes physiques ou par des sociétés remplissant les deux premières conditions.
Il est à noter que l’exonération des dividendes de la filiale peut avoir pour effet de rendre déficitaires les résultats de la société mère. Une telle situation aura d’autant plus de chances de se produire que les dividendes perçus de ses filiales représenteront une part importante de ses produits d’exploitation. Comme l’administration a eu l’occasion de le préciser, le déficit correspondant peut faire l’objet d’un report dans les conditions habituelles.
Le taux de la quote-part de frais et charges est ramené à 1 % seulement pour les dividendes perçus de sociétés faisant partie d’un groupe fiscalement intégré.
Quels avantages procure-t-il ?
L’option pour le régime des sociétés mères et filiales permet ainsi d’éviter une double taxation des profits réalisés par une société fille :
-une première fois, au niveau de cette société, sous la forme d’un assujettissement de ces profits à l’impôt sur les sociétés ;
-une seconde fois, au niveau de sa société mère, sous la forme d’un assujettissement à l’impôt sur les sociétés des dividendes qui lui sont versés par la société filiale.
Outre les bénéfices proprement dits, le boni de liquidation, les distributions de réserves, de droits sociaux d’autres personnes morales ou de droits de souscription ouvrent droit au régime d’exonération.
Il a en revanche été jugé que tel n’est pas le cas de l’avantage retiré par une société mère de la cession par une filiale, à un prix inférieur à leur valeur vénale, des titres d’une tierce société qu’elle détenait en portefeuille (arrêt du Conseil d’État du 6 juin 1984, n° 36733).
Quelle est son utilité ?
Le régime des sociétés mères et filiales constitue l’atout-maître dont disposent les repreneurs d’entreprises dans le cadre des opérations de rachat reposant sur l’endettement (LBO et OBO).
Bénéficiant d’une quasi-exonération d’impôt pour les dividendes qui lui sont versés par la société reprise, la holding de rachat créée à cette occasion se trouve en effet, grâce à lui, dans une situation optimale pour faire face au remboursement des emprunts contractés pour financer l’opération.
De même, combiné avec le régime des pactes « Dutreil », ce régime mère-fille est souvent appelé à jouer un rôle clé dans les montages mis en place dans une optique de transmission familiale.
Quelles sont les conditions à remplir ?
La société mère ainsi que ses filiales doivent être soumises, de plein droit ou sur option, à l’impôt sur les sociétés au taux normal
En revanche, peu importe la forme juridique de ces sociétés. C’est ainsi que les dividendes versés à sa société mère par une société de personnes (par exemple, une société civile ou une société en nom collectif) sont susceptibles de bénéficier de l’exonération dès lors que celle-ci a opté pour l’impôt sur les sociétés.
Peu importe également la nationalité de ces sociétés, pourvu qu’elles soient soumises de plein droit ou sur option à l’impôt sur les sociétés au taux normal.
Elle doit détenir au moins 5 % du capital de sa filiale
Les titres représentatifs de cette participation, qui doivent revêtir la forme nominative, peuvent être détenus en pleine propriété ou en nue-propriété seulement.
Le respect de cette condition s’apprécie à la date de la mise en paiement des dividendes.
Faisons observer que, conditionné à une détention minimale de 5 % seulement du capital des filiales, le régime des sociétés mères et filiales a un champ d’application incomparablement plus large que celui de l’intégration fiscale avec lequel il peut se cumuler. Ce dernier est en effet subordonné à la détention d’une participation d’au moins 95 % dans le capital des filiales (voir Chapitre 2 - Le régime de l’intégration fiscale).
Elle doit conserver pendant au moins deux ans les titres dont les dividendes ont bénéficié de l’exonération
Les dividendes perçus de la filiale peuvent bénéficier de l’exonération d’impôt dès la première année de détention d’au moins 5 % du capital de cette société. Comme d’ailleurs celle des dividendes de la deuxième année, cette exonération n’est cependant pas définitivement acquise. Elle est en effet conditionnée à une conservation des titres pendant deux ans. En cas de manquement à cette obligation, la société mère est tenue de verser au service des impôts, dans les trois mois de la cession des titres, une somme égale au montant de l’impôt dont elle a été exonérée dans le cas où elle est bénéficiaire fiscalement.
La société A a souscrit à l’émission, en septembre 2024, des titres de la société B.
En 2025, la société B distribue à la société A des dividendes qui bénéficient de l’exonération prévue par le régime des sociétés mères et filiales.
En janvier 2026, la société A cède tous ses titres de la société B.
Les titres de la société B n’ayant pas été conservés pendant au moins deux ans, l’exonération d’impôt dont la société A a bénéficié au titre des produits de ces actions sera remise en cause. Dans les trois mois suivant les dates de cession des titres, la société A devra déposer au service des impôts des entreprises (SIE) une déclaration rectificative accompagnée du paiement de l’impôt dont elle a été exonérée.
Bien qu’entraînant un transfert de la propriété des titres, certaines opérations de restructuration intervenant dans les deux ans de leur souscription ou acquisition par la société mère ne remettent pas en cause les exonérations dont elle a bénéficié si certaines conditions sont remplies. Il en va notamment ainsi des opérations d’apport de titres de la filiale à une autre société ou bien d’absorption de la filiale par une autre société. Dans chaque cas, le délai de conservation de deux ans se reporte alors sur les titres reçus par la société mère consécutivement à l’une de ces opérations. De même, une annulation des titres de la filiale par suite de l’absorption de celle-ci par la société mère ne remet pas en cause l’exonération dont ont bénéficié les produits afférents aux titres annulés.
Quelles obligations déclaratives ?
L’option pour le régime fiscal des sociétés mères et filiales, qui présente un caractère annuel, n’est soumise à aucune obligation déclarative particulière. Elle se matérialise tout simplement par la mention des dividendes perçus sur la ligne XA du tableau n° 2058-A de la liasse fiscale.
Quelles limites ?
Dans différents cas de figure, le Conseil d’État a été amené à remettre en cause l’application du régime des sociétés mères et filiales - et donc l’exonération des dividendes distribués par des filiales - sur le fondement de la procédure de la répression des abus de droit (Livre des procédures fiscales art. L. 64 et L. 64 A).
Dénommé montage « coquillard », l’un des schémas tombant sous le coup de cette procédure consiste pour une société à prendre une participation dans une autre société sans activité mais disposant de liquidités (la « coquille »), puis à faire réaliser par celle-ci des distributions de dividendes à son profit.
Pour refuser dans une telle configuration l’application du régime d’exonération aux dividendes distribués par la filiale, la haute juridiction se réfère aux motivations qui ont présidé à la mise en place de ce régime. L’on sait en effet que les actes visés par la procédure de répression des abus de droit, sont non seulement les actes ayant un caractère fictif (abus de droit « par simulation »), mais également des actes qui, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n’ont pu être motivés que par un but d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que le contribuable aurait normalement dû supporter (abus de droit « par fraude à la loi »). Or, selon la haute juridiction, l’objectif du régime des sociétés mères et filiales tel que le font ressortir les travaux préparatoires des textes qui l’ont instauré n’a pas été d’empêcher systématiquement une situation de double imposition des revenus distribués, mais de favoriser une implication des sociétés mères dans le développement de leurs filiales.
La décision fondatrice en ce domaine est l’arrêt Garnier Choiseul Holding du 17 juillet 2013, n° 356523 : « (-) en cherchant à supprimer ou à limiter la succession d’impositions susceptibles de frapper les produits que les sociétés mères perçoivent de leurs participations dans des sociétés filles et ceux qu’elles redistribuent à leurs propres actionnaires, le législateur a eu pour objectif de favoriser l’implication de sociétés mères dans le développement économique de sociétés filles pour les besoins de la structuration et du renforcement de l’économie française (-) Le fait d’acquérir une société ayant cessé son activité initiale et liquidé ses actifs dans le but de récupérer les liquidités par le versement de dividendes exonérés d’impôt sur les sociétés en application du régime de faveur des sociétés mères, avant de la revendre à son propriétaire sans prendre aucune mesure de nature à lui permettre de reprendre et développer son ancienne activité ou d’en trouver une nouvelle, va à l’encontre de cet objectif ».