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Parution: septembre 2018

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Comment aborder le chantier de la transformation du cabinet ?

Introduction

Pour mener à bien une transformation d’entreprise, il est conseillé d’adopter une démarche qui repose sur deux axes, deux approches : une dimension verticale, organisée par chantiers et une dimension transversale et globale.

131. Dans le chapitre précédent, nous avons étudié la situation de la profession comptable aujourd'hui afin de comprendre pourquoi elle devait changer. Dans la suite de cet ouvrage, nous allons tenter de répondre à la question « comment changer ? ».

Ainsi que nous l’avons déjà indiqué à maintes reprises (ne dit-on pas que la répétition est la base de la pédagogie ?), dans l’expression « transformation numérique », le mot le plus important est sans aucun doute « transformation ».

La transformation est un sujet nouveau et complexe pour les cabinets, qui ne savent pas vraiment par où commencer. C’est encore plus vrai en matière de transformation numérique car, à la complexité de tout projet, s’ajoute celle de la thématique.

La définition d’un nouveau modèle de cabinet conduira, en effet, la profession à revoir ses différentes fonctions, mais aussi (surtout ?) à conduire un vaste chantier de conduite du changement. Une dimension qui est souvent minimisée, quand elle n’est pas purement et simplement occultée par les cabinets, alors qu’elle est fondamentale dans tout processus de changement d’une organisation.

Pour mener à bien une transformation d’entreprise, il est conseillé d’adopter une démarche qui repose sur deux axes, deux approches :

• une dimension verticale, organisée par chantiers ;

• une dimension transversale et globale.

Cette approche duale peut être résumée par le schéma suivant.

L’approche « verticale » (ou fonctionnelle) est la plus naturelle. Elle consiste à gérer la transformation du cabinet sous l’angle de ses différentes fonctions : stratégie, offre, relations clients, marketing, RH… Dans cette approche, le cabinet va travailler sur les différents sujets de manière séparée.

L’approche « transversale » de la démarche, quant à elle, consiste à aborder le projet de transformation sous un angle global, unique, au niveau du cabinet. Le cabinet est alors abordé dans son ensemble, de manière décloisonnée. Cette dimension de la transformation, très souvent négligée (voir l’exemple présenté dans le K, au début de cette partie) voire ignorée dans les transformations, est pourtant essentielle.

Ces deux approches distinctes et complémentaires sont à la fois imbriquées et indispensables ; elles doivent nécessairement être menées en parallèle. Il va sans dire que l’une des conditions sine qua non de réussite du projet réside dans la coordination de toutes les opérations de transformation (la coordination de l’ensemble des chantiers du projet relève de l’approche transversale). Nous aborderons l’approche transversale dans la suite de cette troisième partie et l’approche verticale dans la quatrième et dernière partie de cet ouvrage (voir §§ 200 s.).

La fin de cette partie est donc consacrée à l’approche transversale du projet de transformation du cabinet, ce qu’on appelle communément la conduite ou l’accompagnement du changement.

En effet, pour garantir le succès d’un tel projet, au-delà de la démarche d’adaptation des différentes fonctions, il est essentiel de mettre en place un ensemble de mesures pour piloter le projet et accompagner l’équipe dans cette transformation. Le changement ne se décrète pas, il s’organise et s’accompagne.

Ces mesures d’accompagnement du changement facilitent l’évolution de l’organisation tout entière. C’est la qualité de cet accompagnement qui va créer les conditions pour que le changement souhaité soit une réussite.

Le changement ne se décrète pas, il s’organise et s’accompagne.

Concrètement, qu’est-ce que le changement ?

Pour planter le décor, citons Philippe Van Den Bulke : « Il y a deux sortes d’entreprises : celles qui changent et celles qui ferment ». La capacité de changement est devenue aujourd'hui un paramètre essentiel de la survie d’une entreprise

Le changement consiste à rendre une personne ou une chose différente de ce qu’elle était. Changer consiste à passer d’un état à un autre. Dans une entreprise, et donc dans un cabinet, le changement désigne généralement l’adaptation des comportements et de l’organisation à un nouvel environnement.

Notons que l’on utilise de plus en plus le terme de transformation à la place de celui de changement et que l’on distingue plusieurs types de changements.

Il y a deux sortes d’entreprises : celles qui changent et celles qui ferment

Les différents types de changement

132. Il existe deux grandes natures de changement.

On désigne par changement incrémental un changement qui ne remet pas en cause les fondamentaux de l’entreprise. Ce changement porte sur un élément mineur comme, par exemple, un nouveau logiciel, un déménagement, un recrutement, un nouveau client… Un changement incrémental ne remet en cause ni la culture de l’entreprise, ni sa stratégie, ni sa raison d’être. En pratique, il s’agit d’une adaptation assez courante des modalités de travail à une nouveauté. Ces changements incrémentaux (ou continus ou permanents) interviennent quotidiennement dans une entreprise.

Un changement de rupture (ou « disruptif » si on utilise des termes plus à la mode) est beaucoup plus profond. Il s’attaque, en effet, aux fondamentaux de l’entreprise : son positionnement, sa stratégie, sa culture, son offre et donc sa relation avec ses clients… Un changement de rupture bouleverse une entreprise, c’est le grand saut. Il remet en cause ses équilibres internes (avec ses collaborateurs) et externes (avec ses clients, ses partenaires et ses fournisseurs). Un changement de rupture est le passage d’une situation actuelle condamnée à disparaître à une situation nouvelle plus favorable. En pratique, un changement de rupture peut être, par exemple, le rachat du cabinet par un autre cabinet, l’arrivée d’un nouvel associé, la définition d’une nouvelle stratégie, l’introduction de nouvelles méthodes de production utilisant les nouveaux outils pour revoir l’offre du cabinet…

Pour une personne, un changement de rupture peut être personnel (décès d’un proche, demande en mariage, annonce d’une grossesse…) ou professionnel (promotion, expatriation, changement de division, changement d’organisation du travail comme une informatisation…).

La transformation du cabinet (et de toute entreprise) imposée par la révolution numérique relève évidemment de la catégorie des changements de rupture. Elle remet en cause en profondeur tous les équilibres internes et externes du cabinet. Elle oblige à (re)définir la stratégie, l’offre, la politique marketing et RH… C’est évidemment ce genre de changement que nous allons aborder dans la suite de cet ouvrage.

La transformation du cabinet (et de toute entreprise) imposée par la révolution numérique relève évidemment de la catégorie des changements de rupture.

Conduire le changement

133. Pour qu’elle réussisse, une transformation doit être gérée et accompagnée. En pratique, il s’agit d’une part de coordonner l’opération, et, d’autre part, d’accompagner individuellement et collectivement les collaborateurs dans ce processus de transformation.

La conduite du changement n’est pas une “solution”, à laquelle il conviendrait d’avoir recours uniquement en cas de difficulté, voire d’échec. Il s’agit plutôt d’un “fil rouge” pour le projet. Il est essentiel d’intégrer les principes fondamentaux de la conduite du changement dès le début du projet.

Pour faire face à ce changement de rupture que constitue la transformation numérique, le cabinet va devoir mettre en place une véritable conduite du changement. Autrement dit, il va devoir accompagner le projet pour en assurer le succès. Cet accompagnement comprend deux axes complémentaires :

• le pilotage du projet ;

• l’accompagnement de l’équipe.

Nous revenons sur ces deux missions qui incombent à l’équipe dirigeante du cabinet.

Comment piloter le projet de transformation ?

134. La transformation d’une entreprise, ou d’un cabinet, peut être comparée à la construction d’une maison (à cette seule différence près que, dans la construction d’une maison, il n’y a pas la dimension humaine des collaborateurs à gérer). Pour construire une maison, il faut évidemment faire intervenir des ouvriers de plusieurs corps de métiers : maçon, électricien, plombier, couvreur, etc., mais il faut aussi quelqu'un pour avoir une vue d’ensemble, pour coordonner tous ces intervenants, s’assurer que le chantier avance bien, gérer le suivi, relancer, contrôler…

Dans une transformation d’entreprise, c’est exactement pareil. Le nombre de chantiers à gérer est important : revoir la stratégie, l’offre, le marketing, les RH… Le projet global est tellement vaste qu’il est impératif de mettre en place une organisation et un suivi du projet. Cette fonction, qui fait partie intégrante de la conduite du changement, est appelée le pilotage (ou gestion) du projet.

En quoi consiste le pilotage du projet ?

135. Le pilotage du projet consiste à organiser, animer et coordonner l’ensemble du projet de transformation du cabinet.

Cette organisation trouve son origine dans les projets informatiques des grandes entreprises, qui se déroulent sur plusieurs mois ou années et impliquent un grand nombre d’intervenants. Compte tenu de l’ampleur de ces projets, il est apparu indispensable de coordonner l’ensemble pour assurer la bonne fin des projets.

L’objectif d’une gestion de projet est précisément d’arriver à bon port dans les délais et conditions prévus à l’origine du projet.

Le pilotage du projet consiste à :

• organiser (définir, planifier, budgéter) l’ensemble du projet de transformation ;

• définir, organiser et prioriser les chantiers à mener ;

• suivre l’avancement, coordonner et accompagner les chantiers et le projet global ;

• prendre les décisions suite aux retours des chantiers ;

• ajuster le projet global en fonction des évolutions.

En pratique, le pilotage du projet consiste à tout faire pour que le chantier se déroule selon les objectifs.

L’objectif d’une gestion de projet est précisément d’arriver à bon port dans les délais et conditions prévus à l’origine du projet.

Qui doit piloter le projet ?

136. Accompagner le changement ne s’improvise pas. Il faut l’envisager comme une action de longue haleine, que l’on prépare avec soin, en choisissant les bons coéquipiers. Il est, dès lors, nécessaire de constituer une équipe dédiée au pilotage du projet de transformation.

Cette équipe restreinte est souvent appelée le comité de pilotage du projet. Le comité de pilotage est à la fois le chef d’orchestre et la tour de contrôle de l’opération.

Même s’il est absolument essentiel que le dirigeant du cabinet s’implique fortement dans ce projet (voir § 32), il ne doit surtout pas décider tout, tout seul. Comme le dit le proverbe africain, “seul on va plus vite, ensemble on va plus loin”. Cette règle s’applique tout particulièrement en matière de conduite du changement. À vouloir tout gérer, le dirigeant s’essouffle vite et perd ses troupes. Il faut donc partager les décisions et les actions. C’est seul moyen d’atteindre les objectifs.

Dans la mesure où le comité de pilotage est appelé à prendre des décisions qui engagent le cabinet, ses membres doivent être choisis au sein de l’équipe dirigeante du cabinet (il peut parfois intégrer, selon la taille du cabinet et son organisation, des directeurs ou chefs de mission, des responsables de sites…), et, cela va de soi, être convaincus de la nécessité du changement.

Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.

Quelles sont les compétences clés pour piloter un projet ?

137. Le pilotage de projet implique certaines analyses et décisions. Certaines qualités sont donc requises pour assurer cette mission. Il faut notamment savoir :

• organiser et planifier un projet important ;

• communiquer sur les objectifs et les résultats ;

• gérer les tensions au sein des équipes ;

• prendre des décisions et arbitrer ;

• animer des réunions ;

• gérer son temps ;

• déléguer ;

• gérer la dynamique d’équipe et être force de proposition ;

• évaluer les hommes et gérer leur développement.

Comment piloter le projet ?

En général, le comité de pilotage se réunit au moins une fois par mois pour suivre l’avancement des différents chantiers et suit de manière plus régulière les tableaux de bord des projets.

Pour l’aider dans son pilotage, il doit utiliser plusieurs outils.

Le plan d’action du projet

138. L’élaboration d’un plan d’action précis est absolument fondamentale pour la réussite du projet de transformation. Le plan d’action est la feuille de route du projet. Sans ce plan d’action, l’expérience montre en effet qu’il ne se passe rien…

Ce plan d’action a pour objet :

• de définir et prioriser les actions nécessaires à l’atteinte des objectifs ;

• de déterminer la logique d’enchaînement de ces actions ;

• d’identifier les pilotes de chaque chantier au sein du cabinet ;

• de fixer des délais ;

• de définir les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ces actions : moyens financiers, humains, formation…

À l’issue de cette étape, les différents objectifs du cabinet auront été déterminés, planifiés dans le temps et budgétés.

En pratique, ce plan d’action peut être géré :

-sur Excel en prévoyant des colonnes telles que : quoi ? qui ? pour quand ? avec quels moyens ? Point à date…

-sur un logiciel de gestion de projet (Trello, https ://trello.com/ est l’outil le plus connu et propose une version gratuite).

Le plan d’action est la feuille de route du projet. Sans ce plan d’action, l’expérience montre qu’il ne se passe rien…

La matrice des priorités

139. Quand le projet est d’ampleur (et c’est toujours le cas pour une transformation de cabinet), il est impossible de tout gérer en même temps. La question qui se pose alors est « Comment prioriser certaines actions par rapport à d’autres ? ». C’est le rôle de cette matrice des priorités…

Ordre du jour et compte-rendu de comité de pilotage

140. Même si cela peut paraître évident, les réunions du comité de pilotage, pour être efficaces, doivent obligatoirement comprendre un ordre du jour et faire l’objet d’un compte rendu. À défaut, la perte d’énergie et d’efficacité est monumentale.

Dans certains cas, le comité de pilotage peut faire un compte rendu divisé en deux parties : la partie publique, qui est diffusée aux responsables des chantiers, aux managers de proximité…, et la partie confidentielle, qui n’est pas diffusée (sauf aux dirigeants qui ne feraient pas partie du comité de pilotage).

Le compte rendu doit reprendre, pour chaque chantier, le niveau d’avancement, les difficultés rencontrées, les décisions prises, les retards éventuels, les objectifs atteints ou ajustés…

Tableau de bord de suivi du projet

141. Pour suivre efficacement l’avancement du projet de transformation, il est très fortement conseillé de mettre au point un tableau de bord du projet. Ce tableau de bord comprend, sous forme d’indicateurs ou de graphiques, les informations essentielles sur le projet et les différents chantiers.

Le tableau de bord est mis à jour à l’issue de chaque réunion du comité de pilotage et transmis à tous ses membres.

Comment travailler en mode projet ?

Si on veut que la réflexion avance, il faut impliquer des personnes de différents services ayant chacune un regard différent sur le sujet.

142. Le pilotage d’une transformation est, par définition, un projet transversal. Il concerne et implique de nombreux acteurs et services. Ainsi, comment parler du site internet sans impliquer au minimum une personne chargée de la communication, une personne chargée de l’informatique, les personnes chargées des offres (par exemple, la personne en charge du social au sein du cabinet pour présenter l’offre en social)…

Si on veut que la réflexion avance, il faut impliquer des personnes de différents services ayant chacune un regard différent sur le sujet. C’est l’échange et la confrontation entre les différents membres de cette équipe projet qui fera avancer le dossier. C’est pourquoi, pour gérer les projets transversaux, il est fait de plus en plus appel à ce qu’on appelle une gestion en « mode projet ».

Qu’est-ce que la gestion en mode projet ?

143. Le mode projet est la mise en place d’une équipe inhabituelle et ponctuelle (on parle d’équipe projet) pour gérer un dossier (on parle de chantier). L’équipe projet n’est pas du tout hiérarchique, elle est composée de différentes personnes issues de différents services du cabinet. Des intervenants extérieurs peuvent également en faire partie ou être invités.

Une équipe projet (ou groupe de travail) ne remet pas en cause l’organisation traditionnelle de l’entreprise, qui reste intacte. Cette cellule est « juste » chargée de traiter un dossier (un chantier) ponctuel, plus ou moins long. Une fois le dossier clos, l’équipe est dissoute. Elle n’a plus de raison d’être.

En pratique

Elle est souvent maintenue en veille pour assurer un suivi du chantier.

Le chantier est défini par la direction du cabinet ou, dans le cadre d’un grand projet de transformation, par le comité de pilotage. Ce dernier fixe le cahier des charges du chantier (objectifs à atteindre, livrables, délais, budgets…). Il fixe également les règles du jeu, c'est-à-dire les modalités de travail et, notamment, les points négociables et non négociables.

Les chantiers peuvent être verticaux (revoir le site internet, recruter des collaborateurs, trouver de nouveaux clients, développer de nouvelles missions…) ou plus transversaux (mobiliser l’équipe sur la transformation du cabinet, accompagner les équipes…).

L’équipe projet n’est pas du tout hiérarchique, elle est composée de différentes personnes issues de différents services du cabinet.

Qui anime les chantiers ?

144. Chaque chantier est animé par le « pilote » (ou l’animateur ou le responsable) du chantier.

Il est responsable de l’avancement des travaux du groupe et de l’atteinte des objectifs dans les délais et conditions prévus.

Le pilote coordonne les travaux, anime le groupe et les réunions, rédige les ordres du jour et les comptes rendus des réunions. Il est également l’interface avec le comité de pilotage ; il y participe d’ailleurs parfois pour présenter les résultats des travaux de son groupe. Il assure également le lien avec les autres chantiers en cours pour assurer la coordination.

Les pilotes de chantier sont généralement des managers (directeurs ou chefs de mission) motivés pour participer à ce chantier. Les pilotes doivent être réunis régulièrement et formés pour assurer leur mission dans de bonnes conditions.

Le pilote coordonne les travaux, anime le groupe et les réunions, rédige les ordres du jour et les comptes rendus des réunions. Il est également l’interface avec le comité de pilotage.

Quels outils pour gérer un chantier ?

L’ordre du jour et le compte rendu des réunions sont des outils absolument indispensables pour permettre de suivre un projet et de diffuser une information régulière aux membres ou au comité de pilotage.

145. Pour travailler efficacement, un groupe de travail a besoin de différents outils et documents :

• le cahier des charges. Ce document établi par le comité de pilotage définit la mission du groupe de travail : nature du chantier, liste des membres, objectifs, délais, moyens, livrables, limites de l’exercice (notamment ce qui est envisageable et ce qui ne l’est pas)…

• la « to do list ». Établie par le pilote du chantier sur la base du cahier des charges, la « to do list » du chantier permet de cadencer le travail du groupe et de chacun de ses membres dans le temps. Elle permet de confier certaines missions à certains membres entre deux réunions pour avancer sur certains points. En effet, tous les travaux d’un groupe de travail ne sont pas nécessairement collectifs. Entre les réunions, les membres ont généralement des travaux individuels à réaliser.

• l’ordre du jour et le compte rendu de chaque réunion. Une fois encore, l’ordre du jour et le compte rendu des réunions sont des outils absolument indispensables pour permettre de suivre un projet et de diffuser une information régulière aux membres ou au comité de pilotage. Le compte rendu d’une réunion du groupe doit être diffusé avant la réunion suivante.

Pour conclure

146. Le pilotage est un facteur clé de l’avancement et de la réussite d’un projet. Il permet de suivre, de coordonner les actions, mais aussi de respecter les délais, d’informer l’équipe, de prendre les décisions au bon moment.

Rappelons que cette méthode de suivi des projets a été mise en place pour faire face aux très nombreux échecs de projets que les entreprises connaissaient, faute de coordination.

Comment embarquer & accompagner l’équipe ?

Comment réagit-on face aux changements ?

Point très important : les personnes qui vont gérer la transformation du cabinet doivent avoir conscience qu’on ne maîtrise pas sa propre relation au changement.

On ne peut pas décider d’aimer le changement… ou pas. L’émotion déclenchée par le changement n’est pas choisie, elle est subie.

147. Si on se place du point de vue d’une personne qui le subit, un changement est une perte d’équilibre. C’est la remise en cause d’une situation antérieure qui est connue, confortable et maîtrisée. Or, cette situation est appelée à disparaître pour faire place à une nouvelle situation qui est inconnue, inconfortable et donc risquée. Un changement bouscule les équilibres et les habitudes, oblige à sortir de la routine, à se remettre en question, à prendre des risques.

Un changement implique donc d’abandonner quelque chose. On renonce à son mode de fonctionnement, à ses habitudes, à son confort… Un changement oblige à désapprendre pour réapprendre. Alors qu’on maîtrisait parfaitement les contours de son poste, on en change. Résultat, on passe du statut d’expert à celui de débutant, on est moins efficace, on perd par la même occasion son influence, son autonomie voire son pouvoir.

Dès lors, rien de plus naturel que de freiner des quatre fers et de s’opposer à ces transformations.

Les collaborateurs ne vont évidemment pas réagir de la même manière face aux deux types de changements évoqués précédemment.

En cas de changement incrémental, un collaborateur aura généralement pour objectif de préserver au maximum son équilibre antérieur. Il va chercher à retrouver et restaurer un cadre de fonctionnement connu. Par exemple, en cas de déménagement, les habitudes telles que l’organisation du bureau, les manières de travailler ou encore les relations avec les collègues seront vite rétablies.

En cas de changement de rupture, la restauration de la situation antérieure n’est tout simplement pas possible ! Le collaborateur va devoir modifier ses méthodes de travail en profondeur. Il va être obligé de renoncer à sa situation antérieure pour en adopter une totalement nouvelle.

Qu’il soit subi ou désiré, tout changement entraîne inévitablement une émotion qui peut parfois être forte. Une émotion est une réaction non contrôlée qui se manifeste par des phénomènes physiques internes et externes dans tout le corps. Concrètement, un individu, à l’annonce d’une nouvelle, bonne ou mauvaise, peut rougir, pâlir, avoir le cœur qui s’accélère, transpirer…

Or, c’est précisément parce que le changement déclenche des émotions plutôt que des raisonnements qu’il est si difficile à gérer. En effet, les réactions ne sont pas rationnelles, mais émotionnelles. Autrement dit, chaque personne réagit différemment, de manière non prévisible et pas toujours raisonnée (voire raisonnable !).

À l’annonce d’un changement (subi ou souhaité), la plupart des gens ressentent instantanément de la peur : la peur de l’inconnu, de ne pas être à la hauteur, d’échouer… Certains sont même paralysés.

En fait, cette peur de ne pas y arriver s’appelle tout simplement… le stress. « Un état de stress survient quand il y a un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face » (définition proposée par l’Agence européenne pour la santé et sécurité au travail).

Outre la peur, certaines personnes peuvent ressentir selon la situation de la colère, de la tristesse voire… de la joie. En effet, certains (rares en pratique) sont enthousiastes car ils ne supportent pas la routine mais apprécient l’inconnu, les défis, la remise en cause.

C’est précisément parce que le changement déclenche des émotions plutôt que des raisonnements qu’il est si difficile à gérer.

C’est pourquoi, face à un même changement, les collaborateurs s’adapteront plus ou moins facilement. Pour certains, il s’agira d’un apprentissage routinier, un non-événement. Pour d’autres, il pourra s’agir d’un apprentissage plus difficile, voire douloureux, nécessitant un investissement personnel important en temps et en travail. Pour d’autres, enfin, il s’agira d’une véritable remise en cause identitaire difficile à accepter.

Or, c’est précisément l’émotion ressentie qui va générer le comportement de chaque personne.

La résistance au changement

148. Comme nous l’avons vu, toutes les personnes n’ont pas la même réaction face aux changements ; ils peuvent être enthousiastes, neutres, voire réfractaires.

C’est ainsi que lors de tout changement dans une entreprise, il existe des résistances. On entend par résistances au changement les attitudes qui consistent à rechercher à tout prix le maintien du statut quo. Concrètement, les salariés ne veulent pas changer ! Même si elles sont difficiles à vivre, ces résistances sont naturelles et relèvent du fonctionnement normal d'une organisation. Les cabinets n'échappent évidemment pas à cette règle. Mais ces résistances peuvent se révéler bloquantes dans la mise en œuvre de la transformation du cabinet. C’est pourquoi, il est essentiel de veiller à les anticiper et les minimiser.

Le changement est même particulièrement difficile chez les comptables. Sur ce point, lire « La conduite du changement dans les cabinets : mode d’emploi », Ordre des experts-comptables, 2014, p. 83.

Comment embarquer l’équipe dans le projet ?

La transformation d’un cabinet est un projet ambitieux, qui n’est pas exempt d’embûches, et qui repose avant tout sur l’humain. Autrement dit, aucune transformation n’est envisageable si l’équipe du cabinet ne suit pas la direction dans son projet.

Pas de transformation sans adhésion de l’équipe

Une énergie et une attention particulières doivent être consacrées à l’équipe tout au long de la démarche.

149. Il s’agit là d’une des règles fondamentales en matière de conduite du changement. Pour nous en convaincre, il suffit de relire le K, au début de ce chapitre. L’adhésion de l’équipe est absolument indispensable ! C’est pourquoi, dans un tel projet, une énergie et une attention particulières doivent être consacrées à l’équipe tout au long de la démarche.

Or, aucun collaborateur n’adhérera au projet s’il n’a pas compris la nécessité et/ou l’intérêt du changement. Comment convaincre une personne de se remettre en question, de modifier sa manière d’exercer son travail, de se mettre en danger si elle n’est pas convaincue du bien-fondé de la démarche ? Tout processus de changement passe donc nécessairement par une phase d’appropriation par les collaborateurs. Chacun doit comprendre les enjeux et les raisons de la transformation visée. Il faut donc présenter et expliquer le projet à l’équipe, puis apporter des réponses aux questions fondamentales qu’elle se pose. L’objectif est de convaincre du bien-fondé de l’opération.

Pour réussir une transformation, il faut donc, en premier lieu, susciter l’enthousiasme.

En pratique, une fois le projet clairement défini, il devra être présenté à l’ensemble de l’équipe lors d’une réunion de lancement.

Ceci n'implique surtout pas que toutes les décisions ont été prises et que toutes les réflexions ont été menées, bien au contraire. À ce stade, le projet présenté doit rester global. Le projet sera ensuite complété et affiné grâce aux différents chantiers auxquels les collaborateurs participeront.

Trop souvent négligée, cette étape est primordiale. La première communication autour du projet est celle qui marque durablement les esprits et permet d’obtenir (ou non) l’adhésion des collaborateurs. Pour réussir une transformation, il faut donc, en premier lieu, susciter l’enthousiasme.

Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose… Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer.

Cette magnifique phrase d’Antoine de Saint-Exupéry résume très bien la problématique qui se présente aux dirigeants de cabinets qui doivent faire évoluer leur modèle.

Tout processus de changement passe nécessairement par une phase d’appropriation par les collaborateurs. Chacun doit comprendre les enjeux et les raisons de la transformation visée.

Il ne faut donc pas hésiter à s’accorder du temps à cette étape. Trop de projets de changement sont présentés lors d’une réunion rapide, voire dans un couloir, entre deux portes. C’est une erreur qui est à l’origine de nombreux échecs. La réunion de lancement doit être très bien préparée et assez solennelle.

On comprend facilement que les collaborateurs ne se laissent pas convaincre avec quelques arguments, quelques diapositives et quelques petits fours. N’oublions pas que, lors de cette réunion, on parle de leur travail et de leur avenir. Si la direction du cabinet n’en a pas toujours conscience, eux oui !

Lors de la réunion de lancement (et par la suite), il ne faut pas confondre la personne et sa fonction. Et il faut bien expliquer la différence aux collaborateurs. Si les gens confondent, le changement peut être très violent pour eux car ils se sentent personnellement remis en cause. Or, ce n’est pas l’homme qui est en cause, mais sa fonction, son rôle, sa mission.

Les fonctions n’ont pas le choix. Ex : si la mission de saisie disparaît, la fonction va disparaître. En revanche, les personnes ont le choix (évoluer, développer de nouvelles compétences, développer leur employabilité…).

Le projet doit être clair et être décliné, au moins dans les grandes lignes à ce stade, pour chacun des collaborateurs. La direction du cabinet ne pourra obtenir l’adhésion de l’équipe qu’à la condition d’être en mesure d’expliquer à chacun en quoi le projet a du sens et quelles en sont les répercussions concrètes sur son poste.

Le projet devra également être considéré comme réaliste par les collaborateurs.

Quand les dirigeants d’un cabinet se lancent dans un projet de transformation, ils sont souvent gagnés par l’enthousiasme et c’est bien normal. À ce stade, les initiateurs du projet ont déjà digéré la nécessité de changer et travaillent depuis un certain sur la construction de l’avenir. Cependant, ils sont encore seuls. L’annonce du projet à l’équipe n’a pas eu lieu.

Quand ils ébauchent les grandes lignes du projet, ils ont alors tendance à être victimes de leur enthousiasme, c'est-à-dire qu’ils sont parfois trop optimistes. Ils s’imaginent que toute l’équipe va suivre très vite, que le projet va se passer sans encombre et c’est ainsi qu’ils se fixent des objectifs assez peu réalistes. Il faut être prudent sur ce point.

Tant que le projet n’a pas été partagé avec l’équipe, il n’existe pas.

L’épreuve du feu, c’est l’annonce à l’équipe. Si le projet est trop ambitieux en termes d’objectifs à atteindre ou de délai de mise en œuvre, la réaction des collaborateurs sera l’inverse de l’effet attendu. Au lieu de rencontrer l’enthousiasme, ils vont faire face à une démobilisation. Si un projet doit évidemment être ambitieux, il ne doit pas être considéré comme « délirant » par l’équipe.

Lors de cette présentation, la direction doit, notamment, répondre aux questions suivantes :

• Pourquoi le cabinet doit-il changer ?

• Y a-t-il d’autres solutions ?

• Quelle est la nouvelle stratégie, le nouveau projet ?

• Dans quels délais doit-on changer ?

• Qui est concerné par ce changement ?

• Quels seront les changements concrets pour chacun ?

• Concrètement, comment ce changement va-t-il se passer ?

La direction doit, par ailleurs, encourager les questions pour permettre aux collaborateurs d’exprimer leurs interrogations et leurs inquiétudes.

En pratique

À ce stade relativement peu avancé, la direction n’aura évidemment pas toutes les réponses aux questions qui pourront survenir. Ce n’est pas grave si la question n’est pas fondamentale. En revanche, si la direction n’a pas la réponse à une question fondamentale, c’est qu’elle n’est pas prête à présenter le projet aux collaborateurs ! . Dans ce cas, elle note les questions non résolues, s’engage à y répondre lors d’une prochaine réunion et respecte impérativement cet engagement. La confiance est un élément clé de l’adhésion au projet. Il faut donc veiller à respecter toujours les engagements pris Si jamais la direction ne peut pas tenir certains engagements qui avaient été pris, il faut en informer l’équipe, expliquer pourquoi et présenter la solution alternative. À défaut, la confiance sera très difficile à rétablir et le succès du projet grandement hypothéqué.

Comment impliquer les collaborateurs ?

150. Une fois le projet annoncé et présenté, l’aventure commence vraiment ! Réussir cette première étape est une bonne chose, mais cela ne suffit pas à garantir le succès de l’opération. Il faut donc se lancer dans la mise en œuvre du projet en travaillant en parallèle sur la partie pilotage (voir §§ 134 à 141) et sur la partie accompagnement de l’équipe (voir §§ 151 à 162).

La première étape, après la réunion (voire pendant la réunion si les conditions s’y prêtent et notamment dans les petites équipes), consiste à susciter et recueillir des candidatures de volontaires pour participer aux différents chantiers. Il est essentiel d'inclure les collaborateurs dans la démarche le plus tôt possible. L’objectif est de faire contribuer un maximum de collaborateurs à ces chantiers afin de mobiliser l’équipe sur le projet. Comme le rappelle fort justement Florence Hunot, « Qui ne contribue pas ne s’approprie pas ! » (« La conduite du changement dans les cabinets : mode d’emploi », Ordre des experts-comptables, 2014, p. 87). Autrement dit, c’est en s’impliquant dans un projet qu’on y adhère.

Évidemment, certains collaborateurs ne seront pas du tout enthousiastes et ne souhaiteront pas participer. C’est tout à fait normal à ce stade et il ne faut pas s’en inquiéter.

L’objectif est de faire contribuer un maximum de collaborateurs à ces chantiers afin de mobiliser l’équipe sur le projet.

En fait, en règle générale, les dirigeants sont confrontés à la règle des « trois tiers ».

Un tiers (en fait beaucoup moins) des collaborateurs sont favorables au projet, il s’agit des pionniers. Ces collaborateurs seront les locomotives du projet. Ils sont motivés, voire impatients pour certains. Ils sont prêts à s’investir et à convaincre le reste de l’équipe. Il faut absolument s’appuyer sur eux pour faire avancer le projet.

Un tiers (là encore beaucoup moins) des collaborateurs sont opposés, réfractaires voire hostiles. Ils feront tout pour éviter que le projet voie le jour. Ils veulent maintenir la situation actuelle coûte que coûte et fomenteront pour cela une résistance active ! Ils freineront le projet, bien sûr, mais attention à ne pas se laisser déborder car un trop fort activisme pourrait paralyser le projet et hypothéquer ses chances de succès.

Un dernier tiers (bien plus important), qui se compose des indécis, des suiveurs. Tels des girouettes, ils suivront le sens du vent ! Autrement dit, ils suivront le mouvement dominant : pionniers ou réfractaires. Il faut donc être très présent auprès d’eux pour les embarquer puis les accompagner.

Pour estimer rapidement les modalités d’avancement du projet, il est intéressant d’évaluer la part de chacun des « tiers ». Si le cabinet compte beaucoup de collaborateurs appartenant au 2e tiers (les réfractaires), le changement risque d’être assez long et délicat à mener. Dans ces conditions, il faudra certainement ne pas être trop ambitieux sur le calendrier.

À noter

Par ailleurs, dans le déroulement du projet, le cabinet va certainement faire face à des démissions ; c’est inhérent à toute transformation. Il est alors important d’analyser les profils des collaborateurs qui quittent le cabinet. S’ils appartiennent surtout au 1er groupe (les pionniers), le projet est compromis. À l’inverse, s’ils appartiennent plutôt au 2e groupe (les réfractaires), alors le projet semble sur la bonne voie car les opposants refusent de rester.

Il est conseillé d’établir une cartographie des acteurs en indiquant leur perception du projet (de « favorable » à « opposé ») et leur pouvoir d’influence (plus ou moins élevé). En croisant ces deux critères, on détermine les comportements à adopter avec chaque population et le degré d’urgence.

Une fois transposé dans un schéma, on aboutit à un graphique comme celui qui suit.

Tout l’enjeu de cette phase d’embarquement consiste à faire basculer les indécis dans le camp des collaborateurs favorables au projet.

Comment accompagner les collaborateurs ?

Votre mission principale est de combattre la peur de vos équipes : cela passe avant tout par la confiance et le renforcement de l’estime de soi.

151. Pour convaincre les indécis de rejoindre le camp des pionniers positifs, il va falloir informer individuellement et collectivement des avancées et répéter à de nombreuses reprises en quoi ce changement est nécessaire et inéluctable.

On dit souvent que la nature a horreur du vide, c’est particulièrement vrai en période de changement. C’est pourquoi il faut régulièrement parler aux collaborateurs, les écouter, répondre à leurs questions, expliquer, pour éviter que, faute d’information officielle, « radio moquette » ne s’en charge ! Il ne faut jamais perdre de vue qu’une personne opposée à un projet va s’engager dans ce qu’elle considère comme une lutte pour sa survie. Elle va donc chercher à convaincre le maximum de monde que sa vision est la bonne et qu’il faut tout faire pour l’éviter.

Pourquoi revenir régulièrement vers les collaborateurs et répéter les informations ? En fait, dans un processus de changement, la plupart des collaborateurs vont perdre leurs repères et vivront des moments difficiles dans cette période de transition. Il faut qu’ils se sentent accompagnés en permanence. Il faut qu’ils sachent que, s’ils en ressentent le besoin, quelqu'un est là pour les écouter et répondre à leurs questions à tout moment. À défaut, le raisonnement qui avait abouti à leur adhésion va peu à peu faire place au retour des émotions, toujours mauvaises conseillères : la peur, la tristesse ou la colère.

On constate souvent que des personnes qui avaient, a priori, bien réagi au début de la démarche montrent une grande résistance par la suite. Cela est dû au fait qu’elles se sont senties abandonnées à un moment et qu’elles ont perdu pied. C’est pourquoi, elles font tout pour éviter cette transformation.

Les collaborateurs ont besoin d’une écoute authentique et de ressentir que leur responsable entend leurs difficultés, qu’il prend en compte leur vécu, leur réalité.

Il est conseillé de mener des entretiens réguliers, qui seront l’occasion de recueillir le sentiment des collaborateurs, mais aussi de rappeler les enjeux et les objectifs. Certains recadrages seront bien entendu nécessaires, mais, à l’inverse, les avancées, même minimes, doivent être soulignées et encouragées. Votre mission principale est de combattre la peur de vos équipes : cela passe avant tout par la confiance et le renforcement de l’estime de soi.

Comment accompagner chaque collaborateur en fonction de l’avancement de sa réflexion ?

Le collaborateur moyen n’existe pas !

152. S’il est un domaine dans lequel cette lapalissade se vérifie particulièrement, c’est bien celui de la conduite du changement. Alors que certains seront rapidement convaincus et enthousiastes, d’autres seront assez neutres en attendant d’y voir plus clair et d’autres seront clairement hostiles au projet. Il va donc falloir gérer ces différents profils en cherchant à convaincre le plus grand nombre.

Mais la difficulté ne s’arrête pas là ! En effet, chaque collaborateur va évoluer dans le temps, en fonction de ses discussions et de ses réflexions. Or, le comportement du responsable ne peut évidemment pas être le même face à ces différentes postures.

Il faut adapter son comportement et son discours en fonction du stade de la réflexion du collaborateur.

Dans certains cas, il faudra faire preuve de bienveillance, dans d’autres, il faudra montrer sa présence, son encouragement, son soutien. Il faudra parfois aussi faire preuve de fermeté.

En fait, il faut adapter son comportement et son discours en fonction du stade de la réflexion du collaborateur. Toute la difficulté consiste donc à identifier à quel stade de son processus de réflexion se situe le collaborateur pour adapter son discours.

La courbe du changement

153. La courbe du changement permet de repérer et de comprendre à quel stade se situe un collaborateur dans son processus d’acceptation du changement. Cette courbe permet alors d’adapter son comportement à l’état d’esprit du collaborateur à cet instant.

Élaborée à l’origine par Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre, qui a travaillé sur le processus de deuil, cette courbe décrit les étapes successives que traverse une personne, confrontée à l’annonce d’une maladie grave ou d’une autre mauvaise nouvelle.

Cette courbe du deuil décrit le processus d’adaptation psychologique d’un individu face à un choc qu’il vient de subir, quelle qu’en soit la nature. Elle s’applique donc parfaitement dans le contexte d’un changement (surtout non souhaité) car, comme nous l’avons vu, un changement implique un renoncement, l’abandon d’une situation confortable pour aller vers l’inconnu.

La courbe du changement adaptée au monde de l’entreprise et donc à la transformation d’un cabinet pour faire face aux nouveaux enjeux du numérique peut être ainsi représentée.

Les différentes étapes de la courbe sont communes à toutes les personnes confrontées à un changement (voulu ou subi), mais chacun les traverse… à son rythme.

On distingue dans cette courbe plusieurs étapes, qui peuvent être classées en deux grandes périodes :

• la période jusqu’au déclic. C’est une phase descendante dans laquelle l’état émotionnel est défavorable. Le collaborateur s’accroche à son passé et ne peut se résoudre à abandonner son confort ;

• la période après le déclic. Le salarié se tourne vers son avenir, il reprend l’initiative, il retrouve son efficacité.

Certaines personnes peuvent cependant rester bloquées sur une phase (souvent la colère). Elles se braquent contre le projet, le prennent comme une attaque personnelle, n’avancent plus dans le processus. Refusant catégoriquement le projet, concrètement, elles hypothèquent fortement leurs possibilités de rester dans l’entreprise.

Les différentes étapes de la courbe sont communes à toutes les personnes confrontées à un changement (voulu ou subi), mais chacun les traverse… à son rythme. Autrement dit, c’est la durée et l’intensité de chaque étape qui changent d’un individu à l’autre, mais pas le cheminement de la réflexion. Certains traverseront toutes les étapes en quelques instants alors que d’autres mettront plusieurs mois.

Chaque étape est caractérisée par un état d’esprit particulier de la personne qui vit le changement et nécessite d’être appréhendée avec une approche spécifique. Il est donc important de connaître et de savoir reconnaître ces différentes phases, afin de bien adapter l’accompagnement du collaborateur à son état émotionnel du moment.

En pratique

Nous allons revenir sur les principales étapes, et proposer, pour chacune d’elles, quelques bonnes pratiques à mettre en œuvre pour accompagner efficacement le collaborateur en fonction de sa situation du moment.

• Le choc

154. Le choc est la première étape du processus. Il correspond à l’annonce de la nécessaire transformation du cabinet par la direction à l’occasion de la réunion d’information. Le collaborateur est sidéré, il « tombe de sa chaise », il est dans l’incompréhension de ce qui lui arrive. Tout s’écroule autour de lui. Il s’imagine déjà perdre son emploi, son salaire et toutes les conséquences liées.

Comment gérer cette étape ?

Ce qu’il faut faire

Annoncer collectivement le changement pour marquer le début « officiel » du projet.

Expliquer pourquoi le cabinet doit changer et comment il va changer.

Être honnête et transparent tout en positivant le changement.

Laisser s’exprimer les collaborateurs et répondre aux questions.

Être calme et pédagogue, même face aux réactions négatives. Écouter. Faire preuve de compréhension.

Faire le parallèle avec des situations comparables qui se sont passées au sein du cabinet ou ailleurs (dans un autre cabinet, un autre secteur d’activité) et en montrer les effets positifs.

Les messages à faire passer

Cette transformation est inéluctable, le cabinet n’a pas le choix s’il veut survivre.

Tout le monde est concerné.

Cette transformation est également une source d’opportunités si nous la gérons bien.

Voici le projet.

Il faut se lancer rapidement dans ce projet. Voici le programme et le calendrier.

Ce qu’il faut éviter

Commencer à en parler individuellement à certains collaborateurs dans les couloirs ou lors de réunions informelles («radio moquette » va se déchaîner).

Annoncer qu’il faut changer sans présenter de projet pour y arriver (pour ne pas angoisser sans proposer d’issue favorable)

S’énerver ou refuser de répondre aux questions.

• Le déni

155. Le collaborateur a réfléchi et en a parlé autour de lui. Il n’y croit pas. Il est convaincu que ce changement n’aura pas lieu ou qu’il ne le concernera pas. D’ailleurs, il se souvient de nombreux projets qui ont été annoncés et sont restés dans les placards. C’est courant. Il ne faut pas s’en faire, c’est une mode, rien de plus, il faut attendre. Dans la mesure où le collaborateur n’y croit pas, il ne commence pas son travail de deuil.

Comment gérer cette étape ?

Ce qu’il faut faire

Prendre (et même perdre!) du temps pour expliquer, dédramatiser et reformuler.

Continuer à expliquer que le cabinet n’a pas le choix. Ce n’est pas une décision prise à la légère, mais une décision imposée par l’évolution de l’environnement.

Être ferme sur le fait que le projet aura lieu et qu’il n’y a aucune alternative.

Être empathique et compréhensif. Reconnaître que ce projet n’est simple pour personne et qu’il est normal que l’équipe soit mal à l’aise.

Commencer à repérer les collaborateurs qui vont être « moteurs » (les pionniers) et ceux qui vont « résister » (les réfractaires).

Les messages à faire passer

Le cabinet doit s’adapter. Le projet va se faire. On n’a pas le choix (à répéter régulièrement)

Le projet se fera avec toute l’équipe. Le cabinet ne laissera personne sur le bord de la route.

Mais chacun doit faire un effort pour s’adapter à titre personnel.

Ce qu’il faut éviter

Donner raison aux sceptiques. Laisser entendre qu’il serait possible de renoncer au projet ou de le reporter.

Laisser une porte ouverte qui pourrait laisser croire au collaborateur qu’éventuellement il pourrait ne pas être concerné s’il ne veut pas.

Nier le déni. Refuser de croire que les collaborateurs n’y croient pas.

Ne pas tenir compte des retours des collaborateurs en se disant que ça va leur passer.

• La colère

156. Le collaborateur sort du déni. Il a compris que le projet se fera, mais ne peut l’accepter. C’est insupportable pour lui. Cela remet en cause son équilibre, son confort, son avenir. Il n’est pas d’accord. Il pense qu’il peut s’y opposer. Il est en colère, une colère plus ou moins forte et qu’il exprime plus ou moins.

Certains collaborateurs peuvent refuser de dialoguer, se « braquer » et faire preuve d’agressivité (expression de leur stress). Dans la phase de colère, il y a souvent un refoulement sur les personnes rendues responsables de la situation, c'est-à-dire les dirigeants du cabinet.

Parallèlement, on constate une perte d’efficacité dans le travail car les collaborateurs sont préoccupés. « Radio moquette » bat son plein ! Les collaborateurs, pendant les pauses cigarettes, cafés et déjeuners affûtent leurs arguments. Les opposants au projet (les réfractaires) commencent leur campagne pour rallier des indécis à leur camp.

Comment gérer cette étape ?

Ce qu’il faut faire

Rester ferme dans le discours : le projet se fera quoi qu’il arrive. Ce n’est pas négociable.

Écouter les résistances. Faire exprimer les motifs de colère. Répondre calmement aux objections. Argumenter.

Expliquer que les collaborateurs ne sont pas en cause. Cette transformation n’est pas liée à un manque de compétence des collaborateurs, mais l’évolution de l’environnement oblige le cabinet à se repenser et donc à revoir les fonctions de chacun.

Identifier les relais positifs (pionniers) pour s’appuyer dessus. Leur donner la parole.

Éviter la contagion de la colère aux autres collaborateurs.

Commencer la mise en œuvre concrète du projet (création des groupes de travail…).

Les messages à faire passer

Nous comprenons votre colère, mais nous n’avons pas le choix.

Nous allons faire en sorte que ce changement se passe le mieux possible pour toute l’équipe.

Nous allons travailler tous ensemble pour y arriver.

Ce qu’il faut éviter

Réagir avec colère, ce qui ne ferait qu’attiser la colère des collaborateurs.

Laisser entendre qu’il serait possible de revoir, voire de reporter, le projet.

Sanctionner les collaborateurs réfractaires.

• La négociation

157. Dans cette phase de négociation (ou marchandage), le collaborateur a compris qu’il n’avait pas le choix : le projet se fera et lui-même ne sera pas épargné. Bon gré, mal gré, il va devoir changer. Dès lors, il essaie de négocier.

Il cherche à réduire les effets défavorables de ce projet le concernant. Le nombre de personnes opposées au projet ayant vraisemblablement augmenté, il va s’en servir pour montrer combien le projet est en danger, d’où la nécessité de revoir à la baisse l’ambition initiale.

Dans le cadre de cette étape de négociation, il faut vraiment écouter les critiques faites au projet. Certaines sont tout à fait légitimes et pertinentes. Elles peuvent éviter des erreurs. Dans ce cas, il ne faut surtout pas hésiter à préciser et ajuster le projet sur certains points si nécessaire.

Comment gérer cette étape ?

Ce qu’il faut faire

Continuer à convaincre encore et toujours.

Écouter sincèrement les objections, les intégrer dans la réflexion.

Donner une suite favorable aux propositions pertinentes.

Les messages à faire passer

Le projet est définitif et non négociable dans son principe (zone de non-choix). En revanche, on peut tout à fait l’ajuster sur la mise en œuvre ou sur certains points (zones de choix).

On a besoin de vos retours et de vos idées pour cela. Nous vous écoutons.

Ce qu’il faut éviter

Imposer son point de vue de manière hiérarchique (je suis le chef, donc vous n’avez pas le choix!).

Laisser entendre que tout est négociable, y compris le projet.

• La dépression

158. Lors de la phase de dépression (ou tristesse), le collaborateur ne voit toujours pas les aspects positifs du projet, mais il prend conscience que ses efforts pour éviter le changement ne servent à rien. Il est résigné et son énergie est au plus bas. Il n’est plus dans le passé mais pas encore dans le futur.

Au cours de cette période, le cabinet peut faire face à des arrêts maladie liés à la déprime de certains salariés. Certains pourront même démissionner. Ces démissionnaires vont rechercher ailleurs un contexte stable qui correspond à leurs aspirations (rester dans les anciennes méthodes de travail par exemple).

Les salariés sont démotivés et la qualité du travail baisse d’autant que les nouveaux outils, les nouveaux process, les nouvelles méthodes sont rarement opérationnels à ce stade. Rien n’est donc vraiment concret dans ce projet, si ce n’est la certitude de l’abandon de la situation actuelle et la perte de repères.

C’est la dernière phase de la descente aux enfers avant le déclic.

Les salariés sont démotivés et la qualité du travail baisse.

Comment gérer cette étape ?

Ce qu’il faut faire

Rester à l’écoute, disponible, mais aussi vigilant.

Faire preuve d’empathie en évitant à tout prix de se faire enfermer dans un « triangle dramatique », où le collaborateur se positionne en victime et vous positionne en bourreau.

Valoriser les collaborateurs et leur capacité à changer.

S’appuyer sur les pionniers pour les transformer en ambassadeurs du projet.

Positiver le changement et rester ferme sur l’objectif.

Montrer que le projet avance. Présenter les premières avancées positives concrètes (les « quick wins » ; voir §§ 178 à 185).

Détecter les salariés en détresse, les rencontrer individuellement.

Accompagner les collaborateurs, leur montrer qu’ils ont déjà vécu des situations comparables et qu’ils s’en sont bien sortis. Leur rappeler qu’on a besoin d’eux, que le changement a aussi des aspects positifs…

Les messages à faire passer

C’est normal de ne pas être bien, il ne faut pas hésiter à en parler.

Nous avons confiance en vous. Vous avez la capacité à évoluer.

Nous allons vous accompagner.

Ce qu’il faut éviter

Dévaloriser l’équipe ou certains collaborateurs (notamment devant d’autres collaborateurs).

Reprocher aux collaborateurs de vouloir faire échouer le projet.

Dépasser le rôle de manager en entrant dans l’intimité de la personne en souffrance. Autrement dit, jouer le rôle du « sauveur » du triangle dramatique.

Minimiser la souffrance des personnes.

Insister sur l’urgence de changer (même si c’est une réalité, ce n’est pas le moment).

* Le triangle dramatique est un jeu psychologique très intéressant qui fait partie de l’analyse transactionnelle. Développé par Stephen Karpman, il analyse la relation entre deux personnes qui peuvent être alternativement victime, bourreau ou sauveur.

• Le déclic

À partir du déclic, on passe d’une période avec un fort besoin d’écoute à une période à fort besoin d’accompagnement.

159. Le déclic n’est pas une période en tant que telle, mais plutôt une rupture. C’est le point d’inflexion de la courbe. Un certain nombre d’auteurs l’intègrent d’ailleurs dans la phase de dépression en considérant que cette dernière se termine par ce fameux déclic.

C’est une sorte de révélation, c’est l’instant où le collaborateur bascule dans la 2e période de son processus d’acceptation du changement. Il prend conscience qu’il a intérêt à changer et à s’engager dans le projet. Il va passer d’un état émotionnel descendant, où il s’enfonçait irrémédiablement, à un état positif, où il va retrouver du dynamisme, de l’énergie, de la bonne volonté, de l’efficacité.

Il arrête enfin de se focaliser sur le passé et se tourne vers le futur. À partir du déclic, on passe d’une période avec un fort besoin d’écoute à une période à fort besoin d’accompagnement.

• L’acceptation

160. La phase d’acceptation marque le changement de comportement du collaborateur. Il se motive, passe à l’action et commence à vivre réellement le changement. Il contribue au projet, propose des idées, rejoint des groupes de travail.

Durant cette phase, il convient toutefois d’être très prudent car la situation reste fragile. Si ce collaborateur a basculé, ce n’est pas forcément le cas de toute l’équipe. Certains sont encore du côté obscur de la force !

Comment gérer cette étape ?

Ce qu’il faut faire

Féliciter. Être reconnaissant.

Rester vigilant.

Être à l’écoute, notamment pour prendre en compte les remarques et les suggestions (qui généralement deviennent positives contrairement aux premières).

Les messages à faire passer

Bravo d’avoir analysé la situation et d’avoir pris la bonne décision.

Maintenant, il faut se mettre au travail, on a besoin de vous.

Ce qu’il faut éviter

Passer à côté des remarques et des suggestions.

Manquer de diplomatie (et bien, cela a été dur, il vous a fallu du temps, je ne penserais pas que l’on y arriverait un jour…).

Penser que c’est gagné.

• La découverte du sens

161. Dans cette phase de découverte du sens (ou de renouveau), le collaborateur va découvrir les revers positifs de la médaille du changement c'est-à-dire qu’il va se rendre compte que ce projet lui apporte des opportunités qu’il n’aurait pas pu obtenir sans.

C’est ce qu’on appelle les « cadeaux cachés », dont il n’avait pas conscience jusqu’à présent, une sorte de bénéfices collatéraux du projet. Ces bénéfices vont encore renforcer l’engagement du collaborateur dans le projet.

Pour la direction du cabinet, on entre vraiment dans la phase confortable du processus. Les collaborateurs sont plus épanouis, de plus en plus enthousiastes et souhaitent que la mise en œuvre du projet s’accélère. À ce stade, ils voient de plus en plus les aspects positifs et oublient peu à peu les points négatifs.

Comment gérer cette étape ?

Ce qu’il faut faire

Féliciter.

Encourager les initiatives.

Impliquer ces collaborateurs dans le projet. Leur confier des responsabilités.

S’appuyer sur ces « nouveaux convertis » pour qu’ils embarquent d’autres collaborateurs encore indécis.

Les messages à faire passer

Nous avons besoin de vous.

Le projet avance, aidez-nous à l’améliorer, à le faire avancer.

Ce projet avance bien, il y en aura d’autres.

Ce qu’il faut éviter

Laisser retomber la pression.

Ralentir le rythme du projet (lever le pied en considérant que le plus dur est fait).

• La satisfaction

162. La satisfaction (ou sérénité) est la dernière étape du processus. Le collaborateur a tourné la page, il a basculé dans sa nouvelle situation. Il vit dans le présent et en oublie parfois même sa situation antérieure. Il a gagné en agilité, est fier de sa réussite et n’a pas peur d’envisager d’éventuels nouveaux projets. Il devient un ambassadeur du projet et cherche à convaincre ses collègues.

Certains collaborateurs n’étant pas encore arrivés à ce stade de leur réflexion, il est toutefois difficile de fêter une victoire complète !

Comment gérer cette étape ?

Ce qu’il faut faire

Remercier, féliciter, valoriser l’effort.

Continuer à accompagner, suivre l’évolution de ces personnes satisfaites.

Mettre en valeur les premières victoires (quick wins).

Considérer (et présenter) les échecs et les erreurs (car il y en aura) comme des chances de s’améliorer.

S’appuyer sur ces collaborateurs pour aider et accompagner les autres.

Les messages à faire passer

Bravo pour ce beau travail.

Merci de nous avoir fait confiance.

Ce résultat est une réussite d’équipe, continuons à encourager ceux et celles qui ont plus de difficultés.

Ce qu’il faut éviter

En demander plus (trop).

Ne pas célébrer cette victoire.

Dans l’enthousiasme, remettre un projet en route trop tôt.

Laisser à l’écart les personnes qui ne sont pas (encore) montées dans le train.