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Parution: avril 2022

Signature et déroulement du bail

L’exécution des travaux

Travaux incombant au bailleur

Les obligations du bailleur

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Le bailleur est tenu d’entretenir le bien loué en état de servir à l’usage pour lequel il a été loué (c. civ. art. 1719, 2°). Les travaux lui incombant à titre sont présentés plus avant (voir §§ 95 à 99).

L’obligation d’entretien du bailleur peut être plus ou moins étendue en fonction des clauses du bail relatives à la répartition des travaux entre locataires (voir §§ 100 à 106).

Dans les immeubles soumis au statut de la copropriété, le bailleur doit, avant toute autorisation d’effectuer des travaux ou toute exécution lui incombant, vérifier s’il n’y a pas lieu de demander au préalable l’autorisation des copropriétaires (voir §§ 122 à 127).

  • Caractère continu de l'obligation d'entretien du bailleur. Un phénomène de corrosion, à l'origine des dégradations d'un local, était bien antérieur à la prise de possession des lieux par le locataire. Par conséquent, le bailleur le connaissait et le locataire n'avait pas à l'aviser de l'état d'usure de l'immeuble. Le bailleur doit en effet veiller de façon constante, et sans même avoir à être informé par son locataire de la nécessité de travaux à effectuer, à l'entretien de son immeuble. (cass. civ., 3e ch., 9 juillet 2020, n° 19-12836).

    En revanche, et sans préjudice de l'obligation continue d'entretien, les vices apparus en cours de bail et que le preneur est seul en mesure de constater, ne peuvent engager la responsabilité du bailleur que si ce dernier en a été informé et s'il n'a pris aucune disposition pour y remédier (cass. civ., 3e ch., 13 octobre 2021, n°20-19278).

  • Articulation de l'obligation d'entretien avec l'obligation de délivrance. Un bailleur fait pendant 2 ans des travaux afin d'éradiquer la mérule des locaux loués. De son côté, le locataire cesse de payer son loyer et son assurance. Le bailleur obtient la résiliation du bail, les juges retenant que le locataire ne peut pas décider de suspendre l'exécution de ses obligations. Censure de la Cour de cassation : les juges doivent rechercher, comme il le leur est demandé par le locataire, si les travaux ont, pendant leur exécution, rendu les locaux impropres à l'usage auquel ils sont destinés. Si tel était le cas, le locataire pourrait soulever l'exception d'inexécution (cass. civ., 3e ch., 27 février 2020, n° 18-20865).

Le bailleur n’effectue pas les travaux

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Lorsque le bailleur n’effectue pas les travaux qui lui incombent, le locataire peut demander la résiliation du bail sur le fondement de l'article 1217 du code civil (article 1184 du code civil jusqu'au 1er octobre 2016). À l'occasion d'un litige portant sur un bail commercial, la Cour de cassation a rappelé que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques (cass. civ., 3e ch., 08 avril 2021, n° 19-25815).

  • Anéantissement rétroactif du bail. Lorsque le bailleur n’a pas fait réaliser les travaux promis pour permettre l’accès par un ascenseur et un escalier latéral aux locaux loués, il manque à son obligation de délivrance ; la résolution judiciaire du bail pour absence d’exécution ou exécution imparfaite dès l’origine entraîne, dans ce cas, l’anéantissement rétroactif du contrat. En conséquence, le preneur n’est tenu depuis l’origine qu’à une indemnité mensuelle d’occupation dont les juges fixent souverainement le montant (cass. civ., 3e ch., 30 avril 2003, n° 01-14890).

  • Dommages et intérêts. Dans de nombreux cas, le bailleur défaillant est seulement condamné envers le preneur à des dommages et intérêts réparant le préjudice subi en raison du trouble de jouissance (cass. soc. 6 juillet 1960, BC IV n° 743) ou à la restitution d’une partie du loyer (en l’espèce, 20 % exclusifs de tous dommages et intérêts ; cass. civ., 1re ch., 9 février 1965, BC I n° 108). Les juges apprécient la part de responsabilité incombant à chacune des parties et le préjudice subi par le locataire ; ils peuvent déduire de leurs constatations que les loyers ne sont pas dus pour une période (cass. civ., 3e ch., 5 février 1997, n° 95-15290).

    S’agissant de la réduction du montant du loyer, certaines décisions considèrent que cette sanction n’est pas du pouvoir du juge, qui ne peut qu’octroyer des dommages et intérêts (CA Paris 3 avril 1996, Loyers 1996, n° 388).

  • Mise en demeure. À défaut de mise en demeure du bailleur d’effectuer les travaux, les travaux lui incombant (mise en conformité) ne seront pas remboursés au locataire qui a pris l’initiative de les exécuter (cass. civ., 3e ch., 12 mars 2002, n° 00-15370). En cas de refus du bailleur, le locataire se fera autoriser en justice à se substituer au bailleur pour la réalisation de ces travaux ; à défaut, il ne sera pas remboursé (CA Paris, 6e ch. sect. B, 16 septembre 2004, n° 03-04337). En effet, en l’absence de mise en demeure adressée au bailleur d’avoir à effectuer les travaux et de décision de justice autorisant le preneur à les faire effectuer, le bailleur n’est pas tenu d’en supporter la charge (cass. civ., 3e ch., 11 janvier 2006, n° 04-20142).

  • Travaux imposés par la loi. Même si les travaux d'accessibilité du local aux personnes handicapées sont imposés par la loi, le locataire doit, sauf urgence, obtenir l'autorisation préalable du bailleur ou, à défaut, une autorisation judiciaire pour les réaliser. Ainsi, un hôtel, qui a reçu un simple accord de principe du bailleur, ne peut pas lui réclamer le remboursement de ces travaux lorsque l'accord définitif était encore soumis à la communication de documents complémentaires qui n'ont jamais été adressés (cass. civ., 3e ch., 30 juin 2021, n° 20-17399).

  • En cas d'urgence. Un locataire réalise des travaux pour remédier aux défauts structurels de l'immeuble donné à bail. Il en demande ensuite le remboursement au bailleur. Ce dernier refuse et les tribunaux lui donnent raison : le bailleur doit rembourser les travaux de gros œuvre si le locataire l'a préalablement mis en demeure de les réaliser. Le locataire ne peut s'épargner cette formalité qu'en cas d'urgence. Or, l'urgence n'est pas avérée puisque le locataire connaissait depuis 1 an déjà l'état d'instabilité de l'immeuble (cass. civ., 3e ch., 23 mai 2013, n° 11-29011).

    En revanche, une panne de chaudière en plein hiver constitue une urgence qui justifie l'exécution de travaux de réparation par le locataire sans qu'il n'ait à en informer le bailleur (CA Bordeaux, 28 octobre 1999, n° 96-5353).

  • Travaux de mise en état interrompus. Lorsque des travaux de mise en état définitif des locaux loués n’ont pas été achevés, le fait que le preneur se satisfasse dans un premier temps de cette situation ne dispense pas le bailleur d’achever ces travaux nécessaires pour livrer des locaux en état de servir pour l’usage pour lequel ils avaient été loués (cass. civ., 3e ch., 4 mai 1994, n° 91-18875).

  • Retard du bailleur. L’auteur d’un incendie criminel est condamné pénalement. Le propriétaire de l’immeuble (où le délit a été commis) ne réalise pas les travaux rendus nécessaires par l’incendie. Ainsi, il s’écoule 1 mois entre l’incendie (à l’origine de la détérioration des canalisations d’eaux usées) et l’inondation subie par le locataire. Le propriétaire est tenu responsable pour avoir laissé passer un tel délai sans réaliser les travaux rendus nécessaires par l’incendie (cass. civ., 3e ch., 25 février 2004, n° 02-10085).

  • Tempête du 26 décembre 1999. La tempête avait détruit une toiture. Les travaux de réfection n’ayant été faits qu’en septembre 2000, des inondations avaient entre-temps endommagé l’installation électrique et le chauffage. Le rétablissement de l’installation électrique et la réparation du chauffage radiant ont été mis à la charge du bailleur, les juges estimant que le bailleur n’avait pas fait les diligences indispensables pour la réparation de la toiture dans un délai admissible (cass. civ., 3e ch., 22 février 2006, n° 05-12032). Dans une autre affaire, l’expert de la compagnie d’assurances du bailleur s’était déplacé sur les lieux en février 2000. Les travaux devaient commencer en novembre 2000. Cependant, le locataire avait, entre-temps, cessé toute exploitation (il n’avait pris aucune mesure pour protéger ses matériels) et ne payait plus ses loyers. Les juges ont retenu que le propriétaire n’était pas responsable de la non-exécution des travaux ; le propriétaire a obtenu la résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 13 juin 2007, n° 06-12283).

  • Vente de l’immeuble. Un bailleur devait effectuer certains travaux. Il ne les effectue pas et vend le local. Le locataire obtient sa condamnation à lui verser des dommages et intérêts pour l’indemniser du trouble de jouissance subi du fait de la non-exécution des travaux qui lui incombaient alors (cass. civ., 3e ch., 14 novembre 2007, n° 06-18430).

    Précisons que la condamnation de l'ancien bailleur à réaliser des travaux qui lui incombaient alors qu'il était encore propriétaire, n'exonère pas l'acheteur de ses propres obligations. En l'espèce, l'ancien propriétaire avait été condamné à exécuter des travaux par un jugement annexé aux conditions de vente de l'immeuble. Le locataire fait appel de ce jugement et demande la condamnation in solidum du nouveau propriétaire. Les juges du fond accueillent sa demande, mettant ainsi également à la charge du nouveau bailleur le financement des travaux. Saisie par ce dernier, la Cour de Cassation confirme la décision au motif que depuis son acquisition le nouveau bailleur est tenu envers le locataire d'une obligation de réaliser les travaux nécessaires à la délivrance conforme du bien loué et qu'il ne s'en est pas acquittée (cass. civ., 3e ch., 21 février 2019, n° 17-31101).

  • Apport partiel d’actif. À la suite d’un apport partiel d’actif, une société devient titulaire d’un bail commercial. Le propriétaire refuse de réaliser des travaux exigés par l’administration pour permettre à la société d’exercer l’activité prévue au bail. La société engage une procédure et obtient gain de cause devant la Cour de cassation : il appartient au bailleur de délivrer à la société, substituée à la suite de l’apport partiel d’actif dans tous les droits et obligations du bail, des locaux conformes à la destination prévue par ce bail (cass. civ., 3e ch., 3 mai 2007, n° 06-11092).

  • Changement de chaudière contesté par le locataire. Suite à un incendie, le bailleur remplace le système de chauffage et de production d'eau chaude au gaz par un système électrique. Cependant, la nouvelle installation électrique ne répond pas aux besoins de chauffage et d'eau chaude du locataire (un boucher) et revient plus cher. De plus, l'installation au gaz fait partie des éléments qui ont décidé le boucher à choisir ce local. Ainsi, le bailleur est condamné à procéder à l'installation d'un équipement au gaz du même type que le précédent. Il doit également indemniser le locataire du surcoût de sa consommation électrique (cass. civ., 3e ch., 19 novembre 2014, n° 12-27061).

Les accidents liés au défaut de travaux

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En cas d’accident subi par le preneur du fait de l’absence des réparations incombant au bailleur, celui-ci est responsable et doit réparer le dommage.

Cette responsabilité résulte du bail, elle est indépendante de la responsabilité légale en matière de dommages.

  • Exemples concrets de responsabilité du bailleur. La jurisprudence a retenu la responsabilité du bailleur dans les cas suivants :

    -accident d’ascenseur, mais le bailleur peut s’exonérer s’il prouve la faute imprévisible de la victime (cass. civ. 23 juin 1955, D. 1955, 653). La responsabilité du bailleur peut également être recherchée sur le fondement de la garde de la chose et du droit commun de la responsabilité prévue à l’article 1384 du code civil (cass. civ., 2e ch., 29 mai 1996, n° 94-18129) ;

    -chute du locataire dans un escalier (cass. civ. 9 avril 1952, BC III n° 315).

    -éclairage défectueux d’un escalier (cass. civ., 3e ch., 4 juin 1970, n° 68-13058), dès lors que le preneur n’était pas tenu d’en assurer lui-même l’éclairage ;

    -rupture d’un garde-corps (cass. civ., 3e ch., 26 février 1971, n° 69-14401) : l’accident du locataire était dû principalement à un vice de construction ;

    -effondrement d’une terrasse (cass. civ., 3e ch., 17 juin 1970, n° 68-12251) ;

    -toiture défectueuse : dégâts importants dus à un défaut d’entretien d’une toiture pendant 5 ans, cette négligence constituant une faute lourde (cass. civ. 18 juin 1985, Loyers 1986, n° 8).

  • Exonération de responsabilité. Le bailleur est exonéré de responsabilité :

    -en cas de force majeure (cass. civ., 3e ch., 26 octobre 1977, n° 76-10994) ;

    -en présence d’une imprudence du locataire (cass. civ., 3e ch., 21 novembre 1990, n° 89-15922).

  • Faute du locataire : partage de responsabilités. La responsabilité du bailleur peut être rejetée ou atténuée en présence d’une faute du locataire. Il en est de même si le locataire ne peut apporter la preuve d’une relation de causalité entre l’état de l’escalier, cause de la chute, et le dommage subi (cass. civ. 3 décembre 1980, Gaz. Pal. 1981, 1, pan. 115).

    Un locataire peut être condamné à supporter une partie des conséquences de la responsabilité lorsque, victime d’une chute dans l’escalier, il connaissait les difficultés d’usage de cette partie de l’immeuble et n’en a pas fait une appréciation suffisante (cass. civ. 22 novembre 1963, D. 1964 J 702 ; cass. civ. 8 juillet 1964, BC I n° 378 ; cass. civ. 12 février 1986, JCP éd. G 1986.IV.107).

    Dans ces différents cas, le syndicat des copropriétaires est mis en cause dès lors que les éléments sont des parties communes.

La perte de jouissance

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L’article 1724 du code civil prévoit que le preneur doit souffrir les réparations urgentes en cours de bail, quelque incommodité qu’elles lui causent ; mais si ces réparations durent plus de 21 jours, le prix du bail sera diminué à proportion du temps et de la partie du bien loué dont il aura été privé.

Très souvent, une clause de bail stipule que le locataire s’oblige à souffrir et à laisser faire les réparations, améliorations, transformations, surélévations et constructions nouvelles que le bailleur jugera convenables de faire exécuter, sans indemnité ni diminution de loyer.

Cette convention est valable, mais elle s’interprète restrictivement. Elle doit s’exécuter de bonne foi et le bailleur doit faire en sorte de ne pas provoquer une gêne anormale pour ses locataires ; de même, les effets de cette clause seraient certainement limités si le locataire se trouvait dans l’impossibilité d’exercer son activité pendant une longue période.

  • Délais anormaux. En présence de troubles anormaux ou de travaux dont la durée dépasse les usages, le locataire peut enjoindre en référé au bailleur de terminer les travaux dans un délai déterminé (CA Paris 14 novembre 1990, Loyers 1991, n° 105).

  • Respect des délais. Lorsque le bailleur s’est engagé à terminer les travaux dans un certain délai, il est tenu de le respecter (CA Paris 5 juillet 1991, Loyers 1991, n° 462).

  • Responsabilité du bailleur pour les dégâts occasionnés. La clause du bail par laquelle le preneur s’engage à souffrir l’exécution de tous travaux ne peut exonérer le bailleur de sa responsabilité personnelle ni de celle des entrepreneurs pour les fautes commises dans l’exécution de ces travaux (cass. civ., 3e ch., 27 novembre 1974, n° 73-13443).

  • Chantier à risques. Au vu d’un chantier ayant accusé un certain nombre de lacunes affectant la sécurité, la responsabilité du bailleur a pu être retenue au regard de la nature et de l’emplacement des travaux, et des troubles anormaux apportés par ce chantier à la jouissance paisible des lieux ; la gêne excessive et durable causée au locataire ne correspondait pas à l’exonération contractuelle de responsabilité du bailleur (cass. civ., 3e ch., 24 novembre 1999, n° 98-11300).

  • Changement de forme des lieux loués. En présence de travaux effectués pour les nécessités d’une extension d’un centre commercial, les juges du fond doivent rechercher si ces travaux n’avaient pas entraîné de modification substantielle de la chose louée avant de déclarer que ces travaux entrent dans les prévisions de la clause du bail, précisant que le preneur doit souffrir sans indemnité toutes réparations, tous travaux, toutes modifications, surélévation ou même construction nouvelle exécutés dans le centre commercial (cass. civ., 3e ch., 18 juillet 2001, n° 00-10082).

  • Limite d’une clause du bail. La clause selon laquelle le preneur devrait souffrir sans aucune indemnité, quelles qu’en soient l’importance et la durée, tous les travaux qui pourraient devenir utiles ou nécessaires dans les lieux loués ou dans l’immeuble dont ils dépendent ne peut affranchir le bailleur de son obligation de délivrer les lieux loués (cass. civ., 3e ch., 1er juin 2005, n° 04-12200).

Travaux réalisés par les services publics

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Les locataires sont parfois confrontés à des travaux publics d’aménagement de voiries ou de création d’ouvrages publics, sources de troubles importants.

La responsabilité de l’administration pour le préjudice commercial n’est, en principe, pas admise. En revanche donne lieu à indemnisation l’atteinte anormale, ou la privation, d’un droit d’accès à la voirie publique, du fait des travaux.

Les commerçants dont la situation est irrémédiablement compromise à la suite de travaux engagés par une collectivité publique peuvent bénéficier du régime d’aide pour leur reconversion lorsqu’ils ne bénéficient pas d’une indemnisation directe (c. urb. art. L. 318-8).

Travaux réalisés par le preneur

Clause imposant une autorisation du bailleur

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En présence d’une clause imposant l'autorisation du bailleur, le preneur doit la respecter et, éventuellement, faire intervenir l’architecte du bailleur si le bail le prévoit. À défaut, le preneur s’expose au paiement des frais de remise en état, voire à la résiliation de son bail.

Toutefois, la jurisprudence admet que, dans certaines situations, le preneur puisse se dispenser de l'autorisation du bailleur ; par ailleurs, les tribunaux peuvent sanctionner le refus abusif du bailleur.

Face à un refus systématique du bailleur d'autoriser des travaux nécessaires, le preneur aura tout intérêt à assigner ce dernier et à demander au juge de trancher le litige.

  • Autorisation de travaux sur la façade mais pas sur le gros œuvre. Un bail contenait une clause selon laquelle le preneur était autorisé à procéder à des travaux de réfection d’une façade, à l’aménagement d’une pièce et à la mise en conformité imposée par les services d’hygiène. Une autre clause du bail stipulait que le preneur ne pourrait faire dans les lieux loués aucuns travaux de quelque nature qu’ils soient, constructions nouvelles, changements de distribution, percement de murs, cloisons ou planchers sans le consentement exprès et par écrit du bailleur. Au vu de ces clauses, les juges du fond ont décidé que le preneur avait été autorisé à effectuer tous travaux utiles et nécessaires à la façade, mais qu’il avait enfreint la clause du bail en perçant la terrasse pour assurer le passage d’une cheminée et en ouvrant une porte dans le mur maître, et le bail a été résilié (cass. civ., 3e ch., 16 novembre 1993, n° 92-11516).

  • Refus du bailleur. En présence d’une clause du bail selon laquelle le preneur doit entretenir les lieux loués en bon état de réparations et qu’il ne peut faire aucun percement de gros mur ni démolition sans le consentement écrit du bailleur, celui-ci peut discrétionnairement refuser de répondre à la demande du locataire tendant à être autorisé à effectuer des travaux de gros œuvre, le locataire ayant pris les lieux en toute connaissance de cause (cass. civ., 3e ch., 20 juillet 1993, n° 92-11247).

  • Travaux utiles à l’exploitation. Le locataire ne peut passer outre aux interdictions expresses de son bail ou du bailleur, même s’il s’agit de travaux utiles ou nécessaires à son exploitation (cass. civ., 3e ch., 24 janvier 1969, BC III n° 76 ; cass. civ., 3e ch., 16 mars 1983, Loyers 1983, n° 253).

  • Simple attestation de la locataire. Dans le cadre d’une action en résiliation du bail, pour défaut d’autorisation du bailleur préalablement à l’exécution des travaux, les juges du fond avaient rejeté la demande en résiliation au vu d’une attestation produite par la locataire certifiant que la modification avait été opérée en plein accord avec le bailleur. L’arrêt est censuré pour n’avoir pas recherché si une autorisation écrite avait été donnée, conformément au bail, pour modifier les lieux (cass. civ., 3e ch., 12 mars 2002, n° 01-00451).

  • Acquisition de la clause résolutoire. L’exploitant d’un hôtel-restaurant veut ajouter une activité de jeux. La commission communale de sécurité lui impose de réaliser un certain nombre d’aménagements dont, notamment, le percement d’un mur. L’exploitant effectue ce percement sans demander auparavant l’accord du propriétaire. Celui-ci fait délivrer à l’exploitant un commandement visant la clause résolutoire et rappelant l’obligation, pour le locataire, de ne faire aucun percement de mur sans le consentement exprès et écrit du bailleur. L’affaire est portée en justice et le locataire tente de faire valoir que le percement du mur était un cas de force majeure puisqu’il était imposé par la commission. Cet argument est repoussé par les juges, car le percement n’était rendu nécessaire qu’en raison de la nouvelle activité souhaitée par le locataire. En conséquence, les juges constatent l’acquisition de la clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 13 juin 2007, n° 06-13661).

    Réciproquement, pour jouer, la clause résolutoire doit être mise en oeuvre de bonne foi par le bailleur et non dans le but de se soustraire au travaux lui incombant et réclamés préalablement par le locataire (cass. civ., 3e ch., 1er février 2018, n° 16-28684).

  • Accord tacite du bailleur. Lorsque les travaux de remise en état ont été exécutés avec l’accord, au moins tacite, du propriétaire ou de son mandataire, il ne peut être fait grief au preneur de ne pas avoir sollicité, de l’autorité judiciaire, une autorisation qui lui avait été tacitement donnée (cass. civ. 27 juin 1984, Gaz. Pal. 1985 pan. 21).

  • Aménagements apportant une plus-value. L’absence d’autorisation du bailleur a été admise : lorsque les modifications de l’état des lieux sont minimes, ne causent aucun préjudice au bailleur et n’affectent pas le gros œuvre ni la distribution des pièces (cass. civ. 18 février 1963, BC I n° 106) et plus encore dans la mesure où ces mêmes travaux apportent une plus-value (cass. civ., 3e ch., 12 avril 1972, n° 70-14356), pour un aménagement apportant une plus-value pour une location dans le même commerce autorisé par le règlement de copropriété, et dès lors que les inconvénients soulevés par le bailleur sont peu sérieux et inexistants (cass. civ., 3e ch., 27 juin 1990, n° 89-10115).

  • Mise en conformité avec la réglementation du travail. L’autorisation du bailleur n’a pas été exigée en présence de travaux nécessaires pour mettre en conformité les locaux avec la réglementation du travail en matière d’hygiène (en l’espèce, il s’agissait des installations sanitaires ; CA Versailles 20 octobre 1994, Loyers 1995, n° 66) ; la Cour de cassation a exigé, pour de tels travaux affectant les parties communes d’un immeuble, l’autorisation préalable du bailleur.

    Rappelons que ces travaux, comme ceux de sécurité, incombent normalement au bailleur (voir § 111).

  • Refus abusif du bailleur. Lorsque le bailleur n’a aucun motif de s’opposer aux travaux que le locataire désire effectuer avec son accord (cass. civ. 7 décembre 1977, Gaz. Pal. 1978, 1, pan. 83).

    Le refus abusif du bailleur d’autoriser des travaux, pour adapter les lieux à leur destination, peut justifier la condamnation de celui-ci à payer des dommages et intérêts au preneur pour réparer le préjudice subi (cass. civ., 3e ch., 21 juillet 1993, n° 91-14536). Mais il convient de noter que l’entêtement, voire l’égoïsme du bailleur constitutif selon la cour d’appel d’un abus de droit, ne peut permettre d’accueillir la demande d’indemnité formée par un locataire, car il appartenait aux juges de rechercher si le refus du bailleur avait été opposé de mauvaise foi et avec une légèreté blâmable (cass. civ., 3e ch., 12 octobre 1971, n° 69-14022).

    Par ailleurs, le bailleur ne peut pas subordonner son. autorisation à une augmentation de loyer s'il entend, de cette manière, éluder les dispositions d'ordre public relatives au renouvellement du bail et à la fixation du loyer renouvelé (cass. civ., 3e ch., 25 février 2016, n° 14-25087)

  • Appropriation des améliorations par le bailleur. Lorsque le bail prévoit qu’à son expiration tous aménagements, améliorations, décors et embellissements resteront au bailleur sans indemnité, sauf demande de remise en état, et que le bailleur a implicitement mais nécessairement opté pour l’appropriation des améliorations en relouant les locaux à des tiers dans l’état où ils se trouvaient, il ne peut réclamer le coût de la remise en état des lieux (cass. civ., 3e ch., 16 novembre 1988, n° 87-14426 ; cass. civ., 3e ch., 19 décembre 2000, n° 99-13108). L’autorisation du bailleur d’effectuer les travaux ne l’empêche pas :

    -de demander, sauf clause spéciale, la remise en l’état primitif en fin de bail (cass. civ., 3e ch., 9 janvier 1979, n° 77-12470), même si le coût des travaux de remise en état est important (cass. civ., 3e ch., 29 avril 2002, n° 01-00826) ;

    -d’exiger l’indemnisation prévue à l’article 555 du code civil, à défaut de clause d’accession dans le bail (cass. civ., 3e ch., 10 novembre 1999, n° 97-21942).

  • Remise en état des locaux loués. Le propriétaire d'un immeuble loue les murs à un couple d'exploitants. En 2002, il décide de leur céder le fonds mais mandate, avant, un huissier pour effectuer un état des lieux. En 2009, constatant la réalisation de travaux dans les lieux loués, entre 2002 et 2009, sans son autorisation, le bailleur somme le preneur de remettre les lieux en l'état décrit au constat d'huissier sous peine de mettre fin au bail. Le preneur conteste la sommation et les juges le suivent dans sa démarche. En effet, seules les dispositions du bail sont opposables au preneur quant à la description des lieux et non pas le constat d'huissier de 2002. Peu importe que le preneur ait réalisé des travaux de redistribution des locaux sans accord du propriétaire si le bail initial ne mentionne pas la distribution de ces locaux (cass. civ., 3e ch., 9 avril 2013, n° 12-17123).

En l'absence de clause

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En l’absence de toute clause du bail, le preneur peut apporter aux lieux toutes les modifications en rapport avec les besoins de son exploitation (cass. civ. 14 mai 1970, Ann. Loyers 1970, p. 1782) ou commandées par l’évolution de la technique (cass. civ. 5 janvier 1972, Ann. Loyers 1972, p. 1620 ; cass. civ. 16 janvier 1973, Gaz. Pal. 1973, somm. 67).

Toutefois, ces travaux ne doivent ni porter atteinte au gros œuvre, ni compromettre la solidité de l’immeuble (cass. civ. 3 avril 1901, DP 1901.1.440), ni enfreindre une disposition de la copropriété, ni causer un préjudice au bailleur. En l’absence d’autorisation du bailleur, le preneur ne pourra réclamer le remboursement de tout ou partie des travaux effectués.

Permis de construire ou déclaration préalable

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Outre l’autorisation éventuelle du bailleur, le locataire doit respecter les règles d’urbanisme applicables en ce domaine.

Les travaux pourront nécessiter la délivrance d’un permis de construire ou d’une déclaration préalable et le bailleur devra autoriser le locataire à demander ce permis.

Le permis de construire est exigé pour les travaux exécutés sur les constructions existantes lorsqu’ils ont pour effet, notamment, d’en changer la destination ou de créer des niveaux supplémentaires (c. urb. art. L. 421-1).

  • Exécution de travaux. Par travaux, il faut entendre tout remaniement physique important des locaux, sur tout ou partie de la construction, et rendant possible la nouvelle destination. Ainsi l’installation de cloisons nouvelles, la suppression ou le déplacement de cloisons existantes, la réalisation de locaux sanitaires, la réfection partielle ou totale des parties communes, des accès (cages d’escalier, ascenseurs…) constituent-ils des travaux susceptibles de permettre un changement de destination.

  • Immeubles en copropriété. Pour les immeubles soumis au statut de la copropriété, l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires, prévue par l’article 25-b de la loi du 10 juillet 1965, est le plus souvent requise avant de solliciter le permis de construire.

Responsabilité du locataire en matière de travaux

120

Le locataire répond, pendant la durée du bail, des pertes et dégradations subies par la chose louée (c. civ. art. 1732).

Dans la mesure où le preneur est tenu, en vertu des clauses du bail, d’effectuer les réparations en présence de dommages dus à l’inexécution des travaux, il est responsable des conséquences. En outre, en n’effectuant pas ces travaux, il commet une faute lourde pouvant entraîner la résiliation de son bail. Le bailleur le mettra en demeure, par acte d’huissier, d’exécuter les travaux prévus au bail.

L’assurance du locataire doit couvrir cette responsabilité pour dégradations ou pertes. La responsabilité du locataire est, par ailleurs, aggravée en cas d’incendie dû à un défaut d’entretien (voir §§ 171 à 174).

  • Absence de faute du locataire. Le locataire, pour se décharger de son obligation de réparer et de remplacer, peut prouver que les dégâts ont eu lieu sans sa faute (c. civ. art. 1732 ; cass. civ., 2e ch., 17 décembre 1997, n° 96-13531).

  • Syndicat des copropriétaires. Les dispositions de l’article 1732 ne s’appliquent que dans les rapports entre bailleur et preneur ; elles ne peuvent pas être invoquées par le syndicat des copropriétaires contre un locataire (cass. civ., 3e ch., 5 juin 1991, n° 90-11391).

  • Dégâts occasionnés par les travaux. Le locataire qui décide d’effectuer les travaux d’aménagement autorisés par le propriétaire doit répondre des fautes qu’il a commises dans leur exécution (cass. civ., 1re ch., 20 octobre 1965, BC I n° 558). De même, il répond des dégradations causées à l’immeuble par les travaux qu’il a fait exécuter par des entrepreneurs (cass. civ. 13 février 1979, JCP éd. G 1979.IV.133).

  • Chute d’un volet. Le locataire d’un bien, dont la garde lui a été transférée, est responsable du dommage causé par ce bien (c. civ. art. 1384 et c. civ. art. 1242 à partir du 1er octobre 2016) ; en conséquence, le locataire est responsable de plein droit du dommage causé par la chute d’un volet sur un tiers (cass. civ., 2e ch., 12 décembre 2002, n° 01-10974).

  • Dégâts des eaux/renonciation à recours. Un bail contient une clause de renonciation du preneur d’engager la responsabilité du bailleur pour les dégâts provenant, notamment, des fuites ou infiltrations ; un sinistre survient ; le locataire et son assureur agissent contre le propriétaire, faisant valoir que cette clause a laissé intact le droit du preneur d’engager la responsabilité délictuelle du bailleur également propriétaire de la dalle du parking formant toiture/terrasse des lieux loués, d’où provenaient les infiltrations, le sinistre ne trouvant pas sa cause dans le local donné à bail. L’action est rejetée du fait de l’existence du bail (cass. civ., 3e ch., 5 juin 2002, n° 00-21519).

  • Défaut de réparation d’une fuite d’eau. Le locataire répond de l’accroissement de la consommation d’eau due à la réparation tardive d’une fuite d’eau des WC (CA Montpellier 11 juin 2002, Loyers 2003, 60).

  • Charge de la preuve. Il appartient au locataire de prouver que les dégâts ont eu lieu sans sa faute (cass. civ., 3e ch., 16 décembre 1997, n° 96-11572) et non au bailleur de démontrer que la faute du locataire est la cause de son préjudice (cass. civ., 3e ch., 28 janvier 2004, nos 02-11814 et 02-14429).

  • Bailleur informé avec retard. Le locataire attend 8 ans avant d’avertir le bailleur de l’affaissement des planchers. Il a ainsi commis une faute ayant contribué à la réalisation des désordres. Il est condamné à prendre en charge, à hauteur de 50 %, le coût de réfection des planchers (cass. civ., 3e ch., 9 février 2005, n° 03-19609).

  • Souscription d'assurances. L'exécution des travaux par le preneur ou ses préposés engage sa responsabilité. Le preneur devra donc prendre toutes les garanties auprès des entreprises chargées d'exécuter les travaux sous le contrôle d'un architecte. Le locataire qui a fait entrer chez lui un plombier pour effectuer une réparation est tenu des dégradations et pertes survenues par le fait de cet entrepreneur (cass. civ., 3e ch., 19 janvier 2000, n° 98-12697).

Travaux exécutés irrégulièrement

121

Le non-respect des clauses du bail ou, à défaut de clause, le percement d’un gros mur sans autorisation du bailleur sont des motifs légitimes de non-renouvellement du bail (voir § 747, rubrique « Travaux importants non autorisés »).

Ils peuvent aussi être une source de déplafonnement du loyer renouvelé.

La résiliation du bail peut également être mise en œuvre par le jeu de la clause résolutoire, le locataire ayant enfreint une des obligations expresses du bail (cass. civ. 22 avril 1980, Gaz. Pal. 1980 pan. 424).

  • Faute insuffisante. La résiliation est parfois refusée au motif que les travaux ne constituent pas, de la part du preneur, une faute suffisante pour la justifier (cass. civ., 3e ch., 7 juillet 1993, n° 91-14548 ; cass. civ., 3e ch., 3 novembre 1993, n° 92-10152 ; cass. civ., 3e ch., 22 février 1994, n° 92-17437).

  • Manquement non visé par la clause résolutoire. La clause résolutoire ne peut être mise en œuvre que pour un manquement à une stipulation expresse du bail (cass. civ., 3e ch., 18 mai 1988, n° 87-11669). En l’espèce, le bail autorisait les preneurs à améliorer ou modifier les lieux ; au vu de cette clause, les preneurs ont fait (en dépit du refus du bailleur) des travaux supprimant une partie du gros œuvre, la clause résolutoire n’a pu jouer, le bail n’interdisant pas de toucher au gros œuvre.

  • Renouvellement du bail. Si le bailleur renouvelle le bail sans présenter de réclamation sur des travaux et en intégrant ces transformations dans le nouveau bail, il ne peut plus, à l'issue du bail renouvelé, demander la remise des locaux dans leur état d'origine (cass. civ., 3e ch., 1er juillet 2003, n° 02-12063).

Les travaux et la copropriété

Respect du règlement de copropriété et de la loi

122

Pour les locaux dépendant d’une copropriété, il convient de respecter les dispositions légales et celles du règlement relatives aux travaux, à l’harmonie de l’immeuble et à sa destination.

Le bailleur en tant que copropriétaire ne peut que donner à son locataire un accord dans les limites de ses pouvoirs. Nous rappelons ici quelques points essentiels en ce domaine qui concernent aussi les professionnels copropriétaires.

  • Règlement inopposable au locataire. La Cour de cassation a précisé, à propos d’un litige relatif à l’exécution de travaux, que le règlement de copropriété est inopposable au locataire qui n’a pas été informé par son bailleur de l’existence d’une copropriété (cass. civ., 3e ch., 3 mars 2004, n° 02-14396).

  • Renouvellement du bail. L’action en résiliation ou en refus de renouvellement du bail pour défaut d’autorisation de travaux est souvent rejetée lorsque le bailleur, qui connaissait les travaux effectués par le locataire dans les lieux loués, a accepté, après l’exécution de ces travaux, le renouvellement du bail et a donc refusé de se prévaloir de l’infraction (cass. com. 5 novembre 1963, BC III n° 458 ; cass. civ., 3e ch., 5 janvier 1993, n° 91-14944).

Les travaux portent sur les parties privatives

123

Les travaux à l’intérieur des parties privatives, réalisés par le copropriétaire ou son locataire (qui est tenu aux règles de la copropriété), ne doivent pas :

-modifier la destination donnée à l’immeuble ou son harmonie ;

-porter atteinte aux droits des autres copropriétaires ou entraîner une gêne.

En fait, le droit pour chaque copropriétaire de disposer des parties privatives trouve une limitation importante à travers le critère de la destination de l’immeuble telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation (loi 65-557 du 10 juillet 1965, art. 8, I al. 2 et 9). Cette notion est assez complexe et nécessite une analyse au cas par cas, dans la mesure où les juges apprécient souverainement la conformité des travaux réalisés à la destination de l’immeuble.

Des aménagements, prévus dans les parties privatives et ne devant pas entraîner de modifications des parties communes, ne sont pas soumis à l’autorisation de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 (cass. civ., 3e ch., 20 mai 1998, n° 96-16235).

Lorsque les travaux entrepris dans les locaux affectent des parties communes ou des éléments d’équipement commun, l’autorisation de l’assemblée est nécessaire.

  • Harmonie de l’immeuble. La jurisprudence décide, pour sa part, que ces travaux ne doivent pas, en outre, porter atteinte à « l’harmonie de l’immeuble ». L’assemblée des copropriétaires, sous le contrôle des tribunaux, apprécie si les travaux exécutés respectent « l’harmonie de l’immeuble ».

    Ainsi, les copropriétaires sont tenus de respecter les couleurs imposées par l’assemblée pour les portes ou volets. En fait, l’harmonie extérieure de l’immeuble doit être d’autant plus scrupuleusement respectée qu’il s’agit d’un immeuble de bon standing.

  • Peinture des portes. La clause d’harmonie figurant au règlement de copropriété autorisait le syndicat à décider du choix de la peinture des portes de garages, des parties privatives (CA Paris 2 octobre 1996, Loyers 1996, n° 484).

  • Modification des charges. Les travaux privatifs peuvent entraîner une modification des charges. Tel est le cas s’il y a eu changement de l’usage d’une ou de plusieurs parties privatives. Cette disposition vise surtout les transformations de locaux d’habitation en locaux professionnels.

Les travaux touchent les parties communes

124

Un copropriétaire ou son locataire ne peuvent, sans autorisation préalable de l’assemblée, faire exécuter des travaux touchant à des parties communes, même si ces éléments communs sont entièrement situés à l’intérieur de leur lot privatif. Ces autorisations peuvent donner lieu, en contrepartie, au versement d’indemnités à la copropriété pour le préjudice subi.

Tous les travaux privatifs, sans aucune distinction, réalisés dans les parties communes doivent être préalablement autorisés par l’assemblée générale ou en cas de refus par le juge (cass. civ., 3e ch., 6 mars 1991, n° 88-16770).

C’est le copropriétaire qui doit demander ou exiger de la copropriété les réparations nécessaires sur les parties communes.

L’obligation d’entretien pesant sur le bailleur n’est pas remplie s’il a seulement prévenu par courrier le syndicat des copropriétaires responsable des désordres (en l'espèce des infiltrations d'eau) subis par le locataire (cass. civ., 3e ch., 24 septembre 2002, n° 00-13297).

  • Majorités requises. Selon les travaux en cause, la loi 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis prévoit une majorité différente pour en décider :

    -article 25 : travaux soumis à la majorité des voix de tous les copropriétaires,

    -article 26 : travaux soumis à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix ou à l'unanimité.

  • Responsabilité de l’auteur des travaux. Bien que régulièrement autorisés, les travaux engagent la responsabilité de leur auteur dès lors qu’en raison de leur mauvaise exécution, ils portent atteinte aux droits d’un autre copropriétaire (cass. civ., 3e ch., 6 novembre 1991, n° 89-19079) ; en outre, l’autorisation de l’assemblée n’est accordée que sous réserve de la conformité des travaux envisagés avec les règles administratives applicables au bâtiment (CA Paris 6 avril 1994, Loyers 1994, n° 266).

  • Installation d’un ascenseur par certains copropriétaires. Une décision de la copropriété est nécessaire pour l’installation d’un ascenseur aux frais de certains copropriétaires (CA Paris 29 novembre 1995, Loyers 1996, n° 138).

  • Gaines de ventilation. L’installation de gaines de ventilation pour l’exploitation d’un restaurant est du ressort de l’assemblée (CA Paris 15 avril 1992, Loyers 1992, n° 362).

  • Isolation extérieure. Les travaux d’isolation modifiant l’aspect extérieur des murs doivent être autorisés par l’assemblée (cass. 17 janvier 1996, D. 1996 IR 48).

  • Mur de refend. Le percement d’un mur de refend, même en sa partie située dans les locaux privatifs, nécessite une autorisation préalable de l’assemblée (CA Paris 30 novembre 1990, Loyers 1991, n° 94).

  • Standard téléphonique. L’installation d’un standard téléphonique nécessitant de toucher de manière importante aux parties communes entre dans les prérogatives de l’assemblée (CA Paris 7 décembre 1995, D. 1996 IR 19).

  • Interphone. Constituent des travaux devant être autorisés par la copropriété l’installation d’un interphone ou l’extension de l’installation existante à la porte cochère afin de commander l’ouverture de celle-ci depuis un local commercial (CA Paris 4 mars 1998, Loyers 1998, n° 288).

  • Trémie dans le plancher. Le percement d’une trémie pour faire communiquer deux lots appartenant au même propriétaire est soumis à l’autorisation de l’assemblée (cass. civ., 3e ch., 14 février 1996, n° 93-17667).

  • Fermeture d’une loggia. La fermeture d’une loggia constituant un travail affectant l’aspect extérieur de l’immeuble doit être autorisée par l’assemblée générale (cass. civ., 3e ch., 7 novembre 1978, n° 77-11421 ; cass. civ., 3e ch., 30 janvier 1996, n° 94-14299).

  • Refus compte tenu des nuisances. Une assemblée générale refuse à bon droit à un copropriétaire l’autorisation d’installer un conduit d’extraction de fumées d’un restaurant, compte tenu des nuisances de voisinage qui en résultaient pour les autres copropriétaires (cass. civ., 3e ch., 29 octobre 2003, n° 02-14298).

  • Clause d’autorisation de travaux. Est réputée non écrite la clause d’un règlement de copropriété autorisant un copropriétaire, même précisément identifié, à effectuer sans autorisation de l’assemblée générale des travaux affectant l’aspect extérieur d’un immeuble (cass. civ., 3e ch., 25 juin 1997, n° 96-10139) ; ainsi, les dispositions d’un bail donnant au locataire l’autorisation anticipée de réaliser les travaux pour l’exploitation d’un restaurant sont nulles en ce qu’elles portent sur des travaux relevant de l’article 25 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 et inopposables au syndicat des copropriétaires (CA Paris 24 septembre 2003, Loyers 2003, 243).

  • Travaux sans les autorisations. Les installations effectuées sans autorisation qui empiètent sur les parties communes ou modifient l’aspect extérieur de l’immeuble doivent être démolies (cass. civ., 3e ch., 25 novembre 1998, n° 97-11486). Il en est ainsi même :

    -si les empiétements sont insignifiants (cass. civ., 3e ch., 17 avril 1991, n° 89-15172) ;

    -si d’autres copropriétaires ont déjà effectué des installations semblables à celle qui est contestée (cass. civ., 3e ch., 11 mai 1999, n° 97-16776) ;

    -si la remise en état est onéreuse et sans utilité pratique (cass. civ., 3e ch., 14 décembre 1982, Gaz. Pal. 1983, pan. 90).

  • Absence de droit du locataire. Un locataire n’a aucun droit pour invoquer le statut de la copropriété ; seul le bailleur en a qualité. Ainsi a été cassée une décision d’une cour d’appel autorisant un locataire à exécuter des travaux sur les parties communes même s’ils sont imposés par des prescriptions du code du travail (cass. civ., 3e ch., 16 juin 1993, n° 91-14267).

  • Accord inefficace du conseil syndical. L’autorisation nécessaire aux copropriétaires souhaitant effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble ne peut être constituée par l’accord donné par un conseil syndical pour « entériner » les travaux réalisés, mais doit être donnée par l’assemblée générale des copropriétaires (cass. civ., 3e ch., 25 janvier 1995, n° 92-19600).

  • Nullité des clauses du règlement autorisant des travaux. Doit être réputée non écrite la clause du règlement de copropriété autorisant un copropriétaire à effectuer sans autorisation de l’assemblée générale des travaux, même précisément définis, sur les parties communes de l’immeuble (cass. civ., 3e ch., 12 mars 1997, n° 95-15953 ; cass. civ., 3e ch., 25 juin 1997, n° 96-10139).

  • Refus de l’assemblée. A été censuré l’arrêt qui, pour autoriser un copropriétaire à percer une ouverture entre ses deux lots, retient que le refus n’était pas justifié, alors que le copropriétaire avait, avant toute autorisation, fait procéder à un percement de la dalle porteuse pour réaliser un sondage (cass. civ., 3e ch., 22 mai 1997, n° 95-16438).

  • Refus injustifié. La jurisprudence a admis qu’un refus injustifié de l’assemblée peut constituer un abus de droit (cass. civ., 3e ch., 17 janvier 1978, n° 76-12896). Elle a ainsi autorisé la réalisation de travaux qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte aux droits d’autres copropriétaires ou à la destination de l’immeuble (cass. civ., 3e ch., 15 janvier 1997, n° 95-10113).

  • Désamiantage des planchers séparant des lots. Un flocage d’amiante a été appliqué par le constructeur sur le plafond du rez-de-chaussée. Le règlement de copropriété est silencieux sur le classement de ce flocage au rang des parties privatives ou des parties communes. La présomption de l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965 doit conduire à considérer ce revêtement comme partie commune (cass. civ., 3e ch., 7 mai 2003, n° 02-11218).

  • Conduit d'évacuation. Un local commercial situé dans une copropriété est loué à un restaurateur. Celui-ci fait poser à ses frais un nouveau conduit d’évacuation dépendant des parties communes. Il est condamné à remettre les lieux en l’état. En effet, il a omis de demander l’autorisation de l’assemblée générale de la copropriété. Or, faute d’avoir sollicité cet accord préalable, ou même d’avoir obtenu une ratification a posteriori, cela constituait un trouble manifestement illicite. Le règlement de copropriété aurait dû être respecté. Peu importe que ces travaux aient été nécessaires à l’activité autorisée par le bail commercial (cass. civ., 3e ch., 15 février 2018, n° 16-17759).

Cas pratiques

Les devantures

125

S’agissant d’éléments extérieurs, l’article 25 b de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 doit s’appliquer, sauf si l’opération envisagée est de nature à porter atteinte à la destination de l’immeuble, auquel cas l’unanimité serait requise.

Toute clause autorisant par avance la réalisation de travaux affectant les parties communes est réputée non écrite.

Difficulté rencontrée

Solution judiciaire

Référence

Absence de clause dans le règlement de copropriété

Aucune disposition du règlement de copropriété ne réglementant les modalités d’aménagement des devantures non comprises dans les parties communes ; le propriétaire du lot à usage commercial n’a aucune autorisation à solliciter pour l’installation de la devanture du magasin.

cass. civ. 26 avril 1979, D. 1980, IR 31

Ouverture d’une vitrine

L’ouverture d’une vitrine dans un mur de façade nécessite une autorisation prise à la majorité de l’article 25 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965.

cass. civ., 3e ch., 12 mars 1997, n° 95-15953

Immeuble d’habitation

Le copropriétaire d’un lot à usage de boutique commerciale peut aménager sa vitrine comme il l’entend ; l’assemblée ne peut prétendre que la modification compromettrait la destination d’habitation de l’immeuble.

CA Paris 4 février 1975, D. 1976 IR 70

Locaux bruts

Les travaux de parachèvement de locaux commerciaux livrés bruts concernant la devanture ne demandent pas d’autorisation particulière.

cass. civ. 26 avril 1979, D. 1980, IR 236 ; CA Paris 13 septembre 2001, Loyers 2002, n° 106

Les enseignes

126

Le bailleur qui loue des locaux pour un usage commercial ou industriel ne peut interdire la pose d’une enseigne, qui est un élément d’identification d’un fonds de commerce. En revanche, le bail peut contenir une clause soumettant à autorisation préalable la pose d’une enseigne. Le but de cette clause est de permettre au bailleur de contrôler son installation. En effet, le bailleur demandera, avant tout accord, un schéma ou un plan de pose d’enseigne. Dans certains cas, et selon la nature de l’immeuble, il pourra s’opposer à la pose d’une enseigne en drapeau, voire lumineuse.

Lorsqu’un immeuble en copropriété a une destination commerciale, des enseignes peuvent être apposées sur les parties communes, mais une autorisation de l’assemblée est nécessaire pour la mise en œuvre. Cette décision est prise à la majorité de l’article 25. À défaut d’autorisation, le propriétaire et le locataire sont susceptibles d’être condamnés in solidum à l’enlèvement des enseignes.

Cependant un règlement de copropriété peut simultanément autoriser l'exercice d'activités commerciales et interdire la pose d'enseignes eu égard à la situation de l'immeuble . C'est ainsi qu'a été jugée licite la clause d'un règlement selon laquelle « il ne pourra être placé sur la façade des immeubles aucune enseigne, réclame, lanterne ou écriteau quelconque » au motif qu'elle correspondait à la destination de l'immeuble qui était situé dans le périmètre de protection des remparts de la commune d‘Avignon (cass. civ., 3e ch., 26 mars 2020, n° 18-22441).

Le règlement de copropriété peut également contenir une clause selon laquelle les locaux commerciaux sont autorisés à apposer des enseignes sur les murs ; cette autorisation de principe est généralement conditionnée par le respect d’une procédure : dépôt d’un projet, avis de l’assemblée ou autorisation du syndic. Le locataire, en accord avec le propriétaire, respectera les obligations imposées par le règlement qui doivent être interprétées de façon restrictive. L’autorisation de l’assemblée reste indispensable dès lors que l’installation, par ses caractéristiques ou dimensions, affecte les parties communes et privatives de l’immeuble (CA Paris 11 avril 2002, Loyers 2002, n° 214).

En cas de refus d’autorisation par l’assemblée dans un immeuble autorisant un usage commercial, le propriétaire des lots concernés demandera en justice l’autorisation de poser une enseigne nécessaire à son commerce.

Parfois, le bailleur impose au preneur d’exercer certaines activités déterminées sous une enseigne dont le bail peut avoir ou non la maîtrise. La « clause d’enseigne » est souvent mise en avant à l’occasion d’une procédure de déspécialisation partielle (voir § 452).

Difficulté rencontrée

Solution judiciaire

Référence

Rien de prévu dans le règlement

Dès lors qu’aucune disposition du règlement n’accorde de plein droit la possibilité de poser sur la façade de l’immeuble des enseignes lumineuses, les copropriétaires doivent solliciter et obtenir l’autorisation de l’assemblée générale à cette fin.

cass. civ., 3e ch., 24 octobre 1990, n° 88-17514

Règlement autorisant la pose de plaques professionnelles

L’autorisation donnée par le règlement de poser une plaque professionnelle ne permet pas d’installer une enseigne lumineuse.

CA Paris 25 novembre 1987, Rev. dr. immob. 1988, 137

Clause interdisant la pose d’enseigne

La clause d’un règlement de copropriété, d’un immeuble à usage mixte, prohibant l’apposition d’enseigne sur la façade est réputée non écrite comme contraire à la destination mixte de l’immeuble.

Toutefois, une telle clause peut être justifiée lorsque l’immeuble est situé dans un périmètre architectural protégé.

CA Paris 28 juin 1995, Loyers 1995, n° 535 ; cass. civ. 18 juin 1975, D. 1975, IR 207

cass. civ., 3e civ., 26 mars 2020, n° 18-22441

Clause imposant l’accord écrit du bailleur

Le bail peut parfaitement prévoir une autorisation écrite du bailleur pour l’apposition d’une enseigne intéressant l’aspect extérieur de l’immeuble et le silence du bailleur ne peut pas constituer une autorisation écrite.

cass. civ., 3e ch., 3 février 2009, n° 08-14397

Immeuble mixte

Lorsqu’un immeuble comprend des lots à usage commercial, les restrictions imposées par la copropriété ne sont licites que pour autant qu’elles apparaissent justifiées par la destination de l’immeuble.

CA Paris 8 avril 1994, D. 1994, IR 122

Modification du règlement

La modification de la clause du règlement relative à la pose des enseignes est possible à la majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965, sans qu’il soit possible de diminuer ou de remettre en cause les droits dont les copropriétaires bénéficiaient antérieurement, et les restrictions imposées doivent être justifiées par la destination de l’immeuble.

cass. civ., 3e ch., 16 mars 1988, n° 86-15098

Les systèmes de fermeture de l’immeuble

127

Depuis le 1er juin 2020, les décisions relatives aux modalités d'ouverture des portes d'accès aux immeubles sont prises à la majorité des voix de tous les copropriétaires (l oi 65-557 du 10 juillet 1965, art. 25, g ; auparavant, s'appliquait la majorité prévue à l'article 26 : majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix).

La fermeture de l'immeuble, tant qu'elle est compatible avec l'exercice d'une activité autorisée par le règlement de copropriété est le principe. L'ouverture des portes est l'exception, pouvant être décidée à la majorité des voix de tous les copropriétaires.

La même majorité est requise pour les décisions relatives à la réalisation des travaux (loi 65-557 du 10 juillet 1965, art. 25, n). Cette réglementation concerne aussi bien la fermeture de l'immeuble au niveau de la porte principale d'accès (porte cochère...) que la fermeture de la résidence par l'installation d'une barrière.

Difficulté rencontrée

Solution judiciaire

Référence

Portillon-piéton

L’existence d’un portillon-piéton laissé ouvert ne suffit pas à éliminer l’entrave que constituent la barrière électronique et le digicode pour les activités commerciales installées dans la copropriété.

CA Aix-en-Provence 21 février 2002, Loyers 2003, n° 23

Fermeture d’un lot neutralisant l’accès aux parties communes

A donné lieu à une action en justice l’installation par un copropriétaire d’un « digiclé » à la porte de l’un des bâtiments de la copropriété dont il possédait les parties privatives, ladite installation ayant pour effet, le code n’étant connu que des personnes relevant de ce copropriétaire, d’interdire aux autres copropriétaires ou au syndic d’accéder aux parties communes de ce bâtiment.

cass. civ., 3e ch., 14 février 1996, n° 93-17667