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Parution: septembre 2018

Quels sont les impacts de cette révolution ?

Après avoir analysé les caractéristiques de cette révolution numérique, nous allons en étudier les impacts. En effet, il est essentiel de bien comprendre les effets de cette profonde mutation sur l’évolution de la société et des comportements pour permettre à chacun de s’adapter tant à titre personnel que professionnel.

Changement de rupture ou changement incrémental ?

Nul doute que la révolution numérique n’est pas un changement incrémental, mais bien un changement de rupture.

25. L’innovation incrémentale, c’est l’innovation en douceur, celle qui construit l’avenir pas à pas, qui prend son temps et laisse aux acteurs le temps de s’adapter. À l’inverse, l’innovation de rupture (ou « disruptive ») crée une rupture forte par rapport à ce qui existait auparavant.

Le tableau ci-dessous permet de comparer ces deux formes d’innovation de nature et de conséquences très différentes.

Évolution incrémentale

Évolution de rupture

Le cœur de la démarche

Le produit / service

L’usage

Le produit / service

Amélioration des fonctionnalités : on propose le même produit / service en version améliorée : plus pratique, plus puissant, plus rapide, …

Changement d’usage : on ne se sert plus du produit / service de la même manière

Les clients

Impact faible pour les clients. Le nouveau produit / service ne change pas les habitudes de consommation

Impact fort pour les clients. Le nouveau produit / service change le mode de consommation, la relation à l’objet ou au service

Le marché

Les règles du jeu restent les mêmes

Révolution sur le marché contre l’avis des acteurs historiques

Les acteurs

Les entreprises du secteur renforcent leur position

De nouveaux acteurs surviennent, les entreprises du secteur sont ringardisées puis éliminées

Or, nul doute que la révolution numérique n’est pas un changement incrémental, mais bien un changement de rupture.

Les acteurs de la révolution numérique n’ajoutent pas des fonctionnalités supplémentaires à des produits/services déjà existants. Ils les revisitent en profondeur et bouleversent totalement les usages antérieurs.

Ainsi, quand il sort en 2007, l’iPhone n’est pas un téléphone de plus. C’est une ouverture sur un nouveau monde. Une ouverture qui va d’ailleurs non seulement bouleverser l’industrie du téléphone, mais aussi, celles de la musique, de la photo et bien d’autres encore. Ces innovations de rupture ont des impacts lourds (et souvent même très lourds) sur les opérateurs historiques des secteurs concernés qui ne sont pas prêts pour faire face à ces révolutions.

Le numérique raccourcit le temps

26. Une des caractéristiques fortes de cette révolution numérique est clairement l’accélération des innovations, la réduction de la durée des cycles et l’imprévisibilité des événements.

À titre d’anecdote, en 2007, Forbes publiait un numéro dont le titre sur la couverture était : « Qui peut arrêter Nokia ? ». À l’époque, ce fabricant dominait le monde de la téléphonie mobile et les experts de la revue prévoyaient que cette suprématie allait durer. Nous savons tous ce qu’est devenu Nokia.

Le monde va devoir apprendre à vivre dans un contexte de changement et d’adaptation permanents. Les exemples de la photo et des outils de navigation déjà cités en sont de bons exemples.

Une des caractéristiques fortes de cette révolution numérique est clairement l’accélération des innovations, la réduction de la durée des cycles et l’imprévisibilité des événements.

C’est ainsi que l’acronyme VICA apparaît de plus en plus dans la presse et les conversations. Le monde est devenu VICA pour Volatile, Incertain, Complexe, Ambigu. Qu’est-ce que cela signifie ?

Le monde va devoir apprendre à vivre dans un contexte de changement et d’adaptation permanents.

Face à cet environnement VICA (ou VUCA en anglais), le monde (entreprise, associations, secteur public, vies personnelles) ne peut plus être gouverné de la même manière.

Coté entreprises, les stratégies et plans d’action à 10 ans n’ont plus de sens car nul ne sait ce que sera le monde dans 10 ans ! Qui avait prévu Amazon, l’iPhone … ?

Le Directeur financier de BASF énonce ainsi : « La meilleure expression est que nous vivons dans un monde VICA. À présent, nous avons une bonne visibilité jusqu'à soixante jours, maximum quatre-vingt-dix. Mais c'est tout » Il faut prendre des décisions de plus en plus rapides dans un contexte où l’incertitude est souveraine » (www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-166536-comment-deployer-une-strategie-anti-vuca-2066639.php).

Des mots comme agilité, réactivité, créativité font leur apparition.

Dans la deuxième partie de cet ouvrage, nous reviendrons sur le concept d’agilité.

Le numérique (re)donne le pouvoir au client

27. S’il est une certitude à propos du numérique, c’est qu’il redonne le pouvoir au client. Ce dernier qui passait jusqu’alors inaperçu dans la masse des clients a ainsi retrouvé ses lettres de noblesses.

S’il est une certitude à propos du numérique, c’est qu’il redonne le pouvoir au client.

Grâce aux réseaux sociaux et aux plateformes, le client peut s’exprimer. Et un « tout petit client » peut faire beaucoup de bruit s’il partage son plaisir ou son courroux en ligne. C’est pourquoi, le client est écouté, bichonné, choyé… tout est fait pour qu’il soit satisfait

Il faut « enchanter l’expérience client » dans le monde numérique

En fait, la satisfaction client est au cœur de la stratégie du monde numérique. C’est même sa raison d’être. En effet, toutes ces entreprises de la « nouvelle économie » cherchent à s’approprier les clients des entreprises de la vieille économie. Or, pourquoi ces clients changeraient-ils de prestataire ? Tout simplement parce qu’ils sont mieux servis (meilleure qualité, meilleur prix, meilleur rapport qualité/prix, meilleur service …) dans ce nouveau monde dans lequel le client est vraiment roi.

La satisfaction client est au cœur de la stratégie du monde numérique. C’est même sa raison d’être.

Les clients l’ont d’ailleurs bien compris. C’est pourquoi, ils n’hésitent pas utiliser ce nouveau pouvoir qui leur est donné. Ils sélectionnent, notent, commentent librement leurs fournisseurs et ne manquent pas de faire savoir leur mécontentement.

Prenons un exemple. Vous êtes dans le TGV Lyon-Paris. Au bout de quelques minutes, le train s’arrête en rase campagne. Le conducteur et le contrôleur ne donnent aucune explication. Vous aurez certainement plus de chance d’avoir des nouvelles en twittant votre mécontentement qu’en attendant désespérément des nouvelles de l’équipage. C’est absurde, mais c’est ainsi.

La reconquête des clients est incontestablement l’un des grands défis des entreprises traditionnelles. Ces entreprises doivent séduire les clients et prennent souvent le contre-pied des start-up en insistant sur la dimension multicanale de leur circuit de distribution (en ligne et dans les magasins).

La reconquête des clients est incontestablement l’un des grands défis des entreprises traditionnelles.

Le numérique banalise les connaissances

Les connaissances deviennent tout simplement obsolètes ; elles sont reléguées au rang de simples commodités. L’expertise est banalisée.

28. Difficile aujourd'hui de demander à un enfant d’apprendre Marignan, le théorème de Pythagore ou les règles de grammaire sur l’accord des participes passés quand toutes ces informations, et bien d’autres encore, tiennent dans son smartphone ! Et ce qui est vrai pour un collégien l’est également pour nous tous.

Dans le monde professionnel, on constate le même phénomène. Quel chauffeur de taxi connaît encore par cœur toutes les rues ? Ils préfèrent utiliser Waze, application gratuite qui propose le chemin le plus pertinent en évitant les embouteillages. Grâce aux progrès de l’intelligence artificielle, un ordinateur a obtenu un meilleur diagnostic que les dermatologues pour détecter les cancers de la peau à un stade précoce (www.francetvinfo.fr/sante/soigner/un-ordinateur-meilleur-que-les-dermatologues-pour-reperer-les-cancers_2775389.html). Plus proche de nous, des cabinets d’avocats ont recruté Ross, un robot avocat qui s’appuie sur le moteur d’intelligence artificielle Watson d’IBM (également utilisé par le Crédit Mutuel pour accompagner les chargés de clientèle). Il est capable de lire des dizaines de millions de pages en quelques minutes et de les comprendre. Il peut ainsi assister les avocats dans leurs dossiers, faire des recherches documentaires instantanément mais aussi formuler des hypothèses, trouver des solutions…

Autrement dit, dans ces différents cas, une « machine » est plus perspicace que le professionnel dont c’est le métier. Ces exemples ne sont absolument pas isolés. La supériorité technique de la machine ne fait aucun doute : plus rapide, moins d’erreurs, pas de fatigue ou d’inattention, pas de congés payés, pas de RTT, pas de maladie… bref, le collaborateur idéal ! Sans compter que ces logiciels se bonifient de jour en jour car ils enrichissent leurs connaissances en permanence.

La supériorité technique de la machine ne fait aucun doute : plus rapide, moins d’erreurs, pas de fatigue ou d’inattention, pas de congés payés, pas de RTT, pas de maladie…

Si chacun trouve cela pratique en tant qu’utilisateur, il n’en est pas de même en tant que salarié « disrupté » par une telle machine. Les connaissances deviennent tout simplement obsolètes ; elles sont reléguées au rang de simples commodités. L’expertise est banalisée.

Avec le numérique, la valeur se déplace, il est donc essentiel de s’adapter à cette évolution individuellement et collectivement. Les connaissances techniques (dites « hard skills ») seront évidemment toujours nécessaires, mais elles devront être de plus en plus complétées par des compétences plus comportementales (« soft skills ») telles que l'écoute, l'empathie, la capacité d’adaptation, l’agilité, la créativité, la pédagogie, la gestion du stress... N’oublions jamais que plus le numérique prend de la place, plus l’humain prend de l’importance.

Avec le numérique, la valeur se déplace, il est donc essentiel de s’adapter à cette évolution individuellement et collectivement.

Plus le numérique prend de la place, plus l’humain prend de l’importance.

Le numérique permet de personnaliser la prestation client

29. En lien direct avec le point précédent sur la satisfaction client, la puissance du numérique permet de personnaliser la prestation de chaque client. Le numérique est le royaume du sur-mesure.

Le numérique est le royaume du sur-mesure.

Pour de multiples raisons faciles à comprendre, avant le numérique, les entreprises n’avaient pas d’autre choix que de proposer une offre identique pour tous les clients.

Dans les années 1980, la fameuse marque Benetton proposait en début de saison des pulls identiques en plusieurs couleurs. Au bout de quelques semaines, la marque italienne faisait le point sur les couleurs qui marchaient le mieux et teignait les pulls écrus restés dans les usines dans les couleurs préférées des clients. C’est ce qu’on appelait la différenciation retardée.

Aujourd’hui, chaque client peut choisir ce qu’il souhaite avec une personnalisation élevée : programmes télé à la carte, vêtements sur mesure, voyages sur mesure…

Prenons un exemple anecdotique mais symptomatique dans le domaine du service. Pour un voyage à l’étranger, la compagnie aérienne, lors de l’enregistrement, pose un certain nombre de questions. Parmi elles, les questions traditionnelles sur la place (hublot, couloir), les bagages … puis vient la question du repas. Outre les habituelles questions sur certaines intolérances pour des raisons médicales ou religieuses, la compagnie nous propose de choisir notre menu sur la base d’une liste… d’une trentaine de menus en tous genres ! Lors du vol, l’hôtesse a apporté à chaque passager le plateau qu’il avait choisi en l’appelant, en outre, par son nom…

Autre exemple, dans l’industrie cette fois. En 2011, deux amis ayant constaté que les costumes sur mesure fabriqués par les tailleurs étaient très chers, ont eu l’idée de lancer une solution de fabrication de costumes 100 % sur mesure… au prix du prêt-à-porter. Ils ont ainsi créé Atelier NA. Ils ont créé une cabine qui prend les mesures en 3D. Ainsi, le client dispose d’un costume totalement sur mesure. Il choisit évidemment le tissu qu’il souhaite parmi des centaines de propositions, mais aussi la coupe, la couleur de la doublure, la forme des boutonnières… Atelier NA surfe littéralement sur l’engouement pour le sur mesure. L’enseigne compte une trentaine de boutiques dans cinq pays et ouvre une dizaine de nouvelles enseignes par an.

Ces deux exemples sont intéressants car ils montrent non seulement que la personnalisation peut être industrialisée mais aussi que le numérique n’est pas une fin en soi, mais un moyen d’apporter une meilleure satisfaction client. Le numérique apporte un meilleur confort, une meilleure réponse aux attentes (y compris les attentes que les clients eux-mêmes n’avaient pas identifiées).

« small is beautiful, small is powerful »

En fait, le numérique permet de passer de la masse des clients (tous les clients sont traités pareil, c’est au client de s’adapter au produit) à la multitude des clients (chaque client est unique). Cette évolution est connue sous l’expression « small is beautiful, small is powerful ». L’entreprise doit adapter son offre en la personnalisant à chaque client.

Le numérique permet de passer de la masse des clients (tous les clients sont traités pareil, c’est au client de s’adapter au produit) à la multitude des clients (chaque client est unique).

Ces exemples, qui peuvent paraître bien loin de la problématique des experts-comptables, sont pourtant au cœur du sujet. Jusqu’à une époque récente, les experts-comptables proposaient une prestation unique à tous leurs clients, quels que soient leurs besoins (qu’ils n’avaient d’ailleurs souvent pas même vraiment écoutés). Aujourd'hui, cette situation n’est plus possible. Les experts-comptables vont devoir adapter leur offre pour la personnaliser à chaque client, comme toutes les entreprises.

Les experts-comptables vont devoir adapter leur offre pour la personnaliser à chaque client, comme toutes les entreprises.

Le numérique supprime les intermédiaires

30. Parmi les impacts très forts du numérique, figure en bonne place la désintermédiation. En d’autres termes, le numérique supprime (en fait, il remplace) les intermédiaires historiques entre le client final et l’objet de sa recherche (une personne, un service, un produit …). Comme le dit Nicolas Colin, un des fondateurs de The Family, « L’économie numérique marginalise les organisations par rapport aux individus et accélère la prise du pouvoir par le consommateur ».

Cette situation devrait d’ailleurs s’accentuer plus encore quand la blockchain se développera. On pourrait alors assister à une désintermédiation … des plateformes !

Le numérique supprime (en fait, il remplace) les intermédiaires historiques entre le client final et l’objet de sa recherche (une personne, un service, un produit …).

Les exemples de disparition d’intermédiaires sont omniprésents dans la vie personnelle :

• pour acheter un billet de train ou d’avion, plus besoin d’agence de voyage ;

• pour contacter quelqu'un qu’on ne connaît pas, plus besoin de passer par l’entreprise où il travaille, il suffit de lui envoyer un message sur les réseaux sociaux ;

• pour choisir un restaurant, plus besoin de guides ou d’office du tourisme, l’avis des internautes sur TripAdvisor les a remplacés ;

• pour consulter ses comptes bancaires, pour placer de l’argent, ou emprunter, plus de besoin de banque ;

• pour faire établir les bulletins de paie de son entreprise, plus besoin de société spécialisée ou d’expert-comptable, il suffit de passer par Payfitt ou l’un de ses concurrents ;

• pour faire valider un projet de création d’entreprise innovante, plus besoin de banque, il suffit de le faire « Kickstarter ».

À noter

L’expression « Kickstarter un projet » vient de la société du même nom. Kickstarter est une plateforme de financement participatif qui donne la possibilité de préfinancer des projets de toute nature encore au stade d'idées. Si l’idée séduit les internautes, ils proposent de soutenir le projet pour permettre ainsi son lancement.

En pratique, un certain nombre d’activités d’intermédiaires ont été (et seront plus encore) remplacées par des plateformes, des réseaux sociaux…

Le numérique facilite le partage et le collectif

31. Comme nous venons de le voir, l’une des grandes révolutions apportées par le numérique, ce sont les plateformes d’intermédiation qui remplacent les anciens intermédiaires en chair et en os. Ces plateformes ont une autre vertu, celle de faciliter le contact direct, le partage, le collectif, le collaboratif, le solidaire… en facilitant les rencontres virtuelles.

L’une des grandes révolutions apportées par le numérique, ce sont les plateformes d’intermédiation qui remplacent les anciens intermédiaires en chair et en os.

C’est ainsi que sont nés des sites de regroupements entre personnes ayant les mêmes intérêts, les mêmes projets voire les mêmes revendications. Les exemples sont légion pour illustrer l’émergence d’une toute nouvelle culture :

• le partage d’informations, d’idées, et d’opinions via les blogs, les réseaux sociaux, les commentaires en ligne, etc. ;

• le partage des savoirs et savoir-faire via les MOOC ;

• la mise en commun des compétences via les réseaux sociaux d’entreprise ;

• la participation au financement via les plateformes de crowdfunding ;

• l’échange ou la redistribution d’objets et de services via les sites de troc ou d’occasion ;

• les platesformes d’échanges de services entre pairs sans échange monétaire (bricolage, apprentissage, troc, jeux d’échecs, volontariat…).

C’est ainsi que sont nés des sites de regroupements entre personnes ayant les mêmes intérêts, les mêmes projets voire les mêmes revendications.

De même, sont apparus des sites de pétitions en ligne, comme change.org, un site qui propose de recueillir et de promouvoir toute forme de revendications collectives en ligne. C’est également vrai pour la collecte de dons pour des œuvres caritatives. Avec ces plateformes, c’est une véritable révolution des habitudes et des mœurs qui s’opère également. Le numérique incite à partager.

Ces contacts « de pair à pair » ne sont évidemment pas sans impacts sur les professionnels. Vous avez du bricolage à faire ? www.allovoisins.com vous met en relation avec un voisin qui a les compétences souhaitées. C’est un client de moins pour l’artisan du coin. Dès lors, toute cette « entraide » (pas toujours désintéressée) n’est pas sans conséquence sur l’activité des entreprises.

Le numérique s’affranchit des règles et des équilibres

32. Force est de constater que les acteurs du numérique ne sont pas très respectueux des règles et des us et coutumes des marchés qu’ils cherchent à conquérir. Une fois de plus, les exemples sont nombreux : VTC, auto-écoles, start-up du droit… ils s’affranchissent des monopoles et des règles établies et font bouger les lignes.

Les acteurs du numérique ne sont pas très respectueux des règles et des us et coutumes des marchés qu’ils cherchent à conquérir.

Ces invasions ne sont donc pas sans conséquence sur les marchés historiquement peu attaqués. Ces marchés, ankylosés par une quasi absence de concurrence sont malmenés avec l’arrivée de ces barbares de la nouvelle économie. L’attaque et la réaction sont parfois violentes.

Ainsi, par exemple, le site DemanderJustice.com qui propose des services d’assistance en matière juridique pour permettre à des particuliers d’ester en justice (édition et envoi automatique d’une lettre de mise en demeure, détermination de la juridiction compétente, édition et envoi d’une déclaration au greffe, mise en état du dossier…) a été violemment attaqué par les différentes instances représentatives des avocats. Ces dernières l’ont poursuivi devant les juridictions pénales pour exercice illégal de la profession d’avocat. La Cour de cassation a mis un terme à cette péripétie judiciaire en mars 2017 en relaxant le fondateur de ce site, considérant que l’activité de cette « start-up du droit » ne relève pas de l’exercice illégal de la profession d’avocat.

À noter

Cette activité « ne saurait constituer l’assistance juridique que peut prêter un avocat à son client, à défaut de la prestation intellectuelle syllogistique consistant à analyser la situation de fait qui lui est personnelle, pour y appliquer la règle de droit abstraite correspondante » (Cour de cassation, Chambre criminelle, 21 mars 2017, 16-82437).

L'exemple de cette « legal tech » (nom donné aux start-up du domaine juridique) est très intéressant. Il montre que des professions bénéficiant de monopoles ne sont pas à l’abri d’attaques et peuvent être malmenées par des barbares.

Bien sûr, ces start-up ne s’attaquent pas directement au cœur de métier de ces professions, mais utilisent le numérique pour remplacer une bonne partie de l’intervention des acteurs historiques qui ne sont, finalement, que des intermédiaires.

Inutile de dire que la situation de la profession comptable est assez comparable à celle des avocats ou des notaires avec Testamento.fr. Les évolutions récentes des suites logicielles pour TPE et PME sont tout simplement considérables. Il serait illusoire d’imaginer qu’elles ne seront pas sans impact sur la profession.