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Parution: avril 2022

L'arrivée du terme

Le refus de renouvellement sans indemnité

Principes

741

Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’une indemnité s’il justifie d’un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant (c. com. art. L. 145-17).

En pratique, les motifs le plus souvent pris en considération sont :

-l’inexécution d’une des conditions du bail ;

-la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds.

La procédure commencera, dans ces différents cas, par une mise en demeure adressée au locataire.

Le bailleur peut, dans certaines situations liées à un défaut d’exploitation, à une absence d’immatriculation au RCS ou à la qualité du preneur, refuser le droit au statut et donc au renouvellement du bail ; là encore, aucune indemnité ne sera due (voir §§ 711 à 725). Il n’a pas, dans ce cas, à démontrer une faute du preneur.

Par ailleurs, le bailleur peut également être amené à refuser le renouvellement sans avoir à verser d'indemnité d'éviction dans certains cas particuliers liés, non pas au comportement du locataire, mais à l'immeuble lui-même (voir §§ 754 à 759).

Causes de refus de renouvellement

La preuve de la gravité du motif

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Le bailleur doit, en cas de contentieux, apporter la preuve de l’existence du motif invoqué dans le congé, dont la gravité est appréciée discrétionnairement par les juges du fond (cass. civ., 3e ch., 5 février 1964, BC III n° 55 ; cass. civ., 3e ch., 11 octobre 1972, n° 71-12153 ; cass. civ., 3e ch., 1er avril 1998, n° 96-14638).

Le motif grave ou légitime ne suppose pas nécessairement que le bailleur ait subi un préjudice (cass. civ., 3e ch., 22 mai 1979, n° 77-15653).

Les griefs invoqués par le propriétaire sont appréciés à la date du refus de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 18 décembre 1961, BC III n° 479), mais ils peuvent être établis en cours de procédure (voir ci-après).

  • Choix entre action en résiliation et refus de renouvellement. La résiliation et le refus de renouvellement peuvent être fondés sur des faits de même nature (cass. civ., 3e ch., 18 novembre 1980, n° 79-13750). D’ailleurs, les infractions reprochées au locataire seront la conséquence de l’inexécution d’une clause du bail ; le bailleur a alors le choix entre l’action en résiliation ou un refus de renouvellement. Il choisira celle qui lui semble la plus opportune ; le rejet d’une des actions ne le paralyse pas pour autant, il peut agir sur le fondement de l’autre.

  • Différences entre résiliation et refus de renouvellement. Les deux actions, bien que pouvant être fondées sur les mêmes motifs, répondent à des règles de procédure différentes. De façon schématique :

    -l’action en refus de renouvellement ne peut être exercée qu’au terme du bail. Le bailleur devra adresser un congé avec refus de renouvellement et une mise en demeure (voir §§ 749 à 753) ;

    -le tribunal peut rejeter l’action en refus de renouvellement, alors qu’il est tenu par les termes de la clause résolutoire, mais il peut accorder des délais (voir § 537) ;

    -lorsque l’action en résiliation judiciaire est retenue en l’absence de clause résolutoire ou si le bailleur n’entend pas l’invoquer, le juge a un pouvoir souverain d’appréciation de la gravité de la faute commise comme en matière de refus de renouvellement. Cette action n’est, en revanche, pas soumise à une mise en demeure préalable (cass. civ., 3e ch., 1er mars 1995, n° 93-10172).

  • Motifs graves invoqués en cours d’instance. Le bailleur peut, après le congé, refuser le renouvellement du bail sans indemnité et sans mise en demeure s’il établit que les conditions du droit au renouvellement ne sont pas remplies et, notamment, l’absence d’exploitation du fonds dans les lieux loués (cass. civ., 3e ch., 23 février 1994, n° 92-13588). Le bailleur peut, pour refuser de payer l’indemnité d’éviction, invoquer la clause résolutoire du bail expiré à l’égard du locataire maintenu dans les lieux (cass. civ., 3e ch., 1er mars 1995, n° 92-17874).

  • Rejet du motif grave et légitime. Dans l’hypothèse où le bailleur a notifié un congé avec refus de renouvellement, congé contesté par le locataire demandant une indemnité d’éviction, si les juges du fond écartent l’existence du motif grave et légitime de « non-renouvellement », le congé ouvre droit à indemnité pour le preneur (cass. civ., 3e ch., 1er février 1995, n° 93-14808 ; cass. civ., 3e ch., 7 février 1996, n° 94-11952 ; cass. civ., 3e ch., 1er avril 1998, n° 96-14638).

  • Lorsque le locataire achète finalement les locaux. Un locataire se voit notifier un congé avec refus de renouvellement sans indemnité. Il ne peut pas contester l’absence d’indemnité dès lors qu’il n’a pas été évincé et qu’il a, par la suite, acquis les locaux (cass. civ., 3e ch., 3 mars 2009, n° 08-10970).

Auteur de l’infraction

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Selon l’article L. 145-17 du code du commerce, les motifs graves et légitimes invoqués dans le cadre d’une action en refus de renouvellement doivent l’être à l’encontre du locataire sortant.

  • Cession du droit au bail. En cas de cession, il a été décidé que, malgré la solidarité existant entre cédant et cessionnaire, le bailleur ne pouvait refuser le renouvellement du bail à ce dernier en se fondant sur des infractions commises par le cédant (cass. com. 26 avril 1963, BC III n° 201). Encourt la cassation l’arrêt qui refuse d’accorder une indemnité d’éviction au cessionnaire d’un bail au motif que la bailleresse est fondée à se prévaloir des infractions commises par celui-ci en tant qu’il vient aux droits du cédant (cass. civ., 3e ch., 4 octobre 2000, n° 99-12722).

  • Héritiers. Les héritiers du locataire, ayants cause à titre universel, ont à répondre de l’infraction commise par leur auteur justifiant un refus de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 30 mai 1969, BC III n° 436).

  • Gérant libre. Les faits imputables au gérant libre peuvent constituer des motifs graves et légitimes de non-renouvellement du bail du locataire loueur du fonds (cass. civ., 3e ch., 9 novembre 1981, n° 80-11067 ; cass. civ., 3e ch., 29 mai 1991, n° 89-20432).

  • Gérant de la société locataire. La société preneuse peut se voir opposer les infractions commises par son gérant, même pour des actes n’entrant pas dans l’objet social (cass. civ., 3e ch., 29 juin 1977, n° 75-15264).

  • Sous-locataire. Il a été jugé que le motif allégué doit être imputable à la personne à laquelle on l’oppose ou au tiers installé par lui dans les lieux. Il en est ainsi des faits graves émanant d’un sous-locataire (cass. civ., 3e ch., 13 juin 1969, BC III n° 480).

  • Vente de l’immeuble. L’acquéreur d’un immeuble peut se prévaloir d’infractions commises par le preneur avant son acquisition sans avoir à justifier que les infractions se sont poursuivies après son acquisition (cass. civ., 3e ch., 9 janvier 1967, BC III n° 20).

  • Vendeur du fonds bailleur. Le propriétaire, ou le principal locataire, qui, en même temps qu’il est bailleur des lieux, est le vendeur du fonds de commerce qui y est exploité, et qui en a reçu le prix intégral, ne peut refuser le renouvellement qu’à charge de payer l’indemnité d’éviction, sauf s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur (cass. civ., 3e ch., 12 juin 1996, n° 94-13966).

Défaut de paiement du loyer et des charges

744

Le versement du loyer à la date convenue est l’obligation essentielle du locataire. Le défaut de paiement du loyer est un motif légitime de refus de renouvellement ; il s’agit également d’une cause de résiliation (voir, sur des cas de non-renouvellement, cass. civ., 3e ch., 16 mai 1968, n° 65-13776 ; cass. civ., 3e ch., 9 novembre 1981, n° 80-12037). Ainsi, constitue un motif grave et légitime, de nature à justifier le non-renouvellement du bail sans indemnité d’éviction, le fait pour un preneur, qui doit plusieurs termes de loyer, de n’avoir pas payé les arriérés dans le mois prévu par la sommation faite par le bailleur (cass. civ., 3e ch., 10 décembre 1985, Gaz. Pal. 1986, 427).

Déchéance du droit à indemnité d’éviction. Après avoir assigné le locataire en paiement de loyers et charges et en résiliation du bail, le bailleur signifie un refus de renouvellement sans indemnité d’éviction. Le locataire se maintient dans les lieux quelque temps puis les libère en demandant le paiement d’une indemnité d’éviction. Les juges notent que le locataire n’avait réglé qu’une faible part des loyers et charges à compter de 1995 et n’avait plus rien réglé à compter de 1997 jusqu’à la libération des lieux en mai 2000. Ces défauts de paiement caractérisent des manquements à l’obligation principale du preneur, maintenu dans les lieux aux conditions et clauses du contrat, de payer l’indemnité d’occupation se substituant au loyer. Ces manquements répétés constituent une infraction suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail et la déchéance du droit à indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 29 juin 2005, n° 04-11397).

Retards dans les paiements

745

Des mises en demeure sont nécessaires pour légitimer un motif grave. En effet, les retards, même s’ils s’étendent sur une période de plusieurs années, ne peuvent constituer des motifs graves et légitimes d’un refus de renouvellement du bail que s’ils sont prolongés plus de 1 mois après une mise en demeure (cass. civ., 3e ch., 2 décembre 1980, Sem. jur. 1981, 65).

  • Mise en demeure nécessaire à chaque incident de paiement. En cas de nouveaux retards après une exécution, ces retards ne peuvent être admis que s’ils ont fait l’objet d’une nouvelle mise en demeure (cass. civ., 3e ch., 9 novembre 1981, n° 80-12037).

  • Défaut de paiement dans le délai prescrit. Lorsque le locataire n’a pas effectué les paiements dans le délai prescrit à chaque commandement, les infractions réitérées doivent être retenues comme motifs graves et légitimes de refus de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 11 juillet 1967, D. 1967, 549).

  • Paiement dans le délai, puis nouvelle infraction. Le locataire a droit à une indemnité d’éviction s’il a payé dans le mois d’une sommation, en dépit du fait que la même infraction s’est produite après une période d’exécution régulière, dans la mesure où le défaut de paiement des loyers échus postérieurement à ceux visés par cette sommation n’a pas donné lieu à une nouvelle mise en demeure (cass. civ., 3e ch., 1er mars 1989, n° 87-17730). Ainsi, en présence de huit commandements de payer des loyers, une cour d’appel ne peut déclarer valable un congé avec refus de renouvellement sans indemnité sans tenir compte des paiements qui ont pu intervenir dans le délai de 1 mois à compter de chaque commandement (cass. civ., 3e ch., 6 février 1991, n° 89-20201).

  • Bonne exécution du bail. En présence de retards dans les paiements, les juges du fond peuvent, pour faire échec à un congé avec refus de renouvellement sans indemnité, prendre en considération la bonne exécution du bail pendant 25 ans et le fait qu’au moment du congé, la situation financière des locataires était gravement obérée, au point qu’ils ont été déclarés en redressement judiciaire, et que ces derniers payaient avec difficulté mais tout de même dans des délais raisonnables (cass. civ., 3e ch., 3 juin 1992, n° 90-19687).

  • Commandements de payer successifs. Un locataire ne règle pas plusieurs échéances de loyers dans le délai imparti par deux commandements de payer. Après avoir reçu congé du bailleur, il règle ces arriérés mais recommence à payer avec retard les échéances suivantes, conduisant le bailleur à délivrer de nouveaux commandements. Le comportement du locataire constitue un motif grave et légitime justifiant le refus de renouvellement sans indemnité (cass. civ., 3e ch., 16 octobre 2007, n° 06-14789).

  • Une indemnité malgré des retards de paiement. À l'échéance du bail, le propriétaire notifie au locataire un congé avec refus de renouvellement et, suivant les règles applicables aux baux commerciaux, offre de payer une indemnité d'éviction. Le locataire saisit le juge pour que soit fixée l'indemnité d'éviction. La procédure se poursuit durant 7 années, pendant lesquelles le locataire règle son loyer de façon irrégulière. Aussi le propriétaire revient-il sur sa position et refuse-t-il toute indemnité d'éviction, estimant que son refus est la sanction des nombreux retards de paiement (portant sur plus d'une année de loyers). La position du bailleur est rejetée : tout retard de paiement n'est pas d'une gravité telle qu'il doive être sanctionné par la déchéance du droit à l'indemnité d'éviction (cass. civ., 3e ch., 17 octobre 2012, n° 11-22920).

Défaut d’exploitation du fonds

746

L’article L. 145-17 du code du commerce vise de façon expresse le défaut d’exploitation du fonds sans raison sérieuse et légitime comme constituant un motif de non-renouvellement sans indemnité.

Le locataire perd le bénéfice de la propriété commerciale (cass. civ., 3e ch., 16 mai 1968, n° 66-11561 ; cass. civ., 3e ch., 11 juillet 1977, n° 75-15002).

La preuve de l’impossibilité absolue d’exploiter est à la charge du locataire et, à défaut de justification, le refus de renouvellement sans indemnité est admis au profit du bailleur (cass. civ., 3e ch., 16 mars 1977, D. 1977, 303).

Rappelons que, pour sa part, l’article L. 145-8 du code du commerce exige qu’il y ait eu une exploitation effective pendant au moins les 3 dernières années (voir §§ 716 à 719).

  • Réouverture fictive. La réouverture fictive d’une boutique par le locataire n’est qu’une manœuvre destinée à entraîner le paiement d’une indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 16 janvier 1991, n° 89-16949).

  • Activité prévue au bail. Le propriétaire d’un local donné à bail à usage exclusif de rôtisserie délivre, courant 2002, un congé avec refus de renouvellement, sans indemnité. Il met en avant le fait que le locataire a cessé, depuis 1996, d’exercer l’activité de rôtisserie. De son côté, le locataire réclame une indemnité d’éviction et les juges lui donnent gain de cause. Ils retiennent que le propriétaire ne rapporte pas la preuve d’une cessation totale de l’activité. Cette décision est censurée par la Cour de cassation : « seule l’exploitation effective dans les lieux loués de l’activité autorisée par le bail ou régulièrement modifiée au cours des trois années ayant précédé sa date d’expiration ouvre droit au renouvellement » (cass. civ., 3e ch., 14 juin 2006, n° 05-12708).

Infractions diverses, causes de refus de renouvellement

747

L’inexécution des autres clauses du bail peut permettre l’éviction sans indemnité. Aussi, les causes de refus de renouvellement sont multiples et souvent identiques aux causes de résiliation (voir §§ 522 à 526). Elles sont laissées au pouvoir d’appréciation des juges, ce qui peut entraîner des solutions différentes pour un même motif.

  • Changement de destination. Le changement de destination des lieux sans l’autorisation du propriétaire ou sans avoir respecté les formalités prévues pour la « déspécialisation » des baux commerciaux est un motif de refus de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 14 février 1969, BC III n° 548 ; cass. civ., 3e ch., 29 octobre 1973, n° 71-11805). L’absence d’autorisation constitue un manquement du preneur à ses obligations (cass. civ., 3e ch., 24 octobre 1990, n° 88-18644 ; cass. civ., 3e ch., 9 juillet 1969, BC III n° 556) ; mais les juges du fond peuvent considérer que l’infraction n’est pas suffisamment grave pour justifier le défaut d’indemnité (voir § 742).

  • Cession non autorisée. La cession au mépris des clauses du contrat ou des interdictions légales constitue un motif grave et légitime de non-renouvellement (cass. civ., 3e ch., 13 février 1973, n° 71-10415).

  • Sous-location irrégulière. La sous-location sans avoir respecté les prescriptions impératives de l’article L. 145-31, en n’appelant pas le bailleur à concourir à l’acte, est une cause de refus de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 2 novembre 1982, n° 80-16723 ; cass. civ., 3e ch., 17 octobre 1990, n° 89-12528 ; cass. civ., 3e ch., 9 juillet 2003, n° 02-11621) (voir § 752). La dissimulation d’une sous-location sous une autre forme peut être aussi une cause de non-renouvellement (cass. civ., 3e ch., 6 février 1969, BC III n° 114 ; cass. civ., 3e ch., 29 avril 1969, BC III n° 333).

  • Location-gérance. La location-gérance irrégulière de son fonds de commerce par le preneur constitue un motif de non-renouvellement (cass. civ., 3e ch., 11 décembre 1974, n° 73-11563).

  • Occupation abusive. L’occupation non autorisée et non comprise dans la désignation des lieux loués peut justifier un défaut de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 20 juin 1979, Sem. jur. 1979, 286) ; tel peut être le cas de parties communes.

  • Règles d’hygiène et de sécurité. Le non-respect des règles d’hygiène et de sécurité suite à une transformation non autorisée est une cause de refus de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 13 mai 1971, n° 70-10339).

  • Absence de réparation. Le défaut de réparations auxquelles il est tenu expose le locataire à un refus de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 16 mai 1968, n° 65-13980 ; cass. civ. 25 avril 1990, n° 88-18189). Cependant, pour certains travaux non urgents, le locataire pourrait opposer au bailleur la clause selon laquelle il devra les exécuter lors de son départ. Il a été jugé que le défaut de remise en état des locaux n’était pas un motif suffisamment grave pour priver le locataire du droit au renouvellement ; ces agissements ne peuvent donner lieu à d’autres sanctions que celle d’une réduction correspondante de l’indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 16 janvier 1969, BC III n° 47).

  • Dégradation des parties communes. Une mise en demeure de respecter le règlement de copropriété est nécessaire pour délivrer un congé avec refus de renouvellement sans indemnité en l’état de dégradations commises par le preneur sur les parties communes de l’immeuble ayant entraîné sa condamnation à payer au syndicat des copropriétaires le coût des travaux de remise en état (cass. civ., 3e ch., 11 juin 1997, n° 95-15579).

  • Transformation et modification des locaux. La transformation en locaux commerciaux de locaux strictement réservés à l’habitation est une cause de refus de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 11 juin 1976, n° 75-12809) ; mais des modifications partielles peuvent ne pas constituer un motif grave et légitime de non-renouvellement (voir, par exemple, cass. civ., 3e ch., 1er février 1995, n° 93-14808, cité § 742, rubrique « Rejet du motif grave et légitime »).

  • Travaux importants non autorisés. L’exécution de travaux importants (suppression de murs maîtres ou ouverture d’un mur extérieur) sans autorisation du bailleur peut être un motif de non-renouvellement (cass. civ., 3e ch., 11 mai 1993, n° 91-16791) ; cependant, le fait par le locataire d’avoir modernisé les lieux loués, même sans l’accord du bailleur, ne semble pas constituer un motif suffisant pour refuser le renouvellement du bail, les travaux effectués apportant d’ailleurs une plus-value à l’immeuble (cass. civ., 3e ch., 12 avril 1972, n° 70-14356).

    À propos de travaux de mise en conformité des locaux aux règles d’hygiène ayant entraîné des percements de murs, un congé sans offre d’indemnité d’éviction a été validé, le locataire n’ayant pas sollicité l’autorisation préalable par écrit du bailleur, conformément aux clauses du bail (cass. civ., 3e ch., 26 septembre 2001, n° 00-10759).

  • Travaux autorisés tacitement. En présence de travaux effectués sans autorisation par le locataire dans les locaux loués et dont le bailleur ne s’était pas prévalu, lors d’un précédent renouvellement, les juges du fond ont pu considérer que ce grief était insuffisant pour justifier un refus de renouvellement sans indemnité (cass. civ., 3e ch., 5 janvier 1993, n° 91-14944).

  • Utilisation prohibée des lieux. L’utilisation à des fins immorales des lieux loués est un motif de refus de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 4 janvier 1985, n° 83-13442) ; il en est de même pour l’emploi dans les lieux loués de salariés étrangers non déclarés (CA Paris, 21 janvier 1997, Rev. dr. immobilier 1997, 632).

  • Production de documents inexacts. Le fait pour le locataire de produire sciemment, au cours des opérations d’expertise destinées à évaluer l’indemnité d’éviction, deux documents qu’il savait entachés d’une très grave inexactitude dans le but de bénéficier d’une augmentation indue de cette indemnité permet au bailleur de retirer son offre de payer l’indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 19 décembre 2001, n° 00-14425).

  • Activité complémentaire non autorisée. Sans avoir demandé l’autorisation du bailleur, l’exploitant d’un bar-restaurant organise des spectacles musicaux. Il s’agit là d’un motif grave et légitime de refus de renouvellement du bail sans indemnité (cass. civ., 3e ch., 3 avril 2007, n° 06-13751).

  • Barbecue construit sans autorisation. Le locataire (exploitant un bar) a édifié un barbecue maçonné d’une dimension imposante, avec un conduit de cheminée adossé à la façade de l’immeuble. Or, le bail n’autorisait pas ces constructions. De surcroît, l’utilisation du barbecue a entraîné des nuisances pour les occupants de l’immeuble. Ces circonstances constituent un motif grave et sérieux permettant au bailleur de refuser le renouvellement du bail, sans être tenu au paiement d’une indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 16 février 2010, n° 09-11742).

  • Changement d’enseigne. Dès lors que le bail stipulait que le local devait être exploité uniquement sous l’enseigne Intermarché, le changement d’enseigne est un motif grave et légitime de non-renouvellement du bail (CA Rouen 3 mars 2010, n° 09-772).

Attitude injurieuse du locataire à l’égard du bailleur

748

Toute attitude injurieuse ou diffamatoire du locataire envers le bailleur peut justifier le non-renouvellement de la location.

  • Propos diffamatoires. Les propos diffamatoires tenus publiquement par le preneur à l’égard du propriétaire justifient un refus de non-renouvellement (cass. civ., 3e ch., 1er février 1933, Rev. loyers 1933, 335).

  • Publications diffamatoires. Les publications diffamatoires dans un journal ont été admises comme un motif de non-renouvellement, bien que cette faute ne se rattache pas directement à la location (cass. civ., 3e ch., 29 juin 1977, n° 75-15264).

  • Violences. Les retards réitérés des paiements de loyer et les violences, dont le bailleur a été victime de la part du preneur, justifient le refus de renouvellement du bail sans indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 28 mars 1995, n° 93-16657).

Mise en œuvre de la procédure

Délivrance d’un congé

749

Le bailleur donnera congé en invoquant les griefs connus à l’encontre du locataire (voir §§ 581 et 583). Mais ce congé est insuffisant ; le bailleur doit, dans certains cas, également mettre en demeure le locataire de réparer l’infraction (voir § 750).

Il pourra ensuite également se prévaloir des manquements inconnus de lui au moment de la délivrance du congé :

-soit pour conforter sa position ;

-soit pour refuser une indemnité d’éviction prévisible ou fixée (voir § 590) ;

-soit pour revenir sur une acceptation tacite de renouvellement, à défaut de réponse dans les 3 mois de la demande du locataire (voir § 607).

Mise en demeure de cesser l’infraction

Mise en demeure préalable à un refus de renouvellement

750

S’il s’agit soit de l’inexécution d’une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l’exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l’article L. 145-8, l’infraction commise par le preneur ne pourra être invoquée que si elle s’est poursuivie et renouvelée plus de 1 mois après une mise en demeure du bailleur d’avoir à la faire cesser. Cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire (huissier). Elle doit préciser le motif invoqué et reproduire l'article L. 145-17, I, 1° du code de commerce (c. com. art. L. 145-17, I, 1°).

Pour certaines infractions irréversibles, le bailleur peut être dispensé d’une mise en demeure (voir § 752).

  • Acte d’huissier. Lorsque l’huissier ne parvient pas à signifier la mise en demeure à la personne même du locataire, il doit préciser les circonstances qui ont rendu cette signification impossible. À défaut, le délai (imparti au locataire pour mettre fin à l’infraction) ne court pas et le congé est sans effet (cass. civ., 3e ch., 23 mars 2010, n° 09-10318).

  • Congé et mise en demeure dans le même acte. Le refus de renouvellement de bail et cette mise en demeure peuvent figurer dans un même acte ou être délivrés concomitamment (cass. civ., 3e ch., 16 décembre 1987, n° 86-16189 ; cass. civ., 3e ch., 5 mai 1999, n° 97-15484 ; cass. civ., 3e ch., 7 mai 2002, n° 00-21618).

  • Mise en demeure postérieure au congé. La mise en demeure peut être postérieure au congé avec refus de renouvellement visant les infractions au bail dans la mesure où ce congé est resté sans effet et que le locataire n’a pas mis fin aux faits reprochés (cass. civ., 3e ch., 21 mars 1973, n° 72-40211).

  • Mise en demeure non motivée. Un bailleur omet de préciser, dans sa mise en demeure, les remises en état dont il demande l’exécution. Le preneur n’est ainsi pas en mesure de connaître la faute ou la violation du bail qui lui est demandé de réparer. Les juges considèrent que le refus de renouvellement de bail sans offre d’indemnité d’éviction n’étant pas motivé, le bail se trouve renouvelé. Cette décision est censurée : l’absence ou l’insuffisance de motivation d’un congé avec refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes sans offre d’indemnité d’éviction laisse subsister le congé. Le preneur peut prétendre au paiement d’une indemnité d’éviction, pas au renouvellement du bail (cass. civ., 3e ch., 28 octobre 2009, nos 07-18520 et 08-16135).

Position du locataire recevant une mise en demeure

751

Le locataire a 1 mois pour s’exécuter après mise en demeure ; à défaut, le bailleur pourra invoquer le refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes sans indemnité (c. com. art. L. 145-17, I, 1°).

Par ailleurs, le locataire dispose d’un délai de 2 ans à compter de la date de prise d’effet du congé pour contester les motifs invoqués et demander une indemnité d’éviction (c. com. art. L. 145-60).

  • Un mois pour faire cesser l’infraction. Le locataire dispose d’un délai de 1 mois à compter de la signification de la mise en demeure pour mettre fin à l’infraction qui lui est reprochée ; s’il satisfait à ses obligations dans ce délai, sans nouvelle mise en demeure, les griefs invoqués par le bailleur ne sont pas de nature à le priver de l’indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 18 juillet 2000, n° 98-21158). En revanche, à l’expiration du délai, le bailleur peut, en invoquant cette infraction non réparée, refuser le renouvellement du bail sans avoir à payer l’indemnité d’éviction ; mais il est nécessaire que la mise en demeure donne des précisions quant aux manquements invoqués et que le locataire soit dans la possibilité matérielle de réaliser les travaux requis au titre du bail (cass. civ., 3e ch., 11 mai 1995, n° 93-18317).

  • Le locataire s’exécute dans le mois. Si le locataire s’exécute dans le délai, le bailleur ne pourra pas se prévaloir du même type d’infraction (ou d’une autre) commise postérieurement à celle visée par la sommation s’il n’a pas procédé à une nouvelle mise en demeure (cass. civ., 3e ch., 1er mars 1989, n° 87-17730 ; cass. civ., 3e ch., 6 février 1991, n° 88-12654) (voir § 745).

  • Le locataire souhaite contester les faits allégués. Un locataire s’était trompé de juridiction et avait saisi, 1 an après le congé qu’il contestait, le juge des loyers commerciaux (incompétent sur cette contestation). Comprenant son erreur, il saisit la juridiction compétente, c’est-à-dire, à l'époque des faits, le tribunal de grande instance, alors que plus de 3 ans se sont écoulés depuis le congé. Sa contestation est toutefois jugée recevable : la première assignation délivrée devant le juge incompétent a interrompu le délai de 2 ans (cass. civ., 3e ch., 2 juin 2010, n° 09-13075).

  • Organiser ses arguments. Si un locataire souhaite contester le motif allégué par le bailleur et la régularité de la sommation délivrée par l’huissier, il ne doit pas présenter ses arguments pêle-mêle. Il doit invoquer la nullité de l’acte d’huissier préalablement à ses autres arguments (cass. civ., 3e ch., 2 juin 2010, n° 09-14194).

Cas où la mise en demeure n’est pas nécessaire

752

La mise en demeure n’est pas nécessaire lorsque le locataire ne remplit pas les conditions de renouvellement ou lorsque l’infraction a un caractère irréversible et ne peut être réparée.

L’absence de mise en demeure constitue une exception réservée à quelques situations irréversibles ; dès lors, le bailleur sollicitera l’avis d’un avocat spécialisé avant de faire délivrer un congé refusant le renouvellement sans mise en demeure préalable.

  • Absence de droit au statut (voir §§ 711 à 732) . Dans les différents cas de dénégation du statut, selon une jurisprudence constante, la mise en demeure est superflue (cass. civ., 3e ch., 10 avril 1973, n° 72-10898 ; cass. civ. 23 février 1994, n° 92-13588).

  • Cession irrégulière. La mise en demeure n’est pas exigée en présence d’une cession pour laquelle le bailleur n’a pas été appelé à l’acte comme l’exigeait celui-ci (cass. civ., 3e ch., 13 février 1973, n° 71-10415) ; il s’agit là d’une infraction irréversible.

  • Chèque en bois. Il a été jugé qu’en cas de paiement du loyer à l’aide d’un chèque sans provision, la mise en demeure ne s’imposait pas (cass. civ., 3e ch., 19 novembre 1975, D. 1975, 38).

  • Résiliation judiciaire du bail. La mise en demeure est sans application lorsque, après un congé avec refus de renouvellement, le bailleur entame une action en résiliation judiciaire du bail (cass. civ., 3e ch., 1er mars 1995, n° 93-10172) (voir § 523).

  • Sévices envers le bailleur. Lorsque le locataire a commis des sévices à l’encontre du propriétaire ou l’a injurié, l’accomplissement d’une telle faute délictuelle rend inutile la mise en demeure (cass. civ., 3e ch., 5 mars 1980, Sem. jur. 1980, 192).

  • Sous-location irrégulière. Lorsque la sous-location a été consentie de façon irrégulière sans autorisation du bailleur ou en omettant d’appeler le propriétaire à concourir à l’acte, l’infraction est irréversible et la mise en demeure n’est pas nécessaire (cass. civ., 3e ch., 2 novembre 1982, n° 80-16723 ; cass. civ., 3e ch., 9 juillet 2003, n° 02-11621).

  • Détériorations. À l'inverse, le fait que des détériorations imputables au locataire ne peuvent être réparées ne dispense pas le bailleur de procéder à une mise en demeure (cass. civ., 3e ch., 11 juin 1997, n° 95-15579).

Défaut d’exploitation et mise en demeure

753

La mise en demeure n’est pas nécessaire lorsque le locataire a abandonné définitivement l’exploitation du fonds avant l’expiration du bail ou n’a jamais exploité dans les lieux loués, et s’est fait radier du registre du commerce et des sociétés (cass. civ., 3e ch., 23 février 1994, n° 92-13588).

  • Fermeture administrative. Lorsque l’interruption d’exploitation est due à des fermetures administratives prononcées pour des motifs imputables au locataire, ces mesures rendent inutile la délivrance d’une mise en demeure et le paiement d’une indemnité (cass. civ., 3e ch., 25 juin 1997, n° 95-14708).

  • Maintien de l’inscription au RCS. Lorsque le locataire est demeuré inscrit au registre du commerce au titre de l’activité exercée dans les locaux et dont l’interruption d’activité a duré de 11 à 14 mois, une mise en demeure préalable est alors nécessaire (cass. civ., 3e ch., 16 février 1982, n° 80-13528).

  • Sommation de reprendre l’activité. À cet égard, le bailleur, saisi par le preneur d’une demande de renouvellement, peut, par un acte extrajudiciaire, lui faire sommation de reprendre son activité interrompue dans le délai de 1 mois et, dans cet acte, lui faire connaître le refus de renouvellement du bail au cas où l’infraction invoquée se poursuivrait au-delà du délai de 1 mois (cass. civ., 3e ch., 25 juin 1986, Loyers 1986, n° 388).

Cas particuliers de refus de renouvellement

Cas de reprise au profit du bailleur

754

Le bailleur peut être amené à refuser le renouvellement du bail sans avoir à verser l’indemnité d’éviction normale dans différentes situations liées à l'immeuble lui-même et ouvrant droit ou non à indemnisation. Il en est ainsi de :

-la reprise pour démolir un immeuble insalubre (voir §§ 755 et 756) ;

-la reprise pour reconstruire (voir §§ 757 et 758).

Par ailleurs, le bailleur peut, dans certaines conditions, différer le renouvellement s'il entend surélever l'immeuble (voir § 759).

Reprise pour démolir un immeuble insalubre ou vétuste

Reprise sans indemnité

755

Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’une indemnité « s’il est établi que l’immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d’insalubrité reconnue par l’autorité administrative ou s’il est établi qu’il ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état » (c. com. art. L. 145-17-I-2°).

Ce texte envisage deux hypothèses distinctes : d’une part, l’insalubrité qui relève d’une décision administrative et, d’autre part, la preuve par le propriétaire du caractère dangereux de l’immeuble. Pour priver le locataire de l’indemnité d’éviction, l’état de péril doit interdire la poursuite de l’exploitation du fonds (cass. civ., 3e ch., 30 janvier 2002, n° 97-15410) ; le bien-fondé d’un arrêté d’insalubrité échappe au contrôle des juridictions d’ordre judiciaire (cass. civ., 3e ch., 17 octobre 1966, BC III n° 434). L'état d'insalubrité n'est pas rapporté lorsque le bail porte sur des locaux divisibles et que les dégradations ne portent que sur la partie à usage d’habitation. En cas de reconstruction par le propriétaire, le locataire bénéficie d’un droit de priorité (voir § 756).

  • Congé invoquant l’insalubrité. Cet état dangereux ou d’insalubrité peut être invoqué dans le congé avec refus de renouvellement, mais aussi en cours de procédure (cass. civ., 3e ch., 4 juin 1973, n° 72-11087) ; le bailleur qui a fait offre de paiement d’une indemnité d’éviction peut ensuite délivrer un nouveau congé, fondé sur l’insalubrité ou le péril, même si cette situation était connue de lui au moment du premier congé (cass. civ., 3e ch., 9 juillet 1973, n° 72-12439).

  • Négligences du propriétaire. Les tribunaux doivent rechercher si l'état de péril n’est pas la conséquence d’un fait imputable au bailleur pour soustraire ce dernier au paiement de l’indemnité (cass. civ., 3e ch., 17 avril 1985, n° 83-12399).

    Lorsque le locataire demande une indemnisation pour la ruine d’un immeuble, c’est à lui qu’incombe la charge de la preuve que cette ruine est due à la faute du bailleur et non au cas fortuit (cass. civ., 3e ch., 28 mai 1997, n° 95-14352).

  • Preuve du caractère dangereux. Le caractère dangereux de l’immeuble est apprécié par les tribunaux judiciaires. Le propriétaire doit apporter la preuve que l’immeuble « ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état ». Il suffit que cette situation soit établie au moment du congé ; des travaux ultérieurement exécutés par le preneur pour consolider l’immeuble sont inopérants (cass. civ., 3e ch., 10 janvier 1978, n° 76-12471).

Droit de priorité du locataire

756

En cas de reconstruction par le propriétaire d’un nouvel immeuble comprenant des locaux commerciaux, le locataire évincé aura un droit de priorité pour louer ces locaux (c. com. art. L. 145-17-II).

Le propriétaire n’est pas tenu de reconstruire son ancien immeuble et, s’il le fait, il n’aura pas l’obligation d’aménager des locaux commerciaux, sauf décision du tribunal admettant le droit de reprise (cass. civ., 3e ch., 11 décembre 1961, BC III n° 466).

  • Conditions du droit de priorité. Pour bénéficier du droit de priorité, le locataire doit, en quittant les lieux ou au plus tard dans les 3 mois qui suivent, notifier sa volonté d’en user au propriétaire, par acte extrajudiciaire ou lettre recommandée avec accusé de réception, en lui faisant connaître son nouveau domicile ; il doit aussi notifier de même, sous peine de déchéance, tout nouveau changement de domicile. Le propriétaire doit aviser de la même manière le locataire qu’il est prêt à lui consentir un nouveau bail. L’ensemble des démarches à effectuer par l’une ou l’autre des parties sont prévues aux articles L. 145-19 et L. 145-20 du code de commerce.

  • Conséquences de la codification. Lors de la codification de l’article L. 145-17, le droit de priorité du locataire a été matériellement séparé de l’alinéa précédent par l’introduction du chiffre romain II ; un preneur pourrait dès lors considérer que ce droit de priorité peut s’exercer en dehors des cas d’insalubrité.

Reprise pour construire ou reconstruire avec offre d’un local en remplacement

Paiement d’une indemnité d’éviction

757

Le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail pour construire ou reconstruire l’immeuble existant, à charge de payer au locataire évincé l’indemnité d’éviction prévue à l’article L. 145-14 du code de commerce ou d’offrir un local de remplacement (voir § 758).

Il en est de même, pour effectuer des travaux nécessitant l’évacuation des lieux compris dans un secteur ou périmètre prévu aux articles L. 313-4 et L. 313-4-2 du code de l’urbanisme (secteurs sauvegardés et opérations de restructuration immobilière) et autorisés ou prescrits dans les conditions prévues auxdits articles (c. com. art. L. 145-18, al. 1 et 2). Le congé doit être délivré dans les formes et délais de droit commun et être motivé par la construction ou la reconstruction des locaux loués.

  • Évaluation de l’indemnité d’éviction. L’évaluation de l’indemnité d’éviction obéit aux règles de droit commun (voir §§ 779 à 791). Si, postérieurement à la délivrance du congé, le locataire commet des infractions graves, celles-ci peuvent lui faire perdre son droit à indemnité (cass. civ., 3e ch., 10 novembre 1993, Gaz. Pal. 1994, 140).

    Cette indemnité doit être évaluée en se référant à la situation qu’aurait connue la société locataire jusqu’à l’expiration du bail et l’évaluation du bail doit se faire, s’il y a lieu, en fonction du loyer déplafonné en présence d’un bail de 12 années (cass. civ., 3e ch., 15 juin 1997, Sem. jur. éd. E 1998, 35).

  • Expiration d’une période triennale. Le bailleur a également ce droit de reprise à l’expiration d’une période triennale (voir § 498). Mais le congé ne peut produire effet si, au moment où il a été délivré, le propriétaire en titre n’avait pas l’intention de démolir l’immeuble pour le reconstruire (cass. civ., 3e ch., 27 octobre 1993, n° 91-16964).

  • Projet de démolition. Le bailleur qui donne congé pour démolir est présumé de bonne foi. Mais le motif invoqué n’est pas sérieux en cas de revente immédiate de l’immeuble après délivrance du congé (cass. civ., 3e ch., 27 octobre 1993, n° 91-16964) ou en présence de circonstances de fait particulières laissant planer un doute sur la sincérité du bailleur (CA Paris 29 septembre 1994, Gaz. Pal. 1995, 628).

  • Permis de construire. L’article L. 145-18 n’oblige pas le propriétaire à obtenir, préalablement à sa demande de reprise pour construire, un permis de construire et les autres autorisations administratives nécessaires (cass. com. 1er juillet 1958, BC III n° 289 ; TGI Paris 3 mai 2001, Adm. Août-sept. 2001, 31).

  • Vente du local. Le bailleur peut valablement délivrer un congé pour démolir et reconstruire même s'il a signé une promesse de vente du local à un tiers, dès lors que celui-ci a déclaré, dans la promesse, destiner le local à la démolition pour reconstruire une habitation (cass. civ., 3e ch., 27 novembre 2012, n° 10-30071).

Offre d’un local de remplacement

758

Le bailleur peut se soustraire au paiement de cette indemnité en offrant au locataire évincé un local correspondant à ses besoins et possibilités, situé à un emplacement équivalent (c. com. art. L. 145-18, al. 3).

  • Disponibilité du local de remplacement. Le propriétaire d'une galerie marchande donne congé avec refus de renouvellement et sans indemnité d'éviction à deux locataires d'un local au sein de ladite galerie. Il leur offre un local de remplacement pour exercer leur activité. Les locataires assignent pourtant le bailleur en paiement d'une indemnité d'éviction. Devant les juges, le bailleur prétend qu'en proposant aux locataires évincés un local en cours de construction correspondant à leurs besoins et situé à un emplacement équivalent, il s'exonère du paiement de l'indemnité. Peine perdue : le local de remplacement doit exister au moment où le congé est délivré. Le bailleur est donc tenu au paiement de l'indemnité (cass. civ. 3e ch., 14 janvier 2016, n° 14-19092).

  • Paiement d’une indemnité restreinte. Même s’il offre un local de remplacement, le bailleur reste tenu de payer au locataire évincé une indemnité restreinte destinée à compenser la privation temporaire de jouissance (durée liée à la réinstallation), la moins-value éventuelle du fonds (par exemple, perte partielle de clientèle) et les frais normaux de déménagement et de réinstallation.

    L’article L. 145-18 n’exige nullement que la reconstruction ait lieu dans un but déterminé (cass. civ., 3e ch., 21 avril 1958, BC III n° 155).

  • Refus du local de remplacement. Un locataire ne peut se voir privé des indemnités de réinstallation et déménagement visées par l’article L. 145-18 au motif qu’il a refusé le local de remplacement offert par le bailleur dans le cas où il avait chiffré les indemnités qu’il demandait si l’offre de réinstallation était reconnue satisfaisante (cass. civ., 3e ch., 13 mars 2002, n° 00-19256).

Renouvellement différé pour surélévation de l’immeuble

759

L’article L. 145-21 du code du commerce prévoit que le propriétaire peut différer pendant une durée maximale de 3 ans le renouvellement du bail s’il se propose de surélever l’immeuble et si cette surélévation rend nécessaire l’éviction temporaire du locataire. Celui-ci a droit, dans ce cas, à une indemnité égale au préjudice subi, sans pouvoir excéder 3 ans de loyer.

Notion de surélévation. L’article L. 145-21 ne concerne que la surélévation et n’est pas applicable à la démolition suivie d’une reconstruction (cass. civ. 6 janvier 1976, n° 73-13628). De même, est valable un congé délivré par le bailleur dès lors que les travaux envisagés ne visaient pas à démolir l’immeuble et à le reconstruire, mais seulement à assurer sa surélévation et une meilleure distribution des locaux (cass. civ. 5 juillet 1993, n° 92-11016).