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Parution: avril 2022

Signature et déroulement du bail

L’incidence des travaux sur le loyer

Deux types de travaux notables

131

Le loyer du bail renouvelé est normalement calculé en fonction de la variation de l’indice des loyers commerciaux (voir § 631). Toutefois, deux types de travaux peuvent justifier le déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail.

Il s'agit, d'une part, des travaux entraînant une modification des caractéristiques propres au local, notamment un agrandissement ou une surélévation (c. com. art. R. 145-3). Ces travaux sont susceptibles d’entraîner le déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail au cours duquel ils ont été réalisés (voir § 132).

Il s'agit, d'autre part, des travaux apportant une amélioration aux lieux loués (c. com. art. R. 145-8). S'ils ont été financés par le bailleur, ces travaux pourront conduire au déplafonnement du loyer dès le premier renouvellement (voir § 133). S'ils n'ont pas été financés par le bailleur, ces travaux ne pourront avoir des conséquences sur le loyer que lors du second renouvellement du bail au cours duquel ils ont été réalisés, soit parfois 18 ans après (voir §§ 134 et 136).

Le code de commerce ne donne de définition ni des travaux susceptibles de produire des modifications, ni de ceux susceptibles de produire des améliorations. Les juges du fond ont, en ce domaine, un pouvoir souverain d’appréciation et les solutions jurisprudentielles sont parfois opposées.

Ainsi, la suppression de cloisons a pu être qualifiée de modification notable ou d'amélioration. Il en a été de même pour des travaux d'agrandissement (voir les illustrations jurisprudentielles ci-dessous).

  • Suppression de cloisons. La suppression de deux cloisons entre deux boutiques louées constitue une modification des caractéristiques des deux locaux (cass. civ., 3e ch., 4 novembre 1998, n° 97-11040). Les travaux réalisés par le locataire à ses frais exclusifs, qui consistent en la dépose de cloisons séparant deux boutiques et des circulations verticales, sont des modifications notables que le bailleur devait invoquer lors du premier renouvellement. Faute de l’avoir fait, il ne peut plus l’invoquer au second renouvellement (cass. civ., 3e ch., 19 février 2003, n° 01-12205).

    De même, la Cour de cassation a précisé que la démolition d’un mur agrandissant la surface accessible à la clientèle était une modification entraînant le déplafonnement du loyer au premier renouvellement et non une amélioration qui aurait justifié un déplafonnement différé au deuxième renouvellement (cass. civ., 3e ch., 17 décembre 2002, n° 01-15684).

    En revanche, de très importants travaux de réorganisation de l’espace des lieux loués, en supprimant particulièrement de multiples cellules dans lesquelles étaient auparavant exploités plusieurs commerces, ont été qualifiés d’aménagements constituant une amélioration des lieux loués et le déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail suivant la réalisation de ces travaux n’était pas justifié (cass. civ., 3e ch., 7 mars 2001, n° 99-15946).

    De même, lorsque la réunion des deux locaux et le regroupement en un bail unique de deux baux distincts étaient la conséquence du nouveau bail intégrant la seconde boutique, le déplafonnement de ce chef ne peut intervenir que lors du second renouvellement (cass. civ., 3e ch., 22 janvier 2003, n° 01-10257).

  • Agrandissements. Des travaux d'agrandissement ont pu être considérés comme une amélioration (cass. civ., 3e ch., 4 mars 1998, n° 96-14943). Tel a été le cas, par exemple, pour :

    -l’aménagement d’un rez-de-chaussée permettant un accroissement de la surface de vente (cass. civ., 3e ch., 17 juillet 1996, n° 94-19324) ;

    -des travaux entraînant une augmentation des surfaces commerciales (cass. civ., 3e ch., 4 mars 1998, n° 96-14943).

    Ont, en revanche, été qualifiés de modification notable (et non d'amélioration) la création par le locataire d’une galerie d’exposition aux lieu et place d’un local de stockage et l’aménagement d’un bureau sur une terrasse (cass. civ., 3e ch., 3 avril 2001, n° 99-16586).

  • Travaux comptés une seule fois. Des travaux sont pris au titre d'une modification notable en raison de l’augmentation de surface. Ils ne peuvent être pris en compte pour justifier un nouveau déplafonnement lors du second renouvellement (cass. civ., 3e ch., 12 juin 2001, n° 99-19867).

  • Terrasse. L’installation d’une terrasse sur la voie publique, non autorisée dans le bail, et donnant lieu à l’autorisation administrative en cours de bail est de nature à justifier le déplafonnement du loyer (CA Paris 7 mars 1985, Loyers 1985, n° 262 ; CA Paris 29 octobre 1991, D. 1992, 29).

    D’autres arrêts rejettent le déplafonnement soit parce que l’autorisation précaire de la ville n’est pas de nature à entraîner une variation notable de la commercialité (CA Paris 10 juillet 1990, Loyers 1991, n° 78), soit en raison du défaut d’extension de l’assiette du bail par incorporation de locaux appartenant au bailleur (CA Paris 16 janvier 1996, Loyers 1996, n° 124) lorsque l’autorisation d’occuper la terrasse doit être renouvelée chaque année par l’assemblée générale de la copropriété (cass. civ., 3e ch., 4 février 1998, n° 96-14019) ou que l’autorisation est précaire (cass. civ., 3e ch., 17 décembre 2002, n° 01-15265).

  • Travaux lors de l’entrée dans les lieux. Très souvent, des travaux très importants doivent être réalisés afin d’adapter les locaux aux exigences de l’activité du preneur et parfois à celles des réglementations en matière d’hygiène et de sécurité. Ces travaux devraient entrer dans l’obligation de délivrance du bailleur portant sur un bien conforme à l’usage auquel il est contractuellement destiné.

    En pratique, la négociation aboutit, dans de nombreux cas, à une réduction ou à une franchise de loyer en contrepartie de l’exécution de ces travaux par le preneur. Le bailleur, dans ces circonstances, pourra se prévaloir du fait qu’il a participé indirectement au financement de ces travaux et demander, sur ce fondement, le déplafonnement du loyer lors du premier renouvellement consécutif à la réalisation des travaux. Les tribunaux apprécieront l’incidence financière de la réduction de loyer par rapport au coût des travaux exécutés.

    Les travaux de mise en conformité des locaux avec leur destination ne sauraient justifier un déplafonnement (cass. civ., 3e ch., 30 juin 1999, n° 97-19002) ; tel est le cas des travaux réalisés aux frais du locataire à la prise d’effet du bail, consistant à installer un salon de coiffure dans un local livré brut de décoffrage (CA Paris 13 février 2004, n° 02-18894).

Les travaux de modification des locaux

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Lorsque le bailleur a, directement ou indirectement, pris en charge des travaux de modification notable, il peut s'en prévaloir lors du premier renouvellement qui suit leur réalisation et déplafonner le loyer renouvelé sur ce fondement. Il peut également se prévaloir des modifications notables financées par le locataire lors du premier renouvellement qui suit ces modifications (sur les modifications notables voir §§ 666 à 673).

S'il ne s'est pas prévalu des travaux de modification notable lors du premier renouvellement qui suit le bail au cours duquel ils ont été exécutés, le bailleur ne peut pas s'en prévaloir à l’occasion du second renouvellement (cass. civ., 3e ch., 14 octobre 1992, n° 91-10217).

  • Avenant modificatif de loyer. Le fait que les travaux aient donné lieu à un avenant modifiant le loyer avant la date du renouvellement est indifférent ; la Cour de cassation considère que cette augmentation du loyer ne s’oppose pas à la fixation du loyer renouvelé à la valeur locative si les conditions sont réunies (cass. civ., 3e ch., 14 mai 1997, n° 95-15444 ; cass. civ., 3e ch., 2 décembre 1998, n° 97-11041).

  • Travaux non autorisés. La réalisation de travaux sans autorisation peut justifier le déplafonnement du loyer (CA Paris 30 avril 1998, Gaz. Pal. 1999, 142). Mais le fait pour le bailleur de revendiquer le déplafonnement du loyer en se prévalant de travaux non autorisés implique une autorisation tacite de ceux-ci (CA Paris 9 avril 1996, Administrer juillet 1996, 13).

  • Preuve à apporter. La Cour de cassation a censuré les juges du fond pour avoir inversé la charge de la preuve en décidant, à propos d’une modification notable liée à la transformation d’une cave en bar, que le locataire ne prouvait pas que les travaux avaient été réalisés antérieurement au bail expiré (cass. civ., 3e ch., 1er mars 2000, n° 98-18787) ; dans la mesure où le bailleur demandait le déplafonnement en raison des travaux ayant entraîné cette modification, il lui appartenait de prouver que ces travaux avaient été réalisés au cours du bail expiré, les juges ne pouvant faire peser la charge de la preuve sur le locataire.

Des travaux ayant entraîné une modification notable des locaux loués ont été réalisés et financés par le preneur au cours du bail qui a pris effet le 1er janvier 2014 et expire le 31 décembre 2022.

Le bailleur peut demander que le loyer soit déplafonné en janvier 2023 pour modification notable des caractéristiques du local.

S’il ne le fait pas à cette occasion, il ne pourra, en janvier 2032, déplafonner le loyer renouvelé en prétendant que, lors du précédent renouvellement de janvier 2023, il n’avait pas renoncé à invoquer cette modification notable des locaux.

Les travaux d’amélioration des locaux

Travaux d'amélioration effectués par le bailleur

133

Les travaux d’amélioration réalisés par le bailleur peuvent entraîner un déplafonnement du loyer à l’occasion du renouvellement du bail au cours duquel ils ont été réalisés, dans la mesure où d'une part, ils excèdent ceux mis normalement à la charge du bailleur et d'autre part, ils entraînent une amélioration notable du local.

De même, lorsque le bailleur a assumé, directement ou indirectement, la charge des travaux d’amélioration réalisés par le preneur, il peut se prévaloir de ces travaux pour déplafonner le loyer lors du renouvellement qui suit les travaux.

La participation indirecte du bailleur au financement des travaux peut résulter d’une franchise de loyer ou d’un loyer d’origine minoré (c. com. art. R. 145-8), dans la mesure où la participation du bailleur est significative par rapport au coût des travaux.

Il appartient aux juges du fond de rechercher si les améliorations ont été prises en charge, directement ou indirectement, par le bailleur (cass. civ., 3e ch., 4 décembre 1991, n° 90-14288). À défaut d’établir que le bailleur a, directement ou indirectement, participé au financement des travaux d’amélioration, le loyer restera plafonné (cass. civ., 3e ch., 18 octobre 1989, n° 88-11988 ; cass. civ., 3e ch., 30 octobre 1990, n° 89-16762). En pratique, le jeu de l’accession permettra au bailleur de déplafonner le loyer lors du second renouvellement (voir §§ 134 et 136).

  • Ascenseur. Le déplafonnement a été autorisé en raison de l’embellissement des parties communes et la création d’un ascenseur rendant les locaux plus attirants pour la clientèle et pour un cessionnaire éventuel (cass. civ., 3e ch., 9 octobre 1996, n° 95-10228 ; voir déjà, dans le même sens, cass. civ. 20 décembre 1995, n° 93-12447). Le déplafonnement a également été autorisé lorsque l'installation de l'ascenseur a permis la réaffectation d'une partie des locaux du premier étage à la réception de la clientèle (cass. civ., 3e ch., 7 mars 2001, n° 99-15946). En revanche, le déplafonnement du loyer n’a pas été admis suite à l’installation d’un ascenseur, réduisant le passage dans les escaliers et ayant eu plutôt une incidence négative sur l’activité exercée par le preneur (cass. civ., 3e ch., 9 juillet 2008, n° 07-16605).

  • Ravalement. S’agissant du ravalement, les solutions sont divergentes.

    Certaines décisions ont retenu le ravalement réalisé par le bailleur comme un motif de déplafonnement du loyer aux motifs que le ravalement dépasse le cadre du simple entretien et qu’il n’a pas manqué d’attirer la clientèle (cass. civ., 3e ch., 22 février 1978, n° 76-14363). De même, le déplafonnement a été retenu au vu de travaux importants réalisés par le bailleur, pour un coût supérieur à quatorze annuités de loyer, et consistant en un ravalement des façades et des parties communes et l’installation d’un ascenseur (cass. civ., 3e ch., 20 décembre 1995, n° 93-12447).

    En revanche, d’autres décisions vont en sens contraire et refusent d’admettre que le ravalement est une modification notable justifiant un déplafonnement (cass. civ., 3e ch., 25 janvier 1983, Ann. Loyers 1984, 146 ; CA Paris 28 octobre 1987, D. 1987, 127 ; cass. civ., 3e ch., 8 janvier 1992, n° 89-20907).

  • Changement des huisseries et volets. Une demande de fixation du loyer du bail renouvelé selon la valeur locative fondée sur le changement complet des huisseries et des volets de l’immeuble, qui ne s’imposait pas, mais affecte seulement l’esthétique de l’immeuble, doit être prise en compte pour apprécier s’il y a eu modification des caractéristiques propres du local (cass. civ., 3e ch., 19 mars 1997, n° 95-14773).

  • Travaux dans la partie habitation. Pour refuser le déplafonnement, les juges retiennent que les travaux, exécutés par le bailleur, ont porté pour l’essentiel sur le logement d’habitation. Selon eux, l'amélioration notable doit avant tout concerner les surfaces affectées à l’exploitation du fonds de commerce. Cette décision est censurée. L’augmentation de la valeur locative de ces locaux d’habitation peut justifier le déplafonnement du loyer (cass. civ., 3e ch., 15 novembre 2005, n° 04-15509).

  • Loyer d’origine minoré. Le loyer d’origine minoré peut constituer une prise en charge des améliorations par le bailleur ; mais, dans ce cas, les juges doivent constater l’existence des ouvrages que le bailleur aurait ainsi pris en charge (cass. civ. 12 juin 1979, JCP éd. G 1979.IV.271).

  • Loyer suspendu pendant 10 ans. L’absence de loyer pendant 10 ans ayant permis à la locataire de récupérer totalement le coût d’une construction vaut prise en charge des constructions (cass. civ., 3e ch., 20 décembre 1989, n° 88-16268).

  • Prorogation du bail. La prorogation de 15 ans du bail, en cours lors des constructions nouvelles, a pour effet de priver le bailleur des loyers correspondant à la valeur locative de ces constructions dont l’accession s’est trouvée différée (cass. civ., 3e ch., 26 janvier 1982, n° 80-12434).

  • Réduction de loyer. Une minoration de loyer, représentant environ 1/3 du montant des travaux d’amélioration réalisés par le preneur, ne suffit pas à démontrer la prise en charge par le bailleur de ces travaux (CA Paris 26 janvier 1993, n° 91-14202).

    Une réduction de loyer, représentant 11,35 % du coût des travaux d’amélioration, a été reconnue suffisante pour justifier la prise en charge de ces travaux par le bailleur (CA Paris 7 juin 1994, n° 93-4635).

  • Franchise de loyer. Très souvent, le bailleur accorde au locataire entrant une franchise de loyer pendant quelques mois afin de lui permettre d’effectuer des travaux d’amélioration qu’il s’est engagé à exécuter ; une telle franchise n’est pas systématiquement analysée comme une prise en charge par le bailleur des travaux d’amélioration.

    Ainsi, une franchise de 2 mois de loyer, équivalant à 1 % du coût des travaux d’amélioration réalisés par le preneur, a été jugée insuffisante et le bailleur n’a pu se prévaloir de ces travaux pour la fixation du loyer à la valeur locative (CA Paris 16 mars 1995, Loyers 1995, n° 327). Il en est de même de la franchise consentie au preneur afin de compenser l’impossibilité de jouir immédiatement des locaux loués (CA Versailles 1er juin 1995, bull. inf. C. cass. 1995, n° 1242).

  • Travaux réalisés par les deux parties. Lorsque le bailleur a réalisé des travaux importants et que le locataire a agrandi le magasin, les juges doivent également rechercher si le propriétaire a assumé indirectement la charge des travaux faits et payés par le preneur, dès lors que la dérogation aux règles du plafonnement ne résultait pas de l’importance des seuls travaux faits par le bailleur (cass. civ., 3e ch., 6 décembre 1978, n° 77-14714).

Travaux d’amélioration financés par le locataire

Bail avec clause d'accession à l'expiration du bail

134

La clause d'accession a pour objet de déroger aux régles légales de l'accession. Elle permet ainsi d'écarter l'indemnisation du preneur en définissant les conditions dans lesquelles le bailleur accédera gratuitement à la propriété des aménagements réalisés par le locataire. Pour le locataire, l'avantage peut être de ne pas avoir à remettre en état les locaux loués à la fin des rapports contractuels.

Elle permet également de prévoir la date de l'accession. En pratique, de nombreux baux disposent que l'accession interviendra à l’expiration du bail au cours duquel ils sont réalisés. Le bail renouvelé étant un nouveau bail, en présence d'une telle clause, les améliorations sont acquises au bailleur lors du renouvellement du bail (cass. civ., 3e ch., 26 novembre 1985, n° 84-16760). En conséquence, lors du second renouvellement qui suit la réalisation des travaux, le bailleur pourra se prévaloir des améliorations pour déplafonner le loyer (cass. civ., 3e ch., 28 juin 1989, n° 88-11134 ; cass. civ., 3e ch., 10 juillet 1991, n° 90-11426).

La clause d’accession peut aussi prévoir une alternative au profit du bailleur, lui permettant d’exiger, au lieu de l’accession, la remise des lieux en leur état primitif. Dans ce cas, le bailleur s'expose à ce que sa demande de déplafonnement soit rejetée. En effet, dans des affaires présentant ce type de clause avec option, les juges du fond ont considéré que le renouvellement du bail était incompatible avec la remise des lieux dans leur état primitif et donc que la clause d'accession ne pouvait jouer qu'à la fin des relations contractuelles. Dès lors, pour la Cour de cassation, les juges ont valablement pu en déduire que le bailleur ne pouvait se prévaloir des travaux d'amélioration effectués par le locataire pour obtenir le déplafonnement du loyer du bail renouvelé (cass. civ. , 3e ch., 07 février 2007, n° 05-21428 ; cass. civ., 3e ch., 17 septembre 2020, n° 19-21713).

La clause qui prévoit la remise des lieux en leur état primitif, clause dite de « nivellement », pénalise le locataire et peut, lors de son départ, mettre à sa charge d’importantes dépenses de remise en l’état. Lors de la négociation de son bail, le locataire pourra demander qu’au moins les travaux autorisés par le bailleur, lors de l’entrée dans les lieux, ne puissent être concernés par cette remise en l’état.

Pour le bailleur, la clause de nivellement est souvent une garantie. En effet, bon nombre d’améliorations réalisées par le preneur n’auront aucun attrait pour un autre preneur lors du départ du locataire d’origine ; elles peuvent même être un handicap à la relocation. Néanmoins, certaines améliorations apportent une plus value certaine aux locaux.

Les clauses doivent donc être aménagées en fonction des travaux projetés.

  • Clause d’accession et déplafonnement du loyer. Des travaux d’amélioration d’un local, financés par le locataire, interviennent au cours du bail initial qui a expiré fin juin 2001. Le 1er juillet 2001, le bail est renouvelé et la clause d’accession des améliorations prévue au bail produit ses effets ; le bailleur est devenu propriétaire des améliorations à compter de cette date, mais il ne peut invoquer celles-ci pour déplafonner le premier loyer renouvelé.

    Le 1er juillet 2010, date du second renouvellement, ces améliorations ont pu être prises en considération pour déplafonner le loyer renouvelé et l’augmenter. Si le bailleur a laissé passer cette échéance, il ne pourra plus invoquer les améliorations à l’occasion du troisième renouvellement en juillet 2019.

    Dans l’hypothèse où ces travaux auraient été financés par le bailleur, en acceptant une franchise de loyer en rapport avec le coût des travaux, le bailleur aurait pu invoquer l’existence de travaux financés par lui lors du premier renouvellement, soit en juillet 2001.

  • Clause d’accession et clause de nivellement. Un bail contient tout à la fois une clause d’accession et la clause suivante : « Le bailleur conservera en outre la faculté d’exiger en fin de bail la remise des lieux, en tout ou partie, dans leur état d’origine, aux frais du preneur, même pour des travaux qu’il aurait expressément autorisés. » À la fin du bail, le bailleur demande la condamnation du locataire aux frais de remise en état des lieux (essentiellement, l’enlèvement et la destruction d’un transformateur). Les juges rejettent sa demande. Selon eux, le bailleur est devenu, par la clause d’accession, propriétaire du transformateur. Il ne peut donc mettre à la charge du locataire les frais d’enlèvement et de destruction du transformateur, sauf à lui restituer ce matériel, ce qu’il n’est plus en mesure de faire. Cette décision est censurée, la Cour de cassation rappelant que le bail autorisait le bailleur à exiger la remise des lieux dans leur état d’origine, aux frais du preneur (cass. civ., 3e ch., 7 décembre 2004, n° 03-17201).

  • Clause d'accession et cession de bail. En juin 2010, l'entreprise vend son matériel et ses agencements au futur repreneur des locaux. Début juillet 2010, ce repreneur signe un bail avec le propriétaire. Par la suite, l'ancien locataire assigne le repreneur en paiement du solde du prix des agencements. Le repreneur s'y refuse arguant du fait qu'il existait une clause d'accession prévue dans le bail conclu avec l'ancien locataire, en application de laquelle le bailleur est devenu propriétaire des aménagements à l'expiration du bail. Les juges condamnent néanmoins le repreneur à payer au motif que la cession des aménagements a eu lieu avant l'expiration du bail. La Cour de cassation censure cette décision : les juges auraient dû rechercher si l'ancien locataire n'avait pas volontairement trompé l'acquéreur en lui dissimulant la clause d'accession (cass. civ., 3e ch., 17 décembre 2015, n° 14-18473).

  • Deuxième renouvellement, mais pas troisième. Les effets de l’accession sont reportés, en application de l’article R. 145-8 du code de commerce, au second renouvellement consécutif à la période de réalisation des améliorations, mais les juges du fond ne peuvent plus prendre en considération ces effets postérieurement à ce deuxième renouvellement (cass. civ., 3e ch., 22 mars 1995, n° 93-14282).

  • Deux déplafonnements successifs. Si le premier renouvellement du bail est intervenu à un prix déplafonné, le bailleur peut exiger la fixation du loyer à la valeur locative lors du second renouvellement, du fait des travaux d’amélioration réalisés au cours du bail initial ayant entraîné un accroissement de surface (cass. civ., 3e ch., 4 mars 1998, n° 96-14943).

    Dans une autre affaire où des travaux réalisés par les preneurs avaient donné lieu lors du premier renouvellement suivant leur réalisation, à une augmentation amiable du loyer renouvelé, compte tenu des modifications apportées aux locaux, les juges du fond avaient refusé le déplafonnement du loyer. L’arrêt est censuré pour n’avoir pas appliqué les dispositions de l’article 23-3 du décret pour des travaux réalisés pendant le bail précédant le bail à renouveler (cass. civ., 3e ch., 31 octobre 2000, n° 99-12230). En conséquence, dans cette affaire, le locataire aura subi deux déplafonnements, mais dans la limite de la valeur locative.

  • Destruction des améliorations. Lorsque le bail prévoit que le bailleur n’accède à la propriété des améliorations qu’à la fin du contrat, le bailleur ne peut prétendre au paiement de la contre-valeur des aménagements réalisés par le locataire en cours de bail et qui ont été détruits avant même la fin du bail (cass. civ., 3e ch., 2 avril 2003, n° 01-17017).

  • Accession suite à une résiliation conventionnelle. Lorsque le bail stipule que le preneur doit laisser en fin de bail sans indemnité tous changements ou améliorations apportés aux lieux loués, sa résiliation amiable suivie d'un nouveau bail de 12 ans entraîne l'accession au bailleur des aménagements réalisés par les preneurs successifs et la valeur locative doit être appréciée en fonction de l'état des locaux à la date du nouveau bail (cass. civ., 3e ch., 19 mars 2008, n° 07-10679).

Bail avec clause d'accession à la sortie du locataire

135

La clause d'accession peut prévoir que les améliorations réalisées par le preneur deviendront la propriété du bailleur à la sortie des lieux du locataire. En pareil cas, les améliorations ne peuvent pas être prises en considération pour la fixation du prix du bail renouvelé (cass. civ., 3e ch., 22 juin 1988, n° 87-13532). De fait, dans une telle hypothèse, les améliorations sont acquises au bailleur seulement au départ du locataire.

Il en en va de même quand le bail reporte la date d'accession à la fin de la jouissance du locataire (cass. civ., 3e ch., 21 mars 2001, n° 99-16640).

Ce serait aussi le cas si le bail contenait une clause d’accession « à l’expiration des relations contractuelles entre les parties » ou « en fin d'occupation ».

Bail sans clause d'accession

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En l'absence de clause spécifique, les travaux d'amélioration réalisés par le locataire deviennent, par l'effet des règles légales de l'accession, la propriété du bailleur lors du premier renouvellement qui suit leur réalisation mais ne se valorisent qu'au second renouvellement à l'occasion duquel ils pourront alors entraîner un déplafonnement du loyer (cass. civ., 3e ch., 14 mars 2019, n° 18-13221).

Dans cette hypothèse où le contrat ne prévoit rien concernant l'accession, le locataire pourra être indemnisé des travaux d'amélioration qu'il a financés.

À défaut de pouvoir apporter la preuve de l'existence d'une convention conclue entre les parties permettant aux propriétaires de bénéficier sans indemnité des améliorations apportées à l'immeuble, le locataire est fondé à réclamer le montant de la plus-value procurée par les travaux qu'il a réalisés (cass. civ., 3e ch., 14 mars 1990, n° 88-10635).

Position des deux parties

Le locataire qui a réalisé des travaux au cours du bail à renouveler a intérêt à démontrer que ces travaux constituent des améliorations (et non une modification des lieux loués) ; dès lors, si cette qualification est retenue, le bailleur qui n’a pas participé à leur financement devra attendre le second renouvellement et leur accession pour déplafonner le loyer.

Le bailleur, en revanche, tentera de prouver que ces travaux ont entraîné une modification des caractéristiques du local ; ainsi, dès le premier renouvellement qui suit leur réalisation, il pourra déplafonner le loyer.

À l’occasion du second renouvellement, le bailleur défendra la thèse des travaux d’amélioration ; en effet, la qualification de « modification des caractéristiques du local » rendrait toute augmentation impossible lors de ce second renouvellement, si elle n’a pas été invoquée à l’occasion du premier.