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Parution: avril 2022

La résiliation anticipée du bail

La résiliation du bail pour faute

Plusieurs modes de résiliation pour faute

Deux modes traditionnels

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Traditionnellement, il existe deux modes de résiliation d'un bail :

-soit en demandant en justice la sanction d'une faute commise par le locataire (voir §§ 521 à 526) ;

-soit en demandant au juge de constater l'acquisition de la clause résolutoire (voir §§ 527 à 542).

Dans les deux cas, le bailleur doit engager une action judiciaire.

Une troisième voie : la résiliation unilatérale

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Depuis le 1er octobre 2016, un contractant peut, à ses risques et périls, résoudre un contrat par voie de notification, sans saisir la justice.

Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure son cocontractant défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. La mise en demeure doit expressément mentionner qu'à défaut, pour le débiteur de l'obligation, de satisfaire à son engagement, le créancier de cette obligation est en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut, à tout moment, saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution (c. civ. art. 1226).

A priori, rien ne s'oppose à ce que la résiliation unilatérale de l'article 1226 du code civil soit utilisée dans le cadre d'un bail commercial ; toutefois, la Cour de cassation n'a pas encore eu l'occasion de statuer sur cette question.

Pour autant, la résiliation unilatérale ne peut guère être conseillée au bailleur eu égard aux aléas qu'elle comporte. En effet, la résiliation unilatérale se ferait aux risques et périls du bailleur, comme le précise l'article 1226 du code civil. Et bien des points pourraient ensuite être contestés en justice par le locataire : l'urgence, mais aussi le caractère raisonnable du délai ou encore la gravité de l'inexécution.

Il paraît préférable que bailleur « joue la sécurité » et choisisse entre la résiliation judiciaire (voir §§ 521 à 526) et l'utilisation de la clause résolutoire (voir §§ 527 à 542).

Résiliation demandée en justice

Pouvoir d’appréciation du juge

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Dès lors que le locataire n’exécute pas les obligations mises à sa charge dans le bail, le bailleur a toujours la possibilité de réclamer en justice la résiliation de ce bail. Le tribunal sera libre d'accepter ou de refuser cette demande en fonction de l'importance de la faute du locataire. L'absence de préjudice du bailleur n'a aucune incidence (cass. civ., 3e ch., 4 mai 1994, n° 92-11196). Le bailleur peut préférer mettre en œuvre la clause résolutoire prévue au bail ; dans ce cas, le tribunal ne disposera d'aucun pouvoir d'appréciation (voir § 524).

  • Date de prise d’effet de la résiliation. La résiliation n’a pas lieu de plein droit et, sauf clause contraire, elle ne prend effet que du jour de la décision judiciaire (cass. civ., 3e ch., 13 mai 1998, n° 96-18358) ; en conséquence, les loyers restent dus jusqu’à cette date.

  • Gravité des manquements invoqués. Le juge apprécie souverainement la gravité des manquements invoqués à l’appui de la demande de résiliation judiciaire.

    Ainsi, la rénovation de l’installation électrique vétuste sans l’accord du bailleur n’est pas un motif suffisamment grave de résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 22 novembre 1995, n° 94-13162).

    De même, un bailleur a vainement reproché au locataire d’une boulangerie-traiteur d’avoir installé une photocopieuse pour sa clientèle sans avoir respecté la procédure légale de déspécialisation. S’agissant d’une offre extrêmement limitée représentant une contribution minime au chiffre d’affaires du commerce, la gravité du manquement du locataire n’était pas telle qu’elle justifiait une résiliation du bail (CA Paris, 16e ch. A, 1er juin 2005, n° 03-14252).

  • Réparation de l’infraction. Dès lors que l’infraction reprochée a été réparée avant la délivrance de l’assignation, il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 28 juin 1965, BC III n° 402) ; ainsi, la faute commise par le locataire cédant son droit au bail et son fonds sans l’agrément du bailleur prévu au bail, qui a été réparée sans dommage pour le bailleur, n’est pas en elle-même suffisamment grave pour entraîner la résiliation du bail (CA Paris 15 mai 2002, Sem. jur. 2002, 2617).

  • Répétition de l’infraction. Le juge apprécie si la répétition volontaire d’une infraction sans gravité peut entraîner la résiliation (cass. civ., 3e ch., 29 juin 1976, Sem. jur. 1976, 369).

  • Tolérance du bailleur. La tolérance ou la simple connaissance par le bailleur d’une situation irrégulière ne constitue pas en soi une acceptation et une renonciation à s’en prévaloir (cass. civ., 3e ch., 31 mai 1960, BC III n° 176).

  • Coïndivisaires bailleurs. Un coïndivisaire doit être titulaire d’un mandat spécial des autres indivisaires pour agir en résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 24 mars 1993, n° 91-17063).

  • Loyers réglés pendant la procédure. À partir de 2003, un locataire ne paye plus de façon complète les loyers dus. En 2005, le bailleur l’assigne et en 2010, alors que les deux parties sont en appel, le locataire règle l’intégralité des loyers arriérés. Ce paiement n’empêche pas les juges de prononcer la résiliation judiciaire du bail (cass. civ., 3e ch., 17 juin 2014, n° 12-26003).

Motifs de résiliation en cours de bail

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Les causes de résiliation sont liées aux principaux événements jalonnant la vie d’un bail commercial ; nous donnons ci-après un certain nombre d’exemples tirés de la jurisprudence.

  • Assurances. Le défaut d’assurances, en opposition avec les clauses du bail, entraîne résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 4 mai 1994, n° 92-11196).

  • Atteintes à la destination ou aux activités autorisées. Justifient la résiliation du bail :

    -un changement de destination significatif et prohibé par le bail (cass. civ., 3e ch., 20 décembre 2000, n° 99-1159) ;

    -l’exercice d’activités, même connexes, non autorisées par le bail sans avoir préalablement mis en œuvre la procédure de déspécialisation (voir § 459), mais les tribunaux peuvent considérer que l’extension d’activité du locataire n’a pas été suffisamment grave pour entraîner la résiliation (voir, par exemple, cass. civ., 3e ch., 25 mai 1976, n° 74-11671) ;

    -l’exercice d’une activité de restauration, qui a justifié la résiliation judiciaire, le bail n’autorisant que celles de bar et dancing (cass. civ., 3e ch., 23 mars 2010, n° 09-13441). En revanche, elle n'a pas conduit à la résiliation d'un bail autorisant les activités de café, bar et petite brasserie (cass. civ., 3e ch., 17 novembre 1998, n° 96-20229) ;

    -la transformation illicite au regard des règles d’urbanisme, même si le bailleur a autorisé la modification de la destination (cass. civ., 3e ch., 24 juin 1992, n° 90-21276). Mais une transformation qui respecte les dispositions de l’article L. 631-73 du code de la construction et de l’habitation et dont l’activité ne trouble pas la tranquillité de l’immeuble ne peut pas justifier une résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 14 janvier 2004, n° 02-12476).

    Le fait que l’activité était connue du bailleur ne suffit pas à caractériser une renonciation de celui-ci à se prévaloir de l’infraction comme motif de résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 5 juin 2002, n° 00-20348).

    En outre, le changement unilatéral de la destination contractuelle justifie la résiliation du bail aux torts du preneur, même s'il est dans l'impossibilité de respecter la clause de destination du bail. En effet, il doit, même dans ce cas, demander l’accord préalable du bailleur pour modifier la destination (cass. civ., 3e ch., 30 mars 2017, n° 15-25161).

  • Cessions et sous-locations. Justifient la résiliation du bail :

    -les sous-locations irrégulières des locaux (voir §§ 282 et 283) ;

    -la mise en location-gérance du fonds de commerce en dépit d’une clause du bail faisant obligation au preneur d’exploiter personnellement les lieux loués (cass. civ., 3e ch., 14 novembre 1996, n° 94-20529) ;

    -la simple mise à disposition des locaux commerciaux au profit d’une association cultuelle, même de façon occasionnelle (cass. civ., 3e ch., 12 juillet 1988, n° 87-11052) ;

    -la location-gérance dissimulant une véritable sous-location interdite par le bail (cass. civ., 3e ch., 26 juin 2007, n° 04-10295).

    Dans le cas d’une cession de bail régulière, le bailleur ne peut se fonder sur les dégradations commises par les précédents locataires pour obtenir la résiliation du bail à l’égard du locataire cessionnaire (cass. civ., 3e ch., 30 juin 2010, n° 09-13754).

  • Défaut d’exploitation. Justifie la résiliation du bail la non-exploitation du commerce et le non-entretien des lieux jusqu’à la fin du bail (cass. civ., 3e ch., 7 avril 1993, n° 89-17510), même si l’interruption d’exploitation est la conséquence d’une cession du bail (cass. civ., 3e ch., 8 décembre 1982, Sem. jur. 1983, 65).

    Mais lorsque l’exploitation ne figure pas parmi les obligations expressément imposées au locataire, la non-exploitation n’est pas une cause de résiliation (cass. civ., 3e ch., 10 juin 2009, nos 08-14422 et 07-18618 ; cass. civ., 3e ch., 3 décembre 2020, n° 19-20613).

    La fermeture administrative d’un fonds ne constitue pas un cas de force majeure de non-exploitation lorsqu’elle est due à la faute du preneur (cass. civ., 3e ch., 11 octobre 1989, n° 87-19490).

    Suite à la liquidation judiciaire du locataire-gérant, le fonds est resté quelque temps fermé, avant que le preneur puisse récupérer le local et reprendre l’exploitation. Le locataire ayant fait toute diligence pour reprendre l’exploitation du fonds, la fermeture temporaire du local n'était pas suffisamment grave pour résilier le bail (cass. civ., 3e ch., 2 juin 2010, n° 09-11112).

  • Manquements aux clauses du bail. Justifient la résiliation du bail :

    -les manquements aux clauses du bail par le locataire-gérant (cass. civ., 3e ch., 27 juin 1990, n° 89-12829) ;

    -l’utilisation abusive des locaux et la surcharge excessive des planchers (cass. civ., 3e ch., 11 janvier 1989, n° 87-14773) ;

    -l’affectation à usage de parking et terrasse d’une partie commune de l’immeuble sur laquelle le bail n’accordait au locataire qu’un droit de passage (cass. civ., 3e ch., 13 janvier 1988, n° 86-17738) ;

    -l’exécution, sans autorisation, de travaux intéressant les parties communes de l’immeuble, constituant une infraction aux clauses du bail de nature à créer au bailleur des difficultés avec le syndicat des copropriétaires (cass. civ., 3e ch., 12 octobre 1988, n° 87-12603).

    Le fait que le bailleur ait autorisé des travaux ne le prive pas d’une action en résiliation si les travaux exécutés ont compromis la solidité de l’immeuble (cass. civ., 3e ch., 29 juin 1994, n° 92-20123).

  • Injures et violences. Justifient la résiliation du bail :

    -les injures écrites réitérées adressées par le locataire au bailleur (cass. civ., 3e ch., 3 juin 1992, n° 90-20422) ;

    -les violences envers d’autres occupants (cass. civ., 3e ch., 2 juillet 1997, n° 95-16632).

  • Non-paiement des loyers. Justifient la résiliation du bail :

    -le non-paiement des loyers ou leur paiement avec retard (cass. civ., 3e ch., 20 novembre 1979, n° 78-13957) (voir § 59) ;

    -le non-paiement, aux échéances de l’indemnité d’occupation (cass. civ., 3e ch., 5 février 1997, n° 96-15336).

  • Résiliation demandée par la copropriété. Un propriétaire consent un bail à une société pour exploiter un fonds de carrosserie et de peinture automobile. Le bail stipule que la société doit obtenir les autorisations administratives ainsi que celles de la copropriété pour l’exercice de son activité. Sans demander d’autorisation, la société commence son activité, perce un mur et crée une fosse de décantation dans les parties communes de l’immeuble. La résiliation judiciaire du bail est prononcée à la demande du syndicat des copropriétaires sur le fondement de l’action oblique, les juges retenant que le locataire avait violé les clauses du bail et du règlement de propriété (cass. civ., 3e ch., 22 juin 2005, n° 04-12540).

  • Résiliation pour faute du bailleur. La résiliation judiciaire peut également être demandée par le locataire pour une faute commise par le bailleur.

    Ainsi, un locataire a obtenu la résolution de son bail commercial aux torts du bailleur car, 1 mois après la prise d’effet de son bail, il a été contraint d’arrêter son activité, un arrêté municipal ayant ordonné la fermeture du magasin au public pour des raisons de sécurité (cass. civ., 3e ch., 28 novembre 2007, n° 06-17758).

    Un autre locataire a obtenu la résiliation du bail commercial aux torts du bailleur qui avait manqué à son obligation de délivrer un local conforme à sa destination, celui-ci ne répondant pas aux normes fixées en matière de sécurité incendie (cass. civ., 3e ch., 16 septembre 2008, n° 07-18303).

    Autre exemple : un bailleur n'avait pas tout mis en œuvre pour contrecarrer le refus de l’assemblée générale d'autoriser les travaux nécessaires à l'activité du locataire. Le bail est résilié à ses torts (cass. civ., 3e ch., 17 mars 2009, n° 08-11282).

Absence de mise en demeure

523

Une demande en résiliation judiciaire fondée sur les dispositions du code civil ne nécessite pas une mise en demeure préalable, sauf stipulation contraire (cass. civ. 31 mars 1978, n° 75-13989 ; cass. civ. 3 mars 1992, n° 90-21908 ; cass. civ. 9 octobre 1996, n° 92-17331 ; cass. civ. 11 juin 1997, n° 94-21056). La mise en demeure prévue à l’article L. 145-41 du code de commerce pour la mise en jeu d’une clause résolutoire est sans application pour une résiliation judiciaire (cass. civ. 23 février 1994, n° 91-21433).

Ainsi, a été censuré un arrêt de cour d’appel qui avait accordé à la locataire une indemnité d’éviction à défaut de mise en demeure pour les infractions aux clauses du bail commises au cours de son maintien dans les lieux (cass. civ. 4 mai 2000, n° 98-18011).

Mais le bailleur qui poursuit la résiliation du bail doit, dans tous les cas, notifier sa demande aux créanciers inscrits (voir §§ 543 à 545).

Cumul des deux formes de résiliation

La clause résolutoire ne fait pas obstacle à une résiliation judiciaire

524

L’existence d’une clause résolutoire (voir §§ 527 à 542) ne prive pas le bailleur du droit de demander la résiliation judiciaire sans invoquer la clause résolutoire.

  • Autonomie de la résiliation judiciaire. Les dispositions de l’article 25 du décret du 30 septembre 1953 (c. com. art. L. 145-41) ne privent pas le juge de son pouvoir d’appréciation dans le cadre d’une résiliation judiciaire et l’absence de paiement régulier des loyers légitime suffisamment la demande de résiliation (cass. civ., 3e ch., 20 juillet 1994, n° 92-21500 ; cass. civ., 3e ch., 26 novembre 1991, n° 91-10492).

  • Commandement visant la clause résolutoire. La délivrance par le propriétaire d’un commandement visant la clause résolutoire ne le prive pas de la faculté de demander ultérieurement le prononcé de la résiliation judiciaire, même en invoquant les manquements mentionnés dans le commandement (cass. civ., 3e ch., 4 mai 1994, n° 92-11196).

  • Saisine du juge sur le fondement de la clause résolutoire. Le bailleur peut même introduire une action en résiliation judiciaire après avoir au préalable saisi le juge d’une demande tendant à l’application de la clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 29 avril 1985, n° 83-14916).

Éléments du choix

525

Pour exercer son choix entre l’action en résiliation judiciaire et l’action sur le fondement de la clause résolutoire insérée dans le bail, le bailleur prendra en considération les points suivants :

-la résiliation sur le fondement de la clause résolutoire impose de respecter la procédure de l’article L. 145-41 du code de commerce et notamment la notification préalable d'un commandement (voir § 528) (non nécessaire pour une résiliation judiciaire). Le locataire peut mettre ainsi fin à l’infraction et la résiliation ne peut intervenir ;

-la résiliation judiciaire relève du pouvoir souverain du juge alors que sur le fondement de la clause résolutoire, il n’a pas le même pouvoir d’appréciation ; mais il peut aussi, sur la demande du locataire, accorder des délais.

Refus de renouvellement pour les mêmes faits

526

Le bailleur débouté de son action en résiliation peut toujours invoquer les mêmes faits pour un refus de renouvellement sans indemnité (cass. civ., 3e ch., 7 octobre 1987, BC III n° 86-11297) (voir §§ 741 à 748).

L’action en refus de renouvellement sans versement d’indemnité d’éviction interviendra en fin de bail ; les faits invoqués à l’occasion d’une précédente action en résiliation de bail existeront toujours à la date du congé.

Le bailleur refusant le renouvellement sans indemnité devra mettre en demeure son locataire de faire cesser l’infraction dans le délai de 1 mois.

En sens inverse, un bailleur peut, dans un premier temps donner congé avec refus de renouvellement puis changer son fusil d'épaule et assigner le locataire en résiliation judiciaire, par exemple pour non-paiement des loyers (cass. civ., 3e ch., 12 juillet 2011, n° 10-19047).

En revanche, si le bailleur a accepté, même tacitement, une demande de renouvellement du bail formée par le locataire, il ne peut pas ensuite demander la résiliation judiciaire pour des manquements contractuels antérieurs au renouvellement (cass. civ., 3e ch., 1er févier 2018, n° 16-29054).

  • Commandement et mise en demeure dans le même acte. Le commandement tendant à mettre en œuvre une clause résolutoire et la mise en demeure devant être délivrée en cas de refus de renouvellement pour motif grave et légitime peuvent figurer dans le même acte (cass. civ., 3e ch., 12 octobre 1982, n° 80-16280).

  • Résiliation judiciaire : absence de mise en demeure préalable. Face à deux actions en résiliation judiciaire et en validation d’un congé avec refus de renouvellement, les juges du fond ont débouté le bailleur de sa demande en résiliation aux motifs que les griefs identiques devaient être examinés dans le cadre des dispositions relatives au refus de renouvellement, plus protectrices des droits du preneur.

    La Cour de cassation a censuré cette décision en rappelant qu’un locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction est maintenu dans les lieux aux conditions du bail expiré et que le prononcé de la résiliation judiciaire d’un bail n’est pas soumis à l’exigence d’une mise en demeure préalable (cass. civ., 3e ch., 1er mars 1995, n° 93-10172).

Application d’une clause résolutoire

Sanction d’une obligation prévue au bail

527

Le bail est généralement conclu avec stipulation d’une clause résolutoire expresse en cas d’inexécution d’une des obligations prévues au contrat.

Toutes les clauses résolutoires sont encadrées dans les limites suivantes (c. com. art. L. 145-41) :

-obligation de délivrer un commandement de cesser l’infraction dans un délai de 1 mois. Pendant ce délai, toute poursuite est suspendue ;

-possibilité pour le locataire de demander en justice et d’obtenir des délais de grâce en application de l'article 1343-5 du code civil.

Ainsi, le juge peut, dans la limite de 2 années, reporter ou échelonner les paiements dus. Durant cette période, les procédures d'exécution engagées par les créanciers sont suspendues. Toute clause contraire à ces dispositions serait réputée non écrite (c. civ. art. 1343-5).

L’existence d’une clause résolutoire ne prive pas le bailleur de la faculté de demander le prononcé de la résiliation judiciaire du bail sans invoquer la clause résolutoire ; une telle action peut présenter des avantages (voir § 525).

  • Clause résolutoire « si bon lui semble ». Une clause résolutoire assortie de la mention « si bon semble au bailleur », est parfaitement régulière (cass. civ., 3e ch., 21 février 2006, n° 05-15776). Elle n’est stipulée que dans l’intérêt du bailleur, qui se réserve, en cas de non-paiement, une alternative :

    -soit se prévaloir de cette clause ;

    -soit maintenir le bail en poursuivant l’exécution du contrat et le paiement des loyers.

  • Refus de renouvellement : locataire maintenu dans les lieux. Le locataire qui peut prétendre à une indemnité d’éviction suite à un congé avec refus de renouvellement doit respecter les conditions du bail expiré ; à défaut, le bailleur peut, pour refuser de payer l’indemnité d’éviction, invoquer la clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 1er mars 1995, n° 93-10172).

  • Clause résolutoire prévoyant un délai de 15 ou de 30 jours. Malencontreusement, la clause résolutoire d'un bail prévoyait un délai de 15 jours, à la place du délai de 1 mois. Au cours du bail, le propriétaire a été amené à faire délivrer à son locataire une sommation visant la clause résolutoire. Le locataire a porté l'affaire en justice et les juges ont considéré que cette clause résolutoire était nulle et, par conséquent, totalement inutilisable par le propriétaire (cass. civ., 3e ch., 8 décembre 2010, n° 09-16939). Une solution identique a été adoptée pour une clause résolutoire prévoyant un délai de 30 jours au lieu de 1 mois (cass. civ., 3e ch., 11 décembre 2013, n° 12-22616).

  • Sanction d'une faute minime. Un bailleur adresse à son locataire un congé avec offre d’indemnité d’éviction. Cette indemnité doit être évaluée par un expert. Or, l’expertise révèle une sous-location interdite par le bail : le locataire a sous-loué un mur sur lequel sont apposés des panneaux publicitaires. Dès lors, le bailleur ne veut rien verser au locataire. Il adresse au locataire un commandement d’huissier visant la clause résolutoire et lui enjoint de cesser l’infraction dans le délai de 1 mois. Les panneaux publicitaires étant toujours en place passé ce délai, le bailleur agit en justice. Les juges refusent de constater la résiliation du bail. Pour eux, l’infraction n’est pas si grave, d’autant que les panneaux sont installés depuis plus de 30 ans et que le locataire n’en tire qu’un très faible loyer. La Cour de cassation censure : le juge n’a pas à apprécier la gravité de la faute du locataire ; en vertu de la clause résolutoire, le bail est résilié de plein droit, 1 mois après mise en demeure, si le locataire n’a pas régularisé sa situation (cass. civ., 3e ch., 5 octobre 2017, n° 15-25018).

Mise en œuvre de la clause résolutoire

Nécessité de délivrer un commandement

528

En présence d’une infraction à une clause de bail sanctionnée par la clause résolutoire, le bailleur doit tout d'abord mettre en demeure le locataire de cesser l’infraction.

Pour cela, il doit faire délivrer, par huissier, un commandement. La mise en œuvre de la clause résolutoire d’un bail ne peut résulter que d’un acte d’huissier ; elle ne peut pas résulter de l'envoi d'une lettre recommandée AR (cass. civ., 3e ch., 21 décembre 2017, n° 16-10583). Ce commandement doit, à peine de nullité, comporter certaines mentions et notamment le délai de 1 mois octroyé au locataire pour s’exécuter. La notification aux créanciers inscrits, quand il en existe, doit être faite (voir §§ 543 à 545).

En présence de co-preneurs, le commandement doit être notifié à chacun d’eux.

  • Local en indivision. Le commandement de payer visant la clause résolutoire n’est qu’un acte conservatoire. Il n’implique donc pas le consentement des indivisaires pour au moins deux tiers des droits indivis (cass. civ., 1re ch., 9 juillet 2014, n° 13-21463).

  • Locataire ayant créé une société. Un propriétaire, qui a conclu un bail avec une personne physique exploitant à l'enseigne « Espace coiffure », lui fait délivrer un commandement visant la clause résolutoire. La locataire tente d'obtenir la nullité du commandement en faisant valoir que, depuis des années, les loyers sont réglés par la SARL Espace coiffure et que le propriétaire lui a écrit en mentionnant « SARL Espace coiffure, à l'attention du gérant ». Selon elle, le commandement aurait dû être délivré à la SARL. L'argument est repoussé par la Cour de cassation : l'important est le bail selon lequel le seul locataire est la personne physique. Par conséquent, le commandement devait bien être délivré à la personne physique (cass. civ., 3e ch., 17 juin 2021, n° 20-15441).

  • Un commandement suivi d'une offre de renouvellement perd tout effet. Après avoir délivré au locataire un commandement, visant la clause résolutoire, de respecter la clause de destination des lieux, le bailleur donne finalement congé au locataire avec offre de renouvellement du bail. Un mois plus tard, il lui délivre un nouveau commandement, le sommant, cette fois-ci, de procéder à la démolition de murettes et d'ouvertures réalisées en violation de la clause interdisant toute modification des lieux. Le locataire s'oppose aux deux commandements et le bailleur demande en justice l'acquisition de la clause résolutoire. Il l'obtient, dans un premier temps, sur le fondement du premier commandement, mais la Cour de cassation censure cette décision. Selon elle, en offrant le renouvellement du bail et en délivrant un second commandement fondé sur une nouvelle faute, le bailleur a renoncé de manière non équivoque à se prévaloir du premier commandement (cass. civ., 3e ch., 28 juin 2018, n° 17-15247).

    La Cour a repris cette même solution dans un arrêt postérieur (cass. civ., 3e ch., 21 janvier 2021, n° 19-24466).

Délai et lieu de délivrance

529

L’article L. 145-41 du code de commerce prescrit, à peine de nullité, la mention dans le commandement visant la clause résolutoire du délai de 1 mois imparti au locataire pour se conformer à ses obligations ; le commandement visant une telle clause – qui ne mentionne pas le délai de 1 mois –, ne peut pas entraîner la résiliation de plein droit du bail (cass. civ., 3e ch., 6 mars 1996, n° 93-17520).

Est nulle une sommation au locataire d’avoir à régulariser immédiatement et sans délai une infraction aux clauses du bail (cass. civ., 3e ch., 14 décembre 1994, n° 93-12191). En pratique, il est donc important de veiller à la régularité du commandement délivré par l’huissier.

  • Domicile élu. Pour être valable, le commandement doit être délivré au lieu de l’élection de domicile du locataire prévu dans le bail (cass. civ., 3e ch., 17 octobre 1978, n° 77-13293 ; cass. civ., 3e ch., 16 mai 1990, n° 88-18931).

  • L’huissier peut se présenter au principal établissement. Une société est immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) d’Orléans, où elle a son siège social et au RCS de Bourges, où elle a son principal établissement dans lequel elle exploite une discothèque. À deux reprises, un huissier se présente à cet établissement et notifie tout d’abord un commandement de payer des loyers arriérés puis une assignation en résiliation du bail. La société demande la nullité des actes d’huissier soulignant que la discothèque est fermée pendant la journée et que l’huissier aurait dû se présenter au siège social, à Orléans. Cette demande est rejetée. En effet, la notification destinée à une société est faite au lieu de son établissement (c. proc. civ. art. 690) et l'huissier n'est pas obligé de se présenter au siège social (cass. civ., 1re ch., 12 octobre 2016, n° 15-14896).

  • Formule imprécise. Est insuffisante la formule « premier jour du terme d’usage » pour déterminer le délai de remise des lieux au bailleur (cass. civ., 3e ch., 19 mars 1997, n° 95-17070).

  • Loyers échus après le commandement. Un nouveau commandement est nécessaire pour les loyers courants échus postérieurement à la délivrance d’un premier commandement (cass. civ., 3e ch., 9 juillet 2003, n° 02-12350).

  • Commandement mentionnant deux délais. Un locataire reçoit de son bailleur un commandement de payer visant la clause résolutoire prévue par son bail. Conformément à la loi, ce commandement indique que le bail résilié de plein droit si le locataire ne paye pas dans le délai de 1 mois. Cependant une seconde clause du commandement ajoute que, faute de paiement dans les 8 jours, les biens mobiliers du locataire pourront être saisis à titre conservatoire. Le locataire conteste la validité de ce commandement et il obtient gain de cause. Pour la Cour de cassation, la mention de deux délais différents a pu créer, dans l'esprit du locataire, une confusion l'empêchant de prendre la mesure exacte des injonctions qui lui étaient faites et d'y apporter la réponse appropriée dans le délai requis. En conséquence, le locataire obtient la nullité du commandement (cass. civ., 3e ch., 17 mars 2016, n° 14-29923).

  • Délai d’un mois manifestement insuffisant. Un preneur reçoit un commandement d’avoir à réaliser, dans le délai de 1 mois, des travaux prescrits par la commission départementale de sécurité. Ces travaux n’étant toujours pas réalisés, le bailleur demande l’acquisition de la clause résolutoire. Les juges font droit à cette demande mais leur décision est censurée. Selon la Cour de cassation, ils auraient dû rechercher si, compte tenu du délai imparti, la clause n’avait pas été mise en œuvre de mauvaise foi (cass. civ., 3e ch., 27 octobre 2010, n° 09-69820).

Rédaction du commandement

530

La mise en demeure doit viser expressément l’infraction et invoquer de façon précise et détaillée les manquements auxquels il doit être pourvu ainsi que les remèdes que le locataire doit apporter dans le délai de 1 mois ; toute incertitude ou ambiguïté prive la sommation de tout effet (cass. civ., 3e ch., 1er octobre 1975, n° 74-12076 ; cass. civ., 3e ch., 11 octobre 1977, n° 76-12730). À défaut de mentionner le délai de 1 mois, le commandement ne peut entraîner de plein droit la résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 6 mars 1996, n° 93-17520).

  • Caractère irréversible de l’infraction. Même en présence d’une infraction à caractère irréversible tel le défaut d’appel du bailleur à l’acte de cession, un commandement est nécessaire pour demander l'application de la clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 30 mai 1996, n° 93-17201).

  • Justification des sommes demandées. Le commandement tendant au paiement d’accessoires de loyer doit justifier le montant des sommes demandées (cass. civ., 3e ch., 23 juin 1981, n° 79-14605) et, d’une façon plus générale, l’indication des dispositions inexécutées (cass. civ., 3e ch., 8 novembre 1989, n° 88-14489). Mais le commandement de payer fait pour une somme supérieure au montant réel de la créance n’en est pas moins valable à due concurrence (cass. civ., 3e ch., 5 février 1992, n° 90-13153 ; cass. civ., 3e ch., 27 octobre 1993, n° 91-19416).

  • Irrégularités dans le commandement. Un commandement visant la clause résolutoire comporte deux irrégularités. D’une part, il fait référence à la loi du 6 juillet 1989 qui ne concerne que les baux d’habitation. D’autre part, il mentionne à la fois :

    -un délai de 8 jours imparti au locataire pour payer, sous peine de saisie vente ;

    -et un délai de 2 mois autorisant le bailleur à se prévaloir de la clause résolutoire.

    Ces irrégularités conduisent les juges à prononcer la nullité du commandement (cass. civ., 3e ch., 3 octobre 2007, n° 06-16361).

Violation d’une clause du bail

Manquement contractuel

531

La clause résolutoire ne peut être invoquée qu’en cas de violation des stipulations du bail (cass. civ., 3e ch., 15 septembre 2010, n° 09-10339 ; cass. civ., 3e ch., 17 septembre 2013, n° 12-21724).

Lorsque les conditions de forme du commandement sont remplies, le juge recherchera si le preneur a réellement manqué à ses obligations et si l’infraction reprochée résulte bien de l’inobservation d’une clause du bail sanctionnée par l’action résolutoire (cass. civ., 3e ch., 18 mai 1988, n° 87-11669).

Le commandement de payer est nul s’il tend à obtenir le paiement de sommes autres que celles dues en exécution du bail (cass. civ., 3e ch., 30 juin 2010, n° 09-16244).

  • Clause du bail non visée par l’action résolutoire. Le bailleur n’a pu se prévaloir de la clause résolutoire :

    -pour une sous-location en l’absence d’interdiction de sous-louer visée par la clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 11 juin 1986, n° 84-15512) ;

    -pour le défaut d’exploitation du fonds, l’exploitation ne figurant pas au nombre des clauses du bail (cass. civ., 3e ch., 8 janvier 1985, n° 83-15771) ;

    -pour un rappel de loyer dû suite à une décision judiciaire, la clause résolutoire visant le défaut de paiement des loyers (cass. civ., 3e ch., 11 juillet 1990, n° 88-19994) ;

    -pour l’occupation abusive de locaux non compris dans le bail (cass. civ. 3 juillet 1984, n° 83-11501)  ;

    -pour défaut de paiement de l’indemnité d’occupation, celle-ci étant distincte du loyer auquel elle se substitue dès l’expiration du bail (cass. civ., 3e ch., 24 février 1999, n° 97-11554). La situation serait différente si la clause résolutoire visait expressément l'indemnité d'occupation.

  • Défaut d’exploitation. La maladie du locataire n’est pas un cas de force majeure le dispensant d’exploiter le fonds dès lors que l’activité aurait pu être maintenue par l’épouse, par un salarié ou par une mise en location-gérance (cass. civ., 3e ch., 18 octobre 2005, n° 04-17882).

  • Intérêts de retard. Si le bail prévoit expressément que le non-paiement des intérêts attachés aux loyers visés dans un commandement de payer est sanctionné par la clause résolutoire, le commandement peut inclure les intérêts et, à défaut de paiement des loyers et des intérêts, la clause résolutoire sera acquise (cass. civ., 3e ch., 13 décembre 2006, n° 06-12323).

  • Violation mentionnée dans le commandement. Un bail prévoit l’activité de laverie automatique. Le bailleur fait délivrer au locataire, le 5 février 2001, un commandement visant la clause résolutoire. Dans ce commandement, il demande au locataire de cesser les activités de pressing, blanchisserie et retouche non prévues par le bail. Le 11 octobre 2001, un procès-verbal indique que le locataire exerce une activité de nettoyage à sec. Le bailleur obtient en justice l’acquisition de la clause résolutoire mais cette décision est censurée par la Cour de cassation, car le commandement visait seulement une infraction au bail constituée par une activité de pressing, blanchisserie et retouche (cass. civ., 3e ch., 10 juillet 2007, n° 06-17830).

  • Défaut d’assurance permanente. Un bailleur fait délivrer à son locataire un commandement visant la clause résolutoire afin qu’il justifie, conformément aux clauses du bail, d’une police d’assurance maintenue sans interruption depuis octobre 2003 et du paiement de l’intégralité des primes correspondantes. Puis, le bailleur assigne le locataire en acquisition de la clause résolutoire. Il s'avère que les locaux n’ont pas été assurés pendant 5 mois d’affilée. La clause est acquise, le locataire n’ayant pas justifié d’une assurance continue dans le délai imparti par le commandement (cass. com. 23 juin 2009, n° 08-16761).

  • Coût du commandement. Le coût du commandement ne constituant pas un accessoire du loyer, le défaut de paiement ne peut entraîner le jeu de la clause résolutoire, à défaut d’une stipulation expresse de celle-ci visant les frais de poursuite (cass. civ., 3e ch., 24 mai 2000, n° 98-18049).

Le locataire s’exécute

532

C'est au locataire de justifier qu'il s'est libéré des causes du commandement (cass. civ., 3e ch., 17 décembre 2015, n° 14-22526). Lorsqu'il a effectivement rempli ses obligations mentionnées dans le commandement dans le délai fixé, toute action de la part du bailleur se trouve épuisée.

Une réitération ultérieure d’un même manquement doit faire l’objet d’un nouveau commandement visant la clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 22 juillet 1987, n° 86-13998 ; cass. civ., 3e ch., 9 octobre 1996, n° 94-17977).

Le locataire ne s’exécute pas dans le délai

533

À défaut, pour le preneur, d’avoir rempli ses obligations selon les termes de la sommation ou d’avoir agi en justice afin de demander des délais (voir § 537), le bailleur peut demander le bénéfice de la clause résolutoire ou y renoncer ; il peut aussi demander la résiliation judiciaire (voir § 524).

Le locataire passif pourra se voir contraint de quitter les locaux et il perdra tout droit à indemnité.

  • Occupant sans titre. À l’expiration du délai de mise en demeure, le locataire défaillant qui n’a pas contesté cette action devient occupant sans droit ni titre et l’acquéreur ultérieur des locaux peut aussi poursuivre son expulsion (cass. civ., 3e ch., 19 mars 1986, n° 84-11396 ; cass. civ., 3e ch., 30 mai 1990, n° 89-12586). Le bailleur pourra faire une demande en constatation de la résiliation du bail ; il ne pourra être fait échec à cette demande au motif que si l’expulsion est immédiatement ordonnée, elle entraînera, pour le locataire, la perte du fonds de commerce (cass. civ., 3e ch., 16 décembre 1987, n° 86-13448).

  • Renonciation au bénéfice de la clause résolutoire. La renonciation au bénéfice de la clause résolutoire ne se présume pas mais elle peut résulter d’actes qui impliquent nécessairement et sans équivoque l’intention du bailleur d’y renoncer (cass. civ., 3e ch., 18 novembre 1965, BC III n° 587 ; cass. civ., 3e ch., 17 novembre 1971, n° 70-13138). La signature d’un avenant de révision de loyer postérieurement à un commandement de payer vaut renonciation tacite (cass. civ., 3e ch., 21 novembre 1995, n° 93-21665). Le seul écoulement du temps ne constitue pas un acte manifestant sans équivoque la volonté de renoncer à se prévaloir des effets de la clause résolutoire. Ainsi, le bailleur peut :

    -se prévaloir de la clause résolutoire 10 ans après avoir signifié un commandement visant cette clause (cass. com. 7 décembre 2004, n° 03-14605) ;

    -exécuter la mesure d’expulsion envers un locataire laissé en place pendant 5 ans après l’acquisition de la clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 19 mars 2008, n° 07-11194).

  • Le locataire ne peut pas contraindre le bailleur à demander la résiliation. Face à des loyers impayés, un bailleur fait délivrer un commandement de payer. Un mois plus tard, l'impayé n’est pas régularisé. Pour autant, le bailleur apprend que le locataire est solvable. Il décide d’obtenir le paiement de l’impayé et de poursuivre le bail. Le locataire veut, au contraire, faire constater la résiliation effective du bail, conformément au jeu de la clause résolutoire. Les juges notent que le commandement ne prévoyait pas que la résiliation prendrait fin à l’expiration du délai d’un mois « de façon inéluctable ». Ils donnent donc gain de cause au bailleur : la clause résolutoire a été stipulée au seul profit du bailleur. Il peut donc y renoncer même après le commandement de payer. En pratique, le locataire se trouve tenu à respecter le bail, et notamment le paiement des loyers, jusqu’à l’expiration de la période triennale en cours (cass. civ., 3e ch., 27 avril 2017, n° 16-13625).

  • Acquéreur du droit au bail. Les cessionnaires, tenus des mêmes obligations que les cédants, ont l’obligation de supprimer une construction édifiée en infraction d’une clause du bail ayant fait l’objet d’une mise en œuvre de la clause résolutoire, l’acquisition de la clause pouvant être opposée en raison de la continuation du manquement après la cession du bail, faute d’y avoir mis fin (cass. civ., 3e ch., 11 mai 1999, n° 98-12462).

  • Travaux exécutés tardivement. Un bailleur avait mis en demeure le locataire de retirer les enseignes et le store posés sans autorisation, de remettre en état la porte du magasin, d’enlever une ventilation donnant sur le hall de l’immeuble ; ces travaux de réparation et de remise en état ont été effectués par le locataire postérieurement au délai fixé par le commandement ; dès lors, la clause résolutoire est acquise (cass. civ., 3e ch., 2 décembre 1998, n° 97-11109).

  • Preuve de la persistance de l’infraction. Il appartient au bailleur d’établir la persistance de l’infraction aux clauses du bail après l’expiration du délai de mise en demeure (cass. civ., 3e ch., 13 novembre 1997, n° 95-16419).

    Un bailleur délivre un commandement visant la clause résolutoire en reprochant au locataire une absence d'exploitation. Le commandement donne un mois au locataire pour exploiter le local de façon continue et effective. Ce commandement ne permet pas de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire dès lors qu'il n'est pas suivi d'un second commandement constatant que le premier est resté sans effet (cass. civ., 3e ch., 20 mai 2021, n° 20-12533).

Le locataire conteste devant le tribunal

Le locataire invoque la mauvaise foi du bailleur

534

La jurisprudence refuse de donner effet à des mises en demeure délivrées de mauvaise foi ; en effet, la clause résolutoire doit être invoquée de bonne foi et non dans la seule intention de nuire au locataire (voir notamment cass. civ., 3e ch., 25 janvier 1983, n° 81-12647 ; cass. civ., 3e ch., 6 juin 1984, n° 83-10946).

  • Carence du bailleur. Le bailleur n’est pas de bonne foi lorsqu’il invoque la clause résolutoire envers son locataire sur le fondement de la non-exécution de travaux alors que, par sa carence, il n’est pas étranger au mauvais état de l’immeuble (cass. civ., 3e ch., 27 mai 1987, n° 85-18076).

  • Période de vacances. Une sommation délivrée en période de vacances fait douter de la bonne foi du bailleur qui savait les locataires absents et connaissait leur adresse de vacances (cass. civ., 3e ch., 16 octobre 1973, n° 72-11956).

  • Bonne foi au moment du commandement. Dans le mois du commandement visant la clause résolutoire, le locataire s'acquitte des loyers impayés, mais pas des frais de poursuite également visés dans la clause résolutoire (entre 80 et 90 €). Les bailleurs l'assignent en référé et demandent la constatation de la clause résolutoire. Le locataire paie les frais le jour de l'audience (soit 3 jours après l'assignation) mais les bailleurs ne retirent pas leur demande et obtiennent la constatation de la clause résolutoire. Le locataire tente un recours et souligne la mauvaise foi des bailleurs qui invoquent la clause résolutoire pour des frais dérisoires. Ce recours est repoussé, la clause résolutoire ayant été mise œuvre de bonne foi par les bailleurs au moment de la délivrance du commandement (cass. civ., 3e ch., 11 mars 2021, n° 20-13639).

Le locataire fait valoir certains faits

535

Les effets de la clause résolutoire ont été refusés lorsque le preneur était dans l’impossibilité absolue d’exécuter dans le délai imparti les travaux prévus au bail (cass. civ., 3e ch., 16 décembre 1987, n° 86-14417) ou en cas de force majeure (cass. civ., 3e ch., 28 juin 1989, n° 88-12492).

  • Attestation d’assurance. La résiliation d’un bail commercial a été refusée pour défaut d’envoi d’attestation d’assurance nonobstant le jeu de la clause résolutoire acquise dans la mesure où le locataire avait en définitive souscrit une assurance toujours en cours (cass. civ., 3e ch., 13 avril 1988, n° 87-10516).

  • Impossibilité d’utiliser les locaux. Certaines décisions ont refusé de résilier le bail pour défaut de paiement des loyers lorsque le locataire était dans l’impossibilité totale d’user des lieux loués conformément à leur destination (voir § 62).

  • Demande en nullité du commandement. Le juge saisi d’une demande en nullité d’un commandement de payer des loyers est compétent pour statuer sur la demande subsidiaire de délais de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 5 juin 2002, n° 00-21774).

Appréciation du juge

536

La rédaction de la clause résolutoire peut ouvrir au juge un pouvoir d’appréciation. En effet, la clause résolutoire doit être exprimée de manière non équivoque, faute de quoi les juges retrouvent leur pouvoir d’appréciation (cass. civ., 3e ch., 25 novembre 1986, n° 84-15705 ; cass. civ., 3e ch., 7 décembre 1988, n° 87-11892).

Le locataire demande des délais

Demande expresse en justice

537

Le locataire peut demander en justice des délais, quelle que soit l’inexécution de l’obligation en cause. L’article L. 145-41 du code de commerce autorisant ce recours n’est pas seulement limité au défaut de paiement du loyer ; le locataire peut également l’invoquer pour le non-paiement des charges, la non-exécution de travaux lui incombant, une infraction à une clause du bail et, d’une façon générale, quel que soit le manquement à ses obligations.

La demande du locataire se traduira par une assignation en référé du bailleur ; il pourra aussi s’agir d’une demande reconventionnelle à celle du bailleur. Le preneur agira sur les conseils de son avocat.

La possibilité de demander un délai quel que soit le motif invoqué permet, dans de nombreux cas, au locataire de régulariser la situation ; il en est ainsi notamment pour le défaut d’exploitation.

  • Demande à tout moment. La demande du locataire en vue d’obtenir un délai peut être présentée à tout moment et après l’expiration du délai de 1 mois prévu au commandement (cass. civ., 3e ch., 7 janvier 1998, n° 95-20167).

    Le juge ne peut pas refuser d'accorder des délais au motif que le locataire n'a pas réglé le montant réclamé dans le commandement de payer dans le délai de 1 mois (cass. civ., 3e ch., 6 juillet 2017, n° 16-12998).

    Tant que la résiliation n’a pas fait l’objet d’une décision judiciaire devenue définitive, le locataire peut solliciter des délais (cass. civ., 3e ch., 5 octobre 1994, n° 92-15714 ; cass. civ., 3e ch., 11 juin 1997, n° 94-21056 ; cass. civ., 3e ch., 18 mai 2010, n° 09-13785).

    La demande de suspension des effets de la clause résolutoire peut être formée pour la première fois en appel (cass. civ., 3e ch., 6 janvier 1993, n° 91-10401 ; cass. civ., 3e ch., 14 juin 2006, n° 05-12042).

  • Suspendre une clause résolutoire acquise. Un bailleur fait délivrer au locataire un commandement de payer 1 380 € de loyers impayés, en visant la clause résolutoire prévue dans le bail. La somme n’est pas réglée dans le mois du commandement de payer et le locataire assigne le bailleur en opposition au commandement de payer. Après avoir constaté que la clause résolutoire était acquise pour défaut de paiement dans le délai imparti, les juges accordent néanmoins au locataire un nouveau délai de 1 mois pour apurer sa dette. Ils décident que les effets de la clause résolutoire doivent être suspendus pendant ce délai et qu’elle sera réputée ne pas avoir joué en cas de paiement dans le délai. Cette solution est approuvée par la Cour de cassation (cass. civ., 3e ch., 4 mars 2009, n° 08-14557). Elle se retrouve dans d'autres arrêts postérieurs (cass. civ., 3e ch., 13 septembre 2011, n° 10-24862).

  • Délais rétroactifs. Un locataire règle tous les loyers impayés le 9 juin 2015 alors que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies depuis le 5 août 2014. Les juges retiennent que, compte tenu des efforts du locataire pour apurer sa dette locative, il y a lieu de lui accorder des délais rétroactifs jusqu'au 9 juin 2015, en conséquence de quoi la clause résolutoire est réputée n'avoir jamais joué (cass. civ., 3e ch., 19 novembre 2020, n° 19-20405).

  • Consignation des fonds litigieux. Ne présente pas les caractéristiques d’une demande ayant pour objet de voir suspendre les effets de la clause résolutoire le fait, pour le colocataire, de consigner seulement les fonds litigieux (cass. civ., 3e ch., 10 novembre 1982, Gaz. Pal. 1983, somm. 122).

  • Une demande du locataire est nécessaire. Un locataire règle sa dette après l’expiration du délai de 1 mois visé par le commandement mais avant l’audience au cours de laquelle le bailleur demande aux juges de constater l’acquisition de la clause résolutoire. Les juges décident que celle-ci n’a pas joué, car le locataire est à jour de sa dette. Cette décision est censurée par la Cour de cassation : pour que la clause résolutoire ne joue pas, les juges auraient dû accorder des délais, puis constater que la dette avait été payée dans ces délais (cass. civ., 3e ch., 7 décembre 2004, n° 03-18144). La demande de délais est nécessaire même si le locataire a exécuté ses obligations, dès lors qu’il ne l’a pas fait dans le délai de 1 mois fixé par le commandement (cass. civ., 3e ch., 8 avril 2010, n° 09-11292).

    Les juges ne peuvent pas d’office accorder des délais suspendant l’application de la clause résolutoire. Ils doivent être expressément demandés par le locataire (cass. civ., 3e ch., 18 mai 2010, n° 09-66848).

Vérification de la situation du locataire

538

L’octroi de délais suppose que le débiteur soit de bonne foi et se trouve dans une situation qui ne lui permette pas de se libérer immédiatement (cass. com. 30 avril 1963, BC IV n° 213).

  • Erreur de bonne foi. Lorsque le défaut de paiement des loyers est dû à une erreur commise de bonne foi par le locataire sur le montant de sa dette, les juges peuvent accorder des délais (cass. civ., 3e ch., 5 mars 1974, n° 73-10373).

  • Paiement de la dette en cours de procédure. Les effets de la clause résolutoire ont été suspendus lorsque le débiteur, remplissant les conditions exigées par le code civil, a payé sa dette en cours de procédure, alors qu’il aurait été en droit d’obtenir des délais (cass. civ., 3e ch., 20 avril 1977, n° 75-15391).

  • Quittances tardives. Le locataire qui n’a reçu de quittances de loyers que tardivement, qui ne lui permettaient pas de savoir à quelles sommes correspondaient les reçus, ne peut pas être considéré comme de mauvaise foi (cass. civ., 3e ch., 7 janvier 1998, n° 95-20167).

  • Vérification de la situation économique. Les juges doivent rechercher si la position du locataire et sa situation économique l'ont empêché de se libérer dans le délai du commandement (cass. civ., 3e ch., 9 mai 1978, n° 77-13019).

Pouvoir d’appréciation du juge

539

Le juge, saisi d’une demande de délai avec suspension des effets de la clause résolutoire, dispose d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation pour l’octroi de délais (cass. civ., 3e ch., 29 juin 1994, n° 92-17328 ; cass. civ., 3e ch., 15 mai 1996, n° 94-16026 ; cass. civ., 3e ch., 14 septembre 2010, n° 09-69112). Le juge peut, de façon discrétionnaire, rejeter la demande de délais et refuser de suspendre les effets de la clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 13 décembre 2005, n° 04-16255). L’octroi de délais implique nécessairement la suspension des effets de la clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 7 janvier 1998, n° 95-17775). Le juge qui accorde des délais de paiement doit fixer la ou les dates auxquelles le débiteur devra se libérer (cass. civ., 3e ch., 7 janvier 1998, n° 96-12979).

  • Cession du droit au bail. Des délais ont été accordés à propos :

    -de l’omission de faire concourir le propriétaire à un acte de sous-location (cass. civ., 3e ch., 27 octobre 1993, n° 91-19563). Selon cet arrêt, les juges peuvent accorder des délais pour suspendre les effets de la clause résolutoire quel que soit le motif invoqué comme manquement du preneur à ses obligations ;

    -du non-respect des conditions de forme d’une cession, les juges octroyant un délai pour procéder à une cession selon les clauses prévues au bail (cass. civ., 3e ch., 22 mars 1995, n° 92-14045).

  • Infraction minime à une clause du bail. Le tribunal accorde régulièrement des délais dans cette situation et notamment pour la pose d’une enseigne au mépris d’une clause du bail (cass. civ., 3e ch., 15 janvier 1992, n° 90-16625).

  • Manque temporaire de trésorerie. Des délais sont octroyés en raison de la situation économique du preneur de bonne foi temporairement gêné par les difficultés économiques et les investissements réalisés pour l’aménagement des locaux loués (cass. civ., 3e ch., 15 mai 1996, n° 94-14987).

  • Contentieux locatif important. Est justifiée la décision d’ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire et d’accorder des délais de paiement lorsque le locataire a fait preuve de bonne foi et qu’il était soumis à un contentieux locatif permanent et que l’immeuble était dans un état déplorable auquel le bailleur avait reçu injonction de remédier (cass. civ., 3e ch., 19 mai 1999, n° 97-19608).

  • Refus de payer les loyers. La demande de délai d’un locataire a été rejetée du fait qu’il n’avait pas payé les loyers dans le mois du commandement (cass. civ., 3e ch., 29 juin 1994, n° 92-17328) ou qu’il avait refusé de payer les prestations locatives et taxes de la ville (cass. civ., 3e ch., 27 octobre 1993, n° 91-19416).

  • Situation économique difficile non prouvée. Des délais ont été refusés à un débiteur qui se prévalait de la situation économique dans une île où se situaient les locaux, l’état de régression de la situation économique dans l’île n’étant pas établi (cass. civ., 3e ch., 14 octobre 1992, n° 91-10780).

Délai maximum

540

Le juge peut accorder des délais dans la limite de 2 ans. Pendant ce délai, les effets de la clause résolutoire sont suspendus (cass. civ., 3e ch., 7 janvier 1998, n° 95-17775). En appel, les juges ne peuvent accorder un nouveau délai si le premier n’a pas été respecté ; par contre, le locataire peut, dès la décision prononcée, faire appel lorsqu’il considère que les délais octroyés sont trop courts.

Si le locataire s’exécute dans les termes de la décision, l’infraction est en quelque sorte réparée, la résiliation du bail ne peut intervenir sur ce fondement ; encourt la cassation la décision qui constate la résiliation du bail sans rechercher si le locataire ne s’était pas conformé aux décisions judiciaires qui lui avaient accordé des délais pour s’acquitter de sa dette (cass. civ., 3e ch., 9 janvier 1991, n° 90-10127).

Le délai de grâce ne peut commencer à courir qu’à la date de la décision qui l’accorde lorsqu’elle est contradictoire (cass. civ., 3e ch., 18 décembre 1991, n° 89-19914).

Le locataire ne respecte pas la décision

541

Lorsque le preneur ne s’est pas libéré dans les conditions fixées par le juge, la clause résolutoire reprend son plein effet à l’expiration du délai imparti par le commandement délivré par le bailleur. Le locataire devient occupant sans droit ni titre rétroactivement à l’expiration du délai prévu dans le commandement qui a déclenché la procédure devant le juge (voir § 529).

  • Échéancier non respecté. La clause résolutoire est acquise au bailleur lorsque les loyers ont été payés tardivement par rapport à l’échéance fixée par le juge ou si le locataire impute le paiement des loyers courants sur l’arriéré alors que la première décision avait précisé que le locataire devait, outre le paiement du loyer en cours, s’acquitter de sa dette par versements mensuels et qu’à défaut d’un seul versement à son échéance, le bénéfice de la clause résolutoire était acquis (cass. civ., 3e ch., 10 janvier 1990, n° 88-18198). La Cour de cassation a récemment réaffirmé sa rigueur quant au respect de l’échéancier de paiement de la dette constatée par le juge des référés et décide que le moindre manquement emporte acquisition de la clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 8 octobre 2015, n° 14-15152).

  • Travaux non exécutés. À défaut de réalisation des travaux ordonnés dans le délai imparti, la résiliation du bail doit être ordonnée, peu importent les efforts accomplis par le locataire pour satisfaire à son obligation d’entretien (cass. civ., 3e ch., 5 février 1997, n° 95-10285).

  • Force majeure ou circonstances nouvelles. Lorsque la décision qui accorde des délais prévoit qu’à défaut de règlement d’une seule échéance, la résiliation du bail serait acquise, et ordonne dès à présent l’expulsion dans cette éventualité ; seul un événement revêtant un caractère de force majeure est de nature à justifier le refus d’expulsion (cass. civ., 3e ch., 16 avril 1986, n° 84-14782).

  • Pouvoir de suspension de la cour d’appel. La cour d’appel a le pouvoir de suspendre les effets de la clause résolutoire pendant un délai supérieur à celui que le premier juge avait accordé au locataire d’un local à usage commercial et l’application de la clause résolutoire doit être écartée lorsque le locataire s’est libéré intégralement de sa dette dans le délai octroyé par la cour d’appel (cass. civ., 3e ch., 8 avril 1992, n° 91-10465).

  • Nouveaux délais : impossibilité. Un locataire ne respecte pas l’échéancier prévu par une ordonnance de référé définitive. L'ordonnance prévoit que la clause résolutoire du bail commercial reprend effet en cas de non-respect de l'échéancier. La clause est définitivement acquise sans que son effet puisse être suspendu par l’octroi de nouveaux délais (cass. civ., 3e ch., 14 octobre 1992, n° 90-21657 ; cass. civ., 3e ch., 2 avril 2003, n° 01-16834).

  • Lors d’une demande de renouvellement. Une cour d’appel statuant dans une instance ayant pour objet le renouvellement du bail peut constater que l’échéance fixée par le juge des référés ayant suspendu les effets de la clause résolutoire n’avait pas été honorée par le preneur, de sorte que la clause résolutoire était réputée acquise et que les locataires ne pouvaient valablement solliciter le renouvellement du bail (cass. civ., 3e ch., 25 février 2004, n° 02-12021).

  • Délais demandés en référé puis aux juges du fond. Le bailleur fait délivrer au preneur, le 9 mars 2001, un commandement de payer un arriéré de loyers visant la clause résolutoire, puis l’assigne en référé pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire. Par ordonnance du 3 janvier 2002, des délais sont accordés au preneur pour s’acquitter de l’arriéré. Ces délais ne sont pas respectés et le bailleur saisit le juge de l’exécution, qui, par un jugement du 15 octobre 2002 devenu définitif, déclare valable le commandement de quitter les lieux délivré le 19 juin 2002 au preneur. Le 17 mars 2004, le locataire assigne le bailleur afin de contester la résiliation et d’obtenir un délai complémentaire. Les juges font droit à ces demandes au motif que, en application de l’article 488 du code de procédure civile, « l’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée ». Cette décision est censurée : les juges du fond ne pouvaient pas accorder de nouveaux délais (cass. civ., 3e ch., 15 octobre 2008, n° 07-16725).

  • Date d’acquisition de la clause résolutoire. Un bailleur délivre au locataire un commandement de payer des loyers, visant la clause résolutoire. Le locataire obtient une ordonnance de référé lui accordant des délais de paiement. Cependant, ce locataire ne respecte pas ces délais. En conséquence, la clause résolutoire est considérée comme acquise 1 mois après la délivrance du commandement visant la clause (cass. civ., 3e ch., 10 juillet 2007, n° 06-13639).

  • Erreur de la banque. Un locataire a reçu un commandement de régler des loyers impayés ; à défaut, le bail commercial sera résilié de plein droit en vertu de la clause résolutoire stipulée dans le contrat. Le locataire a obtenu en justice la suspension de la clause résolutoire et des délais de paiement échelonnés sur 18 mois pour payer son arriéré de loyers commerciaux. En raison d’un incident technique survenu dans le service informatique de la banque du locataire, la dernière échéance de paiement n’a pas pu être réglée à la date fixée par l’échéancier judiciaire. Le bailleur lui a donc délivré un commandement de quitter les lieux. Cependant, les juges ont déclaré que cet incident de paiement constituait un cas de force majeure, permettant ainsi à la locataire d’éviter l’application de la clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 17 février 2010, n° 08-20943).

  • Expulsion quelques années plus tard. Le locataire d’un local commercial doit un arriéré de loyers et charges. Une décision de justice lui accorde un délai pour s’acquitter mais la décision précise qu’à défaut de paiement complet dans le délai, la clause résolutoire sera acquise au propriétaire qui pourra demander l’expulsion du locataire. À la fin du délai, le locataire n’a pas entièrement apuré sa dette. Ce n’est que 5 ans plus tard que le propriétaire demande son expulsion. Cette demande est, dans un premier temps, rejetée, les juges estimant qu’en laissant en place le locataire pendant 5 ans, le bailleur a renoncé à se prévaloir de l’acquisition de la clause résolutoire. Cette décision est censurée par la Cour de cassation : le temps qui passe ne permet pas de conclure que le propriétaire a renoncé à quoi que ce soit (cass. civ., 3e ch., 19 mars 2008, n° 07-11194).

  • Le bailleur ne souhaite plus la résiliation. Un locataire ne respecte pas les délais de paiement conditionnant la suspension des effets de la clause résolutoire. Dès lors que l'ordonnance de référé accordant ces délais est passée en force de chose jugée et qu'aucune décision contraire n'est intervenue au principal, le bailleur ne peut plus demander unilatéralement l'exécution du bail résilié (cass. civ., 3e ch., 22 octobre 2020, n° 19-19542).

Compétence du juge des référés

542

Très souvent, le bail donne compétence au juge des référés pour statuer sur la clause résolutoire ; le juge qui statue en vertu d’une telle clause pour constater en référé la résiliation du bail n’a pas à relever l’urgence (cass. civ., 3e ch., 20 janvier 1988, n° 86-18276).

Le juge des référés n'a pas le pouvoir de prononcer la résiliation du bail commercial, il ne peut que constater l'acquisition, ou non, de la clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 20 décembre 2018, n° 17-16783). Ainsi, le bailleur veillera, lorsqu'il souhaite mettre en œuvre la clause résolutoire, à saisir le juge sur le bon fondement, au risque de voir sa demande rejetée.

Enfin, il convient de noter que l’ordonnance de référé n’a pas autorité de chose jugée. Le locataire peut faire appel de la décision du juge des référés, mais lorsque le juge des référés a octroyé des délais non respectés par le locataire, les juges du fond ne peuvent accorder de nouveaux délais (voir § 541).

  • Contestation du locataire. Lorsque le bailleur saisit le juge des référés d’une demande d’acquisition de la clause résolutoire, le juge ne peut pas statuer si le locataire invoque une contestation sérieuse, par exemple un manquement du bailleur à réaliser des travaux nécessaires (cass. civ., 3e ch., 23 mars 2010, n° 08-21358).

    A, en revanche, été repoussée la contestation d'un locataire, auquel il était reproché de ne pas avoir repris l'exploitation de son restaurant un mois après le commandement. Le locataire faisait valoir que le juge des référés n'était pas compétent pour apprécier la durée de ses congés au regard de l'obligation d'exploitation continue. L'argument avait prospéré devant la cour d'appel mais la Cour de cassation a censuré la décision. Pour la Cour, l'acquisition de la clause résolutoire devait être constatée dès lors qu'était constatée l'absence de reprise de l'exploitation du fonds un mois après signification du commandement (cass. civ., 3e ch., 12 janvier 2022, n° 20-22562).

  • Signification de la décision. Lorsqu’une ordonnance de référé rendue contradictoirement suspend les effets d’une clause résolutoire à la condition que le locataire se libère de sa dette de loyers avant un terme impératif, le locataire doit respecter ce délai sans attendre la signification de l'ordonnance (cass. civ., 3e ch., 3 décembre 2003, n° 02-14645).

Notification aux créanciers inscrits

Une formalité obligatoire

543

Qu’il s’agisse d’une résiliation amiable ou judiciaire, le propriétaire du local doit notifier la demande de résiliation aux créanciers qui jouissent d’un privilège ou d’un nantissement régulièrement inscrit sur le fonds (c. com. art. L. 143-2).

En revanche, aucune disposition légale n'impose au bailleur de dénoncer le commandement de payer aux créanciers inscrits (cass. civ., 3e ch., 16 mars 2017, n° 15-29206).

La notification de la demande de résiliation permet aux créanciers de faire exécuter les obligations nées du bail ou de les exécuter au lieu et place du locataire défaillant, spécialement quand la résiliation est fondée sur le non-paiement des loyers. Dès lors que la notification a été effectuée, les créanciers, s’ils ne se substituent pas aux obligations du locataire, ne peuvent s’opposer à la résiliation.

  • Inscription provisoire périmée. Les créanciers ne peuvent se prévaloir de l'absence de notification du bailleur lorsqu’ils ont pris une inscription provisoire de nantissement devenue sans effet faute d’inscription complémentaire prise dans les délais (cass. civ., 3e ch., 6 décembre 1995, n° 94-10001).

  • Cessionnaire. La notification doit être faite même si le preneur n’est pas celui d’origine mais le cessionnaire du bail (cass. com. 8 décembre 1993, n° 91-19869).

    Le locataire de locaux antérieurement loués à d’autres locataires qui avaient résilié leurs baux sans que soit notifiée cette résiliation aux créanciers nantis peut se prévaloir de cette omission pour demander la résolution de son bail, les créanciers n'ayant pas été intégralement remboursés (cass. civ., 3e ch., 10 mai 1990, n° 89-15772).

  • États erronés. Dès lors que le bailleur a reçu des états négatifs, même erronés, il a satisfait à son obligation et n’est pas responsable envers les créanciers inscrits des suites de l’expulsion de l’ancien locataire (cass. com. 3 juillet 1978, n° 77-10526).

  • Créanciers inscrits à la date de la demande en justice. Le bailleur doit effectuer la notification auprès des créanciers inscrits à la date de sa demande en justice aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire et non pas :

    -à la date à laquelle la résiliation est devenue effective par expiration du délai imparti au débiteur pour s’acquitter de sa dette (cass. civ., 3e ch., 22 mars 2006, n° 04-16747) ;

    -ni à celle du commandement visant la clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 3 octobre 2007, n° 05-22031).

  • Proposer de régler les loyers impayés. Des loyers étant impayés, un bailleur fait délivrer à son locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire inscrite dans le bail commercial. Puis il assigne le locataire devant le tribunal aux fins d’acquisition de cette clause et dénonce cet acte aux créanciers inscrits. Le juge des référés, devant qui aucun des créanciers n’avait proposé de régler les loyers arriérés, constate la résiliation de plein droit du bail. Un créancier fait cependant appel de ce jugement.

    Son appel est irrecevable, celui-ci n’étant ouvert qu’au créancier inscrit offrant d’exécuter les causes du commandement – en l’espèce, le paiement des loyers – dans le délai de 1 mois de la notification de la demande de résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 27 mai 2009, n° 08-12726).

Résiliation amiable

544

En cas de résiliation amiable, le bailleur, en accord avec le preneur, lèvera, préalablement à l’acte constatant la résiliation amiable du bail, des états au greffe du tribunal de commerce du lieu de situation du fonds.

En présence d’inscriptions, la résiliation amiable ne deviendra définitive que 1 mois après la notification effectuée aux domiciles élus par les créanciers dans l’inscription de leur privilège.

Absence de formalisme. L’article L. 143-2 du code de commerce ne prévoyant aucune forme particulière pour la notification de la résiliation du bail commercial, les juges du fond ont pu considérer que la formalité avait été accomplie dès lors que le créancier avait été informé de la résiliation du bail, de façon claire et non équivoque, à une date lui permettant d’agir en temps utile (cass. civ., 3e ch., 16 janvier 2001, n° 98-21440).

Conséquences d’un défaut de notification

545

À défaut de respecter les formalités prescrites par l’article L. 143-2 du code de commerce, la résiliation du bail est inopposable aux créanciers inscrits sans qu’il puisse être ultérieurement suppléé à ce défaut de notification (cass. civ., 3e ch., 12 juillet 2006, n° 05-14396).

Le bailleur qui n’a pas notifié aux créanciers inscrits peut être condamné à leur rembourser le montant non payé de leur créance sur le fonds (cass. com. 13 novembre 1969, BC IV n° 333 ; cass. civ., 3e ch., 22 mai 1975, n° 74-10691) ou, tout au moins, des dommages et intérêts à la mesure de la chance perdue de voir leur créance réglée (cass. civ., 3e ch., 11 juillet 2006, n° 05-18267). Mais les formalités prescrites par l’article L. 143-2 sont étrangères aux rapports entre le bailleur et son locataire, qui doit respecter les obligations prévues au bail (cass. civ., 3e ch., 20 mai 1992, n° 90-18396).

  • Impossibilité de suppléer à l’absence de notification. Cette absence de notification ne peut être suppléée par la connaissance implicite des défaillances que révélerait la tierce opposition formée par un créancier (cass. civ., 3e ch., 4 juin 1986, n° 85-10136 ; cass. civ., 3e ch., 6 décembre 1995, nos 94-11068 et 94-11913) ou par la lettre recommandée que le syndic du règlement judiciaire du locataire a adressé au créancier nanti l’informant que le propriétaire avait délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire (cass. com. 3 mars 1992, n° 89-19172).

  • Nouveau délai de grâce au locataire. Les créanciers non mis en cause peuvent faire obtenir au locataire de nouveaux délais de paiement. En effet, il a été jugé que, malgré le jeu de la clause résolutoire résultant de l’inobservation par le preneur des délais de paiement accordés par une ordonnance de référé, de nouveaux délais de grâce pouvaient être donnés lorsque des créanciers n’avaient pas été appelés à l’instance de référé (cass. civ., 3e ch., 16 février 1982, n° 80-14549).

    Toutefois, a été cassé l’arrêt qui a débouté le bailleur de sa demande de résiliation de plein droit du bail en retenant qu’il aurait dû délivrer un nouveau commandement au preneur et notifier cette demande aux créanciers inscrits, une précédente ordonnance ayant déclaré le commandement inopérant, tout en constatant que le preneur n’avait toujours pas réglé les causes du commandement ; toute clause prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux (cass. civ., 3e ch., 28 juin 2000, Loyers 2000, n° 225).

  • Réparation du préjudice. Des dommages et intérêts peuvent être octroyés aux créanciers ; le fait que le créancier n'aurait pas pu se substituer au locataire pour rouvrir le fonds de commerce et l’exploiter ne le prive pas d’une telle action (cass. civ., 3e ch., 14 décembre 1988, n° 87-10620).

    Dès lors que l'absence de notification fait perdre au créancier la chance de pouvoir payer l'arriéré de loyers, préserver le droit du bail de son débiteur et, par voie de conséquence, le fonds de commerce constituant son gage, il a droit à réparation (cass. civ., 3e ch., 25 octobre 2018, n° 17-16828).

    Les juges du fond peuvent condamner le bailleur à rembourser aux créanciers inscrits le montant non payé de leurs créances si le préjudice des créanciers est lié à la faute du bailleur (cass. com. 13 novembre 1969, BC IV n° 333).

  • Tierce opposition. Le créancier peut faire tierce opposition à la décision prononçant la résiliation du bail et la rétractation de cette décision peut être prononcée ; cette rétractation du jugement profite ainsi au locataire (cass. civ., 3e ch., 15 décembre 1976, n° 75-14898).

    En l’absence de notification au créancier de la demande en résiliation du bail, celui-ci n’a pas été mis en demeure d’exécuter les clauses de ce bail et la tierce opposition est recevable, même si aucune offre n’a été faite pour se substituer aux obligations du débiteur (cass. civ., 3e ch., 8 février 1989, n° 87-11919).

    La tierce opposition ne peut être rejetée au motif que les diverses cessions du bail intervenues n’ont pas été signifiées au bailleur (cass. civ., 3e ch., 8 décembre 1993, n° 91-19869).