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Parution: septembre 2024

Focus - Prestations de services intra-groupe : les règles à respecter

Dans un groupe de sociétés, les « management fees » (frais de gestion), également appelés frais de siège, dérivent d’une répartition des rôles entre les filiales, qui exercent alors essentiellement des fonctions opérationnelles (production de biens ou de services destinés à des tiers), et leur société mère. Incluant très souvent la fourniture de prestations à ses filiales, le rôle dévolu à cette dernière dépasse en effet souvent largement celui de la simple détention de participations. Du statut de holding « pure », la holding passe alors au statut de holding « mixte ».

Ce type d’organisation participe en premier lieu d’une volonté de rationalisation : conférant une certaine cohérence au groupe, la centralisation de certaines fonctions au niveau de la société mère permet en outre d’en optimiser les coûts en limitant le recours à des prestataires extérieurs.

Par ailleurs, tout en réduisant le bénéfice imposable de ses filiales, les frais de gestion qui leur sont facturés par la société mère permettent à celle-ci de disposer de ressources financières qui, s’ajoutant aux dividendes remontant des filiales, peuvent lui permettre de faire plus facilement face à ses charges financières.

La société holding doit bien entendu soumettre à la TVA les prestations fournies à ses filiales, ces dernières pouvant en demander la déduction dans les conditions habituelles.

Quels types de prestations ?

Les prestations susceptibles de donner lieu à facturation sont essentiellement des prestations à caractère technique relevant, par exemple, des domaines du juridique, de la gestion des ressources humaines, de la comptabilité, de l’informatique, du marketing, du développement stratégique, etc.

Une société mère peut-elle également facturer à sa filiale des prestations de direction ?

Dans l’hypothèse où les fonctions de direction de la filiale et de sa société mère sont exercées par un dirigeant commun, la question se pose en effet de savoir si le versement par la première d’honoraires à la seconde peut être regardé comme réellement conforme à ses intérêts et ne constitue pas, au contraire, un acte de gestion anormal faisant obstacle à une déduction des sommes correspondantes de ses bénéfices imposables.

Il y a lieu d’opérer à cet égard une distinction selon que les honoraires en question sont versés au titre de prestations distinctes de celles inhérentes au mandat social du dirigeant (exemples : missions d’assistance et prestations à caractère technique) ou bien de prestations entrant dans le cadre normal de l’exercice de son mandat (fonctions de direction proprement dites, c’est-à-dire de décision et de représentation). Si la déductibilité des honoraires versés à la société mère ne se heurte pas, au plan des principes, à des difficultés particulières dans la première configuration, il en va différemment dans la seconde.

Une jurisprudence inaugurée il y a une vingtaine d’année par une décision de la Cour administrative d’appel de Nancy (arrêt du 9 octobre 2003, n° 98-2182, affaire SA Gamlor) considérait en effet que le fait pour une filiale de verser à sa société mère des honoraires au titre de prestations de management réalisées par un dirigeant commun de ces deux sociétés devait être regardé comme relevant d’une gestion anormale dès lors que ces prestations ne pouvaient être regardées comme distinctes de celle incombant normalement au dirigeant de cette filiale à raison de son mandat social. En clair, selon ce courant jurisprudentiel, les prestations objet des conventions de management devaient être exclues des charges déductibles de la filiale en tant qu’elles faisaient « double emploi » avec les fonctions de direction exercées en son sein par le dirigeant concerné.

Une récente décision du Conseil d’État marque cependant un infléchissement considérable par rapport à la jurisprudence des Cours administratives d’appel (arrêt du 4 octobre 2023, n° 466887, affaire Sté Collectivisation). Prenant le contre-pied exact de ces dernières, la haute juridiction a en effet estimé que, sans commettre un acte anormal de gestion, une société filiale peut rémunérer sa société mère afin que leur dirigeant commun puisse exercer des fonctions de direction en son sein. Seule condition : la filiale doit être en mesure d’établir que la décision de rémunérer ainsi indirectement son dirigeant a été validée par les organes sociaux compétents (assemblée générale pour les SARL, conseil d’administration pour les SA).

Est-ce à dire que les conventions de ce type sont aujourd’hui totalement sécurisées ? Tout le problème réside à cet égard dans le fait que, si la jurisprudence administrative a, comme on l’a vu, incontestablement évolué dans un sens positif, la jurisprudence civile n’est pas encore pour ce qui la concerne revenue sur sa position très tranchée à l’égard des conventions portant sur des prestations de direction. Dans plusieurs décisions, dont un célèbre arrêt Mecasonic en date du 23 octobre 2012 (n° 11-23.376), la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que, faisant double emploi avec les fonctions de direction incombant normalement au dirigeant de la filiale, les obligations mises à la charge de celle-ci par une convention de ce type sont « dépourvues de contreparties réelles » et justifient une annulation de la convention de frais de management pour « absence de cause ».

Afin de parer aux aléas juridiques et fiscaux entourant les conventions portant sur des prestations de direction, certains praticiens préconisent une solution consistant à faire assurer la direction de la filiale non par un dirigeant de la société holding, mais par la société holding elle-même. Sachant que seules des personnes physiques peuvent être gérantes d’une SARL, cela suppose que la filiale soit constituée sous la forme de SAS (société par actions simplifiée).

Quel mode de facturation ?

La nature des prestations fournies, les objectifs poursuivis ainsi que leur mode de facturation sont prévus par la convention de management fees passée entre la société mère et sa filiale.

Même si des méthodes forfaitaires sont parfois utilisées (rémunération des services calculée en pourcentage du chiffre d’affaires de la filiale), la méthode considérée comme la plus rigoureuse et la plus protectrice est celle reposant sur un volume horaire appliqué à un taux horaire, dans la mesure du possible.

Quels risques fiscaux et juridiques ?

Les prestations sont en principe déductibles pour leur montant effectif des bénéfices de la société bénéficiaire, la filiale, et imposables pour le même montant chez la société prestataire la holding. Conformément aux règles générales régissant la déduction des charges d’exploitation, les dépenses en la matière supportées par la société bénéficiaire n’ouvrent droit à déduction que si elles sont exposées dans son intérêt propre et appuyées de pièces attestant de la réalité des prestations facturées. Dans le cas particulier des relations entre une holding et sa filiale, ces conditions ne sont cependant pas suffisantes.

Il faut, en outre, que les prestations ne soient pas facturées à un prix excessif. Autrement, un acte de gestion anormal, entraînant une réintégration d’une partie des sommes payées dans ses bénéfices imposables, pourrait être invoqué à l’encontre de la filiale. Au risque fiscal s’ajoute en ce cas le risque pour le dirigeant de la filiale d’une accusation d’abus de biens sociaux, délit assorti comme on le sait de lourdes sanctions pénales.

Un acte de gestion anormal pourrait de même être reproché à la société holding dans le cas inverse où ses prestations seraient facturées à un prix insuffisant. En ce cas, l’administration serait en droit de l’imposer sur les sommes dont elle estime qu’elle s’est indûment privée. Précisons cependant que la facturation des prestations de services pour un coût équivalent à leur prix de revient est expressément admise dans le cadre d’opérations réalisées entre des sociétés d’un groupe placé sous le régime de l’intégration fiscale.

Quels enjeux ?

Venant s’ajouter aux distributions de dividendes provenant de ses filiales, les ressources tirées de la fourniture de prestations de services à ces dernières permettront à la société holding de faire plus facilement face au remboursement de ses dettes. D’autre part, du fait de l’existence de telles prestations, la société holding sera à même d’attester, vis-à-vis de l’administration des impôts, de la qualité de holding animatrice à laquelle est conditionnée l’application de différents régimes fiscaux de faveur, au premier rang desquels l’exonération partielle de droits de donation ou de succession liée à la conclusion de pactes « Dutreil » (voir focus « Pactes Dutreil » : ce qu’il faut savoir », page 48).