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Parution: avril 2022

La résiliation anticipée du bail

Le départ anticipé du preneur

Droit de résiliation anticipée du preneur

Un droit de résiliation tous les 3 ans pour le preneur

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Le locataire d'un bail soumis au statut des baux commerciaux (il s'agit donc d'un bail de 9 ans) a la possibilité de donner congé au bout de 3 ans. Depuis l'intervention de la loi 2014-626 du 18 juin 2014, toute clause contraire est réputée non écrite (c. com. art. L. 145-15). Toutefois, une clause retirant cette possibilité au locataire est possible pour (c. com. art. L. 145-4) :

-les baux de plus de 9 ans ;

-les locaux monovalents ;

-les bureaux ;

-et les entrepôts.

Par ailleurs, depuis l’intervention de la loi 2009-888 du 22 juillet 2009, les baux commerciaux signés entre les propriétaires et les exploitants de résidences de tourisme classées sont d'une durée de 9 ans minimum, sans possibilité de résiliation à l'expiration d'une période triennale (c. com. art. L. 145-7-1). Cette disposition s’applique aux baux en cours au 25 juillet 2009 (cass. civ., 3e ch., 9 février 2017, n° 16-10350).

En outre, dans certaines situations proches, la possibilité, pour le locataire, de résilier le contrat tous les 3 ans peut être considérée comme un manquement à son obligation de loyauté, lorsque le locataire sait que le bailleur a conclu le bail dans le cadre d'une opération de défiscalisation. Tel peut être le cas, par exemple, pour l'exploitation d'une maison de retraite (cass. civ., 3e ch., 5 octobre 2017, n° 16-17533).

Dans tous les autres cas, le locataire peut donner congé au bout de 3 ans en respectant un préavis d'au moins 6 mois. Cette règle est d'ordre public ; elle s'applique aux baux conclus depuis le 20 juin 2014 ainsi qu'à ceux conclus avant cette date (Rép. min. Dubié n° 93154, JOAN du 31 mai 2016).

  • Absence de motivation. Le preneur donnant congé pour la fin d’une période triennale du bail commercial n’a pas l’obligation de motiver son congé (cass. civ., 3e ch., 16 novembre 1994, n° 92-18280).

  • Congé par un seul époux. L’époux qui exploite indépendamment de son conjoint un fonds de commerce dépendant de la communauté existant entre eux peut donner seul congé au bailleur (cass. civ., 3e ch., 18 décembre 2002, n° 01-03539).

  • Rétractation. Le congé donné, le preneur ne peut le rétracter qu’avec l’accord du bailleur (cass. civ., 3e ch., 27 juin 1984, n° 83-12552).

  • Baux conclus à des dates différentes. Un locataire est titulaire de deux baux prévoyant la faculté de résiliation triennale ; le bail initial a pris effet le 7 février 1986, le second portant sur des locaux contigus le 1er janvier 1988. Le 5 août 1994, le locataire donne congé pour le 7 février 1995 pour l’ensemble des locaux loués. Le bailleur conteste et réclame le paiement des loyers, charges et accessoires pour l’ensemble des locaux jusqu’au 1er janvier 1997. La cour d’appel fait droit à sa demande ; l’arrêt est confirmé ; l’ensemble des locaux ayant été loué pour exploitation commune, les parties avaient, de façon claire et non équivoque, entendu soumettre ceux-ci aux conditions du second bail qui avait pris effet le 1er janvier 1988 ; le décompte des périodes triennales s’effectuait à partir de cette date (1er janvier 1991, 1994 et 1997) (cass. civ., 3e ch., 8 avril 1999, n° 97-15207).

  • Calcul du délai de six mois. Un bail avait été conclu à compter du 1er octobre 2010. Six mois avant la fin de la première période triennale, le locataire décide de résilier le bail. Par acte d’huissier signifié le 2 avril 2013, il donne congé pour le 30 septembre 2013. Le bailleur rappelle alors que ce congé aurait dû lui être signifié « au moins six mois à l’avance » (c. com. art. L. 145-4), soit, selon lui, avant le 30 mars 2013. Le congé étant tardif, le bailleur exige que les loyers lui soient réglés jusqu'à la fin de la seconde période triennale, soit jusqu'au 30 septembre 2016. Les juges, et la Cour de cassation, donnent gain de cause au bailleur, tout en précisant que le congé aurait dû être signifié au plus tard le 31 mars. C’est donc trois années de loyers supplémentaires que le locataire doit régler (cass. civ., 3e ch., 8 mars 2018, n° 17-11312).

    En raison de l'épidémie de Covid-19, des délais supplémentaires ont été accordés pour effectuer certains actes devant être accomplis pendant la période juridiquement protégée. L'application de ces dispositions provisoires, qui ne sont pas sans poser certaines difficultés, font l'objet d'une étude spécifique (voir § 1004).

  • Un an avant. La stipulation d’un préavis de 1 an n’affecte pas le droit au renouvellement du bail et est donc valable (cass. civ., 3e ch., 10 mai 2001, n° 99-14539) ; la Cour de cassation a ainsi admis que le délai convenu pour donner congé à l’expiration d’une période triennale pouvait être supérieur au délai de 6 mois fixé à l’article L. 145-9 du code de commerce.

  • Passé les 9 ans. Le bail qui se poursuit au-delà de 9 ans (à défaut de congé de l’une ou l’autre des parties) peut être dénoncé par le locataire à tout moment sous réserve d’un préavis de 6 mois (cass. civ., 3e ch., 7 décembre 2004, n° 03-19226).

  • Congé irrégulier. Un congé donné en fin de période triennale, pour le dernier jour du trimestre civil et 6 mois à l'avance a été jugé irrégulier. En effet, le congé ne doit être donné pour le dernier jour du trimestre civil que dans le cadre d'une reconduction tacite du bail. Lorsque le congé est donné en fin de période triennale, il doit l'être au moins six mois avant la fin de cette période (cass. civ., 3e ch., 7 février 2019, n° 17-31229).

  • Colocataires. Sauf stipulation conventionnelle expresse, la seule volonté d’un colocataire de résilier le bail ne met pas fin au contrat à l’égard des autres colocataires (cass. civ., 3e ch., 27 septembre 2005, n° 04-16040). Ainsi, après la résiliation du bail par un seul des colocataires, les loyers peuvent être réclamés à l'autre colocataire s'il ne s'est pas manifesté. Sauf stipulation contraire, la remise des clés par l'un des locataires ne met pas fin au bail à l'égard de l'autre locataire (cass. civ. 3e ch., 18 février 2015, n° 14-10510).

  • Notifier le congé au(x) bon(s) destinataires(s). Le preneur vérifiera l’identité du propriétaire des locaux, la signification d’un congé à une personne autre que le bailleur équivalant à une absence de congé (cass. civ., 3e ch., 11 juillet 2006, n° 05-16394). Ainsi, le congé délivré au gestionnaire de l’immeuble n’est pas valable (cass. civ., 3e ch., 4 juillet 2001, n° 99-21314). Lorsque le bailleur est une société, le congé signifié, non pas au siège social de la société bailleresse mais au domicile de son représentant, n'est pas, non plus, valable (cass. civ., 3e ch., 11 mai 2017, n° 16-13098).

    Lorsque le bail a été consenti par des propriétaires indivis, le congé du locataire doit être signifié à chacun d’entre eux (sauf dans le cas où l’un d’entre eux a reçu mandat des autres propriétaires). À défaut, le congé n’est pas valable (cass. civ., 3e ch., 11 juillet 2007, n° 06-12210).

Acte d’huissier ou lettre recommandée AR

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Jusqu'à l’intervention de la loi 2014-626 du 18 juin 2014, le locataire ayant conclu un bail soumis au statut des baux commerciaux devait obligatoirement recourir à un huissier pour donner congé à la fin d'une période triennale. Depuis le 20 juin 2014, il peut, à son choix, s'adresser à un huissier ou utiliser un recommandé avec demande d'avis de réception (c. com. art. L. 145-4). Toute clause contraire serait réputée non écrite (c. com. art. L. 145-15).

Ainsi, a été cassé l'arrêt d'une cour d'appel qui, pour déclarer nul un congé délivré par lettre recommandée en date du 18 février 2016, avait retenu que le congé visant à mettre fin au bail commercial ne pouvait être délivré que par acte extrajudiciaire (cass. civ., 3e ch., 24 octobre 2019, n° 18-24077).

Lorsque le preneur a recours à la lettre recommandée avec AR, la date de notification à son égard est celle de l'expédition de la lettre et, à l'égard du bailleur, la date de première présentation de la lettre. Lorsque la lettre n'a pas pu être présentée à son destinataire, la démarche doit être renouvelée par acte d'huissier (c. com. art. R. 145-38).

Tout congé délivré par le locataire sous une autre forme que celles prévues à l'article L. 145-4 du code de commerce serait nul (cass. civ., 3e ch., 24 janvier 1996, n° 94-13095). Cette nullité est relative. Ainsi, seul le bailleur, destinataire du congé, peut s’en prévaloir (cass. civ., 3e ch., 18 mai 1994, n° 92-17028).

  • Résiliation d’un commun accord. Les parties peuvent toujours, sans respecter les formes du congé, convenir d’une résiliation anticipée du bail ; mais le seul fait pour un bailleur de ne pas réclamer pendant 3 années le paiement d’arriérés de loyer ne vaut pas accord sur la résiliation (cass. civ., 3e ch., 14 octobre 1992, n° 90-19754).

  • Renonciation à se prévaloir de la nullité. Le congé irrégulier peut être déclaré valable lorsque le bailleur destinataire de ce document a manifesté, par un acte dépourvu d’équivoque, la volonté de renoncer à se prévaloir de la nullité (CA Versailles 30 octobre 1997, Bull. inf. c. cass. 1987) ; tel peut être le cas lorsque le bailleur donne mandat à un huissier de récupérer les clés après réception de la lettre du locataire et appose un panneau « locaux disponibles » (CA Orléans 5 janvier 1994, Loyers 1995, n° 389).

    Dans le même ordre d'idées, les juges ont retenu la résiliation amiable à la date de la remise des clés au bailleur dans un cas où cette remise avait été initiée par le bailleur et avait fait l’objet d’un constat. Peu importait l’absence de congé régulier (cass. civ., 3e ch., 23 juin 2009, n° 08-10366).

Conséquences du congé

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Le preneur est débiteur des loyers durant toute la période triennale en cours ; il ne sera libéré qu’à l’issue de cette période et sous réserve qu’il ait effectivement libéré les locaux, c’est-à-dire remis les clés au bailleur.

  • Clause du bail fixant une indemnité. Les parties peuvent convenir que la résiliation triennale sera assortie d’une indemnité destinée à compenser le préjudice subi par le bailleur (cass. civ., 3e ch., 21 juin 1995, n° 93-14925). Depuis le 20 juin 2014, une telle clause ne paraît envisageable que pour les baux de plus de 9 ans, les locaux monovalents, les bureaux et les entrepôts (voir § 491).

  • Locataire se maintenant dans les lieux. Lorsqu'après la date d'effet du congé qu'il a donné, le locataire reste dans le local sans l'accord du bailleur, ce maintien dans les lieux peut valoir renonciation au bénéfice du congé (cass. civ., 3e ch., 30 mars 2017, n° 15-20559). Encore faut-il que cette renonciation soit sans équivoque. Tel n'est pas le cas lorsque le locataire ne se maintient dans les lieux que pour tenter de négocier un bail à des conditions plus avantageuses (cass. civ., 3e ch., 26 janvier 2022, n° 21-0828).

Clauses retirant le droit de résiliation

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L’article L. 145-4 du code de commerce prévoit la possibilité pour les parties d’insérer dans le contrat de bail une clause privant le preneur de la faculté de résiliation. Cette mesure a pour principal objectif de permettre au bailleur l’amortissement des travaux effectués par lui dans les lieux loués.

Depuis le 20 juin 2014, une telle clause n'est envisageable que pour les baux de plus de 9 ans, les locaux monovalents, les bureaux et les entrepôts (voir § 491).

Dans ces hypothèses, le contrat pourrait adapter la faculté de résiliation du preneur et prévoir, semble-t-il, de paralyser cette résiliation pour la première période triennale, ce droit n’étant ouvert que pour la seconde période triennale. Cette technique contractuelle pourrait s’insérer dans le cadre d’une négociation du loyer, le bailleur acceptant, par exemple, une franchise de loyer dans la mesure où il a l’assurance que le preneur reste un certain temps dans les lieux.

Cas particuliers de résiliation anticipée

Retraite – Handicap – Décès

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Le commerçant, personne physique, qui a demandé sa retraite ou qui a été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité, peut mettre fin au bail. Ce droit appartient également à l’associé unique d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et au gérant de SARL majoritaire depuis 2 ans au moins. La situation de cumul emploi-retraite permet également au locataire de bénéficier de ces mesures (cass. civ., 3e ch., 23 novembre 2011, n° 10-25108).

Depuis l’intervention de la loi 2014-626 du 18 juin 2014, ce droit appartient aussi aux ayant-droits en cas de décès du preneur (c. com. art. L. 145-4).

Dès lors que la situation correspond bien à une des hypothèses énoncées ci-dessus, le congé peut être donné à tout moment du bail.

Il doit être notifié par huissier ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au moins 6 mois avant la date prévue pour le départ (c. com. art. L. 145-4, al. 4).

Stage de conversion

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Dans le cas où, à l'issue d'un stage de conversion ou de promotion prévu à l'article L. 145-43 du code de commerce, le commerçant ou l'artisan quitte le local dont il est locataire pour convertir son activité en la transférant dans un autre local ou pour prendre une activité salariée, la résiliation du bail intervient, de plein droit et sans indemnité, à l'expiration d'un délai de 3 mois à partir du jour où elle est signifiée au bailleur (c. com. art. L. 145-44).

Les stages de conversion et de promotion auxquels se réfère l'article L. 145-43 du code de commerce n’existent plus en tant que tels dans le code du travail depuis la réforme opérée par la loi 2018-771 du 5 septembre 2018. C’est maintenant la notion d’action de formation qui prévaut, telle que définie à l’article L. 6313-3 du code travail. Malheureusement, l'article L. 145-43 n'a pas été modifié en conséquence.

Congés particuliers du bailleur

Clause contractuelle

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Les parties peuvent convenir dans le bail que la survenance de certains événements extérieurs pourra entraîner de plein droit la résiliation du contrat (par exemple, la vente de l’immeuble).

Le bail ne pourra cesser qu’au-delà de la durée de 9 ans (même si l'évènement est survenu avant) et par l’effet d’une notification faite 6 mois à l’avance par acte d'huissier et pour le dernier jour du trimestre civil. La notification devra mentionner la réalisation de l’événement prévu au contrat (c. com. art. L. 145-9, al. 3).

La survenance de l’événement justificatif de la résiliation du bail ne prive pas le locataire de son droit à la propriété commerciale s’il remplit par ailleurs les conditions requises. Le bailleur doit donc, sauf s’il peut se prévaloir d’un motif grave et légitime de non-renouvellement (voir §§ 742 à 748), une indemnité d’éviction calculée selon le droit commun (cass. civ., 3e ch., 3 octobre 1973, n° 72-12640).

Autres situations

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Le bailleur a la même faculté de donner congé que locataire dans les cas suivants (c. com. art. L. 145-4, al. 3) :

-le bailleur souhaite reconstruire l'immeuble (sur les modalités, voir §§ 757 et 758) ou le surélever (sur les modalités, voir § 759) ;

-le bailleur désire reprendre un local d'habitation loué accessoirement au local commercial et qui n'est pas affecté à cet usage d'habitation ;

-le bailleur a obtenu un permis de construire un local d'habitation sur tout ou partie d'un terrain ;

-le bailleur souhaite transformer à usage principal d'habitation un immeuble existant ; ce peut être par reconstruction ou par simple rénovation ;

-le bailleur entend exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d'une opération de restauration immobilière et, en cas de démolition de l'immeuble, dans le cadre d'un projet de renouvellement urbain.

Ces congés doivent être donnés 6 mois à l'avance, par exploit d'huissier (c. com. art. L. 145-4 et L. 145-9).

  • Reprise d'un local d'habitation. La reprise ne peut être exercée que si, 6 mois après le congé, le local n'est toujours pas utilisé à usage d'habitation.

    Par ailleurs, la reprise ne peut être exercée sur des locaux affectés à usage d'hôtel ou de location en meublé, ni sur des locaux à usage hospitalier ou d'enseignement. De même, elle ne peut être exercée lorsque le locataire établit que la privation de jouissance du local d'habitation apporte un trouble grave à l'exploitation du fonds ou lorsque les locaux commerciaux et d'habitation forment un tout indivisible.

    La reprise conduit à une réduction du loyer pour tenir compte des surfaces retranchées mais elle ne peut, en elle-même, constituer une modification notable de la valeur locative (sur cette notion, voir § 666) (c. com. art. L. 145-23-1).

  • Reprise d'une partie d'un terrain. Lorsque le bailleur a obtenu un permis de construire un local d'habitation, son droit de reprise ne peut, en tout état de cause, être exercé que sur la partie du terrain indispensable à la construction. S'il a pour effet d'entraîner la cessation de l'exploitation du locataire, celui-ci a droit à l'indemnité d'éviction (sur cette indemnité, voir § 779) (c. com. art. L. 145-24).