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Parution: septembre 2018

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Comment mettre toutes les chances de son côté ?

163. Nous avons présenté au début de cette troisième partie les fondamentaux de la conduite du changement appliquée à la transformation numérique du cabinet, en distinguant la partie pilotage de projet de la partie accompagnement de l’équipe.

Dans ce nouveau chapitre, nous allons étudier les conditions à respecter pour se donner toutes les (ou tout au moins le maximum de) chances de succès.

En effet, au-delà de la méthodologie présentée ci-avant, certaines règles conditionnent le succès de l’opération ; en outre, certaines bonnes pratiques permettent d'être plus efficace. Enfin, nous terminerons par une revue rapide des freins et risques d’une telle opération.

Quelles sont les conditions du succès ?

Nous présentons ci-dessous quelques conditions à respecter pour augmenter les chances de succès de l’opération. En fait, soyons honnêtes, le respect de ces conditions ne garantit absolument pas le succès (ce serait trop facile !), mais, en revanche, leur non-respect garantit quasiment l’échec !

Expliquer pourquoi le changement est inéluctable

Les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ne voient la nécessité que dans la crise.

164. S’il ne fallait retenir qu’une phrase sur la conduite du changement, ce serait certainement cette citation de Jean Monnet.

Comme nous l’avons vu, le changement est une démarche contraignante et inconfortable. Or, l’être humain cherche naturellement à s’économiser. Il est donc réticent à produire un effort ou à s’engager dans une démarche désagréable si le contexte ne l’y oblige pas !

Pour impliquer l’équipe dans le projet, il faut donc la convaincre, en commençant par lui expliquer les motivations de ce changement. Chacun doit comprendre et être profondément convaincu que ce changement n’est pas dû à un caprice de la direction ou à une mode, mais bien à une nécessité imposée par l’évolution de l’environnement. Il faut donner du sens au projet.

Faire l’économie d’une présentation claire et argumentée de la situation et de la stratégie du cabinet mène tout droit à l’échec de la transformation. Il est inutile de passer à l’étape suivante tant que le pourquoi du projet de transformation n’est pas parfaitement clair pour tout le monde, tant qu’il n’a pas été légitimé. Si les collaborateurs n’ont pas conscience de la nécessité de changer, une chose est sûre : ils ne changeront pas !

Dans ces conditions, on comprend aisément pourquoi l’annonce officielle du projet de transformation et de ses motivations est stratégique. C’est l’occasion de diffuser un message fort à toute l’équipe (d’où l’importance de bien préparer cette annonce et de ne pas se contenter de deux ou trois diapositives évasives).

Cependant, ce « grand soir » du changement ne suffit pas. Tout au long de la démarche, il faut régulièrement répéter et réexpliquer pour continuer à convaincre et ancrer les messages. N’oublions pas que tous les collaborateurs n’évoluent pas au même rythme (voir § 153).

Confier le leadership du projet à la direction du cabinet

165. On ne le répétera jamais assez, la transformation numérique du cabinet n’est pas un projet comme un autre. Si le management de proximité (directeurs et chefs de mission, responsables de sites) est l’échelon le plus directement impliqué dans le processus de transformation du cabinet, il est absolument nécessaire que la direction du cabinet donne à ce projet une dimension stratégique.

La présence de la direction à la tête du projet est un facteur essentiel à bien des égards et, notamment, pour convaincre les collaborateurs. C’est déjà un signal fort que la direction prend ce projet très au sérieux et que c’est la priorité du cabinet. C’est ensuite la garantie que les moyens nécessaires seront mis en œuvre et que le projet ne sera pas bloqué par des « petits chefs ». N’oublions pas que ce projet implique un changement de stratégie, d’offre, d’organisation interne…

La direction du cabinet doit être convaincue de la légitimité du projet de transformation et, au-delà des discours, ses actes doivent rejoindre ses paroles.

Comment mener à bien ces changements d’envergure si la direction n’est pas aux manettes ? C’est enfin un gage de bonne fin : si le dirigeant s’implique personnellement, le projet verra le jour. Cela contribue à convaincre les collaborateurs sur le caractère inéluctable du projet.

Si cette présence de la direction à la tête du projet paraît évidente, elle n’est pas aussi simple qu’elle n’y paraît. Si, sur le principe, tous les dirigeants de cabinets comprennent et partagent aisément ce point, la mise en œuvre concrète de cet engagement est parfois plus délicate. En effet, au-delà de la communication interne, il faut que cet engagement de la direction soit réel et profond. Dès lors, il va de soi que la direction du cabinet doit être convaincue de la légitimité du projet de transformation et, au-delà des discours, ses actes doivent rejoindre ses paroles.

Les dirigeants doivent s’impliquer personnellement dans le projet. Ils doivent notamment donner l’exemple (ce qui, en pratique, n’est pas le plus simple). En effet, si les collaborateurs ont l’impression qu’ils sont les seuls à devoir changer, le projet n’ira pas bien loin.

L'exemplarité n'est pas une façon d'influencer, c'est la seule (Albert Schweitzer).

Inutile, dans ces conditions, de demander à l’équipe d’appliquer une nouvelle méthode de travail si on ne l’applique pas soi-même. Par exemple, on ne peut pas vanter les bienfaits de la transformation numérique du cabinet et continuer à travailler sur un agenda papier, ne pas être présent sur les réseaux sociaux et refuser toute évolution numérique à titre personnel.

Il est absolument nécessaire que la direction du cabinet donne à ce projet une dimension stratégique.

Les associés du cabinet doivent avoir le souci de se montrer exemplaires en toute circonstance. Ils ne doivent, notamment, s’autoriser aucun doute et aucune critique ayant trait aux changements en cours en présence des collaborateurs.

Concrètement, le dirigeant doit prendre, avec ses associés, la tête du comité de pilotage et manager le projet (voir § 136).

S’entourer, impliquer et partager

La direction doit prendre la tête des opérations, mais cela ne veut surtout pas dire que les associés doivent tout gérer.

166. L’une des clés du succès d’un projet de transformation, c’est de s’appuyer sur des relais efficaces. Certes, la direction doit prendre la tête des opérations, mais cela ne veut surtout pas dire que les associés doivent tout gérer. Ils doivent rester les chefs d’orchestre, mais pas jouer seuls de tous les instruments ! Il faut donc s’entourer pour mener le projet à bien. Toute la difficulté est de choisir et de mobiliser les collaborateurs pertinents.

L’équipe projet

167. Pour mener à bien le projet de transformation, le cabinet a besoin de beaucoup de volontaires car le chantier est vaste. Il faut donc monter une « équipe projet » regroupant un maximum de collaborateurs impliqués dans l’avancement du projet. Toute la difficulté consiste évidemment à les identifier et les faire travailler sur les bons chantiers.

• Comment les choisir ?

168. Pour sélectionner les collaborateurs les mieux placés, la priorité absolue réside dans leur motivation. En effet, il est absolument inutile (et même dangereux) de confier une partie du projet à des collaborateurs non motivés. Ils doivent être convaincus, volontaires et enthousiastes. L’envie de faire avancer le projet est absolument indispensable.

Dans l’idéal, ces collaborateurs doivent être « reconnus » par leurs collègues. Sans être des leaders d’opinion, ils doivent idéalement bénéficier d’un certain pouvoir d’influence sur l’équipe. En effet, une partie importante des actions à mener consiste à évangéliser auprès du reste de l’équipe, à écouter, à rassurer. Pour cela, il faut quelqu'un d’assez ancien, qui connaît bien le cabinet et y est bien respecté et apprécié. La capacité de conviction du dernier collaborateur recruté est évidemment bien moindre que celle de quelqu'un qui travaille au cabinet depuis plusieurs années (voir § 150).

Pour sélectionner les collaborateurs les mieux placés, la priorité absolue réside dans leur motivation.

• À quels chantiers les affecter ?

169. Selon les responsabilités qui sont confiées aux membres de l’équipe, les qualités requises ne sont pas du tout les mêmes. Tous les profils sont intéressants et utiles, mais les rôles doivent être attribués aux uns et aux autres en fonction de leur capacité à remplir leur mission.

Il est préférable de confier des responsabilités à des collaborateurs « représentatifs » dans lesquels leurs collègues se reconnaîtront

Sur le plan des profils de compétences, la tentation est naturellement forte de confier un maximum de responsabilités en priorité à des « geeks », ces jeunes issus de la génération des « digital natives » (la fameuse génération Y), qui vivent du matin au soir avec un écran entre les mains. Malheureusement, ce n’est pas souvent la bonne solution.

En effet, si l’objectif est d’embarquer l’équipe dans le projet, il est préférable de confier cette tâche à des collaborateurs « représentatifs » dans lesquels leurs collègues se reconnaîtront. Une fois de plus, pour convaincre et mobiliser le reste de l’équipe, mieux vaut solliciter des collaborateurs « normaux », ils seront plus efficaces.

Pour participer aux groupes de travail mis en place dans le cadre du pilotage du projet, il est préférable de faire travailler ensemble des collaborateurs aux profils différents, sans lien hiérarchique.

À l’inverse, pour former l’équipe sur les nouvelles technologies, pour tester les nouveaux produits, pour créer les pages du cabinet sur les différents réseaux sociaux, pour réfléchir à une offre en ligne, il est plus pertinent de faire appel (mais pas seulement) à des collaborateurs très à l’aise avec toutes ces nouvelles technologies. Ce n’est pas une question de hiérarchie, mais d’efficacité.

Pour participer aux groupes de travail mis en place dans le cadre du pilotage du projet, il est préférable de faire travailler ensemble des collaborateurs aux profils différents, sans lien hiérarchique. Ce sont les échanges, le partage et la confrontation des points de vue différents qui permettront d’aboutir à des propositions à la fois originales et pragmatiques.

Les managers intermédiaires

170. Pour ne pas rester qu’un beau projet théorique, la transformation numérique doit être déployée au sein de toute l’équipe. Ce n’est pas la moindre des difficultés.

Or, pour y arriver, le seul et unique moyen consiste à s’appuyer sur les relais que sont les managers intermédiaires (ou « middle management » ou managers de proximité ou chefs de mission selon les cabinets). En pratique, ces derniers vont devoir gérer la mise en œuvre concrète de cette nouvelle stratégie sur le terrain.

• Un rôle crucial et délicat

171. Dans le déploiement d’un projet, les managers intermédiaires sont les courroies de transmission indispensables. Leur participation est donc primordiale. Dès lors, ils sont doublement impactés : d’une part, en tant que salariés, ils doivent partager la vision des dirigeants afin de pouvoir la traduire dans le quotidien opérationnel et, d’autre part, en tant que relais managériaux, ils sont au contact direct des collaborateurs et doivent les aider à accomplir leur mission dans ce nouvel environnement.

Dans le déploiement d’un projet, les managers intermédiaires sont les courroies de transmission indispensables. Leur participation est donc primordiale.

Ils sont donc confrontés à une double pression : celle de la direction, en attente de réussite, et celle des collaborateurs, qui peuvent être rétifs au changement ou qui ne se sentent pas ou peu impliqués par cette transformation.

Il s’agit donc d’être particulièrement attentif à ces managers intermédiaires, qui ont un rôle à la fois crucial et particulièrement délicat.

• Les convaincre, les accompagner et… leur faire confiance

172. Pour mobiliser ces managers de proximité, il faut procéder en plusieurs étapes.

La première consiste déjà à bien leur expliquer le projet, afin de les convaincre. En effet, s’ils ne sont pas eux-mêmes convaincus, il est peu probable qu’ils soient convaincants ! Nous avons déjà vu que cette étape était fondamentale, elle l’est tout particulièrement pour ces ambassadeurs du projet. Il ne faut donc pas hésiter à prendre le temps de les voir en tête à tête pour apporter des réponses à toutes leurs interrogations.

Ce rôle d’intermédiaire est délicat et pas toujours gratifiant. Ils doivent se sentent investis d’une mission et soutenus par leur hiérarchie.

Ensuite, il faut les accompagner dans cette mission. Cet accompagnement est moins technique que comportemental. Il faut évidemment leur transmettre toutes les informations dont ils ont besoin, mais aussi les encourager, les motiver, leur assurer qu’ils ne sont pas seuls, leur dire qu’ils peuvent compter sur leur hiérarchie pour leur donner un coup de main en cas de besoin. Là encore, cela prend du temps. Il faut les écouter, comprendre leurs inquiétudes, leurs blocages jusqu’à ce qu’ils soient à l’aise.

Enfin, il faut leur faire confiance et les valoriser aux yeux de leur équipe. Ce rôle d’intermédiaire est délicat et pas toujours gratifiant. Ils doivent se sentir investis d’une mission et soutenus par leur hiérarchie. Il ne faut notamment pas leur confier que des tâches ingrates, ils doivent être valorisés par la direction et aux yeux de leur équipe. La mission qui leur est confiée ne doit pas les faire passer pour des « petits chefs ».

• Renforcer leur rôle et leur culture managériale

173. L’expérience du terrain montre que ces rouages essentiels des cabinets sont rarement formés à ce rôle de manager (ou encadrant).

Le profil est souvent celui d’un collaborateur qui a évolué au sein du cabinet par sa maîtrise technique des dossiers. Ils sont souvent devenus les supérieurs hiérarchiques de leurs anciens collègues, ce qui n’est pas une position facile.

Il est essentiel, même en dehors de toute transformation du cabinet, d’accompagner ces managers de proximité dans leur fonction d’encadrement d’équipe.

Cette promotion s’est (très) rarement accompagnée d’une formation et d’un accompagnement à leur nouveau rôle de manager (ceci étant, pour relativiser ce propos, rares sont les experts-comptables qui se sont eux-mêmes formés sur ces sujets). Ils se sont donc débrouillés en apprenant leur nouveau rôle sur le tas, intuitivement.

Il est donc essentiel, même en dehors de toute transformation du cabinet, d’accompagner ces managers de proximité dans leur fonction d’encadrement d’équipe et de relation clients. Ils doivent être formés, voire coachés.

Le reste de l’équipe

174. Nous avons vu que, pour mener à bien le projet, la direction devait s’appuyer sur deux populations fondamentales : l’équipe projet et les managers intermédiaires (voir §§ 167 et 170). Certes, mais qu’en est-il de l’ensemble des autres collaborateurs du cabinet (qui représentent au moins les deux tiers de l’équipe) ?

La direction du cabinet doit être particulièrement vigilante à ne laisser personne sur le bord de la route.

Au-delà des acteurs actifs dans le projet, la transformation ne se fera que si l’ensemble de l’équipe suit. Le projet, s’il n’est pas largement partagé, ne sera pas déployé et donc ne verra pas le jour. Plus le projet est collectif, plus il sera solidement ancré, stable dans le temps et difficile à remettre en cause. La sortie de la zone de confort, la peur de l’inconnu, la peur de l’échec sont autant de bonnes raisons pour que personne ne bouge. Il faut donc convaincre et mobiliser largement.

La direction du cabinet doit donc être particulièrement vigilante à ne laisser personne sur le bord de la route. Pour cela, elle doit, bien sûr, s’appuyer sur ses relais et vérifier en permanence l’adhésion générale.

Passer (vraiment) à l’action

175. Chez b-ready, nous avons l’habitude de dire « Il n’y a pas de petits et de grands projets. Il y a les projets qui aboutissent et les autres ». Autrement dit, la réflexion la plus brillante ne sert à rien si elle n’est pas suivie d’action. Si le projet n’est pas déployé, une chose est sûre, il ne se passera rien.

La réflexion la plus brillante ne sert à rien si elle n’est pas suivie d’action.

Contrairement à ce qu’imaginent nombre de dirigeants, la phase de mise en œuvre est, de loin, la plus délicate. Elle va, en effet, nécessiter :

• de piloter le projet en parallèle de l’activité courante du cabinet, avec son lot d’urgences et de périodes surchargées ;

• de relancer régulièrement les pilotes de chantier et de faire avec eux des points d’étape réguliers pour suivre l’avancée des travaux ;

• de suivre les objectifs et leurs indicateurs et de communiquer les résultats aux équipes afin de les maintenir dans le projet ;

• de tenir le calendrier, de rattraper les inévitables retards ou, a minima, d’ajuster les échéances. La gestion du planning est un élément déterminant dans la réussite du déploiement d’un projet de cabinet ;

• de faire preuve de persévérance face à ceux qui n’y croiront pas… ou qui attendront tout simplement l’enlisement des velléités les plus gênantes pour eux (et il y en aura forcément) ;

• d’accompagner individuellement chacun pour l’aider à atteindre ses objectifs. Le changement n’est pas « naturel » ; il faut impérativement aider les collaborateurs dans ce processus.

Il n’y a pas de petits et de grands projets. Il y a les projets qui aboutissent et les autres.

Le véritable danger de cette phase de mise en œuvre, c’est la procrastination, le fait de se dire que telle ou telle action peut attendre « un peu » car il n’y a pas d’urgence tangible.

Or, en matière de transformation numérique, il n’y a jamais d’urgence tangible. Bien sûr, tout peut toujours attendre « un peu » ; il n’y a pas de péril identifié comme probable à très court terme.

Ce risque en apparence anodin est pourtant l’un des plus grands dangers qui pèsent sur l’aboutissement du projet. En effet, c’est en retardant un peu, puis plus, puis encore plus certaines échéances que l’équipe se démobilise, qu’elle doit faire face à d’autres urgences et que le cabinet abandonne (inconsciemment dans un premier temps) le projet. Ensuite, quand le cabinet se réveille, il est trop tard pour réagir.

Il faut donc à tout prix éviter la pause : si certaines phases du processus sont plus rythmées que d’autres, il est important de ne jamais lever le pied, car cela pourrait être interprété par les collaborateurs plus récalcitrants comme un arrêt du changement, et donc un possible retour en arrière… Quant aux collaborateurs les plus motivés (et donc souvent les plus dynamiques), ils pourraient quitter le navire en considérant que le projet est, de fait, abandonné.

On ne transforme pas un cabinet par des décisions, mais par des actions. Or, si une décision peut être prise rapidement, ce n’est pas le cas de la mobilisation d’un cabinet. Pour éviter ce danger majeur, il est essentiel de mettre en place un pilotage du projet extrêmement rigoureux, avec un plan d’action précis et cadencé. Il faut ensuite surveiller l’avancement du projet comme le lait sur le feu.

C’est, notamment, pour lutter contre ce risque bien connu qu’un certain nombre de cabinets décident de se faire accompagner, pour garder un œil extérieur qui joue le rôle d’aiguillon quand l’équipe du cabinet commence à ralentir dangereusement le rythme.

On ne transforme pas un cabinet par des décisions, mais par des actions.

Ajuster les voiles, mais garder le cap !

176. Au risque de décevoir un certain nombre de lecteurs idéalistes, la feuille de route initiale d’un projet de transformation n’est jamais respectée !

Il est vrai qu’il est illusoire d’imaginer que la transformation s’effectuera exactement telle qu’elle a été pensée à l’origine. Il est certain que des imprévus nécessiteront d’adapter la feuille de route. En fait, il y a deux raisons parfaitement légitimes pour adapter la feuille de route :

• l’évolution de l’environnement du cabinet ;

• l’intégration des idées et propositions des collaborateurs qui rejoignent l’équipe projet, la prise en compte des remarques du terrain…

Mais s’il est clairement illusoire de prétendre appliquer à la lettre le plan d’action tel qu’il a été défini, il est primordial de conserver les objectifs stratégiques. En effet, le changement génère son lot de stress et d’inquiétudes chez les collaborateurs du cabinet. Ils ont naturellement besoin d’être rassurés, de savoir dans quelle direction va le cabinet et de pouvoir accorder leur confiance à la direction. Or, inutile de dire que si la stratégie change tous les mois, cette confiance risque d’être rapidement écornée, ce qui réduit d’autant leur implication dans les changements.

S’il est clairement illusoire de prétendre appliquer à la lettre le plan d’action tel qu’il a été défini, il est primordial de conserver les objectifs stratégiques.

Il ne faut pas oublier que le projet doit embarquer des populations aux profils psychologiques très différents. Ainsi, il faut naviguer entre la frustration des uns, qui ne peuvent modifier le projet comme ils le voudraient et la sécurisation des autres, qui souhaitent que le projet annoncé soit respecté.

Dans ces conditions, comment annoncer et présenter un projet à l’équipe s’il est appelé à être amendé ?

En fait, lors de sa présentation à l’équipe, le projet doit être suffisamment avancé (les grandes lignes doivent être très claires et pédagogiques) pour être rassurant, mais suffisamment flexible pour pouvoir être adapté en fonction des apports de l’équipe.

En pratique, le cap doit être parfaitement clair et stable, mais la mise en œuvre doit faire l’objet d’un large consensus.

Plus les modalités pratiques seront définies collectivement, plus le projet aura de chances de rallier l’équipe et donc d’aboutir.

Il est important de permettre aux collaborateurs d’apporter leur contribution. Ils s’approprieront ainsi le projet et l’enrichiront par la même occasion.

À ce stade, il est important de ne pas se laisser déborder. L’équipe en charge de la conduite de la transformation va devoir faire face (au moins au début de la démarche) à environ deux tiers de collaborateurs plus ou moins récalcitrants. Il va sans dire que certains d’entre eux ne manqueront pas de saisir toutes les opportunités pour faire échouer le projet.

C’est pourquoi, une certaine fermeté est indispensable. C’est le signe de la détermination des dirigeants du cabinet. Si cette détermination présente des failles, certains s’y engouffreront immanquablement. Il faut donc établir clairement les règles dès le début du projet en définissant :

• les zones de non-choix, c'est-à-dire ce qui est imposé par la direction et est non négociable ;

• les zones de concertation, c'est-à-dire les aspects à définir conjointement ;

• leszones de choix c'est-à-dire les points sur lesquels les collaborateurs pourront décider librement (en pratique, souvent la déclinaison des règles décidées collectivement à leur propre situation ou service).

Se donner du temps et les moyens

177. Quand les dirigeants d’un cabinet se lancent dans un projet de transformation, ils sont souvent gagnés par l’enthousiasme et c’est bien normal. À ce stade, les initiateurs du projet ont déjà digéré la nécessité de changer et travaillent depuis un certain temps sur la construction de l’avenir. Cependant, ils sont encore seuls. L’annonce du projet à l’équipe n’a pas eu lieu.

Quand ils ébauchent les grandes lignes du projet, ils ont alors tendance à être victimes de leur enthousiasme, c'est-à-dire qu’ils sont parfois trop optimistes. Ils s’imaginent que toute l’équipe va suivre très vite, que le projet va se passer sans encombre et c’est ainsi qu’ils se fixent des objectifs assez peu réalistes.

Si le projet est trop ambitieux en termes d’objectifs à atteindre ou de délai, la réaction des collaborateurs sera l’inverse de celle attendue.

Il faut être prudent sur ce point. Tant que le projet n’a pas été partagé avec l’équipe, il n’existe pas (voir § 149). L’épreuve du feu, c’est l’annonce à l’équipe. Si le projet est trop ambitieux en termes d’objectifs à atteindre ou de délai de mise en œuvre, la réaction des collaborateurs sera l’inverse de celle attendue. Au lieu de rencontrer l’enthousiasme, ils vont faire face à une démobilisation. Si un projet doit évidemment être ambitieux, il doit rester réaliste pour ne pas décourager l’équipe.

Il n’est pas possible de faire bouger toute une équipe ou de changer les habitudes en quelques semaines.

La transformation profonde d’une entreprise ou d’un cabinet est certainement un projet très lourd à mener. Il faut donc prendre conscience qu’il nécessite du temps et des moyens.

Du point de vue du temps, l’équipe du projet et le comité de pilotage doivent faire preuve d’ambitions raisonnables. Il n’est pas possible de faire bouger toute une équipe ou de changer les habitudes en quelques semaines.

Un projet nécessite du temps. Le temps de réfléchir, d’expliquer, de construire le projet, d’écouter les objections, d’apporter des réponses, de définir le modèle économique, de concevoir l’offre, de construire les outils, de former l’équipe, de présenter aux clients, d’écouter leur retour… Cette dimension du temps, inhérente à tout projet, fait rarement l’objet du sérieux qu’elle mérite.

L’équipe en charge du projet doit être disponible. Cela signifie concrètement qu’il n’est pas possible de confier une telle responsabilité à des collaborateurs déjà (sur)chargés.

Enfin, il faut investir. Aucune entreprise ne peut raisonnablement se transformer sans y consacrer des moyens. Une bonne partie de ces moyens sont d’ailleurs immatériels. Il faut investir dans les outils (logiciels, documentation…), dans l’équipe (recrutement, adaptation, formation, temps disponible…), dans la communication, etc.

Soyons clairs : sans investissement, le projet n’aboutira probablement pas.

Par ailleurs, on oublie régulièrement que l’équipe en charge du projet doit être disponible. Cela signifie concrètement qu’il n’est pas possible de confier une telle responsabilité à des collaborateurs déjà (sur)chargés. Soyons clairs : sans investissement, le projet n’aboutira probablement pas.

Soyons clairs : sans investissement, le projet n’aboutira probablement pas.

Quelles sont les bonnes pratiques qui permettent de maximiser ses chances de réussite ?

178. Alors que le chapitre précédent était consacré aux conditions de réussite, ce nouveau chapitre propose quelques conseils pratiques tirés de notre expérience et destinés à faciliter la mise en œuvre du projet au sein du cabinet.

Pour l’anecdote (mais pas seulement !), le premier conseil que nous pourrions vous donner serait de respecter la démarche que nous présentons dans cet ouvrage. Elle permet, en effet, de gérer l’ensemble du projet de transformation en abordant tous les sujets majeurs et en mettant l’accent sur les points clés de la réussite.

Au-delà de ce conseil, nous avons rassemblé quelques bonnes pratiques faciles à mettre en œuvre et qui multiplient les chances de succès.

Adopter la politique des petits pas

Celui qui déplace une montagne commence par déplacer de petites pierres (Confucius).

179. Un projet de transformation est long et ambitieux. C’est pourquoi, s’il est abordé et présenté de manière globale, il risque fort de paralyser et de démobiliser l’équipe qui pense qu’il est irréaliste ou inaccessible.

Même s’il faut garder une vue d’ensemble et un cap final (c’est le rôle du comité de pilotage), il est essentiel de décliner le projet en micro-projets indépendants (ouvrir un site internet, envoyer une newsletter aux clients, choisir une application, rencontrer des clients pour écouter leurs besoins…). Toutes ces actions très concrètes sont autant de micro-projets qui s’inscrivent dans la démarche générale et la font avancer, mais sans submerger l’équipe par une ambition trop grande.

Même s’il faut garder une vue d’ensemble et un cap final (c’est le rôle du comité de pilotage), il est essentiel de décliner le projet en micro-projets indépendants.

Chaque objectif devient alors facile à atteindre, dans un délai très raisonnable. Les collaborateurs ne sont plus perdus dans un chantier tentaculaire qui les dépassent. Ils constatent par eux-mêmes l’avancement concret du projet.

Célébrer chaque victoire

180. Le changement est un projet de long terme. Afin de motiver les équipes, il est important de souligner régulièrement les efforts effectués et les résultats obtenus. Il ne faut pas hésiter à récompenser individuellement les collaborateurs et fêter chaque (petit) succès. Cette démarche valorise les collaborateurs et leur redonne de l’énergie pour continuer.

Afin de motiver les équipes, il est important de souligner régulièrement les efforts effectués et les résultats obtenus.

En outre, non seulement cela motive leurs collègues qui ont également envie de contribuer au succès de l’opération, mais cela permet aux collaborateurs de prendre conscience de leurs avancées et de leurs réussites, à titre individuel comme à titre collectif. Cette reconnaissance des réussites est primordiale pour entretenir la motivation des équipes du cabinet.

Privilégier les quick wins !

181. En lien direct avec les deux points précédents, il faut absolument privilégier et s’appuyer sur les fameux « quick wins ». Ces quick wins sont des petites actions simples qui permettent des succès faciles et rapides car les résultats sont immédiatement visibles.

Il est important de jalonner le projet global par de telles actions pour montrer à l’équipe que le projet avance et qu’il porte déjà des fruits. Les quick wins sont très utiles et efficaces pour convaincre l’équipe du bien-fondé d’une démarche (nouveau process de production, nouvelle organisation interne, nouvelle pratique…). Ils constituent autant de preuves tangibles que le cabinet va dans la bonne direction. Ils redonnent confiance, entretiennent la dynamique, mobilisent l’équipe et l’encouragent à continuer ses efforts.

On y pense rarement, mais ces quick wins peuvent également permettre de donner confiance… aux dirigeants du cabinet ! En effet, quand il existe plusieurs associés, ils n’ont pas toujours la même vision des choses (en pratique, rarement d’ailleurs !). Certains d’entre eux ne sont pas très dynamiques et manquent d’enthousiasme à l’idée de bouleverser les équilibres actuels qui leur conviennent. C’est pourquoi, la mise en œuvre de certaines actions aux résultats rapides permet souvent de les convaincre de l’utilité d’avancer dans le projet de transformation.

Les quick wins sont très utiles et efficaces pour convaincre l’équipe du bien-fondé d’une démarche (nouveau process de production, nouvelle organisation interne, nouvelle pratique…).

Ne pas avoir peur de… se planter !

182. La peur de l’échec est un frein majeur à tout projet. En France, il faut reconnaître que nous n’avons pas une grande culture de l’échec. Résultat, cette peur bloque les initiatives et paralyse les entreprises. Personne n’ose se lancer. À l’inverse, dans la Silicon Valley, un adage est très répandu : « Fail fast, fail often » que l’on pourrait traduire par « Plantez-vous vite, plantez-vous souvent ».

Pour quelles raisons ? En fait, cet univers considère l’échec comme un élément consubstantiel du succès, une sorte de passage obligé. Autrement dit, sans échec, point de réussite. Avec une telle mentalité, on comprend mieux qu’on nous encourage à nous tromper pour recommencer mieux et enfin rencontrer le succès.

Dans la vie je ne perds jamais, soit je gagne soit j'apprends (Nelson Mandela).

Aux États-Unis, non seulement, on n’a pas peur des échecs, mais, pire encore, on n’hésite pas à… les célébrer ! Une date (le 13 octobre) a même été consacrée journée de l’échec (« Day for Failure »). C'est l'occasion pour chacun de fêter ses erreurs, ses insuccès, ses revers, ses résultats négatifs.

Dans un autre univers, rappelons-nous que Nelson Mandela avait pour mantra : « Dans la vie je ne perds jamais, soit je gagne soit j'apprends ».

Dans le même registre, l’un des slogans de BlaBlaCar est « Fail. Learn. Succeed », c'est-à-dire « Échoue. Apprends. Réussis ». Les échecs ne sont-ils pas, après tout, qu'une simple étape avant de faire mieux ?

La mentalité « anti échec » est particulièrement répandue chez les comptables. En effet, la culture de la perfection, de l’exactitude est forte. Il est d’autant plus difficile d’admettre ses erreurs et d’en faire profiter les autres.

Quand on se lance dans un projet de transformation, il faut absolument opérer, de ce point de vue, une véritable révolution copernicienne.

Développer l’agilité

183. Une entreprise qui n’a pas (vraiment) évolué depuis de nombreuses années ne sait tout simplement pas s’adapter, car ce n’est pas dans sa culture. Or, dans une telle situation, un changement est souvent vécu comme un choc très violent.

La transformation numérique du cabinet impose une remise en cause profonde de la stratégie, de l’offre, de l’approche client… Au-delà de ces aspects concrets, elle doit aussi être l’occasion de revoir les habitudes, les modes de fonctionnement internes et les modèles de pensée.

En fait, aussi paradoxal que cela puisse paraître, les cabinets doivent, sur certains points, s’inspirer du mode de fonctionnement des start-up.

Les cabinets doivent s’adapter plus vite et plus facilement, travailler de manière plus collective et transversale, être plus audacieux et ingénieux, avoir moins peur de l’échec… En d’autres termes, ils doivent devenir agiles (voir § 55).

Ce projet de transformation est une formidable occasion de se lancer dans cette nouvelle approche managériale. Face à ce grand chantier, il ne faut pas avoir peur d'essayer, de tester, de se tromper pour refaire mieux. Il faut prendre le risque de faire confiance aux collaborateurs qui, eux-mêmes, ont envie de s’investir « pour voir ».

Il faut aussi réduire le poids de la hiérarchie, encourager les initiatives, instaurer des groupes de travail transversaux pour faire travailler ensemble des collaborateurs qui n’en ont pas forcément l’habitude et leur donner le goût du travail collectif. Il ne faut pas hésiter à lancer une offre, même si elle n’est pas parfaite. Elle sera améliorée dans le temps grâce aux retours des clients, qui vont la tester. Il faut se donner le droit à l’erreur et à l’échec et instaurer une culture de l’adaptation permanente car le changement sera désormais permanent.

Face à ce grand chantier, il ne faut pas avoir peur d'essayer, de tester, de se tromper pour refaire mieux.

En termes d’organisation, il faut mettre fin aux silos au sein du cabinet. Il faut apprendre et donner le goût de travailler ensemble.

Avec toutes ces nouvelles pratiques (qui ne seront ni faciles, ni rapides à mettre en place), le cabinet gagnera en souplesse et en réactivité, ce qui lui sera utile bien au-delà de sa transformation numérique.

Insuffler peu à peu le numérique dans la culture interne

184. Nous avons bien insisté, tout au long de cet ouvrage, sur le fait que la transformation numérique était une mutation stratégique profonde et non une évolution technologique supplémentaire.

Il ne s’agit pas de se limiter à la maîtrise de la dernière version du logiciel comptable ou d’apprendre à coder, mais d’acquérir une certaine aisance numérique.

Pour autant, il est essentiel que l’ensemble de l’équipe du cabinet soit de plus en plus à l’aise avec les outils et solutions technologiques. Il ne s’agit pas de se limiter à la maîtrise de la dernière version du logiciel comptable ou d’apprendre à coder, mais d’acquérir une certaine aisance numérique : ne pas avoir peur de tous ces nouveaux outils, oser se lancer et découvrir par soi-même une nouvelle application …

Dans un cabinet, plusieurs populations de collaborateurs cohabitent. Certains, jeunes, sont très à l’aise avec tous ces nouveaux outils et gadgets numériques. D’autres, souvent plus anciens, rencontrent plus de difficultés pour s’y adapter. Il est important d’organiser une solidarité interne entre les collaborateurs pour que ceux qui maîtrisent ces solutions accompagnent leurs collègues. Cette démarche sera profitable non seulement aux collaborateurs en difficulté, mais aussi au cabinet et aux collaborateurs sollicités.

Pourquoi la transformation du cabinet pourrait-elle échouer ?

185. La transformation du cabinet est un (très) lourd chantier, qui s’étale sur plusieurs mois voire, dans la plupart des cas, plusieurs années. Dès lors, comme tout projet de cette dimension, les risques d’erreurs et d’échecs sont très nombreux.

Sur la base de notre expérience, nous avons listé les principaux risques d’échecs et les principales erreurs à ne pas commettre pour éviter l’échec.

Comme tout projet de cette dimension, les risques d’erreurs et d’échecs sont très nombreux.

Mauvaise analyse de la situation

Ce qu’il ne faut pas faire

Sous-évaluer les enjeux de la transformation.

Axer la transformation sur le numérique.

Croire qu’on va changer le cabinet en changeant les outils.

Manque de motivation et d’implication du dirigeant

Ce qu’il ne faut pas faire

Douter des enjeux du numérique.

Observer sans vraiment s’impliquer.

Confier le dossier à un jeune enthousiaste « pour voir ».

• Manque d’adhésion de l’équipe

Ce qu’il ne faut pas faire

Ne pas expliquer pourquoi il faut changer.

Confier le chantier aux associés / dirigeants sans impliquer les collaborateurs.

Ne pas mobiliser les managers intermédiaires (chefs de mission).

Faire une réunion officielle de lancement puis ne plus donner de nouvelles !

Croire qu’on pourra embarquer l’équipe quand on sera « prêts ».

Faire de la communication uniquement descendante sans écouter les collaborateurs.

Ne s’intéresser qu’aux collaborateurs motivés.

Manque de clarté sur la feuille de route

Ce qu’il ne faut pas faire

Objectifs à atteindre mal définis.

Calendrier trop vague, pas assez précis sur les jalons

Chantiers mal définis.

Manque de coordination du projet.

Approche du projet irréaliste

Ce qu’il ne faut pas faire

Objectifs trop ambitieux (tout faire en même temps).

Délais trop courts.

Moyens insuffisants (chantiers attribués à des collaborateurs déjà submergés).

• Mauvaise gestion du temps

Ce qu’il ne faut pas faire

Croire que le chantier peut être géré en quelques semaines « en période creuse ».

Attendre la dernière minute pour se lancer.

Essayer de rattraper le retard en raccourcissant chaque étape.

Prévoir des délais très (trop) longs pour chaque étape.

Au fait, la transformation numérique est-elle rentable ?

186. La question de la rentabilité, ou plutôt du retour sur investissement, de la transformation numérique du cabinet revient régulièrement. La transformation numérique est-elle rentable ? De la part d’experts-comptables, cette question est peu surprenante.

Cette question n’a pas vraiment de sens. En effet, si on considère que la transformation du cabinet est un passage obligé, quel que soit son coût, le cabinet n’a pas vraiment le choix. Comme le disait Daniel Pennac, « Quand la vie ne tient qu'à un fil, c'est fou le prix du fil ! ».

Si on considère que la transformation du cabinet est un passage obligé, quel que soit son coût, le cabinet n’a vraiment pas le choix.

Sans vouloir entrer dans trop de développements comptables, il est très difficile d’évaluer les coûts liés à la transformation numérique du cabinet. En effet, l’une des principales questions qui se pose concerne le périmètre d’intégration des coûts.

Si, à l’occasion de sa transformation, le cabinet crée un site internet, entre-t-il dans le coût de la transformation ?

De même, si le cabinet change de logiciel, de process… Si le cabinet crée une nouvelle offre ? Si le cabinet recrute un collaborateur spécialiste de l’analyse de données pour participer aux missions en expertise comptable ou en commissariat aux comptes, qu’en est-il ?

Parallèlement, au-delà des coûts, quels sont les retours sur investissements ? Là encore, très difficile à évaluer. Le dernier prospect qui a confié une mission au cabinet aurait-il signé sans le nouveau site internet ? Le collaborateur qui a rejoint le cabinet aurait-il accepté si le projet de cabinet ne l’avait pas séduit ?

Plus concrètement, quelle serait la rentabilité des missions traditionnelles sans les nouveaux process ?

Le chiffre d’affaires se serait-il maintenu sans les nouvelles missions ?

En fait, les impacts économiques d’une transformation ne sont pas identifiables tant ils se confondent avec la vie du cabinet.

Que constate-t-on en pratique ? Toute entreprise en cours de transformation voit sa rentabilité baisser pendant un certain temps. Cette baisse de rentabilité est due à plusieurs facteurs :

• une baisse de productivité. Les collaborateurs doivent s’adapter aux nouveaux process et aux nouveaux outils, ils doivent se former, ils sont donc moins performants pendant une certaine période ;

• les temps passés sur le projet. Le projet de transformation prend du temps de la part de l’équipe dirigeante comme des collaborateurs. Il faut gérer les chantiers, faire des réunions, choisir et tester les outils, les installer, former l’équipe… Tout ce temps nécessaire consacré à la transformation relève de l’investissement et n’est évidemment pas facturable ;

• des investissements. Le cabinet doit investir dans les outils, les projets, l’accompagnement…

L’automatisation permet des gains de productivité ; cette productivité est la clé de la transformation du cabinet. Sans ces gains, aucune réforme n’est possible.

Mais ces gains ne voient le jour qu’après une période d’apprentissage des nouveaux outils et des nouveaux process. On doit donc distinguer deux étapes dans l’analyse de la rentabilité d’une transformation :

• une première période au cours de laquelle le cabinet doit engager tous les coûts et les investissements. Les nouveaux modes de production ne sont pas encore opérationnels. La rentabilité du cabinet baisse ;

• une seconde période où les coûts se réduisent et l’effet d’apprentissage commence à être favorable. Les temps de production se réduisent. La rentabilité du cabinet remonte.

Le graphique suivant résume la situation.

Les impacts économiques d’une transformation ne sont pas identifiables tant ils se confondent avec la vie du cabinet.