Focus - Régime des pactes « Dutreil » : ce qu’il faut savoir
Dans le cas où elles ont fait l’objet d’un engagement de conservation, les parts ou actions de sociétés exerçant une activité professionnelle (industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale) sont exonérées de droits de donation ou de succession à hauteur de 75 % de leur valeur (CGI art. 787 B). À cet avantage s’ajoute une réduction de 50 % sur le montant des droits dans le cas particulier où ces titres font l’objet d’une donation en pleine propriété avant l’âge de 70 ans (CGI art. 790, I).
Indépendamment des parts ou actions de société exerçant une activité professionnelle, les parts ou actions de sociétés holdings animatrices d’un groupe peuvent bénéficier pleinement de ces avantages. En effet, au regard du dispositif « Dutreil », lesdites holdings animatrices sont assimilées à des sociétés exerçant une telle activité professionnelle. Si, de leur côté, les parts ou actions de sociétés holding passives détenant une participation dans une société exerçant une activité professionnelle sont également éligibles à l’exonération partielle de droits de donation ou de succession, celle-ci ne s’applique, en ce qui les concerne, qu’à une fraction de leur valeur (régime des sociétés interposées).
En dehors du dispositif « Dutreil », la notion de holding animatrice entre en jeu pour l’application des trois régimes fiscaux de faveur suivants :
- L’exonération d’IFI pour la fraction de la valeur des parts ou actions de la société holding représentative de biens immobiliers (CGI art. 965 et 966 ; BOFiP-PAT-IFI- 20-20-20-20 et BOFiP-PAT-IFI-20-20-20-30)
Alors que les parts ou actions de sociétés sont en principe soumises à l’IFI à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens immobiliers détenus directement ou indirectement par la société, la législation prévoit à cet égard deux régimes d’exonération. Les situations visées sont, d’une part, celle où le redevable détient une participation inférieure à 10 % dans la société et, d’autre part, celle où les biens immobiliers concernés sont affectés à l’activité opérationnelle de la société.
En cas de détention des biens immobiliers à travers une société holding, ces deux dispositifs ne peuvent s’appliquer que si la société concernée a la qualité de holding animatrice.
- L’exonération d’IFI pour les biens immobiliers loués ou mis à la disposition de la société holding par l’un de ses dirigeants (CGI art. 975 ; BOFiP-PAT-IFI-30-10-40)
Alors que les biens immobiliers détenus personnellement par un redevable de l’IFI doivent en principe être compris pour leur valeur totale dans son patrimoine taxable, une exception est prévue à cet égard par la législation concernant les biens loués ou mis à la disposition d’une société dans laquelle il exerce des fonctions de direction et détient une participation minimale (25 % s’agissant des gérants minoritaires de SARL et des dirigeants de SAS). Ces conditions étant supposées remplies, les biens immobiliers concernés sont exonérés d’IFI à hauteur de la participation détenue dans la société (exemple : 51 % de la valeur des biens si le redevable de l’IFI détient 51 % des droits de vote de la société).
Cet avantage peut s’appliquer aux biens immobiliers (détenus en direct ou à travers une SCI) loués ou mis à la disposition d’une société holding dès lors que celle-ci a la qualité de holding animatrice.
- La réduction d’impôt sur le revenu accordée au titre des souscriptions au capital de PME (CGI art. 199 terdecies-0 A, BOFiP-IR-RICI-90-10-20-10-§ 20 et BOFiP-IRI-RICI-30)
Outre les souscriptions au capital de sociétés exerçant une activité professionnelle, la réduction d’impôt pour souscription au capital de PME est susceptible de bénéficier à des souscriptions au capital de sociétés holding. Cette réduction d’impôt est calculée au taux de 18 % dans une limite de versements annuelle de 50 000 euros pour les personnes seules et 100 000 euros pour les couples mariés ou pacsés.
Selon que la souscription est effectuée au capital d’une holding animatrice ou d’une holding passive, les versements du contribuable sont retenus pour leur montant total ou bien seulement à proportion des souscriptions de la société holding au capital de sociétés remplissant elles-mêmes les conditions pour être éligibles à l’avantage fiscal, c’est-à-dire exerçant une activité professionnelle (régime des souscriptions indirectes).
La société holding animatrice est définie par l’article 787 B du CGI comme celle qui, « outre la gestion d’un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, auxquelles elle rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers ».
Des contentieux opposent régulièrement l’administration et les contribuables concernant les éléments caractérisant, de la part de la société holding, une participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales. Si elle constitue à cet égard un prérequis, la production d’une convention d’animation et de rapports de gestion se révèle insuffisante pour établir l’existence d’une animation effective. Celle-ci s’apprécie à partir d’éléments factuels. C’est ainsi qu’une société holding s’est vu refuser la qualité de holding animatrice en raison de moyens en personnel insuffisants à sa disposition (arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 23 juin 2021, n° 19-16.351).
S’il n’est pas indispensable que l’activité d’animation de la holding soit exclusive, elle doit en revanche être prépondérante. L’administration a précisé à cet égard que le caractère principal de l’activité d’animation du groupe doit notamment être retenu lorsque la valeur vénale des actifs de la société holding affectés à son activité d’animation de groupe, parmi lesquels les titres de ses filiales animées exerçant une activité opérationnelle, les biens mis à leur disposition ou affectés aux prestations de services délivrées au sein du groupe et la trésorerie affectée à l’activité du groupe, représente plus de la moitié de son actif total (BOFiP-ENR-DMTG-10-20-40-10-§ 55).
La condition du caractère de holding animatrice d’une holding de groupe s’apprécie au moment de la conclusion du pacte « Dutreil » et doit être remplie jusqu’au terme des engagements de conservation (voir ci-après).
Les parts ou actions de sociétés holding n’ayant pas la qualité de holdings animatrices peuvent également, en tant que sociétés interposées, bénéficier de l’exonération Dutreil. Cependant, en ce qui les concerne, cette exonération ne porte que sur une fraction de leur valeur obtenue par comparaison entre la valeur de la participation ayant fait l’objet de l’engagement de conservation et celle de l’actif brut de la société interposée.
La fraction de la valeur des titres de la société interposée qui est susceptible de bénéficier de l’exonération partielle de droits de donation et de succession s’obtient par la formule suivante : valeur des titres de la société interposée x (valeur de la participation soumise à l’engagement collectif de conservation / valeur vénale de l’actif brut de la société interposée).
Les trois conditions d’application du régime
1 – Les titres doivent faire l’objet d’un engagement collectif ou unilatéral de conservation
Préalablement à la transmission par donation ou succession, les titres doivent en principe avoir fait l’objet d’un engagement de conservation pris par le donataire ou le défunt (pour lui-même et ses ayants cause à titre gratuit), lui seul (engagement unilatéral) ou bien collectivement avec d'autres associés (engagement collectif).
D’une durée minimale de deux ans, cet engagement doit être en cours à la date de la transmission. Il doit porter sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote.
Toutefois, un tel engagement peut également être conclu dans les six mois du décès entre les héritiers ou légataires ou entre un ou plusieurs héritiers ou légataires et un ou plusieurs autres associés (engagement « post mortem »).
Dans l’un et l’autre cas, c’est-à-dire que l’engagement soit pris antérieurement à une transmission à titre gratuit ou bien postérieurement à une transmission par décès, l’un au moins des signataires doit exercer dans la société soit des fonctions de direction (société soumise à l’IS), soit son activité professionnelle principale (société non soumise à l’IS).
Point important
l’engagement collectif est réputé acquis dans le cas où, depuis deux ans au moins à la date de la transmission par donation ou succession, le donateur ou le défunt détient, le cas échéant avec son conjoint, partenaire d’un Pacs ou concubin notoire, le quota de titres requis pour la conclusion d’un pacte collectif de conservation, l’une de ces personnes exerçant en outre dans la société soit des fonctions de direction (société soumise à l’IS), soit son activité professionnelle principale (société relevant du régime fiscal des sociétés de personnes). Ainsi, en pareille situation, le bénéfice de l’avantage fiscal est uniquement subordonné à la conclusion d’engagements individuels de conservation par les donataires ou héritiers (voir ci-après).
Les signataires du pacte d’associés peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations de titres soumis à l’engagement. Ils peuvent également admette un nouvel associé dans l’engagement, celui-ci devant alors être reconduit pour une durée minimale de deux ans pour l’ensemble des signataires.
2 – Dans l’acte de donation ou la déclaration de succession, chacun des donataires, héritiers ou légataires souhaitant bénéficier de l’exonération partielle doit prendre l’engagement (pour lui-même et ses ayants cause à titre gratuit) de conserver ses titres pendant un délai de quatre ans
Ce délai court à compter de l’expiration de l’engagement collectif ou individuel de conservation.
3 – Pendant les trois années qui suivent la transmission, l’un au moins des associés ayant participé au pacte, ou l’un au moins des bénéficiaires, héritiers ou donataires, doit exercer dans la société soit des fonctions de direction (société soumise à l’IS), soit son activité professionnelle principale (société non soumise à l’IS)
Cession des titres : quelles conséquences ?
Une cession des titres par le bénéficiaire de leur transmission par donation a des conséquences différentes selon qu’elle intervient pendant la durée de l’engagement de conservation souscrit par le donateur seul ou avec d’autres signataires (deux ans au minimum) ou bien pendant la durée de son propre engagement individuel de conservation (quatre ans) :
-Si elle intervient pendant la durée de l’engagement unilatéral ou collectif de conservation des titres, une cession ou une donation des titres opérée au profit d’un non-signataire de l’engagement de conservation entraîne la remise en cause de l’exonération partielle obtenue par le cédant pour tous les titres qui lui avaient été transmis. Par ailleurs, les autres signataires de l’engagement perdent alors en principe la possibilité de procéder à des transmissions bénéficiant de l’exonération partielle. Cependant, il en va autrement si le seuil minimal de participation demeure atteint ou bien si l’acquéreur des titres s’associe à l’engagement afin que le seuil minimal de participation demeure atteint. Mais rappelons à cet égard que l’adhésion d’un nouvel associé à un pacte existant est subordonnée à une reconduction de celui-ci pour une durée minimale de deux ans. Quant à elle, une cession ou une donation des titres opérée au profit d’un signataire de l’engagement de conservation a pour seule conséquence la remise en cause de l’exonération partielle obtenue par le cédant. Par ailleurs, dans le cas où la cession ou la donation ne porte que sur une partie des titres, l’exonération n’est en pareille hypothèse remise en cause qu’à hauteur des titres cédés ou transmis.
-Si elle intervient pendant la durée de l’engagement individuel de conservation des titres, une cession des titres entraîne la remise en cause de l’exonération partielle obtenue par le cédant pour tous les titres qui lui ont été transmis. À la différence d’une transmission à titre onéreux, une transmission par donation (à des descendants uniquement) reste, en ce qui la concerne, sans incidence sur les avantages obtenus par le cédant sous réserve d’une conservation des titres par ses donataires jusqu’au terme de l’engagement.
Une cession des titres a des conséquences différentes selon qu’elle intervient pendant la durée de l’engagement collectif (deux ans) ou pendant la durée de l’engagement individuel (quatre ans) :
-Si elle intervient pendant la durée de l’engagement collectif de conservation des titres (et après la transmission par donation ou succession), une telle cession entraîne en principe la remise en cause des avantages obtenus non seulement par le cédant lui-même mais également par les autres signataires du pacte. Cependant, elle reste sans incidence pour ces derniers si le seuil minimal de participation demeure atteint. Il en va de même dans l’hypothèse où l’acquéreur s’associe à l’engagement afin que le seuil minimal de participation demeure atteint. Mais précisons bien qu’une telle adhésion d’un nouvel associé à un pacte existant est subordonnée à une reconduction de celui-ci pour une durée minimale de deux ans.
-Si elle intervient pendant la durée de l’engagement individuel de conservation des titres, une telle cession entraîne la remise en cause des avantages obtenus par le cédant. À la différence d’une transmission à titre onéreux, une transmission des titres par succession ou bien par donation (à des descendants uniquement) reste toutefois sans incidence sur les avantages obtenus par le cédant sous réserve d’une conservation des titres par ses héritiers, légataires ou donataires jusqu’au terme de l’engagement.
Apport des titres d’une société opérationnelle à une société holding : quelles conséquences ?
L’exonération partielle n’est pas remise en cause lorsque le non-respect de l'un des engagements de conservation (engagement unilatéral ou collectif et engagement individuel) résulte de l’apport de titres d’une société opérationnelle à une société holding (CGI art. 787 B, f ; BOFiP-ENR-DMTG-10-20-40-10-§§ 80 à 88). Il peut s’agir d’un apport à titre pur et simple ou bien d’un apport partiellement rémunéré par la prise en charge d’une soulte.
Ainsi, par exemple, l’héritier, le légataire ou donataire peut apporter les titres pour lesquels il est soumis à un engagement individuel de conservation à une société holding avec prise en charge par cette dernière du montant de l’emprunt souscrit pour financer la soulte qu’il doit verser aux autres héritiers ou donataires à l’issue du partage.
Les conditions d’application sont les suivantes :
1 – La valeur réelle de l’actif brut de la société holding doit, à l’issue de l’apport et jusqu’au terme des engagements de conservation, être composée à plus de 50 % de participations dans la société soumise à ces mêmes engagements ;
2 – Les trois quarts au moins du capital et des droits de vote y afférents de la société bénéficiaire de l’apport doivent, à l’issue de l’apport, être détenus par des personnes soumises aux obligations de conservation.
3 – La société holding doit être dirigée directement par une ou plusieurs de ces personnes.
4 – La société holding doit prendre l’engagement de conserver les titres qui lui sont apportés jusqu’au terme des engagements de conservation.
5 – Les associés de la société holding soumis aux obligations de conservation doivent conserver les titres reçus en contrepartie de l’apport jusqu’au terme de leurs engagements de conservation.