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Parution: septembre 2024

2 - Céder son entreprise

Procéder à la cession des titres d'une société après leur apport à une société holding se présente dans certaines situations comme une solution plus avantageuse qu’une cession directe

Les plus-values constatées lors de l’apport sont en effet, dans ce cas, susceptibles d’échapper définitivement à l’impôt

Cependant, ce régime des apports-cessions se révèle principalement intéressant pour les chefs d’entreprises souhaitant redéployer leurs activités

Quelles problématiques ?

La problématique principale à laquelle se trouve confronté le dirigeant souhaitant céder sa société est bien sûr d’ordre fiscal. Si rien n’est fait, les plus-values constatées sur ses titres depuis leur acquisition supporteront jusqu’à 30 % de taxation se composant de 12,8 % d’impôt proprement dit (« flat tax ») et de 17,2 % de prélèvements sociaux. Dans le cas où il n’aura constitué sa société qu’avec un capital symbolique – situation qui n’a rien d’exceptionnellement rare – cette imposition s’appliquera à un montant voisin du prix de cession de ses titres.

S’il existe, certes, deux dispositifs modérateurs, ils sont soumis à de strictes conditions et ne permettent en tout état de cause de parer qu’à l’impôt au taux forfaitaire de 12,8 % ou calculé selon le barème progressif - et non aux 17,2 % de prélèvements sociaux qui restent systématiquement dus.

Régime de l’abattement de 500 000 euros pour départ à la retraite

Consistant en l’application d’un abattement de 500 000 euros au montant de la plus-value, le premier régime de faveur concerne les dirigeants cédant leurs titres à l’occasion de leur départ à la retraite (CGI art. 150-0 D ter). Il s’applique aussi bien dans le cas où la plus-value réalisée est placée sous le régime de la flat tax de 12,8 % que dans celui où le contribuable opte pour son assujettissement à l’impôt sur le revenu calculé selon le barème progressif.

Les conditions d’application de ce régime sont les suivantes :

-La société dont les titres sont cédés doit avoir son siège dans l’Espace économique européen (Union européenne, Norvège, Islande et Liechtenstein), exercer une activité commerciale, industrielle, libérale ou agricole à l’exclusion de la gestion de son propre patrimoine immobilier ou mobilier et respecter la définition des PME au sens du droit communautaire (effectif salarié inférieur à 250, chiffre d’affaires n’excédant pas 50 millions d’euros ou total du bilan n’excédant pas 43 millions d’euros).

-Le cédant doit avoir exercé des fonctions de direction dans la société pendant les cinq années précédant la cession et avoir détenu, au cours de la même période, directement ou par personne interposée ou par l’intermédiaire de son conjoint, de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et sœurs, au moins 25 % de son capital.

-La cession doit porter sur la totalité des titres détenus par le dirigeant ou sur plus de la moitié du capital de la société. En cas de cession des titres à une société, le cédant ne doit détenir aucune participation dans celle-ci.

-Le cédant doit cesser toute fonction dans la société et faire valoir ses droits à la retraite au cours des vingt-quatre mois suivant ou précédant la cession des titres.

Régime de l’abattement pour durée de détention

Réservé aux contribuables optant pour l’imposition de leurs plus-values selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu en lieu et place de la flat tax de 12,8% et ne bénéficiant qu’aux seules plus-values afférentes à des titres acquis avant le 1er janvier 2018, cet abattement est en principe de 50 % pour les titres détenus depuis moins de huit ans et de 65 % pour les titres détenus depuis plus de huit ans (CGI art. 150-0 D, 1 ter). Cependant, un abattement renforcé – 65 % avant huit ans de détention et 85 % après huit ans de détention – s'applique dans le cas où la cession porte sur des titres acquis moins de dix ans après la création de la société (CGI art. 150-0 D, 1 quater B).

Les conditions d’application de cet abattement renforcé sont les suivantes :

-Les titres cédés doivent avoir été acquis par le cédant moins de dix ans après la création de la société ;

-Cette société ne doit pas résulter d’une concentration, d’une extension ou d’une reprise d’activités préexistantes ;

-Elle doit avoir son siège dans l’Espace économique européen (Union européenne, Norvège, Islande et Liechtenstein), exercer une activité commerciale, industrielle, libérale ou agricole à l’exclusion de la gestion de son propre patrimoine immobilier ou mobilier et respecter la définition des PME au sens du droit communautaire.

À défaut d’avoir une incidence sur les 17,2 % de prélèvements sociaux, ces deux dispositifs sont susceptibles d’atténuer très significativement la taxation au titre de l’impôt proprement dit (flat tax de 12,8 % ou imposition selon le barème progressif). Si leurs conditions d’application ne sont pas remplies, ou si les avantages qu’ils procurent sont jugés insuffisants, le détenteur des titres pourra éventuellement recourir à la technique de l’apport-cession.

Les techniques mises en œuvre

La technique mise en œuvre en vue de parer à l’impôt sur les plus-values est celle de l’apport-cession (CGI art.150-0 B ter). Elle consiste à faire apport des titres de la société d’exploitation à une société holding qui, dans un second temps, les cédera à un repreneur et sera ainsi à même de procéder à des réinvestissements. Bénéficiant de plein droit d’un report d’imposition, les plus-values constatées à cette occasion ne sont susceptibles de donner lieu à imposition qu’ultérieurement, en cas de survenance de circonstances particulières (exemples : absence de réinvestissement du produit de la cession des titres apportés à la société holding ; cession de titres de la société holding).

La plus-value d’apport est déterminée selon les règles de droit commun et peut donc bénéficier, le cas échéant, de l’abattement pour durée de détention. En revanche, l’abattement de 500 000 euros prévu par l’article 150-0 D ter en cas de départ à la retraite, en tant qu’il est refusé aux contribuables détenant une participation dans la société bénéficiaire de l’apport, n’est pas susceptible de s’appliquer aux plus-values placées sous le régime du report d’imposition.

Acte 1 : Constitution d’une société holding

Dès lors que le fondateur de la société holding contrôlera celle-ci, c’est-à-dire détiendra directement ou indirectement, ou par l’intermédiaire de son groupe familial, la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux, le régime applicable à ses plus-values d’apport sera celui du « report d’imposition ». Dans l’hypothèse inverse (absence de contrôle par l’apporteur de la société bénéficiaire de l’apport), la plus-value relèverait d’un régime distinct, le « sursis d’imposition » (voir focus « Sursis d’imposition, report d’imposition : quelles différences ? », page 98).

Acte 2 : Apport des titres de la société d’exploitation à la société holding

Cet apport pourra ne porter que sur une partie des titres détenus par le dirigeant, le solde faisant l’objet d’une cession au repreneur pressenti. Il en ira ainsi dans le cas où l’intéressé souhaitera disposer immédiatement de liquidités.

Acte 4 : Cession au repreneur des titres de la société d’exploitation

Dans la mesure où le produit de cette cession fera l’objet d’un « réinvestissement économique », cette cession ne mettra pas fin au report d’imposition (voir ci-après). Normalement soumise à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun, l’éventuelle plus-value réalisée par la société holding (différence entre le prix de cession des titres et la valeur pour laquelle ils ont été apportés) sera susceptible de bénéficier du régime des plus-values à long terme sur titres de participation (« niche Copé ») et donc être soumise à une taxation très réduite.

Acte 5 : Réinvestissement du produit de la cession des titres

Alors qu’une cession par la holding des titres qui lui ont été apportés met en principe fin au report d’imposition de la plus-value, il n’en va pas de même si cette cession intervient plus de trois ans après l’apport.

En cas de cession des titres avant l’expiration de ce délai de trois ans, le report d’imposition est maintenu si la société holding s’engage à procéder, dans un délai de deux ans, à un « réinvestissement économique » de 60 % du produit de cette vente. Par « réinvestissement économique », il faut entendre :

-Financement de moyens permanents d’exploitation (équipements, biens immobiliers…) ;

-Acquisition de titres d’une société exerçant une activité commerciale, industrielle, libérale, agricole ou financière, cette acquisition ayant pour effet de conférer à la société holding le contrôle de cette société ;

-Souscription en numéraire au capital ou à l’augmentation de capital d’une société exerçant une activité commerciale, industrielle, libérale, agricole ou financière soumise à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ;

-Souscription de parts ou actions de certaines structures d’investissement (SCR, FCPR, FCPI, SLP).

Ces conditions étant supposées remplies (cession des titres plus de trois ans après l’apport ou avant trois ans sous réserve d’un « réinvestissement économique » de 60 % du produit de la vente), les plus-values constatées lors de l’apport bénéficient en pratique d’une exonération définitive. Elles ne pourraient donner lieu à taxation qu’en cas de cession par l’apporteur des titres de la holding qu’il a reçus en rémunération de son apport.

Conclusion

La technique de l’apport-cession présente un intérêt évident dans le cas particulier du dirigeant souhaitant réorienter ses activités professionnelles.

À l’âge de 55 ans, M X, dirigeant et actionnaire majoritaire d’une agence de publicité, souhaite opérer une reconversion professionnelle dans l’exploitation d’un domaine viticole.

Ce dirigeant pourra avoir intérêt, préalablement à leur cession, à faire apport des titres de son agence à une société holding. En effet, au lieu d’être amputé de l’impôt sur les plus-values, le capital représentatif de ces titres pourra alors servir dans son intégralité à l’acquisition du domaine viticole.

Qu’en est-il hors de cette hypothèse de réinvestissement du produit de la vente des titres dans une nouvelle entreprise ?

Certes, les capitaux pourront être utilisés pour l’acquisition d’actifs patrimoniaux. Selon le cas, il s’agira :

-Soit uniquement de véhicules de capital-investissement (exemple : fonds communs de placement à risques) si la cession des titres apportés à la société holding intervient moins de trois ans avant l’expiration du délai de trois ans ;

-Soit d’actifs patrimoniaux quelconques (immobilier, valeurs mobilières, contrats de capitalisation, etc.) si elle intervient après l’expiration de ce délai.

Cependant, la détention de tels actifs à travers une société de capitaux ne saurait être assimilée à leur détention en direct dans le cadre du patrimoine personnel.

Sauf à être capitalisés dans la société holding (société « cash box »), les revenus et plus-values afférents aux placements réalisés supporteront successivement l’impôt sur les sociétés, puis la flat tax de 30 % lors de leur appréhension sous la forme de dividendes.

En outre, sauf à voir remis en cause le report d’imposition de sa plus-value d’apport, l’actionnaire de la société holding ne pourra, comme on l’a vu, procéder à une cession à titre onéreux des titres de celle-ci.

En revanche, une transmission à titre gratuit (donation ou succession) n’entraînera pas une telle conséquence. C’est la raison pour laquelle la technique de l’apport-cession est parfois utilisée dans une optique transmissive.