Baux particuliers
Baux de terrain et constructions
Nécessité d’une construction
Exclusion des terrains loués nus
Selon l’article L. 145-1 du code de commerce, les terrains loués nus, et le restant, ne peuvent pas bénéficier du statut des baux commerciaux, même s’ils sont affectés à un usage commercial, industriel ou artisanal (sur la question des aires de stationnement, voir §§ 398 et 400).
Édification des constructions par le locataire
L’article L. 145-1 du code de commerce prévoit l’application du statut aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiées des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal, à condition que ces constructions aient été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire.
En outre, le locataire d'un terrain nu sur lequel sont édifiées des constructions doit être immatriculé au RCS pour bénéficier du statut des baux commerciaux lors du renouvellement de son bail et par conséquent du droit à l'indemnité d'éviction (cass. civ., 3e ch., 23 janvier 2020, n° 19-11215).
Ces constructions doivent avoir été édifiées soit après la signature du bail, soit avant (il s’agit des constructions édifiées par le précédent locataire de terrains nus dont le droit à l’accession n’a pas encore joué au profit du bailleur en vertu d’une clause spécifique).
La jurisprudence, au vu des travaux réalisés par le preneur, détermine souverainement si les aménagements sont assimilables à une construction.
Bail commercial ou bail à construction ? On est bien en présence d’un bail commercial (et non d’un bail à construction) lorsque l’obligation principale du locataire est d’exploiter une station-service. L’immeuble à construire n’est qu’une modalité d’exécution du bail. De plus, le bail prévoyait une révision triennale par application de la législation sur les baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 2 juillet 2008, n° 07-16071).
Bail commercial ou bail emphytéotique ? Un propriétaire confie à une société un terrain pour une durée de 99 ans, moyennant un loyer annuel de 1 franc à l’époque. La société y édifie un casino et un complexe de loisirs. De nombreuses années plus tard, le bailleur demande que le loyer soit fixé à la valeur locative réelle, soit 4 200 000 € annuels. Sa demande est repoussée car le bail est qualifié, par les juges, de bail emphytéotique. Or, dans un tel contrat, l’intérêt du bailleur ne tient pas au paiement du loyer, mais au fait de devenir propriétaire, sans indemnité, en fin de bail de tous les travaux et améliorations faits par le loueur. La valeur locative n'est ainsi pas prise en compte dans un bail emphytéotique (cass. civ., 3e ch., 8 septembre 2016, n° 15-22374).
Clôture. La clôture édifiée sur un terrain nu ne peut être assimilée à une construction (cass. civ., 3e ch., 1er mars 1995, n° 92-17874).
Containers. De simples containers posés sur le sol ne sont pas des constructions et ne permettent donc pas au locataire du terrain de bénéficier du statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 10 septembre 2020, n° 19-12814).
Golf. Un terrain aménagé en golf n’est pas un terrain construit (cass. com., 3e ch., 9 février 1960, BC IV n° 54).
Téléski. Un terrain sur lequel sont implantés certains pylônes d’un téléski n’est pas construit (cass. civ., 3e ch., 16 mars 1988, n° 86-15619).
Bungalows. A bénéficié du statut un terrain sur lequel le loueur avait construit des bungalows destinés à être sous-loués à une société commerciale exploitant un camp de naturistes (cass. civ., 3e ch., 20 décembre 1976, n° 75-11700).
Camping. Un terrain aménagé par le loueur en terrain de camping est construit (cass. civ., 3e ch., 13 avril 1976, n° 74-15280).
Qualités des constructions
Les constructions édifiées par le locataire doivent être en matériaux résistants incorporés au sol et constituer un véritable local.
Lorsque les constructions édifiées sur le terrain loué n’ont ni la solidité ni la fixité qui doivent caractériser les constructions visées par l’article L. 145-1 du code de commerce, la location n’entre pas dans le champ d’application du statut (cass. com. 11 octobre 1966, BC IV n° 388 ; cass. civ., 3e ch., 24 octobre 1969, BC III n° 680).
En pratique, ces constructions nécessitent la délivrance d’un permis de construire. Mais l’obtention d’un tel permis n’est pas suffisante.
Les juges du fond apprécient souverainement si une construction édifiée sur un terrain a un caractère de fixité et de solidité suffisant pour permettre au locataire de se prévaloir des dispositions du code de commerce (cass. civ., 3e ch., 6 février 1969, BC III n° 113 ; cass. civ., 3e ch., 6 novembre 1974, n° 73-12553).
Critères de solidité et de fixité. La cour d'appel, qui a souverainement retenu que le caractère de solidité des constructions résultait de leur pérennité et que leur caractère de fixité résultait de leur connexion aux réseaux, en a déduit à bon droit que le statut des baux commerciaux avait vocation à s'appliquer (cass. civ., 3e ch., 1er octobre 2014, n° 13-16806).
Des constructions sans assise. N’ont pas été considérés comme des constructions : un hangar construit en planche et tôle ondulée sans fondation (cass. com. 8 octobre 1962, BC IV n° 383), un pavillon en bois sans assise (cass. com. 2 novembre 1964, BC IV n° 464) ; des bâtiments sans fondation (cass. com. 22 décembre 1964, BC IV n° 583), des baraques posées sur un terrain (cass. com. 16 juin 1965, BC IV n° 376), une baraque mobile de type « Algeco » sans fondation et dont l'implantation n'a nécessité qu'une simple autorisation de travaux (cass. civ., 3e ch., 22 mars 2018, n° 15-15901).
Construction démontable. La construction dont les quatre poutrelles métalliques servant d’ossature à la charpente étaient aisément démontables ne répond pas aux caractéristiques d’une construction (cass. civ., 3e ch., 8 février 1989, n° 87-15419).
Bâtiments existants. Les exigences relatives à la solidité et à la fixité n’ont pas à être remplies lorsque le bâtiment existe déjà au moment de la location constituant ainsi l’objet du bail et lorsque ce local est destiné à l’exploitation d’un fonds de commerce (cass. civ., 3e ch., 25 janvier 1977, n° 74-15293).
Local déplacé. Le fait que le local ait été déplacé ne met pas en cause sa fixité lorsqu’il a fallu, pour ce déplacement, une grue de 14 tonnes et des travaux de scellement (CA Nîmes 6 mars 2003, Gaz. Pal. 2003, 3171).
Bureau de vente. Un bureau de vente constitué par une structure en aluminium de 16 m2 garnie d’un faux plafond, d’une membrane en toile, de quatre côtés en baies vitrées et d’un plancher n’a pas été considéré comme une construction (CA Versailles 28 novembre 2002, BICC 2003, n° 736) ; cet arrêt précise qu’il importe peu que ce bâtiment ait donné lieu à la délivrance d’un permis de construire.
Fausse caravane. Une caravane est considérée, par les juges du fond, comme un local amovible, non assimilable à une construction. En réalité, il s’agit d’un bâtiment en dur (construit sur une fondation en béton) qui, pour des questions de coût, d’originalité et d’isolation, a été habillé extérieurement par une coque de caravane de type mobil-home. En conséquence, la décision des juges du fond est censurée par la Cour de cassation (cass. civ., 3e ch., 28 octobre 2003, n° 02-16678).
Autorisation du bailleur
Pour bénéficier du droit au statut des baux commerciaux, les constructions doivent avoir été édifiées avec le consentement exprès du propriétaire ; elles doivent être conformes à celles autorisées par le bailleur.
En effet, le droit au renouvellement s’étend aux baux de terrains nus sur lesquels ont été édifiées des constructions à usage commercial à condition qu’elles aient été édifiées ou exploitées avec l’accord du propriétaire (cass. com. 18 janvier 1965, n° 61-11784) ; l’autorisation doit être non équivoque (cass. civ., 3e ch., 1er février 1989, n° 87-16864). La simple tolérance ou connaissance ne peuvent valoir autorisation (cass. civ., 3e ch., 10 juillet 1996, n° 94-19638).
Accord résultant du contrat. Ce consentement peut être déduit de certaines circonstances ou clauses du contrat (cass. com. 23 octobre 1962, BC IV n° 415).
Constructions existantes. Cette preuve du consentement du bailleur est exigée, même si les constructions étaient antérieures au bail conclu entre les parties (cass. com. 2 mai 1961, BC IV n° 182).
Responsabilité du bailleur. L’accord donné par le bailleur à son locataire n’est pas neutre au regard des règles de l’urbanisme puisqu’il est réputé bénéficiaire des constructions et peut dès lors encourir les sanctions pénales pour violation des règles sur le permis de construire (cass. crim. 9 avril 1992, n° 91-86021). En réalité, le bailleur peut être tenu pénalement responsable même s'il n'a pas expressément autorisé les constructions, « dès lors qu'il avait le pouvoir, selon les stipulations du bail, de contraindre les preneurs à respecter les règles d'urbanisme lors de leurs travaux, dont il est donc le véritable bénéficiaire, du fait du cadre juridique qu'il a mis en place et des loyers qui en sont la contrepartie ». Dans cette affaire, le bailleur a été condamné à une amende de 2 000 €, dont 1 000 € avec sursis, et à remettre en état les lieux, sous astreinte, dans un délai de 18 mois (cass. crim. 24 octobre 2017, n° 16-87178).
Tolérance du bailleur. La tolérance du propriétaire, pendant quelques années, ne peut constituer un droit au profit du preneur pour des constructions édifiées sans autorisation du propriétaire et sans respecter les règles d’urbanisme (cass. civ., 3e ch., 20 juin 1995, n° 93-15977).
Destination commerciale, industrielle ou artisanale
Les constructions doivent obligatoirement être affectées pour l’un de ces usages : commercial, industriel ou artisanal. Les juges recherchent si une exploitation effective d’un fonds de commerce est bien exercée dans les lieux (cass. com. 2 mai 1961, BC IV n° 182 ; cass. civ., 3e ch., 11 mai 1988, n° 86-19631). En outre, le statut ne s’applique que si le locataire est propriétaire du fonds exploité dans les locaux construits (cass. civ. 6 décembre 1983, n° 81-11738).
L’accession des constructions
Loyer renouvelé
Le loyer renouvelé des terrains bénéficiant du statut est fixé selon des règles particulières. Lors du renouvellement, le calcul du loyer est différent selon que les constructions sont devenues ou non la propriété du bailleur.
Si une clause d'accession insérée dans le bail prévoit que les constructions seront acquises au bailleur au départ du locataire, le loyer renouvelé est fixé selon l’article R. 145-9 du code de commerce, en considération des éléments propres aux terrains. Le loyer renouvelé d’un terrain échappe à la règle du plafonnement (cass. civ., 3e ch., 13 avril 1976, n° 74-15280 ; cass. civ. 21 mars 2001, n° 99-16640).
En revanche, si l’accession des constructions s’opère au moment du renouvellement, il ne s’agit plus d’un bail de terrain nu mais d’un bail sur un immeuble construit. Il convient donc de se demander si la règle du plafonnement s’applique ou s’il y a lieu de déplafonner le loyer (sur le déplafonnement, voir § 661).
Renouvellement portant sur le terrain nu. Dans une affaire où aucune convention n’avait été établie lors de la location verbale d’un terrain nu, il a été décidé que le renouvellement ne pouvait porter que sur ce terrain nu bien qu’une usine ait été édifiée, le renouvellement d’un bail commercial s’opérant, sauf convention contraire, aux clauses et conditions du bail à renouveler (cass. civ., 3e ch., 3 février 1988, n° 86-16158). D’ailleurs, dans cette situation, l’accession de l’article 555 du code civil ne pourra produire effet qu’à la fin de l’occupation des lieux.
En pratique, de nombreux baux stipulent que l’accession se produira à l’expiration du bail en cours : dès lors, le bail renouvelé inclura les constructions devenues la propriété du bailleur.
Incidence sur le loyer renouvelé. En l’absence de clause expresse d’accession dans le contrat de bail, il convient de faire application des dispositions de l’article 555 du code civil et de considérer que le bailleur est devenu propriétaire des constructions édifiées sur le terrain. Les travaux d’amélioration entrepris par le locataire ont été pour partie financés par le bailleur en laissant le bail de 18 ans se poursuivre tacitement pour une durée de 27 ans et les améliorations apportées aux lieux loués doivent être prises en compte pour fixer le montant du bail renouvelé (CA Nancy 12 novembre 2002, Loyers 2003, n° 221).
Terrain devenu terrain de camping. Un bail porte sur un terrain en vue de l’exploitation d’un camping. Il comporte une clause autorisant le preneur à effectuer toutes les constructions utiles à son activité. Il ne comporte pas de clause réglant le sort des constructions en fin de bail ou permettant leur prise en compte dans la détermination du loyer. Le bail renouvelé étant un nouveau bail, le bailleur peut solliciter la prise en compte des modifications intervenues dans les biens loués pour la fixation du prix du nouveau loyer (cass. civ., 3e ch., 27 septembre 2006, n° 05-13981).
Refus de renouvellement et indemnité d'éviction. Lorsque le bail n’est pas renouvelé, le bailleur doit en principe une indemnité (voir §§ 771 à 791) ; celle-ci tiendra compte de la valeur du fonds exploité par le preneur dans le local construit par celui-ci et du préjudice subi par la perte du terrain non construit. Mais là encore, l’indemnité devra-t-elle couvrir la perte des constructions ? Il n’existe aucune réponse formelle sur ce point ; il appartient aux parties d’envisager dans la convention initiale cette hypothèse et les éléments de calcul de l’indemnité. Par exemple, l’amortissement de ces constructions pourrait être pris en compte.
Encore faut-il qu'une clause d'accession ne fasse pas échec à l'indemnisation. Ainsi, un bail commercial avait été consenti pour un terrain sur lequel le locataire s’engageait à construire un bâtiment. Le bail précisait que le bâtiment deviendrait la propriété du bailleur en fin de jouissance sans que celui-ci ait à dédommager le locataire. À la suite du refus de renouvellement, les juges ont accordé au locataire une indemnité d'éviction ; ils l'ont chiffrée en tenant compte du nouveau bâtiment que le locataire avait dû construire pour transférer son activité. La Cour de cassation a censuré cette décision : aucune indemnité d'éviction n'était pas due, le locataire ayant été évincé d’un terrain sans bâtiment du fait de la clause d’accession (cass. civ., 3e ch., 21 mai 2014, n° 13-10257).
La règle légale
Pour savoir si le bailleur devient propriétaire des constructions et, si oui, à partir de quelle date, il convient de se référer au bail.
Si le bail ne prévoit rien et en l’absence d’accord des parties, le preneur reste propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu’il a édifiées sur le terrain du bailleur et le sort de ces constructions est réglé à l’expiration du bail par l’article 555 du code civil (cass. civ., 1re ch., 23 octobre 1990, n° 88-20296).
L’article 555 du code civil dispose :
-lorsque des constructions ont été faites par un tiers (en l’occurrence, le preneur) avec des matériaux lui appartenant, le propriétaire a le droit soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever ;
-si le propriétaire exige la suppression des constructions, elle est exécutée aux frais du locataire, sans aucune indemnité pour lui ;
-si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, il doit, à son choix, rembourser au locataire, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre estimés à la date du remboursement.
Existence d’une convention. C’est au tiers constructeur de l’immeuble qu’il appartient de rapporter la preuve d’une convention réglant le sort de ce bien (cass. civ., 3e ch., 15 janvier 1971, n° 69-12996).
Travaux exécutés sur des constructions. Les dispositions de l’article 555 du code civil ne concernent que les constructions nouvelles. Ainsi, lorsque le locataire a été autorisé à faire des travaux d’amélioration, l’article 555 du code civil ne peut s’appliquer (cass. civ., 3e ch., 8 janvier 1997, n° 95-10339).
Conventions régissant les droits des parties
Autorisation de construire et accession
Le bailleur autorise le plus souvent le preneur à édifier des constructions sur le terrain ; cette autorisation conditionne d’ailleurs l’application du statut pour les baux de terrains nus (voir § 912).
Lorsque la convention autorise la construction mais ne prévoit pas son sort à la fin du contrat, elle n’est pas alors suffisante pour exclure les dispositions de l’article 555 du code civil (cass. civ., 3e ch., 14 avril 1982, n° 80-16669 ; cass. civ., 3e ch., 18 mars 1987, n° 85-17804).
Si le sort des constructions est prévu et réglé par la convention, l’article 555 du code civil devient inapplicable, les travaux ayant été effectués en exécution d’une convention qui fait alors la loi des parties (cass. civ., 3e ch., 19 février 1975, n° 73-13998 ; cass. civ., 3e ch., 24 juin 1975, n° 74-10520).
Constructions revenant au bailleur en vertu d’une clause du contrat
Le contrat prévoit le plus souvent l’obligation ou la faculté pour le preneur d’élever les bâtiments sur le terrain loué et la remise gratuite, en fin de bail, de ces immeubles au bailleur.
Les conséquences sont les suivantes :
-le bailleur n’a, pendant le bail, aucun droit sur les constructions et ne supporte pas les charges y afférentes ;
-le preneur est, en principe, propriétaire des constructions pendant la durée du bail. Il doit acquitter les charges desdits bâtiments ;
-l’enrichissement du bailleur au moment de l’accession a une justification juridique et légitime ; l’action fondée sur l’enrichissement sans cause du bailleur n’est donc pas recevable (voir notamment cass. civ., 3e ch., 28 mai 1986, n° 85-10367).
À quel moment s’effectue l’accession ?
Les parties stipulent dans la majorité des cas que l’accession des constructions autorisées aura lieu en fin de bail.
Selon la jurisprudence dominante, en présence d’une clause du bail permettant « à l’expiration du présent bail » l’accession des constructions, ces dernières sont acquises au moment du renouvellement du bail, lequel est de nature différente du bail initial. L’expression « à l’expiration du présent bail » ne peut viser que le bail en cours (cass. civ., 3e ch., 26 novembre 1985, n° 84-16760).
Du fait de l’accession, le bail renouvelé ne porte plus sur un terrain nu, le bailleur devenu propriétaire de l’ensemble loue le terrain et les constructions édifiées par le preneur. Le bailleur doit corrélativement supporter les charges (assurances, grosses réparations, impôts fonciers), sauf clause contraire prévue au bail initial ou renouvelé.
En revanche, l’accession ne se réalisera au profit du bailleur qu’au moment de la restitution des lieux, en présence :
-d’une clause de sortie : clause du bail initial prévoyant que les améliorations ou constructions ne seraient la propriété du bailleur non pas en fin de bail, mais à la sortie du locataire (cass. civ., 3e ch., 22 juin 1988, n° 87-15532) ;
-d’une stipulation contractuelle selon laquelle les preneurs doivent « être considérés comme ayant loué un terrain nu de sorte qu’ils soient eux-mêmes obligés comme s’ils étaient tout à la fois propriétaires et locataires des constructions » ; en outre, le loyer avait été fixé en tenant compte d’un terrain nu (cass. civ., 3e ch., 19 avril 1989, n° 87-17438).
Résiliation anticipée du bail. En cas de résiliation d’un bail du fait d’une expropriation, un locataire a droit à une indemnisation pour les constructions qu’il a régulièrement édifiées sur le terrain loué et dont il est resté propriétaire pendant la durée de la location, dès lors que la clause d’accession insérée dans le bail prévoit que le bailleur ne devient propriétaire des constructions qu’à la fin du bail et à défaut de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 4 avril 2002, n° 01-70061).
Construction ou amélioration, incidence sur le loyer renouvelé
L’accession des constructions étant réalisée lors du renouvellement, le bailleur devrait pouvoir se prévaloir, lors du renouvellement, de cette modification notable de la consistance des locaux.
Toutefois, la jurisprudence assimile souvent les constructions à des améliorations, au sens de l’article R. 145-8 du code de commerce (cass. civ., 3e ch., 16 octobre 1979, n° 78-12010 ; cass. civ. 30 mai 1990, n° 89-12061). En conséquence, le déplafonnement du loyer ne peut être invoqué que lors du second renouvellement, faute pour le bailleur de prouver qu’il a participé directement ou indirectement à la charge de la construction (voir § 133).
Clause de nivellement
Si le contrat oblige le preneur à enlever en fin de bail les constructions qu'il a édifiées, cette clause souvent appelée « de nivellement » doit être respectée. Toutefois, elle ne peut en aucun cas faire échec au droit au renouvellement du locataire (cass. com. 29 novembre 1961, BC IV n° 447). Par ailleurs, le bailleur ne peut obliger son preneur à démolir les constructions élevées par celui-ci et invoquer le défaut de bâtiments pour refuser le droit au renouvellement (cass. civ. 14 juin 1983, n° 82-11275).
Propriété commerciale applicable. Cette clause aura une incidence sur le calcul de l’indemnité d’éviction en cas de refus de renouvellement si le locataire bénéficie de la propriété commerciale (CA Paris 30 octobre 1962, D. 1963 somm. 37 ; Paris 21 janvier 1971, Gaz. Pal. 1971.1.158).
Propriété commerciale inapplicable. Cette clause produit tous ses effets lorsque le preneur n’a pas droit à la propriété commerciale (cass. civ. 6 avril 1965, n° 60-10941).
Aspects fiscaux de l’accession
Imposition du bailleur
L’attribution au bailleur des constructions édifiées par le locataire constitue, dans ces hypothèses, un avantage imposable dans la catégorie des revenus fonciers (BIC ou IS si le propriétaire est une entreprise) au titre de l’année au cours de laquelle cette opération intervient.
Au regard des revenus fonciers, le montant du loyer perçu par le propriétaire du terrain n’a pas à être augmenté de la valeur locative des constructions édifiées par le locataire et devant lui revenir en fin de bail avec ou sans indemnité. C’est le locataire qui profite du revenu des constructions.
À la fin du bail, et à défaut de bail à construction, lorsque les constructions reviennent au bailleur sans indemnité, leur coût est un élément du prix du bail imposable au titre des revenus fonciers l’année d’expiration ou de résiliation du bail.
Le retour contre indemnité des constructions ne se traduit pour le propriétaire des terrains, en principe, par aucun revenu ou profit imposable (voir RF 1132, § 236).
Incidences pour le locataire
Les dépenses exposées par le locataire et résultant de l’édification des constructions (intérêts des emprunts, par exemple) ne sont pas déductibles immédiatement, après inscription à son actif. L’entreprise ne peut que pratiquer un amortissement dont le taux tient compte de la durée normale d’utilisation des constructions (CGI art. 39 D).
L’amortissement des constructions édifiées sur le sol d’autrui et devant figurer au bilan, doit être calculé sur la base du prix de revient de l’immeuble et réparti sur la durée normale d’utilisation, même si cette durée est supérieure à celle du bail. À notre avis, dans le cas de décomposition de l’immobilisation, la structure sera amortie sur la durée d’usage de la construction et les composants sur leur durée propre d’utilisation (voir RF 1130, § 1322).
Retour dans le patrimoine du bailleur. En fin de bail, lors du retour gratuit, la valeur résiduelle des installations transférées est déductible en totalité du résultat fiscal du locataire (sauf en présence d’un acte de gestion anormal).
En cas de retour contre indemnité, elle est réputée constituer le prix de cession des éléments d’actif immobilisé (voir RF 1130, § 1325). La différence entre la valeur nette comptable et l'éventuelle indemnité reçue représente la plus ou moins-value de cession.