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Parution: avril 2022

Les contestations liées au statut

Changement d’activité : déspécialisation plénière

Procédure

Principe

461

Le locataire peut, sur sa demande, être autorisé à exercer dans les locaux loués une ou plusieurs activités différentes de celles prévues au bail, eu égard à la conjoncture économique et aux nécessités de l’organisation rationnelle de la distribution, lorsque ces activités sont compatibles avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble ou de l’ensemble immobilier (c. com. art. L. 145-48, al. 1).

Toute clause contraire serait réputée non écrite (c. com. art. L. 145-15).

Il s’agit, dans le cadre de cette procédure, de transformer totalement la nature du fonds exploité dans les lieux, et non pas seulement d’adjoindre au commerce initial une activité connexe. Dès lors, les conditions sont beaucoup plus strictes que pour une déspécialisation partielle.

  • Départ en retraite. Une déspécialisation spécifique est attachée à la cession du bail lors d’un départ à la retraite (voir § 314).

  • Centre commercial. Par exception, l’article L. 145-48, alinéa 2, fait interdiction au premier locataire d’un local, compris dans un ensemble constituant une unité commerciale définie par un programme de construction, d’user, pendant un délai de 9 ans, de la faculté de déspécialiser.

Conditions de la déspécialisation

Deux conditions

462

Elles sont au nombre de deux :

-l’une, liée à l’évolution de la conjoncture économique et à l’organisation rationnelle de la distribution ;

-l’autre, correspondant à la compatibilité de l’activité avec la nature de l’immeuble où elle est exercée.

Évolution de la conjoncture économique et organisation rationnelle de la distribution

463

Cette formule est assez vague et toute latitude est laissée au tribunal pour apprécier si la création du nouveau commerce envisagé paraît justifiée, mais ses décisions rendues mettent en avant le fait que la conjoncture économique et l’organisation de la distribution sont des conditions cumulatives.

  • Commerce adapté à un quartier. A été autorisée la transformation d’un pressing en restaurant, au vu des éléments suivants :

    -les résultats financiers du commerce de pressing étaient en baisse constante, l’évolution du commerce de nettoyage à sec n’était pas favorable dans le quartier ;

    -la spécificité du commerce de restauration projeté dans un quartier touristique où sont implantés plusieurs hôtels. Cette dernière activité envisagée n’était pas incompatible avec les caractères et la destination de l’immeuble et n’était pas de nature à créer des nuisances disproportionnées avec celles qui existaient déjà (cass. civ., 3e ch., 24 juin 1992, n° 91-10607).

    Mais cette décision n’a pas autorisé les juges à permettre le changement de distribution des locaux interdit par le bail (voir § 475).

  • Commerce déficitaire. Après avoir constaté qu’un commerce de cartes géographiques était peu rentable, sinon déficitaire, dans les lieux loués, les juges du fond ont pu autoriser le locataire à exploiter dans les lieux tous commerces, à l’exception d’un commerce alimentaire (cass. civ., 3e ch., 8 juin 1995, n° 93-12219).

  • Pléthore de commerces. Une cour d’appel a pu refuser la déspécialisation en commerce de confection après avoir constaté la présence, sur la place, de plusieurs magasins de confection pour dames, l’organisation rationnelle de la distribution dans ce genre de commerce étant déjà largement assurée ; une déspécialisation plénière n’apporterait pas une amélioration de la distribution, eu égard aux besoins de la clientèle dans un domaine où il y a pléthore de commerces (cass. civ., 3e ch., 18 mars 1980, Gaz. Pal. 1980, 318).

  • Transformation spéculative. En toute hypothèse, il faut écarter la transformation qui n’aurait qu’un but spéculatif privé et ne pourrait se rattacher aux raisons économiques prévues par la loi. C’est ainsi qu’a également été refusée la transformation d’un commerce de teinturerie-pressing en commerce de prêt-à-porter-chaussures, la déspécialisation ne pouvant permettre de changer la nature d’un commerce rentable pour un commerce dont les bénéfices escomptés seraient plus substantiels (CA Paris 22 février 1990, Loyers 1990, n° 272).

Compatibilité avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble

464

Là encore, le juge bénéficiera d’un large pouvoir d’appréciation.

On peut supposer, par exemple, que, dans un immeuble de standing, il serait anormal qu’un magasin de luxe puisse obtenir le droit de se transformer en un commerce malodorant ou bruyant.

  • Bar et salon de thé. La Cour de cassation a admis que l’exploitation au rez-de-chaussée d’un immeuble de « standing » d’un commerce de bar-salon de thé, ouvert jusqu’à deux heures du matin et où l’on sert des aliments cuisinés, contrevient aux stipulations du règlement interdisant de telles gênes (cass. civ., 3e ch., 14 janvier 1987, RTD civ. 1987, p. 377) ; un refus identique a été apporté pour la transformation d’un commerce de meubles en bar (CA Pau 6 septembre 1994, Sem. jur. 1995, 432).

  • Pizzeria-épicerie orientale. Le co-propriétaire, qui exerce dans son lot l'activité de fleuriste, n'a pas à demander l'autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires pour exercer les activités de pizzeria, sex-shop ou épicerie orientale, dès lors que le règlement de copropriété précise que les locaux du rez-de-chaussée peuvent être utilisés pour l’exercice d’un commerce, sous la seule condition que ce commerce ne soit pas dangereux ou insalubre, ou de nature, par les bruits et odeurs, à incommoder les personnes habitant l’immeuble (cass. civ., 3e ch., 20 janvier 2004, n° 02-17120).

  • Critères jurisprudentiels sur la destination d’immeubles en copropriété. Il résulte de la jurisprudence, rendue en matière de destination pour les locaux dépendant d’un immeuble en copropriété, les règles suivantes :

    -un changement de nature de l’activité commerciale dans un lot où le règlement de copropriété autorise l’exercice du commerce n’implique pas, par lui-même, une modification de la destination de l’immeuble et peut s’effectuer librement, sous réserve de ne pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires ;

    -pour la définition de la destination, il convient de retenir celle fixée pour l’ensemble de l’immeuble et non la destination de tel ou tel local ;

    -les clauses du règlement de copropriété l’emportent sur les indications figurant dans le descriptif des lots.

Procédure de demande d’autorisation

Demande impérative

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Le preneur qui entend exercer une activité différente de celle prévue au bail doit impérativement solliciter une autorisation préalable du propriétaire.

Forme de la demande. Le preneur doit présenter sa demande par exploit d’huissier ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et, à peine de nullité, la notification comportera l’indication des activités nouvelles dont l’exercice est envisagé (c. com. art. L. 145-49).

Si le preneur a choisi d'utiliser la lettre recommandée AR et qu'elle n'a pas pu être présentée à son destinataire, la démarche doit être renouvelée par acte d'huissier (c. com. art. R. 145-38).

Créanciers inscrits

466

La demande faite au bailleur doit être également notifiée par exploit d’huissier ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception aux créanciers qui ont un privilège inscrit sur le fonds de commerce (c. com. art. L. 145-49, al. 1).

L’absence de notification aux créanciers inscrits visés ci-dessus devrait entraîner l’irrecevabilité de la demande de transformation ou (pour le moins) l’inopposabilité de la demande envers les tiers.

Réponse des créanciers. Les créanciers qui s’estimeraient lésés peuvent exiger que le changement d’activité soit subordonné à certaines conditions de nature à sauvegarder leurs intérêts (c. com. art. L. 145-49, al. 1, in fine). Ils peuvent exiger des garanties supplémentaires en invoquant, par exemple, les risques liés à la nouvelle activité. Toutefois, l’article L. 145-50, dernier alinéa, prévoit le report des inscriptions avec le même rang sur le fonds transformé : il semble qu’il s’agisse d’un report d’inscription de plein droit.

Locataires bénéficiant d’une clause d’exclusivité

467

Le bailleur doit, dans le mois de la demande de transformation, aviser, par exploit d'huissier ou par lettre recommandée AR, « ceux de ses locataires envers lesquels il se serait obligé à ne pas louer en vue de l’exercice d’activités similaires à celles visées dans la demande ». Ces locataires doivent faire connaître leur décision dans le mois de cette notification, à peine de forclusion (c. com. art. L. 145-49, al. 2).

La protection légale n’est pas prévue au profit des autres personnes que les locataires du bailleur, et notamment d’autres copropriétaires de l’immeuble envers lesquels le bailleur se serait engagé.

  • Rôle du juge. En cas de contestation par un locataire, le litige sera très souvent porté devant les tribunaux. À cet égard, le texte n’impose pas au juge de rejeter la demande de changement d’activité du fait de cette contestation ; il pourra, selon les circonstances, considérer que les clauses d’exclusivité constituent ou non un motif de rejet, ou encore n’autoriser le changement d’activité que contre paiement d’une compensation au profit des tiers lésés.

  • Remboursement des sommes versées. Le locataire ou le tiers qui était bénéficiaire d’un engagement d’exclusivité anéanti par la demande de déspécialisation plénière d’un autre locataire peut demander au bailleur de lui rembourser les sommes qu’il lui a versées en contrepartie d’un engagement d’exclusivité (cass. com. 5 octobre 1981, n° 80-11076).

    De même, le locataire pourrait demander une indemnité correspondant au pas-de-porte qu’il aurait payé en contrepartie de la clause d’exclusivité (CA Paris 16 juin 1977, Rev. loyers 1972, p. 473).

Réponse du bailleur

468

Dans les 3 mois de la réception de la demande de transformation, le bailleur est tenu de signifier au locataire son refus, son acceptation, ou encore les conditions auxquelles il subordonne son accord (par exemple, augmentation du loyer, exécution de certains travaux, extension de l’assurance, etc.). À défaut, il est réputé avoir acquiescé, purement et simplement, à l’exercice dans les lieux loués des nouvelles activités, cet acquiescement ne faisant pas obstacle, toutefois, à l’exercice des droits prévus à l’article L. 145-50 du code de commerce et relatifs à la compensation pécuniaire (c. com. art. L. 145-49 ; CA Montpellier 30 octobre 1996, Loyers 1998, n° 157).

  • Forme de la réponse. Le texte n’indique pas sous quelle forme doit être donnée la réponse du bailleur. Avant la loi 2015-990 du 6 août 2015, comme le mot « signifié » était utilisé, le recours à un acte d’huissier s’imposait. La jurisprudence décidait alors que lorsque le bailleur n’avait pas signifié son refus par acte d’huissier, il était réputé avoir accepté la demande de déspécialisation plénière (cass. civ., 3e ch., 11 juin 2008, n° 07-14551). La loi 2015-990 a remplacé le terme « signifié » par « notifié ». Il faut en déduire que le bailleur peut utiliser tant l'acte d'huissier que la lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

  • Motivation de la réponse. La loi ne précise pas de façon explicite les motifs de refus que peut faire valoir le bailleur, mais ils doivent être graves et légitimes si l’on se réfère à l’article L. 145-52 du code de commerce.

  • Causes de refus. Le refus de transformation est suffisamment motivé si le bailleur entend reprendre les lieux à l’expiration de la période triennale en cours, dans l’un des cas suivants : reconstruction de l’immeuble existant, travaux prescrits par l’autorité administrative, surélévation de l’immeuble, transformation du local en un local à usage principal d'habitation (voir § 498).

    Parmi les causes susceptibles d’être invoquées par le propriétaire, on peut naturellement citer le fait que la nouvelle activité sera incompatible avec la nature de l’immeuble, les clauses d’un règlement de copropriété ou les engagements de non-concurrence souscrits au profit d’autres locataires.

  • Pouvoir souverain du juge. Le tribunal demeure seul juge en cas de litige (voir, par exemple, CA Colmar 20 septembre 1989, Loyers 1991, n° 26).

Compensations pour le propriétaire

Deux formes d’indemnisation

469

Le propriétaire peut bénéficier de deux sortes de compensation : une indemnité éventuelle et une majoration du loyer.

En vertu de l’article L. 145-50 du code de commerce, « le changement d’activité peut motiver le paiement, à la charge du locataire, d’une indemnité égale au montant du préjudice dont le bailleur établirait l’existence. Ce dernier peut, en outre, en contrepartie de l’avantage procuré, demander au moment de la transformation la modification du prix du bail, sans qu’il y ait lieu d’appliquer les dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-39 ».

Indemnité éventuelle

470

Une indemnité sera due par le locataire s’il est établi que la nouvelle activité occasionne un préjudice au bailleur. L’indemnité qui sera due pourrait se justifier lorsque le bailleur doit à son tour indemniser des tiers du fait de ce changement d’activité (voir § 467).

Régime fiscal. L'indemnité de déspécialisation doit être comprise dans les revenus fonciers du bailleur si elle est destinée à compenser une perte de recettes (par exemple, diminution du loyer des autres locataires en compensation des troubles de jouissance qu'ils supportent du fait de la nouvelle activité exercée par le commerçant dont le bail a été modifié) ou un accroissement des charges qu'il supporte (voir « Revenus fonciers et SCI », RF 1132, § 250).

Lorsque le montant de l'indemnité excède celui du préjudice subi (quelle que soit la nature de celui-ci), l'excédent doit être considéré comme un supplément de loyer imposable.

Bien entendu, le supplément de loyer versé en tant que tel par le locataire au propriétaire au titre de la déspécialisation doit être également compris dans les revenus fonciers du propriétaire.

Dans les cas autres que ceux visés ci-dessus, sous réserve de l'examen des circonstances particulières, l'indemnité de déspécialisation présente le caractère d'un gain foncier qui n’a pas à être pris en compte pour la détermination du revenu foncier (BOFiP-RFPI-BASE-10-20-§ 190-13/01/2014).

Pour un locataire relevant des BIC ou de l’IS, l’indemnité de déspécialisation versée au propriétaire constitue un supplément de loyer. Celui-ci peut cependant être assimilé au prix d’un élément incorporel du fonds de commerce (ni déductible ni amortissable) s’il forme, avec le loyer stipulé, un total excédant le loyer normal du local (CE 10 décembre 1982, n° 25362 ; CE 2 octobre 1985, n° 41539).

Majoration du loyer

471

En dehors de toute indemnité, le bailleur peut, en contrepartie de l’avantage procuré, demander une majoration du loyer sans attendre la plus proche révision triennale (cass. civ., 3e ch., 24 juin 1992, n° 91-10607). En cas de préjudice, à défaut d’indemnité le réparant, le bailleur est en droit de prétendre à un surloyer en compensation du service rendu.

Une nouvelle valeur locative pourra être déterminée, sans plafonnement, dès lors que l’on pourra considérer que le changement de commerce donne une plus-value réelle aux lieux loués. La modification du prix du bail n’est pas soumise aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-39 du code de commerce sur la révision (c. com. art. L. 145-50).

Le montant de la majoration du loyer doit être évalué en fonction de l’avantage procuré et donc, par rapport à l’activité revendiquée ; très souvent, la demande du bailleur correspond à trois années de loyer. Le texte ne précise pas la date d’exigibilité du nouveau loyer ; dans le cadre d’un accord, les parties le préciseront.

  • Déspécialisation régulière. La modification du loyer suppose que la procédure de déspécialisation plénière ait été suivie ; tel n’est pas le cas du changement d’une activité bancaire en une activité de bijouterie, qui est intervenu dans le cadre d’une cession de bail autorisée pour tous commerces (CA Paris 8 novembre 1994, Loyers 1995, n° 226).

  • Valeur locative. Il a été jugé qu’en l’absence d’indemnité, le loyer devait être porté à la valeur locative réelle de locaux similaires loués sans pas-de-porte (CA Paris 8 janvier 1968, Sem. jur. 1968, 4).

  • Loyer renouvelé. Le changement d’activité commerciale peut être un motif suffisant de déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail. L’appréciation du caractère notable de la modification pouvant entraîner le déplafonnement dépend du pouvoir souverain du juge du fond, mais le fait que l’autorisation de changer l’activité ait donné lieu à une augmentation du loyer et au versement d’une indemnité ne fait pas obstacle à un déplafonnement (voir § 673).

Autorisation judiciaire

472

Si les parties ne peuvent trouver une solution amiable, c’est le tribunal judiciaire du lieu de l’immeuble qui est compétent pour trancher le différend.

Le juge peut autoriser la transformation totale ou partielle du fonds de commerce, malgré le refus du bailleur, si ce refus n’est pas justifié par un motif grave et légitime (c. com. art. L. 145-52).

Différentes décisions pouvant être prises. Le juge peut retenir l’une des solutions suivantes :

-accepter le point de vue du bailleur et refuser l’autorisation ;

-tout au contraire, accorder l’autorisation pure et simple ;

-délivrer une autorisation partielle (par exemple, admettre une seule activité nouvelle alors que le locataire en avait sollicité deux ou trois) ;

-subordonner l’accord aux conditions formulées par le bailleur ou même à des conditions entièrement nouvelles destinées, par exemple, à sauvegarder l’intérêt des créanciers inscrits sur le fonds ou des locataires qui bénéficiaient de clauses d’exclusivité.

Si le litige qui oppose les parties ne porte pas sur le changement d’activité lui-même, mais seulement sur le montant du nouveau loyer que réclame le propriétaire, c’est le président du tribunal judiciaire qui détermine ce dernier, conformément aux dispositions réglementaires prévues pour la fixation du prix des baux révisés (c. com. art. L. 145-52, dern. al.).

Droit de transformer certains commerces de débits de boissons

473

Le propriétaire d’un local donné à bail ne peut, nonobstant toute convention contraire, même antérieurement conclue, s’opposer à la transformation, réalisée par le locataire ou le cessionnaire du droit au bail, d’un débit de boissons de 3e ou 4e catégorie en un autre commerce, à la condition, toutefois, qu’il ne puisse en résulter, pour l’immeuble, ses habitants ou le voisinage, des inconvénients supérieurs à ceux découlant de l’exploitation du fonds supprimé (c. santé pub. art. L. 3331-6, al. 1er).

  • Notification au bailleur. L’occupant doit, avant de procéder aux modifications envisagées, informer le propriétaire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

    L’adaptation du contrat de bail aux conditions d’exploitation nouvelles sera, à défaut d’accord entre les parties, effectuée dans les conditions prévues pour les baux commerciaux (c. santé pub. art. L. 3331-6, al. 2 et 3).

    Le fait d’avoir modifié la destination des lieux (transformation d’un débit de boissons en magasin de chaussures) sans avoir informé au préalable le propriétaire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 11 mai 1988, n° 87-11486).

  • Restaurant. L'article L. 3331-6 du code de la santé publique ne s’applique pas aux restaurants (cass. civ., 3e ch., 8 mars 1972, n° 71-11938).

Effets particuliers

Cessation d’activité pendant les travaux de transformation

474

Les clauses de résiliation de plein droit pour cessation d’activité cessent de produire effet pendant le temps nécessaire à la réalisation des transformations faites en application des dispositions analysées ci-avant, quel que soit le type de déspécialisation ; en pratique, il s’agira, le plus souvent, d’une déspécialisation plénière.

Le délai de suspension d’une action en résiliation ne peut toutefois excéder 6 mois à dater de l’accord du propriétaire ou de la décision judiciaire autorisant la modification d’activité (c. com. art. L. 145-42).

Accord pour les travaux à réaliser

475

L’autorisation de déspécialisation, même judiciaire, ne peut valoir autorisation de réaliser les travaux nécessaires pour l’adaptation des locaux à la nouvelle activité.

  • Interdiction de changement de distribution des locaux. Un changement de distribution des lieux ne peut être autorisé par un juge, même en vue de la déspécialisation plénière de l’activité prévue au bail, alors que le bail prévoit que le preneur s’engage à ne faire dans les lieux aucun changement sans l’autorisation expresse et par écrit du bailleur (cass. civ., 3e ch., 24 juin 1992, n° 91-10607).

  • Respect des clauses du bail. Le preneur, même détenteur d’une décision de justice autorisant la déspécialisation partielle ou totale, doit respecter les autres clauses du bail (cass. civ., 3e ch., 7 novembre 1990, n° 89-14561).

  • Précautions à observer. En présence d’une clause interdisant toute transformation des lieux sans l'accord du bailleur, le preneur devra obtenir, préalablement à tous travaux, l’autorisation du bailleur. En cas de refus injustifié et selon les circonstances, il pourra tenter d’obtenir du tribunal une autorisation judiciaire. Pour ce faire, il mettra en avant la mauvaise foi du bailleur du fait que l’autorisation qui lui a été donnée, dans le cadre d’une déspécialisation plénière, nécessite la transformation des locaux ; mais une hausse substantielle du loyer est souvent sous-jacente au litige.

Renonciation à la demande de transformation

476

Le locataire, au vu de la décision judiciaire, peut considérer que l’indemnité à verser au bailleur ou à des tiers (créancier ou colocataire), ou l’augmentation du nouveau loyer, sont trop élevées ; il a la possibilité de se rétracter en renonçant à ses droits (c. com. art. L. 145-55).

  • Délai de rétractation. À tout moment, et jusqu’à l’expiration d’un délai de 15 jours à partir duquel la décision sera passée en force de chose jugée (et donc non susceptible de recours), le locataire qui a formé une demande en vue d’être autorisé à exercer dans les lieux loués une activité connexe ou une activité totalement différente peut renoncer à ses droits.

    Une fois expiré le délai de 15 jours, le preneur ne peut plus exercer son droit de repentir et il est alors tenu de modifier la destination des lieux conformément à la demande qu’il avait formulée (c. com. art. L. 145-55).

  • Forme et conséquences de la rétractation. Le locataire qui entend renoncer à la déspécialisation autorisée doit faire connaître, dans le délai précité, sa décision au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En pareille hypothèse, le locataire supportera tous les frais de l’instance (c. com. art. L. 145-55).

Droit au renouvellement

477

Lorsque la déspécialisation partielle ou plénière intervient moins de 3 ans avant la fin du bail, le locataire du fonds transformé bénéficie néanmoins du droit au renouvellement (voir § 720).