L'arrivée du terme
Le refus de renouvellement avec indemnité
Les parties et l’indemnité d’éviction
Principes d’indemnisation
Lorsque le bailleur refuse le renouvellement du bail, il est tenu de payer au locataire évincé une indemnité d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement (c. com. art. L. 145-14) ; les cas où il est dispensé du versement sont l'exception (voir §§ 741 à 748).
Le montant de l’indemnité est généralement fixé au dire d’expert.
Le locataire ne peut être obligé de quitter les lieux avant d’avoir reçu l’indemnité fixée par le tribunal.
Pendant toute la procédure, il a droit au maintien dans les lieux, mais il doit verser une indemnité dite d’occupation (c. com. art. L. 145-28).
Le locataire est tenu de respecter l’ensemble des clauses du bail expiré, sous peine de perdre son droit à indemnité d’éviction (voir § 801).
Conditions d’indemnisation
Le locataire peut prétendre à une indemnité d’éviction :
-si au jour où le bailleur lui a délivré congé, il remplissait les conditions donnant droit à la propriété commerciale (voir §§ 711 à 732) ;
-si le congé ne faisait pas état d’un motif grave et légitime de non-renouvellement, motif non contesté ou reconnu valable par les tribunaux (voir §§ 741 à 753) ;
-s’il n’a pas commis d’infraction aux conditions du bail alors qu’il continuait à occuper les lieux après l’expiration du bail (voir § 801) ;
Bénéficiaire de l’indemnité
Cette indemnité, imposée par l’article L. 145-14 du code de commerce, est due au locataire qui remplit les conditions donnant droit à la propriété commerciale et à l’application du statut.
Acquéreur du fonds de commerce. La cession du fonds de commerce emporte, sauf clause contraire, cession de la créance d’indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 6 avril 2005, n° 01-12719). Le cessionnaire peut prétendre à l’indemnité, même lorsque la cession est postérieure à la date d’effet du congé (cass. civ., 3e ch., 2 juin 1982, D. 1982, 423).
Mais cette indemnité n’est pas due en cas de vente volontaire du fonds en cours de procédure et le bailleur ne peut exercer son droit de repentir (cass. civ., 3e ch., 2 novembre 1964, BC III n° 463).
Cessation d’activité. La cessation de l’activité du locataire maintenu dans les lieux dans l’année qui a suivi son congé ne lui fait pas perdre son droit à indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 16 juillet 1980, Gaz. Pal. 1981, 122).
Copreneurs. Lorsque le bail unique a été consenti au profit de deux copreneurs, le bailleur ne peut être déclaré débiteur d’une indemnité d’éviction envers un seul des locataires (cass. civ., 3e ch., 30 septembre 1998, n° 96-19046).
Location-gérance. Le locataire qui donne régulièrement son fonds en location-gérance a droit à une indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 17 juillet 1981, n° 79-15598). Les modalités de calcul peuvent être particulières.
Sous-location. Le locataire principal qui a sous-loué une partie des locaux ne peut prétendre à une indemnité d’éviction que pour la seule branche qu’il a continué à exploiter. Ainsi le locataire ne peut pas être indemnisé des frais de déménagement du sous-locataire, ni du double loyer qui était en partie supporté par le sous-locataire (cass. civ., 3e ch., 10 octobre 2019, n° 18-19662) (sur les règles de renouvellement et la sous-location, voir §§ 279 et 726).
Usufruitier. Lorsque le fonds est exploité par un usufruitier, les tribunaux ont reconnu le bénéfice de l’indemnité au nu-propriétaire et à l’usufruitier (cass. civ., 3e ch., 6 janvier 1982, n° 80-14135).
Créancier nanti. Le créancier titulaire d’un nantissement sur le fonds de commerce du locataire ne bénéficie d’aucun droit de préférence ou de suite sur l’indemnité de résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 6 avril 2005, n° 03-11159).
Prescription. Le locataire doit assigner son bailleur en paiement de l'indemnité d'éviction dans un délai de 2 ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné (c. com. art. L. 145-60).
L'action du bailleur en validation du congé signifié au locataire avec refus de renouvellement n'interrompt pas ce délai de prescription (cass. civ., 3e ch., 3 novembre 2021, n° 20-20219).
La demande en paiement du locataire peut découler de son rejet des prétentions du bailleur au titre du congé avec refus de renouvellement sans offre d'indemnité d'éviction (cass. civ., 3e ch., 7 février 2019, n° 17-31807).
Date d’évaluation
C’est, en principe, celle du départ effectif du locataire (voir § 783), le maintien du locataire dans les lieux pouvant être pris en compte.
Départ volontaire. Le preneur n’est pas tenu, sauf condition expresse figurant dans le contrat, de rester dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction lorsque le renouvellement lui a été refusé (voir § 776) ; mais c’est à la date de son départ que l’indemnité sera calculée.
Débiteur de l’indemnité
L’indemnité est due par celui qui refuse le renouvellement, donc par le bailleur ou ses héritiers.
En fait, c’est à celui qui a donné à bail des locaux commerciaux qu’il appartient de payer l’indemnité d’éviction, quels que soient ses droits sur les lieux loués (cass. civ., 3e ch., 15 janvier 1974, n° 72-13749).
Usufruitier. L'usufruitier ne peut, certes, consentir un bail commercial ou le renouveler sans l'accord du nu-propriétaire (c. civ. art. 595 ; cass. civ., 3e ch., 24 mars 1999, n° 97-16856) ; en revanche, il peut mettre fin au bail et notifier ce refus au locataire sans le concours du nu-propriétaire (cass. civ., 3e ch., 29 janvier 1974, n° 72-13749). Dès lors, l’usufruitier a seul la qualité de bailleur et l'indemnité d'éviction n'est due que par lui (cass. civ., 3e ch., 19 décembre 2019, n° 18-26162).
Dette personnelle du vendeur de l’immeuble. En cas de vente de l’immeuble après délivrance du congé refusant le renouvellement, la Cour de cassation a considéré que l’indemnité d’éviction constitue une dette personnelle du bailleur qui ne se transmet pas à l’acquéreur, la charge du paiement de cette indemnité ne pouvant incomber qu’au seul vendeur (cass. civ., 3e ch., 27 octobre 1993, n° 91-18859 ; cass. civ. 10 décembre 1997, n° 96-13616).
Acquéreur des lieux. L'indemnité d’éviction payée par le nouvel acquéreur du local loué en lieu et place du bailleur initial éteint la dette de ce dernier (cass. civ., 3e ch., 11 juillet 2019, n° 18-16866).
Rétractation de l’offre par l’acquéreur. L’acquéreur de l’immeuble postérieurement au congé donné au locataire peut rétracter l’offre d’indemnité d’éviction faite par son vendeur en démontrant que le locataire ne remplissait pas les conditions exigées pour obtenir une telle indemnité (cass. civ., 3e ch., 1er février 1968, n° 66-11659).
Les positions du locataire
Partir ou rester
Sauf condition expresse figurant au bail, le preneur n’est pas tenu, lorsque le renouvellement du bail lui a été refusé, de rester dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 13 juillet 1994, n° 92-10536 ; cass. civ., 3e ch., 28 février 1990, n° 88-13978).
En l’absence de clause précise du bail, le locataire évincé peut choisir entre :
-partir et restituer les locaux au bailleur ;
-ou rester et exécuter le bail (voir § 792).
Il doit toutefois veiller à la prescription (voir § 599).
Le locataire opte pour un départ
Le locataire doit remettre de façon officielle les clés au bailleur : remise contre un reçu, ou par acte d’huissier. Avant la restitution des clés, il mettra en demeure le bailleur de procéder à un état des lieux de sortie (voir § 29).
Tout départ sans rendre les clés au bailleur est source de litiges ; le locataire est toujours présumé en place. Certes, la remise des clés est liée au paiement de l’indemnité d’éviction (voir §§ 792 à 796), mais ici le locataire doit choisir.
Avantages de ce choix. Le locataire n’est plus tenu par le bail et ses clauses ; il ne doit aucune indemnité d’occupation.
Inconvénients de ce choix. Le locataire doit faire l’avance des frais de départ et de réinstallation ; il doit être en possession d’un autre local s’il entend se réinstaller rapidement.
L’indemnité d’éviction ne sera reçue qu’en fin de procédure et elle sera calculée à la date du départ et non à la date de la décision qui l’octroie (cass. civ., 3e ch., 9 février 1977, Gaz. Pal. 1977, 165), mais la consistance du fonds sera appréciée à la date du refus de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 21 janvier 1998, n° 96-12998). En cas de transfert d’activité, pour apprécier le mode de réinstallation adopté par le locataire, il y a lieu de se placer à la date à laquelle le preneur a acquis des droits sur le nouveau local (cass. civ., 3e ch., 28 mars 1979, n° 77-14744).
L'indemnité d'éviction prend en compte son départ dans la mesure où le bailleur pourra exiger la justification des frais réels de déménagement et de réinstallation.
Le locataire reste en place
Le locataire doit une indemnité d’occupation se substituant au loyer (voir § 800). Il doit respecter les clauses et conditions du bail, à l’exception du loyer transformé en indemnité ; de même, il doit continuer à remplir les conditions d’application du statut et, notamment, être immatriculé au registre du commerce et des sociétés. En cas d’infraction aux clauses du bail, il encourt la résiliation du bail et la perte de toute indemnité (voir § 801) ; il en est ainsi pendant toute la période comprise entre l’expiration de l’ancien bail et le paiement de l’indemnité d’éviction contre remise des clés ou la notification du repentir par le bailleur.
Mais le locataire restant pourra se prévaloir à l’encontre du bailleur des troubles causés par le bailleur (cass. civ., 3e ch., 9 mars 1994, n° 92-10211).
Évaluation de l’indemnité d’éviction
Les critères d’évaluation
Réparation du préjudice
L’indemnité d’éviction due en cas de refus de renouvellement d’un bail commercial doit être égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement (c. com. art. L. 145-14).
L’alinéa 2 de cet article précise les éléments à prendre en considération dans cette évaluation ; mais l’estimation de l’indemnité d’éviction relève du pouvoir souverain des juges du fond (voir § 781).
L’indemnisation comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
Ce texte impose une distinction entre la disparition du fonds suite à la perte de clientèle attachée au lieu de situation et l’absence de disparition de clientèle.
La disparition de la clientèle correspond à la situation générale où le refus de renouvellement entraîne la disparition totale ou quasi totale du fonds de commerce exploité dans les lieux par suite de la dispersion et de la disparition de la clientèle ; tel est notamment le cas pour les commerces dits de quartier. L’indemnité doit alors correspondre en principe à la valeur du fonds de commerce (voir §§ 784 à 786), sauf pour le bailleur à démontrer une valeur moindre (voir § 780).
Lorsque l’activité est transférable en un autre lieu, l’indemnité est limitée, elle est dite de déplacement (voir § 789) et peut correspondre à la valeur du droit au bail (voir §§ 787 et 788).
Logement indivisible. Dès lors que l’indivisibilité matérielle des locaux à usage commercial et d’habitation est constatée, la conclusion d’un bail unique permet au locataire principal de prétendre à un droit de renouvellement pour la totalité des locaux et les juges du fond ne peuvent exclure les locaux d’habitation pour le calcul de l’indemnité (cass. civ., 3e ch., 1er octobre 1997, n° 95-14322).
Fonds de commerce maintenu. Cette situation est plus particulière dans la mesure où le refus de renouvellement n’entraîne pas la disparition de la clientèle, celle-ci n’étant pas attachée au lieu de situation du fonds ; tel est notamment le cas pour les commerces de gros ou demi-gros et les entreprises industrielles. Dans ces hypothèses, le bailleur peut apporter la preuve que le préjudice est moindre afin de fixer une indemnité correspondant non à la valeur du fonds mais à une valeur de déplacement, c’est-à-dire aux frais de déménagement et aux indemnités éventuelles que le locataire évincé devra payer pour trouver un autre local à louer (voir §§ 789 à 791).
Valeur marchande du fonds. La Cour de cassation a posé le principe que « l’indemnité due au locataire commerçant évincé ne doit comprendre la valeur marchande du fonds que si l’éviction entraîne la perte de ce fonds » (cass. civ., 3e ch., 19 mai 1981, n° 79-15529 ; cass. civ., 3e ch., 14 décembre 1988, n° 87-13733).
Valeur du fonds supérieure à la valeur du local. L'article L. 145-14 du code de commerce est constitutionnel et doit être appliqué même si la valeur du fonds de commerce (il s'agissait d'un hôtel) est supérieure à celle de l'immeuble (cons. constit. 5 mars 2021, QCP n° 2020-887).
Covid-19. Si le fonds de commerce a été déprécié par les mesures administratives instaurées pendant la crise sanitaire, il pourrait être envisagé d'écarter ou de neutraliser les données chiffrées affectées par ces mesures dans le calcul de l'indemnité d'éviction.
Préjudice moindre
Le bailleur peut toujours prouver que le préjudice subi par le locataire du fait de son éviction est moindre que la valeur marchande du fonds de commerce ; cette preuve du préjudice moindre appartient au seul bailleur (cass. civ., 3e ch., 17 juillet 1978, n° 77-10757). Ainsi, à défaut de prouver que le locataire évincé s’est effectivement réinstallé à proximité des locaux objets de la procédure d’éviction, l’indemnité ne peut correspondre aux simples frais de déplacement (cass. civ., 3e ch., 24 septembre 2002, n° 01-11266) ; au cas considéré, une société ayant le même objet et le même dirigeant que la société évincée s’était installée dans une boutique voisine.
Fermeture du fonds. Lorsque le locataire a fermé son fonds et s’est fait radier du registre du commerce, et demande le renouvellement uniquement pour liquider son stock de marchandises, les juges du fond peuvent réduire le montant de l’indemnité à un chiffre de principe (cass. civ., 3e ch., 25 octobre 1961, BC III n° 370).
Local de remplacement. Dans la mesure où le bailleur offre des locaux répondant aux besoins du locataire et excluant toute perte de clientèle, il n’existe pas de préjudice (cass. civ., 3e ch., 22 mars 1960, BC III n° 110). Mais si le local offert au locataire ne correspond pas à ses besoins, le bailleur doit verser une indemnité d’éviction égale à la valeur totale du fonds de commerce (cass. civ., 3e ch., 25 janvier 1978, n° 76-13795).
Lorsque le locataire a accepté le local de remplacement offert par le bailleur puis n’en a plus voulu, l’indemnité ne tient compte que des frais de déménagement et de réinstallation (cass. civ., 3e ch., 30 novembre 1964, BC III n° 519).
Location-gérance. Dans le cas d’un fonds de commerce donné en location-gérance avec promesse de vente aux gérants, l’indemnité peut être limitée au capital représentatif de la rente constituée par les redevances de la location-gérance (cass. civ., 3e ch., 11 octobre 1978, D. 1979, 53).
Réinstallation à proximité. Le préjudice est inférieur à la valeur du fonds lorsque la réinstallation est possible dans le même secteur, sans perte appréciable de clientèle (cass. civ., 3e ch., 6 mars 1973, n° 91-70267) ou en présence d’une réinstallation à 500 mètres sans paiement d’un pas-de-porte (cass. civ., 3e ch., 13 février 1970, n° 68-11574) ; ainsi qu’il a été indiqué, il appartient au bailleur d’apporter la preuve d’une réinstallation effective dans un local voisin.
Valeur de la marque. Quand l’entreprise a comme éléments essentiels sa marque, son classement, sa collection de dessins et modèles, les juges du fond peuvent estimer qu’il n’y a pas lieu de rechercher la valeur totale du fonds ni de chacun des éléments pris isolément (cass. civ., 3e ch., 21 mars 1968, n° 66-10735).
Valeur du fonds faible. Lorsque la valeur du fonds augmentée des frais accessoires est nulle ou du moins inférieure à la valeur du droit au bail, l’indemnité d’éviction doit correspondre à la valeur du seul droit au bail (cass. civ., 3e ch., 20 mai 1980, n° 78-16116).
Activité secondaire non prévue au bail. L’indemnité d’éviction est calculée en tenant compte des seules activités autorisées par le bail, même lorsque le bailleur ne s’est pas opposé à l’exercice d’une autre activité (cass. civ., 3e ch., 4 mai 2006, n° 05-10938).
Un locataire exerce une activité de laverie automatique, prévue dans le bail, et une activité de dépannage, non autorisée par le bail. À défaut de comptabilité analytique du locataire, les juges ont retenu une indemnité fondée sur 90 % du chiffre d’affaires réalisé au titre de l’activité de laverie (TGI Paris, 18e ch., 1re sect., 26 janvier 2010, n° 07-00500).
La décision des tribunaux
Pouvoir d’appréciation des tribunaux
Les juges du fond ont un pouvoir souverain d’appréciation pour estimer le montant de l’indemnité.
Les juges fixant l’indemnité d’éviction apprécient souverainement la valeur marchande du fonds de commerce, qu’ils doivent évaluer à la date de leur décision (cass. civ., 3e ch., 4 juillet 1972, n° 71-13976 ; voir aussi cass. civ., 3e ch., 2 juin 1965, BC III n° 352) ; ils tiennent compte également du départ effectif ou non du locataire (voir § 783).
Deux règles s’imposent cependant :
-la valeur du droit au bail est la valeur plancher du fonds de commerce. L’indemnité d’éviction est au moins égale au droit au bail (voir § 787) ;
-l’indemnité d’éviction doit correspondre à la solution de réinstallation la plus économique dans sa réalisation.
Évaluation des éléments. L’article L. 145-14 n’édicte d’ailleurs aucune règle impérative pour le calcul de cette indemnité et ne prescrit pas une évaluation séparée des divers éléments composant le préjudice ; c’est ce qui a été rappelé par la Cour de cassation dans un arrêt du 2 février 1982 (Sem. jur. 1982,137).
Indication des éléments indemnisés. Les juges du fond doivent indiquer les éléments du préjudice qu’ils indemnisent (cass. civ., 3e ch., 30 janvier 1979, n° 77-12349 ; dans cette affaire, le préjudice avait été évalué globalement) ; mais ils ne sont pas tenus d’évaluer séparément les divers éléments indemnisés (cass. civ., 3e ch., 3 mars 1981, Gaz. Pal. 1981, 227).
Réserves en étage. Les juges du fond ont le pouvoir souverain de considérer que les étages supérieurs à usage de réserve présentent un intérêt commercial moindre que le rez-de-chaussée et le sous-sol affectés à la vente (cass. civ., 3e ch., 7 juillet 2009, n° 08-15764).
Modes d’évaluation du fonds
Aucune méthode n’étant imposée, les juges apprécient souverainement celle qui leur semble la plus équitable pour réparer le préjudice du locataire évincé (voir § 781).
Les experts, qui ont un rôle essentiel en cette matière, utilisent diverses méthodes.
Chiffre d’affaires. Une première méthode consiste à retenir un pourcentage du chiffre d’affaires pour évaluer l’indemnité. De plus en plus, les experts retiennent les résultats d’exploitation et, pour les commerces importants, la rentabilité sera prépondérante. Les liquidités de l’entreprise et sa marge brute d’autofinancement seront retenues ; un multiple y sera appliqué selon la branche d’activité. En général, ne sont pris en considération que les chiffres déclarés aux administrations fiscales.
Coefficients. L’application de coefficients aux chiffres d’affaires en usage pour le commerce de proximité se heurte à certaines difficultés pratiques, et notamment à leur actualisation.
Moyenne des résultats. La méthode consistant à pratiquer la moyenne des résultats des 3 dernières années peut conduire à des résultats arbitraires.
TVA. Pour savoir si la valeur du fonds doit être déterminée à partir du chiffre d'affaires HT ou TTC, il faut se référer aux usages de la profession, indépendamment du caractère indemnitaire de la somme qui va être versée (cass. civ., 3e ch., 5 février 2014, n° 13-10174). Il appartient au juge de rechercher cet usage (cass. civ., 3e ch., 27 avril 2017, n° 16-11307).
La TVA doit être incluse dans le montant du chiffre d’affaires qui sert de base au calcul de l’indemnité d’éviction, si tel est l’usage de la profession (cass. civ., 3e ch., 15 juin 1994, n° 92-14172) ; elle doit être exclue du chiffre d’affaires qui sert de base au calcul de l’indemnité, si les usages de la profession exercée par le preneur vont en ce sens (cass. civ., 3e ch., 17 décembre 2003, n° 02-12236).
Renonciation au bénéfice de l’indemnité. La participation du preneur, sans réserve, à une mesure d’instruction ordonnée à la suite d’un jugement déclarant valable un congé avec refus de renouvellement sans indemnité d’éviction, ne peut valoir, à elle seule, acquiescement implicite au jugement sur ce refus d’indemnité (cass. civ., 3e ch., 7 mai 2002, n° 99-16153).
Date d’évaluation de l’indemnité
Le montant de l’indemnité d’éviction doit être apprécié au moment le plus proche de la réalisation du préjudice et à la date de l’éviction (cass. civ., 3e ch., 15 décembre 1965, BC III n° 648 ; cass. civ., 3e ch., 12 mai 1966, BC III n° 246).
Une distinction est opérée en fonction de la date de réalisation du préjudice :
-si l’éviction a déjà eu lieu, c’est à la date du départ du locataire que le préjudice sera évalué, sans tenir compte des variations économiques postérieures à ce départ (cass. civ., 3e ch., 21 avril 1966, BC III n° 184) ; dans ce cas, l’indemnité est évaluée à la date du départ du locataire et la consistance du fonds est déterminée à la date d’effet du congé (cass. civ., 3e ch., 21 janvier 1998, n° 96-12998). L’indemnité, dans cette hypothèse, ne peut être réévaluée au jour de la décision de justice la fixant ;
-lorsque le locataire est maintenu dans les lieux, les juges doivent évaluer l’indemnité à la date de leur décision (cass. civ., 3e ch., 8 mars 2011, n° 10-15324 ; cass. civ., 3e ch., 28 septembre 2011, n° 10-12730 ).
Pertes constatées jusqu’au jour de la décision. En cas de diminution des résultats ou des pertes survenue dans les années suivant le congé ou l’estimation, les juges doivent en tenir compte (cass. civ., 3e ch., 11 octobre 1989, n° 88-11562).
Remise en état des lieux. Dans le cadre de la procédure de fixation de l’indemnité d’éviction, le bailleur peut demander le paiement de la remise en état des lieux loués en invoquant, de ce chef, la clause du bail mettant à la charge de la locataire les gros travaux de l’article 606 du code civil (cass. civ., 3e ch., 27 mai 1998, n° 96-20662).
Moyens dilatoires. Lorsque le locataire emploie des moyens dilatoires pour faire traîner l’instance en longueur en vue de pouvoir majorer ses prétentions, le juge peut retenir les seuls chiffres d’affaires antérieurs à cette attitude (cass. civ., 3e ch., 20 mars 1981, Gaz. Pal. 1981, 299).
Liquidation judiciaire du preneur. Dans ce cas, l’indemnité doit correspondre à la perte du droit au bail des lieux dont le locataire a été évincé, sans comprendre une indemnité de remploi ou de déménagement (cass. civ., 3e ch., 26 septembre 2001, n° 00-12620).
Réévaluation du rapport d’expertise. En pratique, et en présence d’un locataire resté dans les lieux, l’indemnité calculée sur les rapports de l’expertise est réévaluée en tenant compte de l’évolution jusqu’au jour de la décision définitive. Les juges retiennent les résultats des exercices postérieurs à l’expertise (cass. civ., 3e ch., 8 mars 1972, n° 70-14427 ; cass. civ., 3e ch., 1er février 1978, n° 76-13603). Ainsi, si le preneur l’allègue, les tribunaux doivent tenir compte de l’incidence de l’augmentation du chiffre d’affaires (cass. civ., 3e ch., 25 février 1975, n° 73-11748).
Lorsque l’indemnité d’éviction a été fixée, dans le rapport d’expert établi en considération des conditions d’exploitation existantes au 1er octobre 1981, à 100 000 F (15 245 €), la cour d’appel statuant en mars 1986 ne peut retenir ce chiffre alors que le preneur occupait toujours les lieux (cass. civ., 3e ch., 16 décembre 1987, n° 86-14388).
Référé. Aucun texte relatif au bail commercial ne s’oppose à ce que le juge des référés ordonne une expertise sur le montant des indemnités d’éviction et d’occupation dès lors qu’aucun juge du fond n’était saisi d’une demande concernant ces indemnités (cass. civ., 3e ch., 18 décembre 2002, n° 01-14202).
Date d’évaluation du droit au bail. Pour fixer une indemnité d’éviction, constituée principalement par le droit au bail, les juges retiennent la valeur de ce droit au bail au jour du refus de renouvellement. Leur décision est censurée par la Cour de cassation : lorsque l’éviction n’est pas encore réalisée, la valeur des éléments du fonds de commerce doit être appréciée à la date à laquelle les juges statuent (cass. civ., 3e ch., 24 novembre 2004, n° 03-14620).
L’indemnisation correspondant à la valeur du fonds
Valeur du fonds ou valeur de remplacement
La valeur de remplacement sera retenue lorsque le fonds existant n’est pas transférable, le départ du locataire entraînant la perte du fonds de commerce et, plus particulièrement de toute la clientèle.
Le locataire évincé doit être indemnisé de la valeur de son fonds de commerce lorsque celui-ci n'est pas transférable (cass. civ., 3e ch., 3 novembre 2021, n° 20-20739). En revanche, l’indemnisation due au locataire commerçant évincé ne doit pas comprendre la valeur marchande du fonds si l’éviction n'entraîne pas la perte de ce fonds (cass. civ., 3e ch., 19 mai 1981, n° 79-15529). Dans ce cas, le locataire a droit à une indemnité de remplacement qui correspond à la valeur des différents éléments composant le fonds de commerce et qui sont perdus.
Cependant, aucun texte n’autorise le locataire évincé à réclamer le coût d’un transfert dans des locaux équivalents lorsque le coût dépasse la valeur de remplacement du fonds et que le bailleur offre de payer cette dernière (cass. civ. 2 février 1968, n° 66-10444).
Éléments indemnisables
La valeur d’un fonds de commerce dépend de divers éléments : emplacement, perspectives de développement, matériel, clientèle, etc., et l’indemnité doit réparer tout le préjudice subi.
Ainsi, a été cassé l’arrêt qui, pour fixer cette indemnité, se base uniquement sur le chiffre d’affaires de la profession exercée (artisan), sans tenir compte de la valeur de l’ensemble des éléments (cass. civ., 3e ch., 5 décembre 1968, BC III n° 529). Mais l’indemnité doit être calculée en tenant compte des seules activités autorisées par le bail (cass. civ., 3e ch., 10 octobre 1972, n° 71-11557 ; cass. civ., 3e ch., 4 mai 2006, n° 05-10938).
Perte d’une branche d’activité. La perte d’une branche d’activité, même précaire, telle qu’une autorisation administrative de jeux, a été prise en compte (cass. civ., 3e ch., 27 janvier 1981, Gaz. Pal. 1981, 408).
Indemnités de licenciement. Sont prises en compte les indemnités dues au personnel du fonds perdu (cass. civ., 3e ch., 15 mars 1977, n° 75-12256) ; il en est ainsi, même si, avec le montant de l’indemnité de non-renouvellement le locataire a racheté un autre fonds, ce rachat n’établissant d’ailleurs pas que le licenciement puisse être évité (cass. civ., 3e ch., 2 février 1982, Sem. jur. 1982, 137).
Fonds annexe. La perte d’un fonds annexe est retenue, même s’il était exploité dans une véranda construite sur le domaine public et adossé au bâtiment loué (cass. civ., 3e ch., 16 février 1982, n° 80-12996) ; il s’agissait, en l’espèce, d’un théâtre qui avait été autorisé à exploiter un bar-restaurant dans les lieux.
L’emplacement. L’intérêt de l’emplacement pris comme représentant le potentiel de développement du fonds par un acquéreur éventuel est un élément entrant dans la valeur du fonds (cass. civ., 3e ch., 22 février 1968, n° 66-10914).
Licences. La perte de la licence du débit de tabac est chiffrée, bien que la vente de tabac ne constitue pas une exploitation commerciale (cass. civ. 18 mai 1978, BC III n° 203) ; les juges du fond doivent rechercher si la licence de débit de boissons n’appartient pas au propriétaire des lieux (cass. civ., 3e ch., 11 juin 1992, n° 90-20372).
Locaux contigus. Doit être évaluée la perte de locaux contigus donnés à bail par un autre propriétaire dès lors que le preneur est obligé, pour continuer son activité, de cesser de l’exercer dans ces locaux contigus, ces locaux étant transmissibles seulement à un successeur dans l’exploitation du fonds et donc non cessibles (cass. civ., 3e ch., 29 avril 1980, Gaz. Pal. 1980, 423).
Pas-de-porte. L’obligation pour un locataire de verser, pour se réinstaller, un pas-de-porte qu’il n’aurait pas eu à payer en cas de renouvellement de son bail doit être retenue pour fixer le montant de l’indemnité (cass. civ., 3e ch., 20 juin 1979, n° 77-13863), même si le bail objet du renouvellement avait été lui-même conclu sans pas-de-porte (cass. civ., 3e ch., 20 juin 1979, n° 77-13863 ; cass. civ., 3e ch., 25 janvier 1968, BC III n° 23). A toutefois été exclu le montant du pas-de-porte éventuellement demandé au locataire évincé pour un autre bail dès lors que l’indemnité a été fixée à la valeur du fonds de commerce calculée selon les usages et qu’il a été ajouté les frais de remploi et de déménagement (cass. civ., 3e ch., 14 novembre 1962, BC III n° 448).
Éléments non pris en compte
Dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, la jurisprudence a refusé de prendre en considération, pour le calcul de l’indemnité d’éviction à verser au locataire évincé, certains éléments virtuels ou n’ayant pas de lien direct avec l’exploitation du fonds.
Activité précaire. L’existence d’une activité précaire autorisée par une convention séparée n’a pas été retenue (cass. civ., 3e ch., 10 octobre 1972, n° 71-11294).
Aménagements acquis au bailleur. Les aménagements intransférables réalisés par le preneur mais acquis au bailleur par l’application de la clause d’accession insérée au bail ne sont pas retenus pour le calcul de l’indemnité (cass. civ., 3e ch., 30 octobre 1961, BC III n° 381).
Toutefois, cette clause ne fait pas obstacle à l'indemnisation du locataire des frais de réinstallation dans un nouveau local bénéficiant d’aménagements similaires à ceux qu’il avait réalisés dans le local qu’il a été contraint de quitter (cass. civ., 3e ch., 13 septembre 2018, n° 16-26049).
Appointements des dirigeants. Les appointements versés au gérant de la société propriétaire du fonds n’ont pas à entrer en ligne de compte pour l’indemnisation du preneur (cass. civ., 3e ch., 20 juin 1967, Sem. jur. 1968,15476).
Exploitation familiale. En présence d’une exploitation en famille, le montant de l’indemnité d’éviction a été fixé à une somme inférieure à la valeur théorique du fonds calculée d’après les bénéfices réalisés dans les 3 dernières années d’exploitation du fait que ces bénéfices importants résultaient, pour partie, du travail non rémunéré de certains membres de la famille du locataire et ne représentaient pas la rentabilité normale du fonds (cass. civ., 3e ch., 27 juin 1961, BC III n° 293).
Plus-value. L’impôt de plus-value que le locataire évincé aura à verser le cas échéant n’entre pas dans le calcul de l’indemnisation (cass. civ., 3e ch., 25 novembre 1992, n° 91-15413).
Matériel et mobilier. Le matériel est exclu du calcul de l’indemnité, sauf si le locataire n’a pu en conserver la propriété et le réutiliser dans ses nouveaux locaux (cass. civ., 3e ch., 10 octobre 1972, n° 71-11557). En présence d’une décision irrévocable fixant le montant d’une indemnité d’éviction sans préciser que l’estimation est faite compte tenu de l’abandon par le locataire du mobilier, du matériel et de la licence, les juges du fond ne peuvent autoriser le propriétaire à disposer de ces éléments du fonds, l’indemnité d’éviction n’étant pas une cession du fonds ou de partie des éléments du fonds (cass. civ., 3e ch., 27 mai 1971, n° 70-10638 ; cass. civ., 3e ch., 11 mai 1982, Gaz. Pal. 1982, 315 ; CA Paris 17 juin 1994, Gaz. Pal. 1995, 47).
Pertes de stock et trouble commercial. N’ont pas été retenus, pour le calcul de l’indemnité, les troubles commerciaux, les pertes sur stocks et sur agencements non amortis, tous ces éléments étant compris dans la valeur vénale de fonds de commerce de détail (CA Paris 7 février 1985, Loyers 1985, n° 212) ; mais d’autres décisions prévoient une indemnité supplémentaire pour les pertes sur stocks dues à la cessation d’activité (voir, par exemple, CA Paris 7 février 1995, Gaz. Pal. 1995, 388 ; CA Paris 27 octobre 1994, Gaz. Pal. 1995, 391).
Le droit au bail
Cas d’indemnisation principale du preneur
La valeur du droit au bail constituera le montant de l’indemnisation principale du preneur :
-soit lorsque la valeur du fonds lui est inférieure ou si l'activité du fonds est déficitaire ;
-soit lorsque le déplacement de l’exploitation est possible, et donc en présence d’une activité transférable (voir § 789).
Les juges du fond ne peuvent écarter la valeur du droit au bail pour évaluer l’indemnité d’éviction d’un fonds (cass. civ., 3e ch., 25 avril 1968, n° 66-12460). L'indemnité d'éviction doit nécessairement être fixée en tenant compte de la valeur du droit au bail des locaux dont le locataire est évincé, lequel est un élément du fonds de commerce (cass. civ., 3e ch., 13 octobre 2021, n° 20-19340).
Lorsque le fonds est déficitaire, le droit au bail reste généralement l’élément essentiel et seul négociable. Aussi, les juges ne peuvent fixer l’indemnité d’éviction due, en se référant à la valeur marchande du fonds de commerce, sans rechercher si la valeur du droit au bail n’est pas supérieure à celle de ce fonds (cass. civ., 3e ch., 11 juin 1992, n° 90-17109). Dès lors que la valeur du droit au bail est à elle seule supérieure à la valeur marchande d’un fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession et augmentée des frais accessoires, l’indemnité d’éviction doit correspondre à la valeur de ce droit (cass. civ., 3e ch., 20 mai 1980, n° 78-16116).
Caractéristiques des locaux. Pour apprécier la valeur du droit au bail, les tribunaux peuvent retenir les caractéristiques des locaux et les clauses du bail limitant l’utilisation (cass. civ., 3e ch., 19 janvier 1968, n° 65-13660).
Valeur du fonds. Lorsque l’indemnité est calculée selon la valeur du fonds de commerce, cette valeur comprend obligatoirement le droit au bail qui n’a pas à être évalué séparément et qui ne peut être exclu ; mais l’indemnité ne peut pas comprendre la valeur du fonds augmentée de celle du droit au bail.
Réinstallation du preneur. Les juges ne peuvent écarter l’indemnisation du droit au bail au motif que :
-par suite de la réinstallation du locataire dans d’autres locaux, le droit au bail a perdu son objet et partant, toute valeur (cass. civ., 3e ch., 15 juillet 1971, n° 70-11234) ;
-le préjudice du preneur est nécessairement inférieur à la valeur du fonds (cass. civ., 3e ch., 28 mars 2019, n° 18-11739) ;
-le locataire s'est rapidement réinstallé dans un nouveau local aussi grand et moins cher et n'a perdu aucune clientèle (cass. civ., 3e ch., 13 octobre 2021, n° 20-19340).
En fait, ce qui est indemnisé, c’est la perte de la faculté qu’aurait eue le locataire évincé de céder son droit au bail, cette indemnisation étant exclue lorsque les locataires évincés n’auraient pu céder leur droit au bail (cass. com. 8 avril 1967, BC IV n° 130).
Frais d’acquisition du nouveau bail. Un propriétaire considérait qu’en l’absence de perte du fonds de commerce, l’indemnité d’éviction devait être appréciée en tenant compte des seuls locaux objets de l’éviction et non pas des locaux de remplacement, le préjudice à indemniser ne résidant pas, selon lui, dans le prix d’acquisition d’un nouveau bail, mais dans la perte du droit au bail des locaux dont le preneur est évincé. Cette position a été repoussée par les juges.
Le preneur s’étant réinstallé dans des locaux équivalents, l’indemnité devait comprendre une somme représentant les frais d’acquisition du nouveau bail ainsi que les frais de déménagement et d’aménagement des locaux (cass. civ., 3e ch., 15 octobre 2008, n° 07-17727).
Méthodes d’évaluation du droit au bail
La méthode la plus usuelle en matière d’évaluation du droit au bail est celle retenant la différence entre le loyer tel qu’il aurait été si le bail avait été renouvelé et la valeur locative du marché ; le calcul selon la méthode du différentiel de loyer n’a pas à prendre en considération le loyer effectivement payé pour le nouveau local ni même les nouvelles conditions économiques de l’activité déplacée (CA Aix-en-Provence 20 février 2003, Loyers 2003, n° 180).
Le marché et les coefficients de situation. La valeur du marché peut être estimée soit à partir des nouvelles locations intervenues dans le secteur, soit par des méthodes pragmatiques d’évaluation.
Par ailleurs, est souvent appliqué un coefficient de situation, lequel varie en fonction de la commercialité (généralement dans une fourchette de 3 à 8).
Méthodes diverses. D’autres méthodes peuvent être utilisées en fonction des régions telles que celle affectant un multiple à la valeur du droit au bail ou fixant une indemnité correspondant à l’économie de loyer que le locataire aurait réalisée en restant dans les lieux.
Absence de valeur marchande. La fiction d’un calcul de la valeur du droit au bail en terme de valeur d’usage, totalement abstraite de la valeur de cession, vénale, dudit bail ne peut être maintenue alors qu’il est devenu patent que pour les locaux en nature de bureaux, le marché a, de fait, supprimé toute valeur de droit au bail et que pour les ateliers et boutiques, la situation, certes très variable selon la qualité de l’emplacement, permet de constater que de nombreux locaux sont devenus accessibles sans aucun pas-de-porte (CA Paris 5 février 1999, Gaz. Pal. 1999, J. 2,452).
Restriction au droit de céder le bail. La valeur du droit au bail est affectée par l’absence de droit du preneur de céder librement son bail (cass. civ. 27 avril 1979, D. 1979, 452 ; CA Dijon 10 septembre 1993, Sem. jur. 1994, 110).
L’indemnité de simple déplacement
Activités transférables
Lorsque l’éviction n’entraîne pas, même pour partie, la perte du fonds, l’indemnité est limitée, elle ne comprend pas la valeur du fonds et elle est dite de déplacement ; seule la valeur du droit au bail pourra être due à titre d’indemnité principale.
D’une façon générale, cette indemnité sera retenue pour tout fonds dont l’élément essentiel, la clientèle, est conservé (cass. civ., 3e ch., 14 décembre 1988, n° 87-13733).
Rappelons que le locataire ne peut exiger une indemnité supérieure à la valeur de remplacement du fonds (voir § 784).
Bail, élément essentiel. Cet élément sera retenu même en cas de réinstallation du locataire (voir § 787).
Bureaux. L’indemnité de déplacement correspond le plus souvent au préjudice subi par des preneurs de bureaux à usage commercial, la clientèle n’étant pas attachée à ce local administratif. En effet, l’indemnité est limitée aux seuls frais de déménagement et de réaménagement, et en manque à gagner pendant la période d’interruption d’activité lorsque l’éviction n’entraîne pas perte du fonds, le siège social de la clientèle subsistant et une réinstallation aisée dans un local équivalent étant possible (cass. civ., 3e ch., 6 juin 1972, n° 71-11517) (voir aussi, sur les bureaux, § 679).
Ainsi, la valeur vénale du droit au bail est, pour des bureaux, jugée nulle le plus souvent et l’indemnisation du locataire évincé se limite à des indemnités accessoires (CA Paris, 16e ch., sect. B, 20 mars 2008, Loyers et copropriété 2009, 15) :
-honoraires versés pour la prise à bail des nouveaux locaux et frais de déménagement ;
-frais de modification au RCS et de transfert des lignes téléphoniques ;
-impression de nouveaux supports commerciaux et information de la clientèle ;
-paiement de 2 loyers pendant 1 mois ;
-indemnités de licenciement…
Fonds comprenant un seul client. L’attribution de la valeur du droit au bail est de nature à réparer le préjudice du locataire exploitant un fonds qui ne disparaît pas du fait de l’éviction (cass. civ., 3e ch., 25 janvier 1968, n° 65-13246).
Installation dans un autre lieu. Les juges qui constatent qu’un locataire a acquis un terrain sur lequel il a édifié une construction, où il s’est installé, sans renoncer à exercer une activité commerciale dans les lieux loués ne font qu’user de leur pouvoir souverain pour apprécier le préjudice causé par l’éviction, en allouant à ce locataire une indemnité comprenant la valeur du droit au bail perdu, les frais de réemploi et de déménagement, et la réparation du trouble commercial (cass. civ., 3e ch., 22 novembre 1972, n° 71-13387).
Montant de l’indemnité. Le transfert de l’activité entraîne la réparation de préjudices divers liés à ce déplacement du fonds. Il s’agit essentiellement :
-de l’indemnité dite de remploi calculée parfois à un taux réduit par rapport à celle exigible en cas de perte du fonds (voir § 790) ;
-de la perte de bénéfices pendant la durée du transfert (cass. civ., 3e ch., 8 mai 1979, Sem. jur. 1979, 224) ;
-de la perte de la valeur résiduelle des investissements réalisés (cass. civ., 3e ch., 20 juin 1979, n° 77-13863).
Transfert d’activité. De même, lorsque le locataire a transféré son activité avant le refus de renouvellement, l’indemnité est limitée à la perte du seul droit au bail (cass. civ., 3e ch., 2 mars 1976, n° 74-14202).
Le coût du transfert des activités exercées dans les locaux voisins doit être indemnisé si les locaux sont indissociables (cass. civ., 3e ch., 16 décembre 1980, Sem. jur. 1981, 84).
Travaux d’adaptation des nouveaux locaux. Un bailleur a été condamné à payer une indemnité d’éviction intégrant le coût d’adaptation des nouveaux locaux du preneur à son activité future (cass. civ., 3e ch., 2 février 2000, n° 98-13018).
Dès lors que le nouveau local est livré sans aménagement et qu’il est indispensable de l’adapter à l’activité du locataire, l’indemnité d’éviction doit tenir compte du coût des travaux d’aménagement (cass. civ., 3e ch., 21 mars 2007, n° 06-10780).
Autres indemnités
D’autres indemnités accessoires à l’indemnité principale sont exigibles. Les indemnités les plus souvent exigées sont celles dites de remploi, de déménagement ou de trouble commercial.
Le cessionnaire d'un fonds de commerce, acquis postérieurement au congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction, a droit à la réparation du trouble commercial que lui cause l'éviction (cass. civ., 3e ch., 7 décembre 2017, n° 15-12452).
En revanche, le locataire évincé qui cesse son activité ne peut prétendre, pour le calcul de l’indemnité d’éviction, aux frais de remploi, au trouble commercial ni aux frais de réinstallation (cass. civ., 3e ch., 9 octobre 1991, n° 90-11819 ; cass. civ., 3e ch., 26 septembre 2001, n° 00-12620). De même, le locataire ne s'étant toujours pas installé dans un nouveau local peut être condamné à restituer l'indemnité de réinstallation (cass. civ., 3e ch., 28 mars 2019, n° 17-17501)
La preuve de l’absence de réinstallation du preneur pèse sur le bailleur (cass. civ., 3e ch., 16 juin 1993, n° 91-19996 ; cass. civ., 3e ch., 11 juillet 2019, n° 18-16993).
Frais et droits de mutation. Le bailleur doit rembourser au preneur évincé les frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur ; ils seront compris dans l’indemnité dite de remploi. Les frais de négociation d’un nouveau bail et, notamment, le montant de la commission due à un intermédiaire doivent être retenus.
Ces frais sont généralement évalués forfaitairement à un pourcentage, qui varie généralement entre 8 et 10 % de l’indemnité.
Frais de déménagement et de réinstallation. Pour évaluer le préjudice subi par le locataire évincé, il est tenu compte des frais de réinstallation, tant dans l’hypothèse du remplacement du fonds de commerce que dans celle de son déplacement (cass. civ., 3e ch., 21 mars 2007, n° 06-10780). Les frais de réinstallation sont dus sauf si le bailleur prouve que le locataire ne se réinstallera pas dans un autre fonds (cass. civ., 3e ch., 12 janvier 2017, n° 15-25939).
S’agissant d’un fonds de commerce de restauration, l’indemnité d’éviction a été fixée en ajoutant à l’indemnité principale les frais de remploi, le trouble commercial et également les frais de réinstallation, en y appliquant toutefois un abattement (de 40 %) pour tenir compte de la différence entre réinstallation et état neuf (CA Paris, 5e ch., 3e sect., 24 février 2010, n° 08-19561).
Le locataire a tout intérêt à faire établir des devis ; pour certaines activités, ceux-ci porteront également sur les frais de publicité au titre de l’information de la clientèle.
Ces frais ne seront pas retenus en cas de non-réalisation d’un projet de réinstallation prévu à l’origine (cass. civ., 3e ch., 11 janvier 1968, BC III n° 10).
Trouble commercial et indemnité de remploi. Pour indemniser le locataire de la perte qu’il va subir pendant la période où il devra chercher un nouveau fonds de commerce, les experts allouent généralement une somme susceptible de varier entre 1 et 3 mois de bénéfice. À défaut de réinstallation, aucune somme n’est due à ce titre (cass. civ., 3e ch., 4 octobre 1973, n° 71-13568) ; il en est de même lorsque le preneur ne conteste pas qu’il cessera son activité dès qu’il aura reçu l’indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 2 décembre 1998, n° 97-11791).
Stock bradé. En principe, le stock est valorisé avec le fonds. Toutefois, le locataire peut espérer une indemnité supplémentaire lorsqu'il est obligé de liquider ses stocks dans des conditions préjudiciables (cass. civ., 3e ch., 22 septembre 2016, n° 15-18983).
Règlement de l’indemnité
Le bailleur condamné à verser une indemnité d’éviction et n’ayant pas exercé son droit de repentir (voir §§ 811 à 819), ou n’ayant pu exercer ce droit du fait de la réinstallation du preneur, doit payer cette indemnité dans le mois qui suit la décision (voir §§ 771 à 778).
À défaut de paiement entre les mains du locataire ou d’un séquestre, un commandement de payer par acte d’huissier peut lui être délivré ; il a alors 3 mois pour s’exécuter (c. com. art. L. 145-30, al. 2).
Les articles L. 145-28 à 30 du code de commerce précisent les modalités de versement de cette indemnité dans différentes hypothèses ; l’article L. 145-28 offre surtout au locataire une garantie liée au maintien dans les lieux (voir §§ 792 à 796).
L’indemnité d’éviction exigible et l’indemnité d’occupation peuvent se compenser (voir § 800).
Compensation entre l’indemnité d’éviction et le coût de dépollution du site. Un bailleur refuse de renouveler le bail de son locataire ; une expertise pour l’évaluation des indemnités d’éviction et d’occupation dues à la suite de ce refus est ordonnée. Le juge chargé du contrôle des expertises est saisi d’une demande d’extension de la mission confiée à l’expert à la question de la dépollution des terrains occupés par le locataire.
Le locataire prétend que la mission d’évaluation de l’indemnité d’éviction, confiée à un expert spécialisé en estimations immobilières, ne peut être étendue en la personne du même expert à l’expertise tendant à apprécier les mesures de dépollution d’un site industriel qui relèvent de la compétence d’un spécialiste en ce domaine. Les juges, après avoir relevé que le coût de l’éventuelle dépollution du site était susceptible d’être déduit de l’indemnité d’éviction due au preneur, ont pu étendre la mission confiée à l’expert, lequel peut prendre l’avis d’un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne (cass. civ., 3e ch., 18 septembre 2008, n° 07-17640).
Départ du locataire
Paiement de l’indemnité
Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue, sauf condition contraire figurant dans le bail (voir § 776).
L’occupation des lieux peut ainsi se poursuivre pendant plusieurs années après l’expiration du bail. Le locataire ne quittera les lieux qu’après le paiement total de l’indemnité. Mais, pendant toute cette durée, le locataire sera tenu de payer une indemnité d’occupation et de respecter les clauses du bail (c. com. art. L. 145-28). Il s’expose aux différents risques liés à cette occupation (voir §§ 800 et 801).
Il s’agit là toutefois d’une simple faculté ; le locataire peut vider les lieux sans pour autant perdre ses droits à indemnité dès lors que le bail ne contient pas une clause l’obligeant à rester dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité (voir § 776).
Si le locataire est contraint de quitter les lieux alors qu'il n'a pas encore perçu l'indemnité d'éviction, il peut réclamer des dommages et intérêts en réparation de la perte de ce droit, en plus de l'indemnité d'éviction elle-même (cass. civ., 3e ch., 30 novembre 2017, n° 16-17686 ; cass. civ., 3e ch., 17 juin 2021, n° 19-21132).
Opposabilité à l’acquéreur de l’immeuble. Le droit au maintien dans les lieux du locataire résultant de l’article 20 du décret du 30 septembre 1953 (art. L. 145-28 à L. 145-30 du code de commerce) est opposable à l’acquéreur même ; il n’est pas tenu au paiement de l’indemnité d’éviction qui incombe à l’ancien propriétaire vendeur (cass. civ. 18 février 1998, n° 96-15030). Rappelons que l’indemnité d’éviction constitue une dette personnelle à la charge du bailleur ayant refusé le renouvellement du bail au locataire dont il n’est pas déchargé par la vente de l’immeuble (cass. civ., 3e ch., 30 mai 2001, n° 00-10111).
Intérêts moratoires de l’indemnité allouée. Le droit au maintien dans les lieux reconnu au locataire jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction ne fait pas obstacle à l’application des dispositions concernant l’octroi des intérêts au taux légal (cass. civ. 16 mars 1988, n° 86-17213). Mais les intérêts au taux légal sur l’indemnité d’éviction ne courent pas durant le laps de temps où cette indemnité reste légitimement entre les mains du séquestre (cass. civ., 3e ch., 4 juillet 2001, n° 97-20663).
Le point de départ des intérêts est fixé discrétionnairement par le juge (cass. civ., 3e ch., 15 juin 1994, nos 92-12091 et 92-14942 ; cass. civ., 3e ch., 4 juillet 2001, n° 97-20663).
Les juges du fond peuvent faire remonter le cours des intérêts à la date d’assignation (et non du jugement) lorsque les frais ont été effectués avant cette date (cass. civ., 3e ch., 8 mai 1979, n° 77-15545).
Cependant, l’indemnité d’éviction fixée par jugement et restée impayée ne peut être réévaluée (cass. civ., 3e ch., 28 septembre 1982, n° 81-12038).
Pour la cour d’appel de Paris, l’indemnité d’éviction étant une créance de réparation, elle produit des intérêts à partir du jour où elle est reconnue judiciairement. Ainsi, lorsqu’un jugement fixant l’indemnité est confirmé en appel, le point de départ des intérêts doit être fixé à la date de ce jugement (CA Paris, 16e ch. sect. A, 20 juin 2007, Loyers et copropr. septembre 2007, 177).
Lorsqu’une première décision définitive fixe le montant de l’indemnité d’éviction, puis qu’une seconde condamne le bailleur au paiement de cette indemnité, les intérêts majorés de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier (c’est-à-dire l’intérêt légal majoré de cinq points) commencent à courir 2 mois après la signification de la seconde décision définitive (cass. civ., 3e ch., 18 septembre 2007, n° 06-15220).
Travaux de restauration immobilière. Lorsque le refus de renouvellement de bail est motivé par la nécessité d’effectuer des travaux de conservation ou de restauration immobilière, le locataire doit quitter les lieux dès le versement d’une indemnité provisionnelle fixée par le président du tribunal judiciaire, au vu d’une expertise (c. com. art. L. 145-28, al. 2).
Congé délivré sans motif. Le congé délivré sans motif par le propriétaire d’un local commercial ouvre une option au locataire : soit poursuivre le bail en se prévalant de la nullité du congé, soit y renoncer et solliciter une indemnité d’éviction. Dans ce dernier cas, le locataire est en droit de se maintenir dans les lieux dans l’attente du versement de l’indemnité (cass. civ., 3e ch., 28 juin 2018, n° 17-18756).
Garantie donnée en cas de départ du locataire. Un bailleur détenait une garantie à première demande destinée à couvrir les loyers impayés et les travaux de remise en état « en cas de départ du locataire ». Ce bailleur refuse le renouvellement du bail en offrant de payer l'indemnité d'éviction. Le refus devenu définitif, le bailleur demande au garant d'honorer son engagement. Cette demande est jugée prématurée. En effet, tant que l'indemnité d'éviction n'est pas payée, le locataire est en droit de rester dans les lieux. La condition liée au départ du locataire, telle que prévue dans la garantie, n'est donc pas remplie (cass. civ., 3e ch., 25 mars 2021, n° 20-11071).
Mise en œuvre du départ du locataire
Libération des locaux après versement de l’indemnité
Le locataire doit quitter les lieux à l’expiration d’un délai de 3 mois suivant la date du versement de l’indemnité d’éviction entre ses mains ou de la notification qui lui est faite du versement de l’indemnité à un séquestre (c. com. art. L. 145-29). Ainsi, à titre d’exemple, si l’indemnité est consignée le 5 septembre, le locataire devra avoir quitté les lieux le 6 décembre suivant.
Mode de désignation du séquestre. La désignation du séquestre peut être volontaire ou judiciaire, à défaut d’accord entre les parties. Dans cette dernière hypothèse, la désignation du séquestre n’est pas obligatoirement faite dans le jugement portant fixation de l’indemnité ; sa désignation peut intervenir, par la suite, par ordonnance (cass. civ., 3e ch., 25 janvier 1978, n° 76-13795).
Avantages d’un séquestre. La désignation d’un séquestre présente des avantages pour le bailleur. Le bailleur le fera désigner par le tribunal. En effet, le séquestre sera chargé de vérifier la libération des lieux et l’absence d’opposition ; il réclamera au locataire tout justificatif du paiement de ses impôts et il fera paraître une insertion dans un support habilité à recevoir des annonces légales (bien que cette formalité ne soit pas légalement prévue).
Au vu de ces renseignements, il désintéressera éventuellement les créanciers opposants ; à cet égard, la cour d’appel de Paris a considéré que la notification aux créanciers inscrits (c. com. art. L. 141-7) (voir §§ 543 à 545) n’était pas prévue dans ce cas (CA Paris 15 septembre 1995, Loyers 1995, n° 479).
Le séquestre remettra les fonds consignés ou fera jouer la pénalité de 1 % (voir § 795).
Notification de la désignation d’un séquestre. Si le bailleur verse l’indemnité entre les mains d’un séquestre, il lui incombe de notifier au locataire ce versement entre les mains du séquestre (cass. civ., 3e ch., 18 janvier 1989, n° 87-12468).
Intérêts au taux légal. L’indemnité d’éviction n’emporte pas intérêts au taux légal au profit du preneur évincé durant le laps de temps où cette indemnité reste légitimement entre les mains du séquestre (cass. civ., 3e ch., 7 janvier 1987, n° 84-10689) ; mais, lorsque le preneur a quitté les lieux et qu’il a dû introduire deux procédures de référé pour percevoir l’essentiel de son indemnité d’éviction, le bailleur doit verser les intérêts au taux légal sur le montant de l’indemnité entre la date du départ des lieux du locataire et la date à laquelle le séquestre, en exécution des ordonnances de référé, s’est dessaisi de cette indemnité (cass. civ., 3e ch., 4 juillet 2001, n° 97-20663).
Remise des clés et consignation chez le séquestre
Dès remise des clés du local vide, l’indemnité consignée entre les mains du séquestre est versée au locataire, sur sa seule quittance ; la pénalité de retard ne peut être appliquée.
Le versement au locataire a lieu dans la mesure où il n’y a pas d’opposition des créanciers, après justification du paiement des impôts, des loyers ou indemnités, et sous réserve des réparations locatives (c. com. art. L. 145-29, al. 2).
Opposition du bailleur. Lorsque le bailleur fait opposition entre les mains du séquestre à raison de travaux incombant au locataire, les juges du fond doivent rechercher si l’opposition est justifiée ; si elle est jugée non fondée, la consignation du versement de l’indemnité n’équivaut pas au versement exigé par les textes dès lors que le locataire évincé est maintenu dans les lieux (cass. civ., 3e ch., 9 avril 1970, n° 68-12163) ; le bailleur doit, en cas d’opposition non recevable, verser l’indemnité entre les mains du locataire.
Défaut de remise des clés à la date fixée
En cas de non-remise des clés et après mise en demeure, le séquestre retiendra 1 % par jour de retard sur le montant de l’indemnité et restituera cette retenue au bailleur sur sa seule quittance (c. com. art. L. 145-30).
Mise en demeure. La pénalité n’est due, sauf convention contraire, qu’après une mise en demeure (cass. civ., 3e ch., 12 octobre 1964, BC III n° 417).
Aucune forme ni délai ne sont exigés par l’article L. 145-30 pour cette mise en demeure ; elle doit cependant être suffisamment explicite pour éclairer le locataire sur la consistance de ses droits et obligations et comporter une date (cass. civ., 3e ch., 19 mars 1997, n° 95-17070).
Le preneur peut s’engager, dans une convention, à restituer les locaux à une date donnée ; à défaut, la pénalité de 1 % sera due sans mise en demeure (cass. civ., 3e ch., 17 avril 1996, n° 94-13010).
Pénalité et non pas astreinte. Cette retenue a le caractère d’une pénalité définitive et non d’une astreinte ; son montant ne peut être révisé, même s’il est démontré que le préjudice occasionné par le retard est plus ou moins élevé (cass. civ., 3e ch., 21 janvier 1963, BC III n° 49 ; cass. civ., 3e ch., 4 janvier 1977, n° 74-14784).
Décision de justice définitive sur l’indemnité. La pénalité de 1 % ne commence pas à courir tant que le montant de l’indemnité d’éviction n’a pas été fixé par une décision passée en force de chose jugée (cass. civ., 3e ch., 5 avril 2006, n° 04-12598 ; cass. civ., 3e ch., 2 octobre 2012, n° 11-17098).
Comportement fautif du bailleur. La pénalité de 1 % par jour de retard est due par le locataire dès lors que les conditions légales de cette retenue sont réunies. Peu importe que le bailleur ait eu un comportement fautif. Un tel comportement pourrait être sanctionné par des dommages et intérêts mais il ne peut pas faire échec à la retenue des pénalités (cass. civ., 3e ch., 27 juin 2007, n° 06-12345).
Libération effective des locaux
Les locaux doivent être entièrement libres lors de la remise des clés, sauf cas de force majeure ; à défaut, la pénalité de 1 % court.
Le locataire doit effectuer toutes les diligences nécessaires pour obtenir la libération des lieux.
Locataire-gérant. Des pénalités de retard ont été appliquées contre un locataire qui avait donné son fonds en location-gérance et dont le locataire-gérant, informé de la procédure, n’était pas parti ; le gérant a cependant été condamné au paiement solidaire de cette somme (cass. civ., 3e ch., 17 mai 1966, BC III n° 255).
Locataires hôteliers. Il en a été de même contre un hôtelier qui n’avait pas libéré les locaux à la date fixée (avec octroi d’un délai de 6 mois) et en particulier des chambres vacantes et des locaux occupés personnellement (cass. civ., 3e ch., 28 mai 1997, n° 95-18158). Mais d’autres décisions dans d’autres circonstances ont refusé d’appliquer la pénalité, soit :
-en raison de l’exigence des autorités administratives imposant des délais, la retenue de 1 % n’étant pas due (cass. civ., 3e ch., 18 janvier 1989, n° 87-12468) ;
-ou du fait de délais octroyés par le juge des référés aux occupants de chambres meublés, le locataire ayant, pour sa part, remis les clés des locaux vacants (cass. civ., 3e ch., 30 avril 1997, n° 95-17913).
Ordonnance d’expulsion irrégulière. Un locataire, qui n’avait pu obtenir l’expulsion des occupants à la suite d’une ordonnance du juge des référés, s’étant déclaré incompétent, a dû néanmoins verser des pénalités de retard (cass. civ., 3e ch., 14 avril 1982, n° 80-13513).
Sous-locataire. Un locataire, qui avait remis les clés conformément aux termes du bail mais n’avait pas effectué l’expulsion effective, à cette date, de tous les sous-locataires, a été condamné au versement de pénalités de retard (cass. civ., 3e ch., 4 février 1986, n° 84-16371).
Régime fiscal de l’indemnité
Bailleur soumis aux revenus fonciers
Le régime de l’indemnité d’éviction versée en cas de non-renouvellement d’un bail commercial est analysé au paragraphe 836.
Pour la détermination des revenus fonciers, l’indemnité d’éviction versée par le propriétaire est déductible des recettes brutes lorsqu’elle est considérée comme une charge engagée en vue de la perception du revenu (voir « Revenus fonciers et SCI », RF 1132, § 279). Il en est ainsi, notamment, lorsque la somme versée au locataire sortant a pour objet de libérer les locaux en vue de les relouer immédiatement dans de meilleures conditions. Ainsi, est déductible l’indemnité d’éviction dont le versement a permis, après la réalisation de travaux, la relocation de l’immeuble à des conditions plus avantageuses (CE 3 juillet 2009, n° 293154).
Toutefois, l’indemnité n’est pas déductible lorsque son versement résulte d’une gestion anormale (BOFiP-RFPI-BASE-20-20-14/02/2014).
L'indemnité n'est déductible qu'au titre de l'année de son paiement (CAA Nantes, 28 juin 2012, n° 11NT01541). Le caractère déductible de l'indemnité d'éviction n'est pas conditionné par le caractère déductible des travaux dont l'éviction est le préalable (CE 8 juillet 2005, n° 253291 ; CAA Bordeaux, 12 juillet 2006, n° 03BX01773). L’administration, face à une évaluation très forte de l’indemnité d’éviction, peut substituer d’autres termes de référence que ceux retenus pour l’évaluation de la charge (CAA Paris, 7 avril 2011, n° 09PA04048).
Sont également déductibles les intérêts de l’emprunt contracté par le propriétaire en vue de verser une indemnité d’éviction déductible (CE 28 décembre 2012, nos 331404 et 331405).
Une telle indemnité n’est toutefois pas déductible si elle a pour objet la mise en vente du bien (CAA Nantes, 26 juillet 2012, 11NT02240), de permettre au propriétaire de reprendre les locaux pour son usage personnel (CAA Nancy, 26 juin 1990, n° 89NC00439) ou de libérer les locaux sans autre justification (CAA Douai, 9 juillet 2013, n° 12DA01830), de rendre l’immeuble libre de location en vue de la vente (CE 25 janvier 1987, n° 6656), de permettre au propriétaire de reprendre la libre disposition de l’immeuble en vue de sa reconstruction (CE 4 novembre 1974, n° 91434 ; CE 15 décembre 1976, n° 98447) ou encore de permettre au propriétaire de passer un bail à construction avec un nouveau preneur (CE 20 octobre 1978, n° 7157). L'indemnité n’est pas déductible si elle a pour objet d’indemniser le locataire dont le bail a été résilié par anticipation, et cela en contrepartie de l’abandon des aménagements que le preneur avait réalisés dans les locaux loués (CE 30 mars 1986, n° 40810 ; CE 10 février 1993, n° 91545).
L'indemnité n'est pas non plus déductible lorsqu'elle est réglée comme un complément de prix par l'acquéreur du bien, dépourvu de la qualité de bailleur (CAA Bordeaux, 30 juin 2011, n° 10BX00205).
Bailleur soumis aux BIC ou à l’IS
Le caractère de charge est reconnu, en matière de bénéfices industriels et commerciaux, à tout versement d’indemnité n’ayant pas pour contrepartie une augmentation de la valeur d’actif de l’entreprise versante (voir « Détermination du résultat (BIC-IS) », RF 1130, § 1062).
Imposition du locataire
Le régime d’imposition des éléments qui composent l'indemnité d'éviction varie selon la nature du préjudice que cette indemnité est destinée à réparer (voir RF 1130, § 2104).
Les sommes qui compensent la perte d’éléments de l’actif immobilisé sont assimilées à un prix de cession et bénéficient du régime fiscal des plus-values ou moins-values d’actif immobilisé (BOFiP-BIC-PVMV-10-10-20-§ 580-12/09/2012).
Les indemnités correspondant aux frais de déménagement de réinstallation, et les frais et droits de mutation, sont, pour leur part, imposables dans les conditions de droit commun (CE 9 décembre 1991, n° 65544) ; il en est de même de la somme destinée à indemniser une privation temporaire de recette d’exploitation (CE 27 mai 1983, n° 27921).
Sociétés soumises à l'IS. Cette distinction ne revêt plus d'intérêt pour les sociétés soumises à l'IS pour lesquelles le régime des plus-values à court terme s'applique à l'ensemble des plus-values réalisées.
Si l’indemnité est fixée globalement, le juge de l’impôt procède à sa répartition entre le régime des plus-values de cession du droit au bail, pour la valeur vénale du fonds, et le régime de droit commun en ce qui concerne les charges (CE 13 mai 1988, n° 56468 et CE 2 avril 1993, n° 56468).
L’occupation des locaux par le locataire évincé
Versement d’une indemnité d’occupation
Le bailleur peut demander au locataire resté dans les lieux une indemnité d’occupation se substituant au loyer (c. com. art. L. 145-28, al. 1). Il doit demander cette indemnité dans un délai de 2 ans (c. com. art. L. 145-60). Pour fixer cette indemnité, les juges doivent se référer, sauf convention contraire, à la valeur locative (cass. civ., 3e ch., 3 octobre 2007, n° 06-17766 ; cass. civ., 3e ch., 17 juin 2021, n° 20-15296).
Montant de l’indemnité. L’indemnité doit correspondre à la valeur locative (cass. civ., 3e ch., 21 juin 1978, n° 76-15538 ; cass. civ., 3e ch., 29 novembre 2000, n° 99-12730) ; tel est le cas de l’indemnité due par un locataire pour la période écoulée entre la date d’effet d’un congé avec offre de renouvellement, suivi d’une rétractation avec offre d’indemnité d’éviction, et la date de transaction par laquelle le bailleur a offert un nouveau bail (cass. civ., 3e ch., 30 juin 1999, n° 96-21449). Mais les dispositions concernant les travaux d’amélioration (voir § 133) spécifiques à l’hypothèse d’un renouvellement du bail ne sont pas applicables au calcul de l’indemnité, qui ne peut prendre en compte, pour le calcul de la surface, une verrière construite et financée par le preneur (cass. civ., 3e ch., 13 octobre 1993, Loyers 1994, n° 74).
Le plafonnement prévu pour les loyers renouvelés est inapplicable à la détermination de l’indemnité d’occupation (cass. civ., 3e ch., 14 novembre 1978, n° 77-12032).
Valeur locative et abattement. Les juges ne peuvent fixer l’indemnité d’occupation au montant du loyer contractuel indexé ; ils doivent rechercher la valeur locative (cass. civ., 3e ch., 29 novembre 2000, n° 99-12730). En pratique, un taux d’abattement de l’ordre de 10 % est pratiqué sur le montant de la valeur locative, mais des taux différents peuvent également être appliqués (CA 27 juin 1997, Loyers 1998, n° 273, arrêt retenant un taux de 30 %) ; cet abattement tient compte de la précarité des droits de l’occupant.
Point de départ de l'indemnité d'occupation. Cette indemnité est due à compter de la date à laquelle, le titre locatif prenant fin (date d’effet du congé), l’occupation prend effet (cass. civ., 3e ch., 20 mai 1980, n° 78-16116). Cette indemnité n’est pas due à compter de la date à laquelle le bailleur a signifié à son locataire le refus de renouveler au prix judiciairement fixé, dès lors qu’un congé avait été antérieurement délivré au locataire, point de départ de l’indemnité (cass. civ., 3e ch., 7 novembre 1984, n° 83-13550).
Un bailleur refuse le renouvellement et le locataire l’assigne tardivement en paiement de l’indemnité d’éviction. Les juges rejettent la demande du locataire la considérant comme prescrite et fixent les indemnités d’occupation par rapport à la valeur locative du local, en précisant qu’elles sont dues à compter de la fin du bail. La Cour de cassation censure : jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, le locataire a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré (c. com. art. 145-28). Ce n’est donc qu’à partir du moment où l’action en paiement de l’indemnité d’éviction s’est trouvée prescrite, que le locataire doit verser des indemnités d’occupation au bailleur (plus onéreuses que le montant des loyers) (cass. civ., 3e ch., 5 septembre 2012, n° 11-19200).
Versement d'un loyer. Le paiement par le preneur d'un loyer et non d'une indemnité d'occupation depuis l'expiration du bail et l'acceptation par le bailleur de ce loyer ne caractérise pas nécessairement la volonté des parties de conclure un bail verbal et ne remet pas en cause le congé délivré par le bailleur (cass. civ., 3e ch., 6 juillet 2017, n° 16-17817).
Modalités de paiement. La Cour de cassation a appliqué à une indemnité d’occupation les mêmes modalités de paiement que celles prévues dans le bail expiré pour le paiement des loyers (cass. civ., 3e ch., 5 février 1997, n° 96-15336).
Compensation avec l’indemnité d’éviction. La compensation légale entre l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation doit jouer dès lors que la réciprocité des dettes a été judiciairement reconnue (cass. civ., 3e ch., 1er juillet 1998, n° 96-13692).
Toutefois, la compensation ne peut pas s'opérer lorsque l'indemnité d'éviction est encore en cours de fixation dans une instance distincte et dès lors n'est ni liquide ni exigible (cass. civ., 3e ch., 22 mars 2018, n° 17-13634).
Révision. La décision judiciaire peut prévoir que cette indemnité d’occupation sera réajustée annuellement sur le coût de la construction (cass. civ., 3e ch., 18 février 1987, n° 85-16591). D'une façon générale, l'indemnité d'occupation peut être indexée par le juge afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice du bailleur (cass. civ., 3e ch., avis du 4 juillet 2017, n° 17-70008).
À défaut d’une telle décision, la révision de l’indemnité ne devrait pouvoir intervenir que tous les 3 ans, l’article faisant référence aux dispositions légales sur le loyer.
Prescription. Le délai de prescription ne peut commencer à courir que du jour où est définitivement consacré, en son principe, le droit du locataire à l’indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 4 mai 1982, n° 80-15792 ; cass. civ., 3e ch., 2 juin 1993, n° 91-16455 ; cass. civ., 3e ch., 15 décembre 2016, n° 15-23508 ; cass. civ., 3e ch., 18 janv. 2018, n° 16-27678).
L’action du bailleur tendant à la fixation d’une indemnité d’occupation est distincte de celle du loueur demandant à un expert de fixer le montant de l’indemnité d’éviction ; mais la demande en référé du locataire en vue de fixer l’indemnité d’éviction n’interrompt pas le délai de prescription de l’action du bailleur en paiement de l’indemnité d’occupation (cass. civ., 3e ch., 15 février 1995, n° 92-17159 ; cass. civ., 3e ch., 19 janvier 2000, n° 98-13773).
La résiliation d’un bail est prononcée judiciairement le 30 mars 1999. Le 15 juin 2001, le bailleur assigne le locataire pour obtenir le paiement d’une indemnité d’occupation à compter du 1er avril 1999. Les juges rappellent que l’action en paiement de l’indemnité d’occupation est soumise à la prescription biennale, que le point de départ de cette prescription est ici la date de la résiliation du bail et qu’en conséquence, sont prescrites les indemnités d’occupation ayant couru du 1er avril 1999 au 15 juin 1999. Les juges condamnent le locataire au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation à compter du 15 juin 1999 jusqu’à son départ définitif. Cette décision est censurée par la Cour de cassation : « la prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation entraînait l’extinction totale du droit à réclamer cette indemnité » (cass. civ., 3e ch., 10 mars 2004, n° 02-16548).
Le preneur renonce au renouvellement. L’indemnité d’occupation due par un locataire pour la période ayant précédé l’exercice de son droit de repentir valant refus du renouvellement est soumise à la prescription biennale (cass. civ., 3e ch., 5 février 2003, n° 01-16882).
Cession du fonds. Sauf clause contraire, la cession du fonds entraîne cession de la créance d’indemnité d’éviction et du droit au maintien dans les lieux. Dans l’attente du paiement de l’indemnité d’éviction, le cessionnaire ne doit donc pas être considéré comme un occupant sans droit ni titre (cass. civ., 3e ch., 6 avril 2005, n° 01-12719).
Irrégularité du bail. À l’issue du congé avec refus de renouvellement, l’indemnité d’occupation reste due, même si le locataire obtient la nullité du bail au motif que l’affectation commerciale n’était pas régulière pour une partie des locaux (cass. mixte 9 novembre 2007, n° 06-19508).
À qui incombent les frais d’expertise ? Un bailleur qui avait offert de renouveler le bail commercial d’un loueur a exercé son droit d’option en refusant finalement le renouvellement avec une offre de paiement d’une indemnité d’éviction. Pour fixer le montant de l’indemnité d’éviction et celui de l’indemnité d’occupation, due par le locataire qui est resté dans les locaux, les juges ont ordonné une expertise. Les frais d’expertise ont été répartis pour moitié entre le bailleur et le preneur, ce qu’a contesté le preneur qui estimait que l’intégralité des frais de l’instance devait être supportée par le bailleur. La Cour de cassation retient que les frais à la charge du bailleur sont exclusivement les frais exposés avant l’exercice de son droit d’option. Et c’est au juge qu’il revient de déterminer qui doit supporter les frais d’une nouvelle instance engagée, après l’exercice du droit d’option par le bailleur, pour fixer le montant des indemnités d’éviction et d’occupation, notamment les frais d’expertise (cass. com. 16 septembre 2009, n° 08-15741).
Respect des clauses du bail
Le preneur doit respecter les clauses et conditions du bail, à l’exception du versement du loyer transformé en indemnité ; en cas d’infraction, il encourt la résiliation du bail et la perte de l’indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 5 octobre 2017, n° 16-21977). Le bailleur est également tenu de respecter ses obligations.
Le maintien en vigueur des clauses du bail entraîne nécessairement la possibilité de le résilier en vertu d’une clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 9 avril 1970, n° 68-14192 ; cass. civ., 3e ch., 14 février 1973, n° 71-14648).
Le bailleur peut, pour refuser de payer l’indemnité d’éviction, invoquer la clause résolutoire du bail expiré à l’égard du locataire maintenu dans les lieux (cass. civ., 3e ch., 1er mars 1995, n° 93-10172 ; cass. civ., 3e ch., 23 novembre 2011, n° 10-25493). Les magistrats doivent cependant rechercher si la clause résolutoire prévue au bail sanctionnait l’infraction incriminée (cass. civ., 3e ch., 8 octobre 1986, Loyers 1986, n° 428).
Une résiliation judiciaire peut également intervenir (cass. civ., 3e ch., 12 juillet 2011, n° 10-19047) ; cette action n’est pas soumise à l’exigence d’une mise en demeure préalable (cass. civ., 3e ch., 4 mai 2000, n° 98-18011). Le bailleur peut également se prévaloir de l’absence d’une condition d’application du statut et, notamment, du fait que le preneur n’est pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés (cass. civ., 3e ch., 27 mars 2002, n° 00-21685).
Infractions aux clauses du bail. Même en présence d’une décision irrévocable reconnaissant au preneur le droit à une indemnité, le bailleur peut invoquer contre le locataire maintenu dans les lieux une infraction aux clauses du bail pour refuser le paiement de ladite indemnité (cass. civ., 3e ch., 14 février 1973, n° 71-14649 ; cass. civ., 3e ch., 3 juillet 1974, n° 73-11054).
Travaux. Cette occupation, sans doute précaire mais statutaire, fait que, pendant toute cette période, l’immeuble ne peut demeurer à l’abandon et, au contraire, les parties doivent remplir l’une et l’autre leurs obligations conventionnelles d’entretenir les lieux (cass. civ., 3e ch., 31 mai 1978, Sem. jur. 1978, 174). Ainsi, le locataire peut se prévaloir de l’absence de travaux de remise en état des lieux à l’encontre du bailleur (cass. civ., 3e ch., 24 mars 1993, n° 91-16507).
Irrégularité d’une exploitation. Le maintien dans les lieux du titulaire du bail qui a reçu congé avec offre d’indemnité d’éviction s’opérant aux conditions et clauses du bail expiré, le bailleur peut se prévaloir, à son encontre, des infractions commises après l’expiration du bail justifiant un refus d’indemnité ; tel peut être le cas d’une exploitation commerciale illicite du fait d’un copreneur et donc opposable à l’autre copreneur responsable à l’égard du bailleur (cass. civ., 3e ch., 4 janvier 1985, n° 83-13442).
Fermeture temporaire. La fermeture temporaire de l’établissement ne constitue pas un motif grave et légitime de refus de paiement de l’indemnité d’éviction reconnue judiciairement (cass. civ., 3e ch., 16 décembre 1998, n° 96-22232).
Colocataires. Sauf stipulation expresse contraire, l’engagement solidaire souscrit par des copreneurs ne survit pas à la résiliation du bail. Par conséquent, le copreneur qui a quitté les lieux n’est pas redevable de l’indemnité d’occupation due en raison de la faute commise par celui qui se maintient sans droit dans ces lieux (cass. civ., 3e ch., 1er avril 2009, n° 08-13508).