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Parution: septembre 2018

En quoi consiste cette révolution numérique ?

3. Le numérique, comme nous venons de le voir, est une lame de fond, un tsunami qui submerge toute notre société. Cependant, c'est aussi un phénomène aux implications quotidiennes très concrètes. Pour en comprendre les impacts sur les cabinets, on ne peut pas faire l’économie d’en comprendre les enjeux sur notre vie et notre société.

Avant de présenter une définition de cette révolution numérique, nous vous proposons de vous faire partager une expérience de notre équipe.

Notre équipe a conçu et animé de nombreux séminaires sur la transformation numérique des cabinets d’expertise comptable. Ces séminaires commencent systématiquement par un tour de table des participants, qui sont invités à proposer leur propre définition de la transformation numérique du cabinet.

Les résultats de cet exercice sont révélateurs de la perception qu’ont les citoyens du numérique et de ses impacts.

Quels que soient le public, la région, l’âge des participants, la plupart des définitions proposées tournent autour du zéro papier, de solutions de comptabilité en ligne, d’offres low-cost, de remplacement de l’outil actuel par un outil de nouvelle génération, etc. La mutation numérique est quasi-systématiquement abordée sous l’angle des outils et des technologies.

Dans l’expression « transformation numérique », toute l’attention se porte sur le « numérique », en faisant l’impasse sur la notion pourtant fondamentale de « transformation ».

Quand nous réitérons le même exercice en fin de journée, les réponses ont radicalement évolué. Les définitions abordent alors des problématiques de stratégie, d’adaptation de l’offre, de nouvelles missions, de nouvelles compétences, de remise en cause des modèles économiques traditionnels, de conduite du changement…

Cette phrase d’un des participants à un de nos séminaires résume à elle seule notre propos : « Je suis arrivé avec une problématique d’outils et je repars avec une problématique de stratégie pour mon cabinet ».

De nombreux discours (notamment des éditeurs informatiques) se focalisent sur la dimension technologique de la mutation et occultent la dimension liée à la transformation profonde rendue nécessaire par les effets de ces nouveautés technologiques.

Pourtant, qu’on se place au niveau de la société, des États, des entreprises et, bien entendu, des cabinets d’expertise comptable les impacts seront majeurs.

D’où vient cette révolution numérique ?

Le temps s’accélère. Les consommateurs adoptent de plus en plus vite ces nouvelles technologies.

4. S’il est incontestable (et d’ailleurs peu contesté aujourd'hui) que la révolution numérique est une question stratégique, elle comporte évidemment une dimension technologique. En fait, la technologie est le point de départ de tout. Sans les smartphones et la géolocalisation, pas d’Uber, pas de BlaBlaCar, pas de Shazam, pas de Gobee Bike, pas de e-billets de train ou d’avion modifiables en un clic, pas de Booking, pas de TripAdvisor, etc.

Si l’on parle de révolution numérique depuis quelques années seulement, le mouvement a été initié il y a plusieurs décennies. Sur les 40 dernières années, les technologies ont en effet pris, par vagues successives, une importance grandissante. Autrement dit, nous avons tous pris (avec plus ou moins d’ardeur) l’habitude d’évoluer dans un univers de plus en plus numérique.

Revenons un instant sur les dernières années. Jérôme Wallut (Jérôme Wallut, « Patrons n’ayez pas peur » aux Éditions Cent Mille Milliards, 2016) identifie ainsi quatre vagues successives de la transformation :

La première vague est celle de la micro-informatique qui a lieu dans les années 1980. Elle marque l’arrivée des ordinateurs dans les bureaux. Dans les entreprises, et notamment dans les cabinets d’expertise comptable, c’est la révolution ! Finies les liasses fiscales tapées à la machine à écrire avec des papiers carbones.

La deuxième vague est celle de la conversation, avec l’arrivée d’Internet à la fin des années 1990. C’est l’avènement des moteurs de recherche, des chats, des forums de discussion, puis des blogs, des réseaux sociaux, etc.

La troisième vague, dans la seconde moitié des années 2000, est celle du haut débit et de la mobilité, avec l’apparition des fameux smartphones. Rappelons que ces appareils avec lesquels on fait de plus en plus de choses (prendre des photos, communiquer, jouer, écouter de la musique, acheter, voire parfois, téléphoner) n’existaient pas avant 2007 et la sortie de l’iPhone.

La quatrième et dernière vague, enfin, monte en puissance depuis 2013 avec le développement du cloud computing, du big data, des imprimantes 3D, des objets connectés, de l’intelligence artificielle (IA)…

À la lumière de ce petit voyage dans le temps, nous constatons que, non seulement, chacune de ces vagues a un impact sur la société plus important que la précédente, mais que ces vagues sont de plus en plus rapprochées.

Autrement dit, le temps s’accélère. Les consommateurs adoptent de plus en plus vite ces nouvelles technologies. C’est une des caractéristiques fortes de l’évolution sociologique de notre société actuelle sur laquelle nous reviendrons.

Quelle est l’ampleur du phénomène ?

Nous sommes tous (plus ou moins) numériques : les jeunes, les moins jeunes, les cadres, les employés, les ouvriers, les parisiens, les habitants des villes de taille moyenne, les ruraux, etc.

5. Selon une étude récente du Credoc (L’usage du numérique en France, décembre 2016) :

-85 % des Français ont accès à Internet ;

-65 % ont un smartphone (contre 17 % en 2011) ;

-40 % ont une tablette (4 % en 2011) ;

-60 % ont réalisé au moins un achat en ligne en 2016 ;

-56 % sont inscrits sur au moins un réseau social…

L’ampleur de ces chiffres montre que cette « nouvelle façon de vivre » concerne tout le monde et pas seulement une minorité de geeks. Nous sommes tous (plus ou moins) numériques : les jeunes, les moins jeunes, les cadres, les employés, les ouvriers, les parisiens, les habitants des villes de taille moyenne, les ruraux, etc.

Lorsque l’on observe l’impact de ces nouvelles technologies à l’échelle mondiale, le résultat est saisissant. Une étude réalisée chaque année par Cumulus Media nous apprend ainsi qu’en 2018 (estimation), en une minute, on recensera à l’échelle de la planète, notamment :

-187 millions d’emails envoyés ;

-18 millions de textos envoyés ;

-481 000 tweets envoyés ;

-3,7 millions de recherches sur Google ;

-266 000 heures de vidéos regardées sur Netflix ;

-Plus de 860 000 dollars dépensés en ligne ;

-Plus de 970 000 connexions sur Facebook…

Derniers chiffres impressionnants pour terminer de se convaincre que le phénomène est à la fois massif et global : les résultats de la dernière « fête des célibataires », organisée tous les 11 novembre en Chine par le patron d’Alibaba. En 24 heures, Alibaba a enregistré pas moins de 25 milliards de dollars de transactions en ligne, soit plus que le PIB du Honduras en une journée. Le tout avec des commandes émanant de plus de 180 pays, dont 90% ont été effectuées via un smartphone. Pour mémoire, cette manifestation qui a regroupé cette année plus 140.000 marques n’existait pas en 2008…

Qui sont les acteurs de la révolution numérique ?

Qui sont les GAFAM ?

6. Quand on pense au numérique, on pense immédiatement aux géants d’Internet. Sans forcément connaître leur acronyme, on pense aux GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft), on pense aux NATU (Netflix, AirBnb, Tesla et Uber) voire aux très dynamiques BTAX (les Chinois Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). On pense aussi aux start-up, aux licornes, à la Silicon Valley…

Alors bien sûr, le numérique, c’est tout cela. Ce sont ces entreprises tentaculaires qui font partie de nos vies de tous les jours. Qui d’entre nous passe une journée sans utiliser aucun des produits ou services de Google, d’Amazon, de Facebook, d’Apple ou de Microsoft ? Ce sont ces entreprises qu’on adore détester parce qu’elles se nourrissent de nos données, parce qu’elles veulent dominer le monde, parce qu’elles ne paient pas leurs impôts, parce qu’elles détruisent le petit commerce… mais dont on ne peut pas se passer.

Pour mémoire, les GAFAM, représentent une capitalisation cumulée de plus de 3000 milliards d’euros. C’est plus de 2 fois la capitalisation de l’ensemble du CAC 40 (environ 1 300 milliards) et c’est plus que le PIB annuel de la France (environ 2600 milliards). Rappelons que la plupart de ces entreprises n’existaient pas il y a 20 ans…

Les GAFAM, représentent une capitalisation cumulée de plus de 3000 milliards d’euros. C’est plus de 2 fois la capitalisation de l’ensemble du CAC 40.

Au-delà de ces chiffres vertigineux, notons que ces sociétés étendent sans relâche leur champ d’intervention.

Google, après être devenu hégémonique sur le secteur des recherches en ligne (aspirant au passage une large part du marché publicitaire en ligne), investit massivement dans la voiture autonome, la santé et l’assistance domestique (avec la Google Home).

Amazon, après avoir dominé quasiment tous les secteurs du commerce en ligne (des disques à l’alimentaire, en passant par les vêtements, le mobilier et les médicaments) vient de racheter Whole Foods, une chaîne de magasins alimentaires pour la modique somme de… 14 milliards de dollars.

Facebook, après une percée remarquée dans le secteur des messageries instantanées, s’est notamment offert Instagram pour un milliard de dollars et WhatsApp pour 19 milliards de dollars. Il a récemment lancé sa marketplace pour mettre en relation ses 1,2 milliard d’utilisateurs quotidiens.

Apple, le fabricant d’appareils électroniques, s’est imposé comme un poids lourd de l’industrie de la musique et de la vidéo, et nourrit aujourd’hui de grandes ambitions dans le domaine de la santé.

Microsoft, l’éditeur de logiciels présent dans la quasi-totalité des ordinateurs du monde entier via Windows et la suite Office (Word, Excel, PowerPoint, Outlook et tous les autres) a notamment racheté LinkedIn, le site de réseau social pour 26 milliards de dollars, la plateforme de jeu Minecraft, mais aussi Skype ou Nokia, le fabricant de téléphones.

Et en dehors des GAFAM ?

7. Si les GAFAM et les start-up sont les symboles de cette transition numérique, le phénomène est bien loin de se limiter à eux. En fait, la transition numérique repose sur un bouleversement de nos usages. Si ces géants du numérique et les opérateurs de moindre envergure connaissent un tel succès, c’est que les usages, les façons de faire, les modes de consommation des individus ont profondément évolué.

Pour bien comprendre ce qui se passe, rappelons-nous qu’Henry Ford avait dit « Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils auraient répondu des chevaux plus rapides ». En fait, le phénomène est identique. Toutes ces nouvelles technologies permettent de nouveaux usages auxquels on ne pensait pas avant. Comment imaginer Uber ou BlaBlaCar avant les smartphones et la géolocalisation ? Comment imaginer iTunes, Netflix, Deezer avant l’Internet haut débit et le cloud ? Dans notre métier, comment imaginer les logiciels de 4e génération qui font tant parler d’eux avant le cloud, l’OCR et le screen scraping ?

En fait, la transition numérique repose sur un bouleversement de nos usages.

Ces évolutions technologiques ont fait naître de nouveaux usages qui, à leur tour, ont attiré de nouveaux acteurs qui ont cherché à mieux satisfaire de nouvelles attentes des consommateurs. Et ainsi de suite…

Une chose est sûre. Ces bouleversements des usages sont profonds et les innovations s’accélèrent à un rythme effréné, avec des effets toujours plus violents sur les modèles économiques des opérateurs traditionnels. En effet, grâce au numérique, le consommateur reprend le pouvoir. Il en veut plus pour moins, il devient de plus en plus exigeant, n’accepte plus d’être otage d’une offre qui ne le satisfait pas vraiment. Quand il n’est pas content, il va tout simplement chercher son bonheur ailleurs.

Ces évolutions technologiques ont fait naître de nouveaux usages qui, à leur tour, ont attiré de nouveaux acteurs qui ont cherché à mieux satisfaire de nouvelles attentes des consommateurs.

Qui sont ces barbares ?

8. Les nombreux exemples cités dans cet ouvrage montrent clairement le rôle que jouent les nouveaux entrants (les « barbares ») dans ces ruptures d’usages. Un constat guère surprenant dans la mesure où le propre même de ces innovations est de provoquer une rupture (de « disrupter ») dans les secteurs qu’ils convoitent. Or, pour créer une rupture, il faut la plupart du temps repenser profondément l’activité, ne pas hésiter à casser les codes, à s’attaquer aux vaches sacrées de la profession. Et il est difficile de remettre en cause son propre modèle économique, surtout si ce modèle a assuré le succès de l’entreprise depuis des années (voir notamment l’exemple de Kodak, l’exemple le plus connu en la matière). On dit souvent que la disruption vient de l’extérieur.

Nous reviendrons plus longuement sur ces barbares dans la deuxième partie de cet ouvrage.

La disruption vient de l’extérieur.

Quels sont les usages et secteurs impactés par le numérique ?

Sans se lancer dans un inventaire exhaustif (une tâche d’ailleurs impossible), un rapide aperçu de quelques exemples très concrets de l’évolution de nos usages dans différents domaines de la vie de tous les jours suffit à se convaincre que le phénomène est massif.

Le secteur des loisirs

9. Qu’il paraît loin le temps des vidéos clubs. Et pourtant, pas tant que cela. Vous souvenez vous de la dernière fois où vous avez acheté un CD ou DVD ? En moins de 20 ans, on est passé des cassettes, aux CD/DVD puis aux sites de diffusion de musiques et de films.

L’important, dans cet exemple, n’est pas le support qui a changé, mais l’usage des clients qui s’est totalement transformé. iTunes, Spotify, Netflix, OCS et toutes les autres plateformes de ce type ont, en quelques années seulement, révolutionné notre manière de consommer la musique, les films ou les séries. Nous pouvons désormais regarder un film quand nous le voulons, comme nous voulons et où nous voulons.

Vous ne pouvez pas regarder votre série préférée ce soir à l’heure de sa diffusion ? Qu’importe, vous la retrouverez sur le replay. Vous voulez regarder une saison entière d’une série ? Vous allez sur Netflix et vous pouvez y passer un après-midi voire une nuit entière ! Vous êtes en déplacement et souhaitez regarder un film ? Pas de problème ! Vous commencez sur votre portable dans votre chambre d’hôtel et poursuivrez sur votre ordinateur dans le TGV… Une fois de plus, ce qui paraît très simple aujourd'hui, était totalement impossible il y a 10 ans.

Le secteur des voyages et restaurants

10. Nos usages ont également été profondément modifiés en matière de voyages. Vous souhaitez partir en week-end ? Il vous suffit de réserver sur votre smartphone un appartement sur Airbnb ou une chambre d’hôtel au meilleur prix sur booking.com.

Vous souhaitez voyager en France ? Commandez vos billets sur le site de la SNCF, optez pour le co-voiturage avec BlaBlaCar pour limiter les frais ou choisissez Drivy pour louer la voiture d’un particulier pour quelques dizaines d’euros. Quels que soient vos choix, les solutions sont nombreuses.

Vous cherchez un restaurant ? Allez sur le site de lafourchette ou laissez-vous guider par TripAdvisor ou Yelp en prenant connaissance des avis des autres consommateurs.

Quelle que soit l’option choisie, nous sommes naturellement de moins en moins nombreux à nous adresser à une agence de voyage ou à consulter un guide papier pour trouver la table de nos rêves. Pourquoi ? Tout simplement parce que la technologie nous permet de faire notre choix et de réserver de façon beaucoup plus souple, plus simple, plus rapide…

Le secteur des services bancaires

11. Même constat dans le secteur de la banque. Qui continue à faire ses opérations bancaires au guichet ? D’un clic, à toute heure du jour ou de la nuit, nous avons accès, via nos smartphones, à nos comptes bancaires. Nous pouvons consulter notre compte, réaliser certaines opérations, communiquer avec notre chargé de clientèle…

Certaines start-up comme Bankin proposent même des applications gratuites qui récupèrent automatiquement les données bancaires. Ces applications, de plus en plus sophistiquées, se rapprochent de plus en plus de véritables tableaux de bord. Elles analysent les dépenses et proposent une répartition par postes, un suivi de l’évolution de ces dépenses dans le temps, une gestion du budget… Grâce à ces applications, toute personne peut disposer gratuitement d’un outil de suivi et de pilotage de ses dépenses personnelles, en temps réel.

Autrement dit, les chefs d’entreprise ont aujourd’hui la possibilité de disposer de tels outils (des outils à la fois simples et ergonomiques) pour piloter leurs finances personnelles. Inutile de dire qu’il va être de plus en plus difficile de leur expliquer qu’ils ne peuvent pas avoir accès à de telles prestations pour suivre les comptes bancaires de leur entreprise…

L’exemple de la banque en ligne montre, par ailleurs, que les individus sont de moins en moins réticents à voir leurs données circuler sur Internet (le phénomène étant exacerbé chez les jeunes générations, qui ont l’habitude de mettre elles-mêmes leur propre vie en ligne à la moindre occasion). Nous reviendrons sur ce point important pour les cabinets, qui ont souvent tendance à considérer que les données de leurs clients sont beaucoup trop sensibles pour se « promener » sur Internet.

Le secteur de la photo

12. Le secteur de la photo, qui a longtemps fait preuve d’une grande stabilité, a été marqué par des profondes ruptures au cours des dernières années, en lien direct avec les évolutions technologiques.

• À la fin du 19e siècle, Kodak lance le premier appareil photo à pellicule, qui assurera sa fortune et son leadership mondial pendant un siècle.

• À la fin des années 2000, les premiers appareils photo numériques apparaissent (Kodak l’avait inventé un quart de siècle plus tôt, mais sans le lancer de peur de saborder son modèle économique qui reposait sur la vente de pellicules).

• Les ventes de ces appareils explosent dans le courant des années 2000. Alors qu’il se vend plus de 5 millions d’appareils photos numériques en France entre 2007 et 2011, le chiffre d’affaires de Kodak plonge et l’ancien leader mondial finit par déposer le bilan début 2012.

• Dès 2002, le premier téléphone portable doté d’un appareil photo sort dans le commerce. Il ne se passe toutefois pas grand-chose jusqu’en 2007, date de la sortie de l’iPhone, qui va bouleverser l’industrie de la photo pour la deuxième fois en moins de 10 ans.

• Alors que les ventes de smartphones explosent et que les usages des consommateurs évoluent (on prend l’habitude de faire des photos, des selfies avec son téléphone), les ventes d’appareils photo numériques s’effondrent.

Une fois encore, ce sont les changements d’usages des consommateurs (rendus possibles par l’apparition de nouvelles technologies) qui ont bouleversé l’industrie de la photo, avec des conséquences directes sur les opérateurs historiques en place.

Il est d’ailleurs intéressant de constater que l’origine même des leaders de ce marché a changé au cours de ces années : les chimistes régnaient en maîtres sur le monde de l’argentique, les professionnels des semi-conducteurs les ont détrônés à l’ère des appareils photo numériques et ce sont aujourd’hui les fabricants de téléphones qui tiennent les rênes du marché.

Un constat qui permet de rappeler que les innovations de rupture viennent quasi-systématiquement de l’extérieur des secteurs considérés.

Le secteur de la navigation

13. Même constat dans le secteur de la navigation. Alors que les cartes routières ont dominé le marché pendant des décennies, le secteur a été bouleversé deux fois en quelques années.

L’apparition des GPS de type TomTom ou Garmin, dont la promesse était de simplifier la vie des utilisateurs, a porté un rude coup aux cartes routières. Pour un prix modique, il était possible de se passer des cartes papier qui ne couvraient qu’un territoire limité et qu’il fallait savoir lire ! Grâce aux GPS, un conducteur seul pouvait suivre le chemin sans s’arrêter à chaque croisement de route pour se repérer.

Quelques années après, sont arrivées les applications sur smartphones de type Waze, qui ont prospéré grâce au développement de la 3G, puis de la 4G. Au-delà de leur gratuité, ces applications collaboratives optimisent les parcours en profitant des retours d’expériences des autres utilisateurs qui signalent les incidents de parcours : bouchons, travaux, accidents, mais aussi barrage de police…

Le secteur médical

14. Grâce à Doctolib et bien d’autres applications du même type, il est désormais facile de prendre rendez-vous en quelques clics avec un grand nombre de médecins (sous réserve qu’ils soient évidemment disponibles !). L’application rdvmedicaux propose, en outre, de déposer un témoignage sur son médecin. Le site www.notetondoc.com permet, quant à lui, de noter son médecin…

Ces exemples montrent que certaines professions réglementées ont déjà commencé, volontairement ou involontairement, à s’adapter massivement à la révolution numérique de la société. Elles contribuent ainsi à la généralisation de ces pratiques dans des univers pourtant réputés peu favorables à ces innovations. 

Le secteur juridique

15. Le monde du droit, bien que très réglementé, n’est pas non plus épargné par la déferlante d’applications diverses et variées, des applications dont la promesse est clairement de simplifier l’accès au droit. Ainsi, le site Testamento permet d’établir son testament en ligne en quelques clics sans passer par un notaire et pour quelques dizaines d’euros. Mynotary.fr permet de signer un compromis de vente immobilière sans se déplacer en réunissant sur une plateforme collaborative tous les acteurs de l’opération. Demanderjustice.com permet de lancer une procédure judiciaire simple sans passer par un avocat pour des litiges relevant du tribunal d’instance. Legalstart propose de créer une société en quelques clics.

Ces applications, systématiquement lancées par des acteurs étrangers à ces professions réglementées, ont sans grande surprise reçu un accueil plus que mitigé de la part des professionnels des secteurs concernés.

Mais alors que ces derniers multiplient les recours (pour concurrence déloyale ou exercice illégal du droit…), les utilisateurs les plébiscitent pour la bonne et simple raison qu’elles simplifient grandement leur quotidien et qu’elles rendent un service que ne rendent pas forcément les professionnels historiques de ces secteurs.

La mutation profonde du monde du droit sous l’impulsion de nombreuses « legaltech » (start-up intervenant dans le domaine juridique) laisse présager une évolution comparable pour le monde du chiffre à court terme.

Quelles sont les technologies à l’origine de la révolution numérique ?

16. Il est difficile de rédiger un ouvrage sur l’impact du numérique sur les cabinets sans parler (un peu) des technologies responsables de cette révolution. Il n’est évidemment pas question de décrire dans le détail toutes ces technologies, cependant, un rapide tour d’horizon va nous permettre de comprendre les impacts concrets de ces innovations. Bien sûr, l’inventaire n’est pas exhaustif ; un tel exercice justifierait un ouvrage à lui seul.

Les puristes voudront bien excuser les imperfections dans les définitions et explications qui ont vocation à rendre simples des technologies souvent complexes.

Le cloud

Le cloud, solution qui permet l’externalisation de ressources informatiques (serveurs, applications, stockage…) via Internet, est emblématique d’une caractéristique très forte de la révolution numérique : l’usage prime sur la propriété.

17. Le cloud (ou « informatique en nuage ») est une solution qui permet l’externalisation de ressources informatiques (serveurs, applications, stockage…) via Internet. En fait, le cloud remplace du matériel, qui se trouvait auparavant dans l’entreprise (ou au domicile), par des solutions en ligne.

D’un point de vue pratique, on remplace le disque dur par un service auprès d’un prestataire qui nous assure la mise à disposition permanente de tous ces éléments.

Le cloud est déjà très répandu et chacun d’entre nous l’utilise quotidiennement, sans forcément le savoir. Les entreprises l’utilisent pour gérer leurs réseaux, leurs logiciels, leurs fichiers, leurs archives… Les particuliers l’utilisent pour le partage des photos, des fichiers, de la musique… Cette technologie fait aujourd'hui partie de notre quotidien. Parmi les acteurs très connus du cloud, on retrouve des GAFAM tels que Google, Microsoft ou Amazon et des applications telles que Gmail, Dropbox, OneDrive, Office 365 …

Le cloud est emblématique d’une caractéristique très forte de la révolution numérique : l’usage prime sur la propriété. L’important désormais n’est plus d’être juridiquement propriétaire (d’une voiture, d’une télévision, d’une perceuse, d’un disque dur…), mais d’en avoir l’usage quand et comme bon nous semble. Or, l’un des avantages du cloud est précisément que les données sont disponibles en tout lieu, en tout temps et sur tout support (ordinateur, tablette, smartphone).

Le cloud est, certes, une révolution technologique mais c’est aussi (surtout ?) un nouveau modèle d’organisation.

Il présente de nombreux avantages « de confort » :

• Gain de temps : plus besoin d’installer les applications et leurs mises à jour, tout est géré par l’éditeur ;

• Simplicité : plus besoin de disposer en interne d’un socle de compétences minimum pour assurer le bon fonctionnement des applications, elles sont accessibles sur Internet en permanence ;

• Sécurité : plus besoin de gérer les sauvegardes des logiciels, des fichiers, des archives, tout est assuré par le prestataire.

Le cloud est aussi l’objet de nombreuses craintes, notamment en termes de sécurité et de confidentialité des données. Le fameux Patriot Act qui prévoit que toute société américaine a l’obligation, dans certaines situations, de transmettre les données aux agences fédérales des Etats-Unis alimentent de nombreux fantasmes. Or, cette loi concerne notamment les hébergeurs tels qu’IBM.

De même, le lieu de stockage des données est un sujet sensible. Nombre d’experts-comptables, notamment, sont convaincus que leur obligation de secret professionnel leur interdit de recourir à de telles solutions pour ne pas risquer de dévoiler la comptabilité de leurs clients commerçants et artisans.

La véritable question qui se pose, d’après nous, est de savoir si les données des cabinets sont plus en sécurité dans une ferme de serveurs ultra sécurisée ou dans un disque dur installé dans les locaux du cabinet, pas toujours bien protégés, et dont la sauvegarde est parfois (souvent ? assez aléatoire).

Le cloud est, certes, une révolution technologique mais c’est aussi (surtout ? un nouveau modèle d’organisation). Au-delà des aspects logistiques que nous avons présentés et qui apportent du confort d’utilisation (nous sommes sur des innovations incrémentales), il introduit un changement profond d’usage des solutions informatiques. C’est là, sa véritable contribution à la révolution numérique (nous sommes bien, de ce point de vue, sur une innovation de rupture). Les impacts stratégiques et sur le modèle économique, souvent mal compris, sont pourtant colossaux. Le cloud apporte une véritable révolution dans les usages.

Avec le cloud, on peut calibrer notre consommation en fonction de nos besoins.

Parmi les impacts du cloud, il n’est plus nécessaire d’acheter un logiciel, en d’autres termes d’investir. Désormais, les logiciels se louent en fonction de la consommation, de l’usage. Avec le cloud, on peut calibrer notre consommation en fonction de nos besoins.

On peut louer à l’année 10 postes d’un logiciel et, pour 3 mois, ajouter 5 postes pour une période chargée pendant laquelle l’entreprise accueille des intérimaires. On peut également avoir plusieurs accès aux logiciels en parallèle : un (ou plusieurs) accès pour le cabinet, un (ou plusieurs) accès pour le client, avec des droits différents pour éviter les erreurs de manipulation.

Le partage des informations est considérablement facilité. Le client peut ainsi contribuer à la collecte des données, avoir un retour en temps réel sur ses chiffres, accéder aux informations dont il a besoin sans appeler son expert-comptable. Cet avantage extraordinaire permet aussi le travail à distance et facilite le télétravail, de plus en plus demandé par les collaborateurs. Travailler en mode collaboratif, partager des données, travailler de chez soi, nous sommes bien là dans des changements d’usage. Le cloud change profondément la manière de travailler ainsi que la relation entre l’expert-comptable et son client.

Le client peut ainsi contribuer à la collecte des données, avoir un retour en temps réel sur ses chiffres, accéder aux informations dont il a besoin sans appeler son expert-comptable.

Cependant, l’avantage qui nous paraît le plus stratégique est incontestablement celui qui consiste à pouvoir « faire son marché sans contrainte » dans l’offre pléthorique de logiciels du marché.

En effet, grâce au cloud, le plus petit cabinet peut accéder au même logiciel que le plus gros cabinet et le louer quasiment aux mêmes conditions financières. Si le cabinet a besoin ponctuellement d’un logiciel, ou s’il souhaite implanter un logiciel chez quelques clients seulement, il lui suffit d’ajuster son portefeuille de logiciels à ses besoins. Le cabinet peut panacher et faire évoluer ses logiciels en temps réel.

Ainsi, s’il a 5 clients BNC et 3 commerçants, il peut louer 5 licences du logiciel dédié aux BNC et 3 licences du logiciel qu’il considère comme le plus performant pour les commerçants. Et il peut en changer si un nouveau logiciel, plus performant, sort.

Tant qu’il fallait investir dans un logiciel, les cabinets étaient obligés de faire un choix. Grâce au cloud, il n’est plus nécessaire de renoncer.

Grâce au cloud, le plus petit cabinet peut accéder au même logiciel que le plus gros cabinet et le louer quasiment aux mêmes conditions financières.

Il est désormais possible d’adapter le logiciel au client pour que l’outil soit le plus pertinent par rapport à ce client. Un cabinet, même de petite taille, peut utiliser en parallèle des logiciels différents pour des clientèles différentes (commerçants, BNC, BNC médicaux, BtoB, associations…). On en revient aux développements précédents : le client doit être au cœur de la stratégie des cabinets. Chaque client doit se sentir unique. Il faut donc trouver le logiciel et l’usage qui seront les mieux adaptés à chacun.

Le client « moyen » n’existe plus, vive le client unique !

La blockchain

18. La blockchain fait partie des innovations considérées comme les plus prometteuses aux côtés de l’intelligence artificielle et de l’internet des objets. C’est certainement l’une des technologies récentes les moins comprises mais… dont on parle le plus ! Pour certains, elle va apporter la sécurité et la transparence dans les transactions. Pour d’autres, elle sonne le glas de professions tout entières et notamment dans les domaines du chiffre et du droit. Essayons d’y voir un peu plus clair.

L’une des définitions officielles les plus répandues de la blockchain est la suivante : selon Blockchain France « La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente et sécurisée, fonctionnant sans organe central de contrôle ».

En fait, la blockchain apporte de la confiance. Elle est d’ailleurs souvent appelée « the trust machine » (machine à confiance). Sa fonction est de garantir des opérations et contrats que l’on appelle des transactions. C’est une sorte de comptabilité infalsifiable. Ces transactions sont enregistrées, horodatées, authentifiées, archivées et protégées dans un registre virtuel (une base de données de l’ensemble des opérations passées). On peut même crypter les transactions pour les rendre confidentielles.

La blockchain apporte de la confiance. La fonction est de garantir des opérations et contrats que l’on appelle des transactions.

C’est un réseau décentralisé, c'est-à-dire qu’il fonctionne sans intermédiaire, ni autorité centrale de contrôle et donc à moindres coûts. Cette base de données est partagée par tous les utilisateurs. Les opérations se font deux à deux (de « pair à pair »). Plus besoin d’un tiers de confiance pour assurer l’inaltérabilité des opérations. Cette dernière est garantie, d’une part, par la technologie (des algorithmes très complexes), d’autre part, par la multitude des utilisateurs qui sont autant de tiers de confiance.

C’est un réseau décentralisé, c'est-à-dire qu’il fonctionne sans intermédiaire, ni autorité centrale de contrôle et donc à moindres coûts.

D’un point de vue technique, la blockchain est un registre, une « chaîne de blocs » créés, chaînés les uns aux autres et démultipliés sur tous les ordinateurs des utilisateurs. Les blocs et les chaînes sont cryptés et empilés les uns sur les autres, ce qui garantit leur authenticité. Les informations stockées dans les blocks sont ainsi infalsifiables et inaltérables.

Si les premières utilisations « naturelles » de la blockchain portent sur le droit et la finance (avec notamment les cryptomonnaies telles que le bitcoin), les applications pratiques de la blockchain sont infinies : une école pour garantir la réalité des diplômes de ses anciens étudiants, une entreprise pour organiser des élections internes et éviter toute fraude, un propriétaire qui veut louer un appartement et s’assurer que son locataire est solvable en consultant son contrat de travail...

La blockchain est une vraie technologie de rupture.

La blockchain pourrait même uberiser… les ubérisateurs ! Plus besoin d’intermédiaire pour faire appel à un VTC, pour louer une chambre à un particulier, pour partager un trajet en covoiturage. Tout est géré et garanti par l’application blockchain. Ainsi, on évite de verser les commissions aux intermédiaires (Uber, Airbnb, BlaBlaCar …).

C’est une vraie technologie de rupture. Elle vient bouleverser certains acteurs au premier rang desquels figurent tous les tiers de confiance : banques, greffes des tribunaux, notaires, avocats… mais aussi experts-comptables et commissaires aux comptes. Avec la blockchain, plus besoin de faire enregistrer ou valider par un tiers un contrat, un bail, une marque,… La blockchain est plus sûre qu’un contrat de gré à gré et beaucoup moins cher qu’un contrat validé et certifié par un professionnel du droit (avocat, notaire). Certains voient dans la blockchain un véritable concurrent des tiers de confiance qui deviennent dès lors inutiles.

Les professions réglementées du chiffre gardent toute leur utilité pour leurs activités de conseil et d’accompagnement.

Est-ce à dire que les professions réglementées du chiffre et du droit sont menacées ? Dans leurs fonctions liées à l’authentification et à la sécurisation des contrats, c’est probable. En revanche, une fois de plus, ces professions gardent toute leur utilité pour leurs activités de conseil et d’accompagnement.

Attention

Pour l’heure, la blockchain valide la réalité d’une transaction, mais pas la qualité de son contenu. À terme, la blockchain pourra également valider les données collectées et intégrées dans le contrat. C’est le principe du smart contrat ou contrat intelligent.

Certains voient dans la blockchain un véritable concurrent des tiers de confiance qui deviennent dès lors inutiles.

Le big data

19. Le big data (ou « données massives ») est un ensemble très volumineux de données qu’aucun outil classique de gestion de base de données ou de gestion de l’information ne peut exploiter. Autrement dit, notre fameux outil Excel, aussi puissant soit-il, ne peut traiter toute cette masse d’informations ! Pour ce faire, il faut des technologies de stockage et de traitement de l’information spécifiques ainsi que des spécialistes du traitement de données.

Le big data est un ensemble très volumineux de données qu’aucun outil classique de gestion de base de données ou de gestion de l’information ne peut exploiter.

Aujourd'hui, la donnée est « l’or noir » des entreprises numériques qui cherchent à récolter un maximum de données pour tout savoir sur leurs clients (qui sont-ils ? quelles sont leurs habitudes de consommation ? …).

Les données numériques (et chacun de nous en produit une quantité phénoménale tous les jours sans même s’en rendre compte) ont, en effet, une grande valeur pour qui sait les exploiter. La course à l’expérience client notamment est lancée : plus l’entreprise connaît ses clients, plus elle peut anticiper leurs besoins et y répondre.

La course à l’expérience client, notamment, est lancée : plus l’entreprise connaît ses clients, plus elle peut anticiper leurs besoins et y répondre.

À titre d’exemple original, la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron s’est appuyée sur un gros travail de big data réalisé sur les réponses aux questionnaires recueillis pendant la campagne électorale. À partir des mots utilisés dans les réponses, l’équipe de campagne, aidée de mathématiciens et de linguistes, a réalisé un diagnostic et construit certains pans du programme. Compte tenu de la quantité d’entretiens réalisés (plusieurs dizaines de milliers), sans l’apport du big data, seule une synthèse dans les très grandes lignes aurait été envisageable.

La profession comptable sera-t-elle impactée par le big data ? Bien entendu. Comment imaginer le contraire ? Quelle profession est-elle plus au cœur des données que les experts-comptables et commissaires aux comptes ? Ces professionnels vont devoir apprendre à travailler les données, les analyser, les faire parler, les contrôler, les valider…

En audit, il ne sera plus question de demander à des juniors de faire des tests sur des échantillons de données. En effet, il sera plus simple et plus efficace de travailler sur l’intégralité des données, d’auditer toutes les opérations sans exception à partir du FEC ou du grand livre. De même, il sera possible d’exporter les données du logiciel de gestion commerciale ou de paie pour valider la concordance entre les données issues de sources différentes.

Inutile de préciser que toutes ces opérations impliquent clairement des compétences informatiques de haut niveau dont la plupart des cabinets ne disposent pas à l’heure actuelle.

L’intelligence artificielle

20. L’intelligence artificielle, IA pour les intimes, génère toutes sortes de fantasmes pour les uns et de craintes pour les autres. Il est compliqué de s’y retrouver car elle est à la croisée de plusieurs disciplines (philosophie, neurosciences, biologie, informatique, linguistique...) et que les définitions sont aussi variées que ses applications.

Lors d’une conférence récente sur le sujet (conférence X-Sursaut du 13 novembre 2017) la définition suivante en a été donnée : « ensemble de programmes et d’algorithmes permettant d’assister voire de remplacer l’homme dans des tâches sophistiquées ».

L’IA n’est pas née au 21e siècle, mais les progrès réalisés sur les 10 dernières années sont vraiment spectaculaires :

• Elle a battu un joueur de go, jeu réputé pour sa grande complexité compte-tenu du grand nombre de stratégies possibles.

• Watson, le moteur d’intelligence artificielle d’IBM a été confronté aux deux plus grands vainqueurs de Jeopardy, un jeu télévisé de réflexion et Watson les a battus à plates coutures.

• L’intelligence artificielle est en mesure d’écrire des épisodes d’une série à succès comme Game of Thrones.

• Un robot chinois, appelé Xiaoyi (« Petit docteur » en chinois), a réussi l’examen écrit de médecine avec un score supérieur à la moyenne nationale. Il s’était préparé pendant un an et demi en intégrant près d’un million d’images, deux millions de dossiers médicaux, 400.00 documents et rapports médicaux et 53 ouvrages spécialisés.

• Les chatbots sont des logiciels pouvant dialoguer avec un individu par le biais de l'automatisation. Ce type de robot « analyse » et « comprend » les messages à travers sa bibliothèque de questions-réponses. Ils remplacent de plus en plus les salariés (les conseillers) dans la relation client.

À court terme, les missions de saisie, mais aussi de révision et d’optimisation seront gérées par l’IA.

Un grand nombre de secteurs d’activité et d’entreprises vont être profondément impactés par l’intelligence artificielle : transports, santé, sécurité, éducation…

La profession comptable ne fait évidemment pas exception. Un grand nombre de tâches seront peu à peu gérées par des solutions de plus en plus sophistiquées d’intelligence artificielle. À court terme, les missions de saisie, mais aussi de révision et d’optimisation seront gérées par l’IA. Déjà certaines banques se sont équipées de ces solutions (le Crédit Mutuel s’est adjoint les services de Watson, l’outil d’IBM).

Est-ce à dire que l’IA va supprimer la profession ? Non. Cependant, les experts-comptables vont devoir adapter leurs prestations et leur approche pour ne pas proposer des services moins biens et plus chers que ceux qui seront produits par l’intelligence artificielle.

Le plus grand enjeu pour les cabinets, comme pour un grand nombre d’entreprises, n’est pas de lutter contre l’IA, mais de compléter l’IA en apportant des services qu’elle n’est pas en mesure d’apporter : écoute, conseil, empathie, …

Mais aussi…

D’autres innovations rencontrent actuellement un grand succès. Même si elles n’ont pas de lien direct avec la profession comptable, il paraît important de les présenter pour être en mesure d’en comprendre les enjeux.

Les objets connectés

21. Vous avez décidé de vous mettre au sport et de perdre du poids ? Grâce à votre balance connectée, vous allez pouvoir suivre votre courbe (descendante bien sûr !) sur votre smartphone. Vous allumez le chauffage avant de partir du bureau pour que votre domicile soit bien chaud quand vous rentrez. Un agent immobilier, à qui vous avez confié la vente de votre appartement, vous appelle pour une visite mais vous ne pouvez être présent ; qu’à cela ne tienne, vous lui ouvrez la porte à distance. Vous voulez savoir le temps qu’il fait ou les embouteillages que vous devrez affronter pour vous rendre chez amis : vous demandez à votre assistant vocal (Google Home, Siri, Alexa…). Tous ces exemples qu’on croirait tout droit sortis du dernier opus de la Guerre des étoiles ou de Star Trek appartiennent désormais à notre quotidien.

Un objet connecté (IoT en anglais pour Internet of Things) est un objet doté de capteurs qui envoient des informations vers une application mobile ou un service web. De la montre connectée, au tee-shirt qui régule la température corporelle, en passant par la tétine du nourrisson qui envoie la température sur un smartphone ou encore la caméra qui surveille le sommeil des enfants, les utilisations des objets connectés sont sans limite, notamment dans les domaines de la domotique ou de la santé.

Au-delà des objets en eux-mêmes, c’est l’ensemble des services qu’ils engendrent qui constituent la véritable révolution (surveillance de la maison à distance, alerte si une personne âgée a un malaise, suivi des enfants quand ils vont à l’école, commandes automatiques de certaines courses quand il en manque à la maison, accès oral à internet en permanence…).

Les puces RFID

22. Nous sommes tous utilisateurs des puces RFID : insérer une clé pour démarrer un véhicule, badger pour accéder à un bâtiment ou une salle, utiliser les remontées mécaniques lors d’un séjour au ski, valider un titre de transport dans le bus ou le métro sont des gestes du quotidien pour bon nombre d’entre nous. Nous utilisons, sans en être vraiment conscients, des technologies de capture automatique de données basées sur les ondes et rayonnements radiofréquence. Là encore, les applications sont infinies.

La puce RFID est, par exemple, très sollicitée dans la logistique et le commerce. En étant implantée dans les produits, elle pourrait, notamment, permettre de supprimer les caisses dans les magasins ainsi que les files d’attente et les hôtesses de caisse. Autant de temps et d’argent économisés.

Une société a même proposé à ses employés volontaires de se faire implanter une puce RFID sous-cutanée contenant leur identification pour éviter de devoir avoir les clés de l’entreprise et risquer de les perdre, mais aussi pointer quand ils arrivent le matin.

Les imprimantes 3D

23. L’impression 3D est une « technologie simple » : il suffit d’une imprimante (3D) et d’un fichier informatique pour être en mesure, selon la puissance de l’imprimante bien sûr, d’imprimer un objet décoratif… ou une aile d’avion !

Ses applications sont, là encore, illimitées : objets de décoration, pièces détachées pour l’industrie, articles de cuisine, jouets, outils…. Mais aussi maison, prothèses en tout genre,… Récemment, une cornée a même été imprimée en 3D !

L’impression 3D permet de créer des prototypes à moindre coût et dans des délais réduits, de remplacer des pièces industrielles cassées, de construire une maison en moins d’une semaine.

La réalité augmentée et la réalité virtuelle

24. Ces deux technologies liées au traitement de l’image sont parfois confondues. Prenons deux exemples pour les différencier.

  1. Si vous visitez un appartement installé dans votre canapé sur votre tablette, c’est grâce à la réalité virtuelle.

  2. Si vous visitez une maison qui vous plaît et souhaitez avoir une idée de ce que donnerait une peinture bleue sur les murs du salon, c’est grâce à la réalité augmentée que vous pourrez le faire.

Ces technologies ont déjà de nombreuses applications : l’immobilier, le commerce pour proposer des vitrines augmentées, le prêt à porter (essayer un vêtement dans des cabines d’essayage virtuelles ou des lunettes à partir d’une photo), les RH (visite d’une entreprise) …

Elles permettent aussi d’enrichir l’expérience client. Signalons également l’innovation du papier augmenté utilisée par le Groupe Revue Fiduciaire pour enrichir l’expérience des lecteurs. Grâce à ce procédé, il suffit de scanner une page d’un ouvrage publié par cet éditeur avec son smartphone pour identifier immédiatement les articles qui ont été modifiés depuis l’édition papier. Un simple clic permet ensuite d’accéder à l’article modifié.