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Parution: septembre 2018

Social

Quels sont les impacts de la révolution numérique sur les entreprises ?

Avant d’aborder la question des impacts sur les entreprises, rappelons qu’en France (source Arcep 2017) :

• 88 % de la population française se connecte à Internet ;

• 73 % des français sont équipés d’un smartphone ;

• 84 % des moins de 40 ans utilisent les réseaux sociaux.

Même si on a parfois du mal à imaginer l’impact que peut avoir le numérique sur des activités traditionnelles historiques comme les coiffeurs, les restaurants ou les boutiques de vêtements… à la lecture de ces chiffres, il est difficile d’imaginer qu’une entreprise, quelles que soient sa taille et son activité, puisse ne pas être impactée par le numérique.

En pratique, le premier impact sur les entreprises traditionnelles est une menace.

Quelles sont les menaces pour les entreprises traditionnelles ?

43. La peur de l’inconnu et la méconnaissance sont certainement à l’origine de la première réaction des chefs d’entreprise face au numérique. Ils ont peur car ils voient surtout dans le numérique une menace de se faire « envahir » par de nouveaux entrants sur leur marché. Prenons un exemple pour clarifier la situation.

Dans le secteur de l’habillement, le poids du e-commerce dans la distribution textile est passé de 4 % en 2007/2008 à 16 % en 2015/2016 (source Fevad), ce qui représente un marché de 4,4 milliards d’euros en 2016.

L’habillement fait partie des biens et services les plus achetés en ligne par les internautes. Selon l’observatoire du consommateur connecté (juin 2016), 47 % des internautes avaient acheté des biens d’habillement/mode au cours des six derniers mois. Selon le baromètre Fevad/CSA, 59 % des e-acheteurs ont déjà acheté des produits d’habillement/mode.

Sur la même période, la consommation dans le textile habillement en France a reculé de 14 % en valeur (Observatoire économique de l'Institut français de la mode /IFM).

Si on analyse ces chiffres rapidement, on constate que le commerce indépendant qui n’est pas présent sur internet a vu son marché potentiel baisser… de 84 % x 86 % = 25 % !

Au-delà de l’absence de ventes en ligne, la non-intégration du numérique dans ces TPE rend impossible :

• la connaissance fine des clients ;

• la mise en place d’un programme performant de fidélisation (pas de carte fidélité efficace) ;

• l’organisation d’opérations spéciales de promotion collectives (ventes privées) ou personnelles (pour l’anniversaire)…

On voit bien, avec cet exemple de la vie quotidienne, qu’une entreprise qui ne s’adapte pas en intégrant le numérique se met en danger par rapport à la concurrence.

Qui faut-il redouter ?

Les barbares sont des « aspirateurs » de valeur.

44. L’un des impacts de cette révolution numérique est l’invasion des « barbares ». De quoi s’agit-il ?

Pour une étude approfondie des « barbares », voir l’étude « La profession va-t-elle se faire ubériser ? » (étude Les Moulins, novembre 2015).

Les barbares sont des entreprises qui font irruption sur un marché et bousculent les entreprises traditionnelles en les obligeant à se remettre en cause, à se questionner sur leur modèle.

Ces nouveaux acteurs (comme Sony dans la photo, Waze dans la navigation, Airbnb dans l’hébergement, BlaBlaCar dans le transport de voyageurs…) sont naturellement tous différents, mais ils présentent néanmoins des caractéristiques communes.

Un barbare est un « disrupteur » c'est-à-dire un acteur qui crée une rupture et fait évoluer les usages des consommateurs dans un secteur donné.

Si nous prenons l’exemple de la restauration, TripAdvisor a bouleversé cet univers en permettant aux clients de choisir puis de noter les établissements. C’est un barbare dans la mesure où il a profondément chamboulé ce secteur d’activité en instaurant de nouvelles règles. Aujourd'hui, qui cherche encore un restaurant sans un smartphone à la main ?

Un barbare capte une partie de la clientèle d’une offre similaire ou ressemblante. C’est le cas des utilisateurs de taxi, qui, pour une raison ou une autre (qualité du service, prix, praticité…), se sont mis à utiliser les services d’un VTC. Un barbare peut également attirer une clientèle qui n’était pas consommatrice des produits/services de l’offre traditionnelle.

L’irruption d’un barbare sur un marché met à mal le modèle économique des acteurs en place, en supprimant tout ou partie de leur activité, par une concurrence nouvelle, un nouveau modèle, une nouvelle façon de faire, un nouvel usage ou une nouvelle façon de consommer.

Les barbares sont de fins analystes de la chaîne de valeur des secteurs qu’ils attaquent. Et ils se positionnent naturellement à l’endroit de la chaîne qui crée le plus de valeur. Ce sont des « aspirateurs » de valeur.

La satisfaction (ou la création) d’un besoin chez les consommateurs est absolument fondamentale pour comprendre l’irruption d’un barbare. Elle est au cœur de leur ADN.

La rupture d’un barbare repose essentiellement sur une expérience client enrichie par rapport aux acteurs traditionnels du marché. Si les barbares ne répondaient pas vraiment à un besoin, ils n’existeraient tout simplement pas. C’est donc bien le marché qui les réclame ou, à tout le moins, les adoube.

Si on se place du côté des opérateurs traditionnels, les barbares représentent clairement une menace. Face à cette rupture imposée par les barbares, certains s’arc-boutent sur leur modèle déclinant en cherchant à retarder l’échéance de la transformation alors que d’autres comprennent vite que les jeux sont faits et font évoluer leur modèle afin de mieux répondre aux nouveaux besoins de leurs clients.

Les barbares ont pour effet de réveiller le marché et d’augmenter le niveau de satisfaction des clients.

D’ailleurs, quand nous agissons nous-mêmes en tant que clients, nous sommes tous favorables aux barbares car ils nous apportent une expérience plus satisfaisante.

Dès lors, il est normal que les entreprises traditionnelles non converties au numérique voient débarquer ces barbares sur leur marché avec une certaine angoisse. Sans compter que ces barbares ne sont pas la seule source de danger. En effet, au-delà des barbares, c'est-à-dire des nouveaux entrants disruptifs, la concurrence s’accentue également avec les opérateurs traditionnels du marché par l’effet boule de neige. Les concurrents de la « vieille économie » qui, pour résister aux barbares, se mettent aussi au numérique et deviennent, à leur tour, de redoutables concurrents pour les entreprises qui n’ont pas évolué.

Que faut-il redouter ?

45. Après nous être intéressés à ces nouveaux acteurs qui menacent les entreprises traditionnelles, il est intéressant de comprendre comment ces derniers menacent les marchés.

À en croire la presse, l’explication tient en un mot : « l’ubérisation ». Pas un jour ne se passe, en effet, sans que cette thématique ne soit abordée dans les médias. L’ubérisation est responsable de tous les maux que connaît notre société. Le moindre acteur innovant est immédiatement présenté comme le futur ubérisateur de son marché. L’effet anxiogène est garanti pour les acteurs historiques des secteurs d’activité concernés.

Pourtant, ce n’est pas si simple. Le terme d’uberisation est utilisé à tort et à travers et recouvre une multitude de réalités bien différentes. Or, si on veut affronter un danger, mieux vaut bien le comprendre. En pratique, il existe différentes formes de disruption dont les deux principales sont l’automatisation et l’ubérisation. Revenons sur ces concepts pour bien les comprendre.

À noter

Pour une étude approfondie des différentes formes de disruption d’un marché, voir l’étude « La profession va-t-elle se faire ubériser ? », les Moulins, novembre 2015.

L’automatisation

46. L’automatisation s’intéresse aux process de production. Elle remplace du temps homme par du temps machine. Elle met fin aux tâches répétitives et pénibles, aux étourderies humaines, aux coûts inutiles… L’automatisation est un avantage pour les entreprises du secteur car elle permet de gagner du temps homme, réduire les erreurs et baisser les coûts.

L’automatisation s’intéresse aux process de production.

Les activités susceptibles d’être automatisées présentent tout ou partie des caractéristiques suivantes :

• des tâches répétitives et/ou pénibles ;

• des tâches à faible valeur ajoutée et à forte intensité de main-d’œuvre ;

• des risques élevés d’erreurs humaines ;

• un marché concurrentiel qui oblige les opérateurs à baisser les coûts ;

• une technologie qui permet cette automatisation.

L’ubérisation

47. L’ubérisation s’intéresse à la relation client. Elle met le client au cœur de toute sa stratégie. Elle part des besoins du client et crée son offre. C’est la fameuse histoire de Travis Kalanick, fondateur d’Uber, qui a eu l’idée de créer cette société un soir où il attendait désespérément un taxi sous la pluie dans un aéroport… parisien.

L’ubérisation s’intéresse à la relation client.

L’ubérisation consiste à proposer de nouvelles manières de faire en s’affranchissant des règles du marché. Un ubérisateur est un barbare qui affiche clairement sa volonté d’envahir le marché. Les principaux ingrédients du modèle de l’ubérisation sont les suivants :

• la captation d’une clientèle déçue par l’offre existante ;

• la création d’une plateforme numérique de mise en relation entre l’offre et la demande ;

• le recours à des ressources externes pour rendre le service (la fameuse « surtraitance ») ;

• une grande transparence des prix (le client sait précisément combien il va payer pour quelle prestation) ;

• la notation des prestataires par les clients et inversement.

À noter

L’ubérisateur « exploite » le travail et/ou des actifs qui ne lui appartiennent pas : la force de travail et les véhicules des chauffeurs pour Uber, des chambres ou des appartements pour Airbnb…

Les activités susceptibles d’être ubérisées présentent tout ou partie des caractéristiques suivantes :

• un besoin non ou mal satisfait chez les clients ;

• un secteur dans lequel les acteurs historiques profitent d’un effet de rente.

À la lumière de ce décryptage, on comprend bien que ces deux aspects de la digitalisation n’ont pas beaucoup de points communs, si ce n’est que l’automatisation comme l’ubérisation créent toutes les deux une rupture sur le marché.

Il ne faut donc surtout pas confondre automatisation et ubérisation, l’une est un allié des acteurs en place, l’autre est un danger. Pour être en mesure de se défendre, face à une menace, il est essentiel de bien comprendre la nature de cette menace car la réaction ne peut être la même.

Au-delà de la perte de chiffre d’affaires, quels sont les impacts du numérique sur les entreprises ?

48. Dans la première partie de cet ouvrage, nous avons passé en revue les principaux effets du numérique sur la société. Nous allons maintenant étudier ces effets sous l’angle professionnel pour comprendre comment le numérique bouleverse les entreprises.

En fait, les impacts sur les entreprises ne sont que les miroirs des avantages que recherchent les clients.

Quand nous préférons passer par Booking.com pour réserver notre hôtel plutôt que de réserver en direct, quand nous voyageons par BlaBlaCar pour ne pas prendre le train, quand nous réservons un appartement sur Airbnb plutôt que de dormir à l’hôtel, il est difficile de penser que les impacts de la révolution numérique sur ces entreprises se limitent aux technologies. Il ne suffira pas de relooker un site, d’ouvrir un page Facebook ou d’acheter de nouvelles tablettes pour reprendre la main. Les effets sont évidemment bien plus nombreux et bien plus profonds.

Les impacts touchent toutes les fonctions de l’entreprise, de la stratégie, au marketing, aux RH, en passant par la production, la distribution… Quels sont donc ces impacts, concrètement ?

Le spectre concurrentiel s’est élargi

Aujourd’hui la concurrence peut venir d’un secteur d’activité voisin ou d’un pure player digital

49. Le numérique supprime les barrières, les baronnies, les « chasses gardées ». Les acteurs historiques, même les plus anciens et les plus robustes, sont challengés sur leurs propres terres par des sociétés qui ne comptent qu’une poignée de salariés. Après tout, comme disait Racine, « Jamais on ne vaincra les Romains que dans Rome ».

« On est en train de sortir d’un monde de concurrence sectorielle pour rentrer dans un monde de concurrence intersectorielle. Avant il était simple de surveiller ses concurrents : ils étaient connus et on les « fréquentait » au quotidien. Aujourd’hui la concurrence peut venir d’un secteur d’activité voisin ou d’un pure player digital » (www.duperrin.com/2016/01/14/concurrence-digital-ibm).

Prenons l’exemple de la presse écrite. Comme dans beaucoup de secteurs, les éditeurs de presse santé et féminine n’ont pas vu la concurrence arriver et ont identifié trop tard que des acteurs comme Doctissimo.com ou auféminin.com étaient des concurrents majeurs. Ces derniers ont non seulement impacté la diffusion de leurs titres, mais ils ont également capté une partie de leurs revenus publicitaires. Avant cette invasion, les concurrents d’un magazine étaient les autres magazines. Cette intrusion des pures players a coûté très cher à cette presse qui n’a jamais pu faire aussi bien que ces acteurs dont elle n’a longtemps pas cru au succès.

Le numérique ouvre donc la porte à de nouveaux acteurs qui ne viennent pas du marché et qui ont une vision totalement différente de celle des acteurs historiques.

La proposition de valeur des acteurs traditionnels est dépassée

La question de la transition numérique n’est pas une problématique technologique, mais bien une problématique stratégique

50. Comme nous l’avons déjà indiqué plusieurs fois, l’arrivée des nouveaux acteurs et le bouleversement des usages et des modes de consommation a un impact lourd sur le modèle économique des opérateurs en place.

Quand les clients des taxis profitent de l’arrivée d’Uber pour (enfin) bénéficier d’un service de qualité, quel impact pour les artisans taxis qui ont acheté une licence (qu’ils ont payé une fortune) ? Quel impact pour les compagnies de taxis qui voient leurs revenus fondre ?

Quand les clients des banques désertent les guichets pour réaliser leurs opérations depuis leur téléphone, l’impact est profond sur le modèle des banques : que faire de toutes ces agences de moins en moins fréquentées ? Quelles nouvelles activités développer ?

Quand une large part de la population se met à abandonner les CD et les DVD au profit de la musique en ligne ou des plateformes de vidéos à la demande comme Netflix, quel impact sur un opérateur comme la Fnac qui tire une grande part de ses revenus de ces activités ? Comment remplacer le chiffre d’affaires perdu ? Sur quels marchés se repositionner ? Quel modèle de magasin inventer pour garder le lien physique avec les clients de la marque ? Faut-il encore des magasins ?

Inutile de multiplier les exemples. Nos usages en tant que consommateurs ont immanquablement des impacts lourds sur les acteurs traditionnels. Les quelques exemples qui précèdent montrent bien que, pour ces opérateurs, la question de la transition numérique n’est pas une problématique technologique, mais bien une problématique stratégique. Quand la Fnac voit arriver Amazon, iTunes et Netflix, il est évident que ce n’est pas en changeant d’outil informatique ou en développant une application qu’elle va contrer la menace. C’est bien en revisitant son modèle en profondeur : au niveau de son positionnement, de son offre (en rachetant Darty, notamment), de sa gestion des ressources humaines, de sa relation client, de son marketing, de sa communication…

La première conséquence de l’arrivée d’une offre numérique sur un marché concerne évidemment la fragilisation voire la disparition de l’offre historique. En effet, la promesse du nouvel acteur est, très souvent, la porte d’entrée sur le marché.

En pratique, la différenciation de la nouvelle offre se fait soit sur les services proposés aux clients (livraison, délai, choix…) soit sur le prix.

Le client est devenu… le patron !

51. Le client est clairement au cœur de la stratégie de ces nouveaux acteurs du numérique. Comme nous venons de le voir, face aux acteurs historiques bien établis, leur seule porte d’entrée sur un marché est clairement d’améliorer l’expérience des utilisateurs (l’UX pour user experience, comme disent les Américains), de leur faciliter la vie, de leur proposer mieux pour moins cher, bref de les bichonner !

Cette approche est tout à fait cohérente. Sans clients suffisamment séduits par leur solution pour se détourner de leur prestataire habituel, point de place sur le marché. Dès lors, la satisfaction clients est une véritable obsession de tous les instants pour ces nouveaux acteurs.

Avant l’ère numérique, la relation entre une entreprise et un client (particulièrement dans une relation avec un consommateur final) était déséquilibrée. Faute de pouvoir comparer, le client était tenu de faire confiance et de croire l’entreprise. L’entreprise disposait d’un ascendant certain sur ses clients.

Certes, le client a toujours voulu être satisfait, il a toujours voulu être informé sur les produits, il a toujours voulu un bon rapport qualité/prix, il a toujours voulu qu’on prenne son avis en considération.

Aujourd'hui, grâce à Internet et aux réseaux sociaux, les clients s’informent, comparent, partagent, recommandent, critiquent…

Ils ont la possibilité d’accéder à une offre quasi sur-mesure en permanence, partout et tout le temps, de bénéficier de l’avis des autres consommateurs, de choisir un prestataire, mais aussi, le cas échéant, d’en changer en cas d’insatisfaction. Sam Walton, fondateur de la chaîne de supermarchés américaine Walmart, a bien résumé cette approche de la relation client : « Il n’y a qu’un seul patron : le client ! Il peut licencier tout le personnel, du directeur à l’employé, tout simplement… en allant dépenser son argent ailleurs ».

Il n’y a qu’un seul patron : le client !

La prise du pouvoir du consommateur n’est pas une image, mais bien une réalité. Du statut d’otages peu respectés par les grandes entreprises qui imposaient leurs règles sans se soucier des attentes de leurs clients, ces derniers sont devenus les maîtres du jeu que tout le monde convoite.

La concurrence renforcée, la transparence des informations, la puissance des réseaux sociaux, la facilité « d’aller dépenser son argent ailleurs », comme l’évoque Sam Walton sont autant de facteurs qui ont mis le client au cœur des stratégies des entreprises.

Le pouvoir est à portée de clic !

Le consommateur est acteur de sa consommation et il n’est plus dépendant de ses prestataires, condamné à se contenter de ce qu’ils lui proposent.

Non seulement un client peut changer de fournisseur en un clic, mais il peut également se « lâcher » sur les réseaux sociaux pour faire connaître son insatisfaction au plus grand nombre.

À tel point d’ailleurs, qu’en cas d’expérience négative, force est de constater qu’il est plus efficace de poster un message sur Facebook ou Twitter plutôt que de chercher (souvent en vain) à joindre l’entreprise. En pareille situation, la peur du « buzz » négatif est telle que l’entreprise cherche à joindre le client mécontent dans les meilleurs délais pour éviter que l’affaire soit hors de contrôle.

On constate d’ailleurs des effets pervers liés à cette angoisse des marques et entreprises de se voir « basher » (dénigrer) sur la toile. Des personnes à l’affût de bonnes affaires et sans trop de scrupules n’hésitent pas à poster sur les réseaux sociaux de violentes critiques sur une entreprise (en règle générale, il s’agit de commentaires sur un hôtel ou restaurant postés sur TripAdvisor). L’entreprise en question, cherchant à calmer l’affaire, propose alors de se faire pardonner en offrant des conditions très favorables lors d’une prochaine visite…

Les entreprises ont définitivement perdu la maîtrise de la relation ; la communication n’est plus exclusivement descendante. Elles doivent faire des efforts pour séduire et conserver leurs clients.

Dans ces conditions, outre la qualité de la prestation en tant que telle, qui devient un prérequis (voir § 41), c’est bien souvent la qualité de la relation client qui va convaincre un client de rester.

Alors que l’offre est pléthorique dans bien des secteurs et qu’il devient de plus en plus facile de changer de prestataire, la personnalisation de la relation client et le « chouchoutage » deviennent incontournables. À tel point d’ailleurs, que certaines enseignes, ayant pris conscience qu’elles en faisaient trop et que ces questionnaires de satisfaction à répétition importunaient certains clients, proposent désormais, comme confort ultime, de ne pas répondre à leurs questions sur leur satisfaction !

Les savoir-faire sont banalisés

52. Comme nous l’avons vu, le numérique a pour effet de banaliser les connaissances (voir § 28). Or, sur bien des marchés, la connaissance voire l’expertise est une très forte barrière à l’entrée. Prenons l’exemple d’un chauffeur de taxi (encore !). Aujourd'hui, pourquoi apprendre par cœur les rues de la ville sachant que l’application Waze, qui est gratuite, propose instantanément de vous guider en évitant, en outre, les embouteillages ?

Les entreprises qui ont fondé leur modèle sur la maîtrise d’une technique sont ainsi fragilisées. Elles doivent compenser cette perte d’avantage concurrentiel par d’autres services rendus aux clients.

C’est notamment le cas des professions très techniques comme les secteurs juridiques, ou comptables. De nombreux logiciels ont modélisé la technique du professionnel pour proposer des solutions numériques sans interventions humaines (logiciel de rédaction d’actes, de comptabilité, de préparation des bulletins de paie…). Ce qui était réservé aux sachants est désormais accessible à tous.

Dans ce contexte, que deviennent les compétences des personnes qui étaient détentrices de cette connaissance pointue ? Le chauffeur de taxi qui connaissait toutes les rues par cœur, le comptable qui maîtrisait le plan de comptes et les écritures sur le bout de doigts… Que vont devenir les interprètes qui traduisaient des discussions en temps réel à l’heure de Google Translate qui fait le même travail gratuitement ?

Les modèles économiques sont menacés

La tenue de comptabilité fait figure d’activité « idéale » pour l’automatisation.

53. Le numérique peut même, dans certains cas, supprimer certains modèles économiques en faisant disparaître le besoin du client. L’arrivée des plateformes a notamment mis à mal un certain nombre de métiers d’intermédiaire.

Citons, notamment, les agences matrimoniales oubliées au profit de Meetic et de ses concurrents, les agences de voyages qui se contentaient de vendre des billets et qui ont été phagocytées par les applications gratuites des transporteurs, les vidéo clubs remplacés par le replay, la VOD ou encore Netflix. Les exemples sont nombreux.

En poursuivant cette logique, d’autres activités encore plus importantes pourraient également être chahutées. Ainsi, la vente de voitures pourrait être affectée par les plateformes de prêts entre particuliers, les agences immobilières pourraient être fragilisées par le Bon Coin, les agences de recrutement pourraient souffrir à cause des sites dédiés, mais aussi les banques menacées par le crowdfunding. La liste est décidément longue. Sans oublier la tenue de comptabilité qui fait figure d’activité « idéale » pour l’automatisation.

Pour finir ce chapitre sur les menaces qui pèsent sur les entreprises du fait du numérique, rappelons que le numérique est aussi une chance pour qui sait s’en emparer. Nous y reviendrons.

Comment réagir face à la révolution numérique ?

54. Face à l’arrivée inattendue de barbares (voir § 32), les acteurs traditionnels du secteur doivent réagir pour sauver leur entreprise. Or, ce n’est pas si simple.

De nombreux chefs d’entreprise sont désarmés face à ce raz de marée numérique auquel ils ne s’attendaient pas. Les freins sont bien connus : manque de temps et peur de l’inconnu.

Quelles réactions face à la révolution numérique ?

54. Dans ce contexte, les réactions, pas toujours très pertinentes car souvent inspirées par l’émotion plus que la raison, sont assez similaires d’un secteur à l’autre.

On peut globalement distinguer quatre grandes étapes chez les entreprises confrontées à l’arrivée de barbares (voir tableau ci-après, inspiré de « Les 5 étapes du déni », Nicolas Colin, https://salon.thefamily.co/les-cinq-%C3%A9tapes-du-d%C3%A9ni-a7a06072c9fc) :

4 grandes étapes

Le déni

Dans cette étape du déni, les entreprises historiques refusent de voir la réalité. Elles trouvent toutes les bonnes raisons pour considérer que leur secteur n’est pas concerné par une telle révolution : « Ça ne marchera pas », « Les clients ne sont pas prêts », « Notre secteur n’est pas concerné »…

Le dénigrement

Lors de cette deuxième étape, les acteurs historiques prennent conscience du danger mais le minimise en critiquant le nouveau modèle voué à l’échec d’après eux car non adapté à leur secteur d’activité : « À ce prix-là, ce n’est pas possible de faire un travail de qualité », « Une fois qu’ils auront essayé, les clients reviendront chez nous en courant »…

Au cours de cette même étape, certaines entreprises reconnaissent qu’il faut « changer ». En pratique, elles se contentent de faire un peu de cosmétique pour se rassurer. Elles font alors l’effort de créer ou mettre à jour un site internet, de s’intéresser aux nouveaux acteurs dont elles s’inspirent ici ou là pour leur communication.

L’action corporatiste auprès des pouvoirs publics

Cette troisième étape est la première vraie réaction. À ce stade, les dirigeants du secteur ont compris que l’arrivée de nouveaux acteurs était inéluctable car ils répondaient effectivement à de nouveaux besoins. Les représentants du secteur d’activité vont donc chercher un allié auprès des pouvoirs publics pour interdire ou freiner l’arrivée de ces intrus. Les arguments sont généralement que « Cette arrivée crée une concurrence déloyale », « Elle va générer un plan social d’envergure dans la filière historique », « Le secteur a toujours été un partenaire de confiance pour les pouvoirs publics »…

La réaction sur le terrain

La dernière étape est (enfin !) l’action sur le terrain. Les entreprises s’adaptent et font évoluer leur propre modèle historique afin de limiter les impacts négatifs de cette intrusion : baisse des prix pour tenter de conserver les clients, différenciation afin d’échapper à la guerre des prix, repositionnement sur de nouvelles activités moins exposées, nouveaux process de production, de distribution, d’organisation…

Comme dans toute conduite de changement non souhaité, les trois premières étapes relèvent de ce qu’on appelle le deuil, c'est-à-dire le refus de renoncer au statut antérieur. Ancrées dans leur passé, les entreprises freinent des quatre fers face à l’arrivée de ce nouveau modèle jusqu’à ne plus pouvoir l’éviter. Une fois qu’elles ont compris que la mutation était inéluctable, elles renoncent enfin à leur passé et s’engagent dans leur avenir.

Ces grandes étapes ne sont pas propres à la problématique des barbares. Elles se retrouvent régulièrement dans les situations de changement. Nous y reviendrons d’ailleurs dans la 3e partie de cet ouvrage sur la conduite du projet de transformation du cabinet.

Comment s’adapter face à la révolution numérique ?

55. Face à ce nouveau monde en perpétuelle mutation, les entreprises sont condamnées à devoir s’adapter en permanence. Elles ne doivent pas espérer poser les valises en se disant qu’elles sont « prêtes » une fois pour toutes. Certes, elles pourront l’être à un moment donné, mais pour une période assez courte. Les évolutions technologiques sont de plus en plus rapides, les entreprises seront donc rapidement obligées de se remettre en question. Le monde étant devenu « VICA » pour Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu (voir § 26), l’adaptation à ce monde VICA est un véritable défi pour les organisations tant il exige des comportements contraires aux comportements habituels.

Il n’existe pas de recettes magiques pour survivre dans un monde VICA. Il faut adopter une posture qui regroupe une capacité à :

• s’adapter aux imprévus ;

• toujours remettre en cause ses certitudes ;

• être toujours à l’affût d’idées nouvelles ;

• envisager… l’inenvisageable.

L'entreprise doit être plus adaptable et plus flexible ; elle doit évoluer beaucoup plus vite qu’hier. C’est ainsi que le concept d’agilité a fait surface.

Le mot agilité est un mot très à la mode.

Il faut être agile sinon point de salut dans ce monde VICA qui nous réserve sans arrêt des surprises et peut déstabiliser une organisation en quelques mois.

Mais que recouvre cette notion ? Qu’est-ce qu’une entreprise agile ? Quelles sont ses caractéristiques ?

Il existe de nombreuses définitions de l’entreprise agile. Nous avons retenu celle du cabinet Deloitte : « L’entreprise agile est une entreprise qui apporte des solutions concrètes et personnalisées à ses clients, qui coopère pour améliorer sa compétitivité, qui s’organise pour maîtriser le changement et l’incertitude, et enfin se nourrit de la richesse de ses collaborateurs et de son patrimoine informationnel » (www.unow.fr/blog/le-coin-des-experts/definition-entreprise-agile).

L’agilité n’est pas réservée aux start-up, c’est un mode de fonctionnement qui peut être appliqué à toute entreprise, particulièrement aux PME qui sont plus souples et donc plus facilement adaptables.

Le principe de l’agilité est d’avancer pas à pas et de s’adapter en permanence. Une entreprise agile fait preuve de souplesse, en opposition avec un système planifié de manière trop rigide.

L’agilité permet de mieux vivre les imprévus et de s’y adapter en permanence.

Pour y arriver, une entreprise doit présenter certaines caractéristiques :

❶ La direction de l’entreprise doit instaurer un climat de confiance et favoriser la communication interne pour que chacun se sente bien, s’exprime et apporte son point de vue. Elle doit être bienveillante à l’égard de l’équipe et réciproquement.

❷ La direction doit être transparente, partager ses projets et les expliquer. Elle doit ainsi informer régulièrement l’équipe des nouveautés, bonnes ou mauvaises, qui touchent l’entreprise. Elle doit écouter les retours de l’équipe et encourager l’expression individuelle. En effet, si un salarié a une idée mais craint une réaction négative, il la gardera pour lui et fera perdre une chance à l’entreprise.

❸ L’équipe doit être en veille permanente sur son secteur d’activité, la concurrence, les technologies… Elle doit s’intéresser à tout ce qui pourrait l’impacter un jour ou l’autre.

❹ Dans le même esprit que la veille externe, l’équipe doit avoir un regard critique bienveillant sur l’entreprise. Chaque collaborateur doit observer son entreprise en se demandant, en permanence, comment améliorer son fonctionnement. Cela peut concerner l’écoute client, la communication, mais aussi le recrutement, la livraison des produits, l’analyse de la satisfaction… Il ne faut pas hésiter à écouter tous les membres de l’équipe et pas seulement les managers. Souvent les collaborateurs de terrain constatent des dysfonctionnements, mais n’osent pas faire part de leurs constats à la direction. Or, le lean management nous apprend que « celui qui sait, c’est celui qui fait » (Pour plus de détails, voir la partie sur la refonte des process, § 217). Il est essentiel de donner la parole à tous les membres de l’équipe.

❺ L’équipe doit penser « out of the box » c'est-à-dire qu’elle ne doit pas hésiter à sortir de son cadre habituel, de sa zone de confort. Elle ne doit surtout pas « s’encroûter » dans ses habitudes et doit, en permanence, se remettre en question, se challenger voire se rebeller (gentiment !) contre les règles et l’ordre établi.

❻ L’équipe doit penser et agir en collectif. Comme disait Zinedine Zidane « Les performances individuelles, ce n'est pas le plus important. On gagne et on perd en équipe ». Autrement dit, les bonnes idées n’appartiennent à personne en particulier, mais au groupe. Il faut les compléter, les faire grandir, les enrichir, les tester ensemble. L’important n’est pas de savoir de qui vient l’idée, mais comment cette idée peut faire grandir l’entreprise tout entière.

❼ L’équipe accepte et accueille positivement le changement. Elle considère le changement comme une chance, une opportunité et non comme une remise en cause de ce qu’elle faisait avant.

Accepter l’échec comme un élément clé… du succès !

❽ L’équipe ne doit pas avoir peur de l’échec. Pour reprendre les mots de Lao Tseu, « l'échec est le fondement de la réussite ». Dans notre monde en agitation permanente, il faut être réactif. Il n’est plus possible, comme au bon vieux temps, de prendre le temps de réfléchir, de concevoir un projet, d’envisager toutes les hypothèses, de tout prévoir, d’organiser… il faut se lancer rapidement. Dès lors, l’échec fait office de test grandeur nature. Il fait partie du processus de mise au point et d’amélioration d’un projet. Cela implique d’accepter l’échec comme un élément clé… du succès ! En revanche, l’entreprise doit être prête à vivre ces échecs. Elle doit l’accepter et le considérer comme inhérent au fonctionnement normal. Il ne doit surtout pas être considéré comme une faute, sinon plus personne ne tentera plus rien et l’innovation disparaîtra de l’entreprise.

❾ La direction d’une entreprise agile doit savoir prendre des décisions et les faire appliquer. Rien de pire qu’une direction qui tergiverse. Une décision qui tarde à venir est souvent une source de tensions voire de conflits internes. Il ne s’agit pas, bien sûr, de confondre vitesse et précipitation, mais de trancher, après avoir analysé un dossier. Il faut ensuite veiller à ce que les décisions prises soient effectivement mises en œuvre.

À noter

Pour arriver à cette culture d’entreprise, inutile de préciser qu’une grande confiance interne est absolument nécessaire. Le climat interne doit être favorable à l’échange, au partage, au lâcher prise, à l’absence de jugement… ce qui n’est évidemment pas simple !

Comment réussir la transformation numérique d’une entreprise ?

Jusqu’à présent, nous avons analysé les impacts de la révolution numérique sur les entreprises, autrement dit comment cette révolution est-elle vécue par les entreprises qui la subissent. Dans ce nouveau chapitre, nous allons aborder la question de la transformation numérique, c'est-à-dire l’adaptation de l’entreprise pour faire face à cette révolution numérique.

De victime, l’entreprise devient acteur.

La transformation numérique ne doit pas être abordée comme une évolution technologique supplémentaire

La transformation numérique est la transformation de l’entreprise en profondeur pour faire face aux enjeux du numérique.

56. On ne le répétera jamais assez, la transformation numérique (ou digitale) n’est pas une question de technologie. Le numérique ne doit pas être le territoire réservé des informaticiens.

Il ne faut pas confondre numérique et informatique !

La transformation numérique est la transformation de l’entreprise en profondeur pour faire face aux enjeux du numérique. En fait, on ne devrait pas parler de transformation numérique, mais de transformation par et pour le numérique.

Ce raccourci de langage est trompeur et porteur de confusion. Il réduit considérablement la portée de la mutation nécessaire. La transformation numérique implique une approche holistique de l’entreprise et non pas centrée sur les technologies. À tel point, d’ailleurs, qu’aborder la question sous un angle purement technique (logiciels, matériel) est une quasi-garantie d’échec.

En revanche, la mise œuvre des décisions de la direction relatives au numérique et notamment l’installation de logiciels en mode Software as a Service (SaaS , c'est-à-dire hébergés dans le cloud), relève effectivement de la compétence du service informatique.

La transformation numérique doit mettre le numérique à tous les étages

57. Le numérique doit être présent à tous les niveaux de l’entreprise. Il est devenu un ingrédient essentiel de toute stratégie d’entreprise.

L’entreprise ne peut se permettre de mettre en place une vitrine numérique pour se moderniser ou « faire comme tout le monde ». Il faut ériger le numérique au rang des priorités de l’entreprise. Les décisions relatives au numérique doivent être considérées comme stratégiques et prises à un niveau élevé de hiérarchie.

Il faut ériger le numérique au rang des priorités de l’entreprise.

Si le numérique n’est qu’une vitrine, un leurre, son impact sur l’entreprise sera plus nuisible que bénéfique, comme le rappelle fort justement Bertrand Duperrin :

C’est ainsi que l’on voit dans les entreprises des réseaux sociaux fantômes ou sous respirateur artificiel (qui ne vivent que de l’activité des community managers) ou que l’on a vu, côté client, des comptes twitter confiés à des stagiaires ou des juniors, lâchés dans le grand bain sans préparation, sans que les process aient été réalignés derrière pour les supporter

(www.duperrin.com/2014/12/04/ladoption-des-technologies-tue-votre-transformation-digitale).

De même, la transformation numérique doit être l’affaire de tous et pas seulement du comité de direction. C’est une grande aventure collective. La prise de conscience et l’implication collectives dans ce projet sont des ingrédients indispensables au succès de l’opération.

Cette mobilisation générale de l’ensemble de l’équipe est une condition sine qua non de réussite du projet. Nous y reviendrons dans la troisième partie de cet ouvrage.

La transformation numérique implique de repenser le modèle

58. Le numérique ne doit pas être qu’une vitrine (voir § 57), mais une dimension à part entière du projet de l’entreprise. Le numérique doit infuser toutes les fonctions : l’offre, la communication, les process, le marketing, les RH…

Dans un grand nombre de secteurs d’activité, le numérique bouleverse le modèle et l’offre des acteurs historiques du marché. Ces derniers doivent donc repenser leur modèle en intégrant l’apport du numérique dans leur réflexion. Prenons un exemple.

Qui se taille aujourd'hui la part du lion dans le marché de la distribution immobilière ? SeLoger et Leboncoin, autrement dit deux pure players (nom donné aux acteurs 100 % en ligne). Dans ces conditions, comment s’adapter face à cette évolution du marché quand on est une agence immobilière traditionnelle ? Le problème posé par le numérique dans ce secteur ne peut se résoudre en changeant de logiciel ou en ouvrant un site vitrine pour présenter l’équipe de l’agence… Il faut vraiment organiser la présence de l’agence sur internet, revoir la façon de promouvoir les biens en portefeuille, gérer une relation en ligne avec les clients intéressés… Les agences immobilières traditionnelles doivent impérativement gagner en visibilité pour leur offre afin de lutter contre les envahisseurs du web.

Prenons un autre exemple dans le secteur de l’industrie, celui de l’imprimerie Grenier (Les Échos, 12 juin 2017). L’entreprise, qui compte 70 ans d’existence et 35 personnes a bien compris qu’ouvrir un site internet ne suffirait pas à maintenir sa compétitivité et à assurer sa pérennité. Le directeur commercial indique :

Comme toutes les PME, nous sommes aujourd’hui confrontés aux défis de la transition numérique. À ce titre, notre principale difficulté consiste à trouver des solutions pour automatiser toutes les tâches répétitives sur lesquelles l’humain n’apporte pas de véritable plus-value

Cette entreprise compte en fait sur le numérique pour automatiser ses process afin de permettre aux collaborateurs de se concentrer sur les missions où leur expertise et leur savoir-faire s’avèrent réellement indispensables.

Dans d’autres situations encore, le numérique peut permettre de monter une offre « augmentée », c'est-à-dire enrichie par tous les apports du numérique. Dans ce cas, l’entreprise joue sur la complémentarité entre la « vraie vie » et le numérique (on parle d’offre omnicanal). Citons l’exemple des agences de voyage, comme Voyageurs du Monde ou encore Comptoir des voyages, qui proposent des voyages à la carte en mettant à disposition de leurs clients une appli personnalisée avec les informations utiles pour leur voyage, les sites à découvrir sur leur parcours, les restaurants conseillés, une hotline 24h/24 mais aussi un GPS préprogrammé… Dans un autre genre, certaines agences ont profité du numérique pour repenser complètement leur service client. C’est ainsi qu’elles proposent des services complémentaires originaux à leurs clients : arroser leurs plantes, garder leurs clés ou s’occuper de leurs animaux pendant leur séjour.

Bien sûr, ces services auraient parfaitement pu être proposés bien avant, mais c’est la perspective de voir les clients partir, attirés par des offres alléchantes en ligne qui ont incité ces agences à réfléchir à des services complémentaires pour fidéliser leur clientèle.

La transformation numérique fait la part belle au client

59. La scène se déroule lors du comité exécutif d’un grand groupe bancaire. Tous les dirigeants sont installés. Un siège rouge situé à la gauche du Président les intrigue. Ce fauteuil est là pour symboliser la présence du client. Il restera vide durant toute la réunion mais n’en attirera pas moins les regards, les sollicitations et même quelques questions. Quand les conversations se concentreront sur les résultats, les process ou les lancements de produits, il suffira alors d’un coup d’œil vers lui pour revenir à l’essentiel :

« Que veut-il ? Qu’attend vraiment l’invité virtuellement installé dans ce fauteuil vermillon ? Ce n’est certes qu’un symbole mais on connaît la valeur de ce type de signes : quand ils sont là, on ironise gentiment ; quand ils sont absents, on les cherche avec empressement, comme des panneaux indicateurs sur une route déserte ou embrumée » (www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2018/02/18886-client-roi-collaborateur-moi).

Un des aspects fondamentaux d’une entreprise qui conduit sa transformation digitale est celui d’une stratégie axée sur la satisfaction du client. L’entreprise numérique a compris qu’elle n’existe que parce que le client lui accorde sa confiance. C’est donc le bien le plus précieux pour une entreprise.

Pour Jeff Bezos, le patron d’Amazon, cela va encore plus loin. Il parle d’obsession client :

Il y a plusieurs façons de diriger une entreprise. Vous pouvez être focalisé sur vos concurrents, sur vos produits, sur vos technologies, votre business model, et plein d’autres choses encore. Mais selon moi, être focalisé et obsédé par le client est, de loin, le meilleur moyen de préserver l’énergie du Premier Jour. Pourquoi ? Je pourrais citer plein d’avantages à une approche centrée client, mais il y a une raison principale : les clients sont toujours merveilleusement, délicieusement insatisfaits, même quand ils se disent contents et heureux de la relation avec l’entreprise. Même quand ils ne le savent pas encore, les clients veulent toujours quelque chose de mieux, et votre désir de les charmer vous poussera à inventer quelque chose de mieux en leur nom

(Extrait de la lettre de Jeff Bezos à ses actionnaires, 2017)

La fameuse expérience client est donc au cœur de la transformation digitale. Les entreprises doivent proposer un parcours client simple et fluide, qui enchante l’expérience client et crée de l’émotion.

C’est le fameux « effet waouh » dont on parle tant. Bien sûr, il paraît plus facile d’enchanter le client quand on est Disneyland Paris que quand on est un cabinet d’expertise comptable qui tient la comptabilité et prépare la TVA… Pourtant, l’effet waouh n’est pas une question d’activité. Quelle que soit la prestation rendue, le client peut être satisfait au-delà de ses attentes.

Cette manière d’appréhender la relation client est essentielle pour se différencier.

Ce n’est plus seulement le produit ou le service qui fait la différence entre deux concurrents, c’est tout ce qui gravite autour et les contacts que le client a avec l’entreprise en dehors de l’achat du produit en lui-même.

Concrètement, cela implique, notamment, de personnaliser la relation avec chaque client. Cette personnalisation est un enjeu majeur à l’heure où ses exigences sont grandissantes. Le client veut qu’on s’occupe de lui !

Cela signifie aussi que l’entreprise ne doit surtout pas considérer que le numérique va remplacer l’humain. Les clients ont besoin d’avoir des contacts agréables avec l’entreprise. On ne le répétera jamais assez : plus le numérique prend de la place, plus l’humain prend de l’importance.

Plus le numérique prend de la place, plus l’humain prend de l’importance.

La transformation numérique doit bousculer les habitudes de l’entreprise

60. Pour finir, la transformation numérique impose également une rupture profonde dans la manière même de conduire l’entreprise.

Comme nous l’avons déjà vu, le monde est devenu à la fois volatile, incertain, complexe et ambigu (pour plus de détail, voir § 55). Dans un tel contexte, l’entreprise doit être en adaptation permanente.

C’est pourquoi, la transformation numérique doit être l’occasion d’insuffler de nouvelles pratiques managériales, de laisser une plus grande place à l’agilité, d’adopter une approche plus collective et plus transversale des problèmes, un process de décision allégé…

La transformation numérique doit trouver son bon équilibre « bionique »

61. Le numérique permet de proposer une « offre augmentée ». Une des grandes difficultés de la transformation numérique réside dans la recherche du parfait équilibre homme / machine, d’où le concept d’équilibre bionique ou de « phygital » (pour physique et digital) dans la distribution.

Cet équilibre est d’abord celui de l’entreprise elle-même, qui doit réfléchir et se positionner sur le dosage idéal du numérique dans son offre, son organisation, sa relation client, etc. Cette question se pose aussi… client par client.

Certains clients souhaitent une prestation 100 % numérique, d’autres préfèrent une offre plus traditionnelle fondée sur le contact humain.

Impossible de leur forcer la main dans un sens ou dans un autre. Il ne faut surtout pas adopter une position dogmatique. Chaque client doit être libre de choisir la solution qui lui convient le mieux.

Chaque client doit être libre de choisir la solution qui lui convient le mieux.