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Parution: septembre 2018

Paie

Le K

Mettre la charrue avant les bœufs

Nous vous proposons de commencer cette dernière partie avec le K d’un cabinet que nous avons accompagné. Il s’agit, là encore, d’un cas réel d’un cabinet d’expertise comptable. Il est important de préciser que ce cabinet, sans être un modèle d’organisation, peut être considéré comme un cabinet disposant d’un fonctionnement « normal ». Autrement dit, la plupart des experts-comptables peuvent se reconnaître dans une telle situation.

200. Ancienne stagiaire au sein du cabinet, Agnès est devenue l’associée de Bernard, son ancien maître de stage. Aujourd'hui, ce dernier prépare son départ prochain en retraite ; Agnès va reprendre les rênes du cabinet. Elle est à la fois heureuse de voler de ses propres ailes et un peu anxieuse de devoir piloter seule, surtout en cette période mouvementée.

Sur les dernières années, Bernard n’était pas très enclin à faire évoluer le cabinet, ni sur les méthodes, ni sur les missions. Agnès est, quant à elle, consciente qu’elle doit profiter du départ de Bernard pour revoir les missions et adapter l’offre aux attentes des clients en matière de conseil et d’accompagnement. Motivée et convaincue que la demande des clients sera au rendez-vous, elle décide de se lancer dans les missions de tableaux de bord.

Elle décide d'envoyer gratuitement pendant trois mois un tableau de bord à quelques clients pour leur donner envie de poursuivre par la suite. Elle organise une réunion interne au cours de laquelle elle explique à ses collaborateurs pourquoi le cabinet doit développer de nouvelles activités et leur annonce sa décision de développer ces nouvelles missions. Elle fixe un objectif : chaque collaborateur doit envoyer un tableau de bord à 10 clients dans les trois prochains mois. Elle promet même une prime au collaborateur qui aura réalisé le plus de tableaux de bord sur la période.

Trois mois plus tard, Agnès réunit l’équipe pour faire un point. Aucun collaborateur n’a envoyé le moindre tableau de bord. Déçue, elle cherche à comprendre les raisons de cet échec. Certains collaborateurs expliquent qu’ils n’ont pas eu le temps, d’autres qu’ils n’ont pas su faire, d’autres encore qu’ils n’avaient pas d’outils adaptés ou qu’ils n’ont pas su en parler à leurs clients.

Après cette réunion (et un peu d’accompagnement !), Agnès finit par comprendre qu’elle n’a pas pris le dossier « par le bon bout » ; elle a mis la charrue avant les bœufs. Elle reprend donc son projet au début et met au point un plan d’action, qui prévoit, notamment, de commencer par revoir les process de production pour gagner du temps, de former l’équipe sur le conseil et les tableaux de bord, d’informer les clients, d’accompagner les collaborateurs dans leurs premières missions … Le projet a évidemment pris du retard, mais il a finalement vu le jour. 

Que nous apprend ce K ?

201. L’échec de ce projet était assez inévitable et les raisons sont multiples.

Quand Agnès a décidé de créer son activité de conseil, elle n’en a pas vraiment discuté avec ses clients et son équipe. Elle leur a annoncé sa décision, ce qui n’est pas pareil. L’idée est très bonne, mais elle n’a pas été confrontée à la réalité du terrain.

Les collaborateurs étaient déjà très occupés. Ajouter des travaux supplémentaires sans les soulager d'une partie de leurs dossiers n'était pas réaliste.

De même, la plupart des collaborateurs n’avaient jamais fait de conseil. Ils faisaient des missions classiques de comptabilité et n’avaient pas d’expérience en conseil. Dans ces conditions, il est logique qu’ils aient été réticents à l’idée de se lancer sans filet.

Avec cette expérience, Agnès a appris qu’il est totalement utopique d’imaginer qu’un cabinet puisse créer ou développer une activité de conseil sans investissement personnel de la part de ses associés et de l’équipe (réflexion, temps) et sans mettre en place de véritable plan d’action.

Sans une stratégie claire de développement de ces missions, des moyens adaptés et un plan d’action précis, il est impossible de développer de nouvelles missions. Pour qu’une nouvelle activité se développe, il faut s’en occuper et lui donner sa chance !

Cela implique, notamment, de nommer un responsable et de lui allouer du temps, de définir une offre et de la formaliser (site Internet, plaquette …), de créer des méthodes et des outils, de désigner les intervenants, de les former, de fixer des objectifs et de suivre le projet (indicateurs, tableau de bord…).

Toute cette démarche prend du temps. D'où la nécessité de s’y prendre le plus tôt possible afin de ne pas trop brusquer l'équilibre du cabinet et de pouvoir travailler à cette adaptation en s’appuyant sur un allié de taille : le temps.