L'arrivée du terme
La restitution des locaux en fin de bail
État des locaux restitués
Restitution en bon état
Le preneur doit restituer au bailleur la chose louée, à l’expiration de la location, en bon état ou tout au moins dans l’état où elle se trouvait lors de son entrée dans les lieux, ou selon les stipulations du bail.
Seule la remise effective des clés (ou le refus du bailleur de les recevoir) entraîne la libération des lieux (cass. civ., 3e ch., 13 octobre 1999, n° 97-21683). À défaut de remise des clefs, le bailleur est en droit de réclamer une indemnité d'occupation au locataire, même si celui-ci n'occupe plus le local (cass. civ., 3e ch., 5 mars 2020, n° 19-10398).
Depuis l’intervention de la loi 2014-626 du 18 juin 2014, un état des lieux doit être établi contradictoirement et amiablement par le bailleur et le locataire (ou par un tiers mandaté par eux) :
-lors de la prise de possession des locaux par le locataire en cas de conclusion d'un bail, de cession du droit au bail, de cession ou de mutation à titre gratuit du fonds ;
-et lors de la restitution des locaux.
Si l'état des lieux ne peut être établi amiablement, il doit l'être par un huissier, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire (c. com. art. L. 145-40-1).
Ces règles sont d’application immédiate. Pour les baux conclus avant le 20 juin 2014, elles s'appliquent à toute restitution d'un local dès lors qu'un état des lieux a été établi lors de la prise de possession.
Baux dérogatoires et baux professionnels. L'obligation, issue de la loi 2014-626 du 18 juin 2014, de réaliser les deux états des lieux, l'un à l'entrée du locataire, l'autre à sa sortie, s'applique également aux baux dérogatoires (c. com. art. L. 145-5), ainsi qu'aux baux professionnels (loi 86-1290 du 23 décembre 1986, art. 57 B).
Baux antérieurs au 20 juin 2014 — État des lieux de sortie établi sans le locataire. Le locataire ayant quitté les lieux sans préavis, la clause du contrat de bail prévoyant que l’état des lieux de sortie est, en un tel cas, réputé contradictoire doit recevoir application (cass. civ., 3e ch., 25 novembre 1987, Gaz. Pal. 1988, pan. 6). De même, est un élément de preuve le constat d’huissier non contradictoire dressé immédiatement après le départ du locataire qui a quitté les lieux avant d’en donner congé (cass. civ., 3e ch., 21 octobre 1992, Loyers 1993, n° 13).
En revanche, le constat est inopposable au locataire et ne peut servir de base pour justifier des travaux de remise en état des locaux lorsqu'il a été effectué presque clandestinement après le départ du locataire, qu'il ne permet pas de faire dresser, par l'architecte du bailleur, l'état des réparations locatives, comme le bail le prévoyait et qu'il aurait été facile d'organiser un constat contradictoire (cass. civ., 3e ch., 29 avril 2002, n° 01-00654).
Indemnisation pour impossibilité de relocation. Si les travaux de remise en état des locaux empêchent toute relocation, le locataire peut être condamné à indemniser le bailleur pour la perte de loyer qui en résulte. Cette indemnité ne peut être réduite au motif que le propriétaire pouvait faire effectuer les travaux, le cas échéant avec autorisation de justice ; le bailleur n’a pas à faire l’avance du coût des travaux de remise en état qui incombent au preneur (cass. civ., 3e ch., 11 décembre 1991, n° 90-15246). D’ailleurs, le bailleur n’est pas tenu de réparer les lieux loués pour réclamer l’indemnisation (cass. civ., 3e ch., 25 janvier 2006, n° 04-20726 ; cass. civ., 3e ch., 7 janvier 2021, n° 19-23269).
Relocation. Lorsque le bail prévoit la faculté pour le bailleur d’exiger le rétablissement des lieux dans leur état primitif aux frais du preneur, le bailleur est présumé avoir renoncé à cette demande de remise en état en relouant les locaux à des tiers dans l’état où ils se trouvaient (cass. civ., 3e ch., 16 novembre 1988, n° 87-14426).
Toutefois, des solutions inverses ont été prises. Ainsi, le fait qu’un nouveau bail soit conclu entre les parties n’interdit pas au bailleur de réclamer au locataire la réparation des dégradations résultant de la chose pendant la durée de la location (cass. civ., 3e ch., 8 décembre 1999, n° 98-11665).
De même, le fait de relouer en l’état ne prive pas le bailleur de sa demande de remise en état des locaux à défaut d’actes manifestant sans équivoque la volonté du bailleur de renoncer à cette remise en état (cass. civ., 3e ch., 3 décembre 2003, n° 02-13684).
Pour autant, l’indemnisation du bailleur reste liée à la preuve d’un préjudice (cass. civ., 3e ch., 3 décembre 2003, n° 02-18033).
Local vendu à un prix réduit. Le preneur n’ayant pas réalisé des travaux qui étaient à sa charge, le bailleur a vendu le local (après sa restitution par le preneur) à un prix en rapport avec le mauvais état des lieux. Les juges estiment que le bailleur a ainsi été victime d’une perte de chance d’avoir pu vendre à un prix plus élevé, perte évaluée à 50 % de la différence entre le prix obtenu et le prix possible. À ce titre, le preneur est condamné à verser au bailleur la somme de 72 628 € (CA Lyon, 1re ch. civ., 15 mars 2007, Sem. Jur. 2008, 1029).
Restitution du local d’habitation. En application d’un bail commercial consenti à une EURL, le gérant de celle-ci dispose d’un droit d’habitation sur une partie des locaux loués. Après résiliation du bail, le gérant tente de demeurer dans cette partie des locaux. Il obtient gain de cause devant les juges qui limitent l’expulsion à la partie commerciale. Cette décision est censurée par la Cour de cassation : l’expulsion ne peut pas être limitée car le bail a été résilié et l’occupation par le gérant n’a pas fait l’objet d’un bail distinct (cass. civ., 3e ch., 2 mai 2007, n° 06-18158).
Travaux de dépollution. L’exploitant d’une installation classée a l’obligation de remettre le site dans un état tel que ne s’y manifeste aucun des dangers ou inconvénients liés à la pollution des sites (cass. civ., 3e ch., 10 avril 2002, n° 00-17874). La dépollution d’un site industriel incombe au dernier exploitant et non au propriétaire du bien pollué. Elle est donc à la charge du locataire (cass. civ., 3e ch., 2 avril 2008, n° 07-12155 ; cass. civ. 3e ch., 11 septembre 2013 n° 12-15425).
Le preneur évincé de locaux situés sur une installation classée doit procéder aux travaux de dépollution avant de les restituer (cass. civ., 3e ch., 19 mai 2010, n° 09-15255).
Pour remettre le site en état, il arrive que le locataire exploitant une installation classée se maintienne dans les lieux au-delà de la fin du bail, parfois pendant plusieurs années. Il doit verser au bailleur une indemnité d'occupation pendant toute la durée de remise en état du site et cette indemnité doit être fixée par référence au loyer prévu au bail (cass. civ., 3e ch., 23 juin 2016, n° 15-11440).
État des lieux d’entrée
Lorsqu'un état des lieux d'entrée a été dressé (ce qui est, rappelons-le, obligatoire depuis la loi Pinel de 2014, voir § 29), le locataire doit restituer la chose telle qu’il l’a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure (c. civ. art. 1730).
Dans cette hypothèse, le bailleur peut exiger la remise des lieux dans leur état primitif sans avoir à justifier d’un préjudice (cass. civ., 3e ch., 18 novembre 1980, n° 79-12774).
Absence d’observations du preneur. En l’absence d’observations du locataire à son entrée dans les lieux, celui-ci doit les restituer dans un état n’appelant pas non plus d’observations, sauf à démontrer que les désordres constatés étaient dus à la vétusté ou à la force majeure (cass. civ., 3e ch., 20 décembre 1995, n° 93-20288) ; là encore, les clauses du bail peuvent déroger à l’application de ce principe.
Charge de la preuve. La charge de la preuve incombe au locataire et non au bailleur qui n’a pas à faire la preuve de dégradations distinctes de l’usure normale, même si l’état des lieux d’entrée ne comporte aucun poste détaillé rendant la comparaison impossible avec l’état des lieux de sortie (cass. civ., 3e ch., 28 février 1990, n° 88-14334).
État d’entrée imprécis. Lorsque le document dressé lors de l’entrée du locataire dans l’appartement ne contient aucune mention susceptible d’établir l’état d’entretien du local, le constat de l’état des lieux dressé à la sortie du locataire établit les réparations locatives à la charge de ce dernier (cass. civ., 3e ch., 20 janvier 1988, n° 86-17281).
Absence d’état des lieux d’entrée
En principe, s'il n'a pas été fait d'état des lieux des locaux, « le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire » (c. civ. art. 1731).
Cette présomption est ainsi écartée lorsque la preuve est rapportée que les locaux loués étaient en mauvais état à l’origine.
Cette présomption est par ailleurs limitée aux réparations locatives ; les dégradations plus importantes sont exclues de la présomption, sauf clause contraire.
Depuis l'intervention de la loi Pinel de 2014 (voir § 29), cette présomption ne joue pas pour les baux conclus, sans état des lieux initial, après le 20 juin 2014. En effet, « le bailleur qui n'a pas fait toutes diligences pour la réalisation de l'état des lieux ne peut invoquer la présomption de l'article 1731 du code civil » (c. com. art. L. 145-40-1).
Cheminée. L’absence d’état des lieux d’entrée n’a pas empêché le propriétaire de prouver la perte d’une cheminée ornementale par des attestations (cass. civ., 3e ch., 8 avril 1999, n° 97-17476).
Incidences financières et formalités
Le sort du dépôt de garantie
Le dépôt de garantie (voir § 54) doit être rendu au preneur lors de son départ effectif, mais, s’agissant d’une garantie octroyée au bailleur, il n’est restitué qu’après déduction des sommes dues au bailleur ou devant être supportées par le preneur en raison du mauvais état des lieux.
Les baux prévoient souvent qu’à la fin du bail le locataire ne peut imputer le montant du dernier terme de loyer sur le dépôt de garantie versé ; il s’agit là du rappel d’un principe fondamental en matière de location, selon lequel le preneur est tenu de payer son loyer aux termes convenus et il ne peut opérer une compensation entre le loyer dû et le dépôt de garantie.
Transaction en fin de bail. Un bailleur et son locataire concluent une transaction mettant fin au bail commercial et prévoyant le paiement d’une indemnité par le locataire. Au moment du paiement, le locataire déduit le montant du dépôt de garantie de l’indemnité prévue à la transaction. Or, une transaction doit faire l’objet d’une interprétation restrictive et ne peut pas être étendue à des questions qui n’y sont pas expressément spécifiées. En l'espèce, la transaction ne contenant aucune mention relative au dépôt de garantie est donc sans incidence sur le sort de celui-ci. Ainsi, la restitution du dépôt de garantie est due par le bailleur selon les règles de droit commun (cass. civ., 3e ch., 11 avril 2019, n° 18-16061).
Clause pénale. Dans la plupart des baux, il est prévu qu’en cas de résiliation motivée par une faute du preneur, le dépôt de garantie restera acquis au bailleur, sans préjudice de toutes autres sommes qu’il pourrait réclamer au titre de loyers arriérés, frais de remise en état des lieux, etc. Se pose alors la question de savoir si une telle stipulation est une « clause pénale », ce qui permettrait au locataire de la faire réduire par le juge lorsqu'elle est manifestement excessive (c. civ. art. 1231-5). La Cour de cassation a eu l'occasion de considérer que la clause du bail, selon laquelle le dépôt de garantie restera acquis au bailleur en cas de résiliation du bail pour une cause quelconque émanant du preneur autre qu'un congé délivré régulièrement, ne constituait pas une clause pénale (cass. civ., 3e ch., 7 novembre 2001, n° 00-15508).
Par ailleurs, si une clause prévoit que le dépôt de garantie restera acquis au bailleur en cas de résiliation, cette sanction ne s’applique que s’il y a effectivement résiliation du bail et non en cas de refus de renouvellement de bail, même justifié par des motifs graves et légitimes (cass. civ., 3e ch., 13 mars 1974, n° 73-10024).
Dégradations. En présence de dégradations incombant au locataire, l’indemnisation du bailleur n’est pas subordonnée à la preuve de l’exécution, par celui-ci, des travaux dont il demande réparation ; dès lors, est recevable la rétention du dépôt de garantie par le bailleur au vu de devis (cass. civ., 3e ch., 3 avril 2001, n° 99-13668) ; il convient toutefois de prendre en considération la position de la Cour de cassation selon laquelle le bailleur doit prouver l’existence d’un préjudice (cass. civ., 3e ch., 3 décembre 2003, n° 02-18033).
Notification au comptable public
Les propriétaires et, à leur place, les principaux locataires (en cas de sous-location) qui n’ont pas, 1 mois avant le terme fixé par le bail ou par les conventions verbales, donné avis au comptable public chargé du recouvrement des impôts directs du déménagement de leurs locataires sont responsables des sommes dues par ceux-ci pour la cotisation foncière des entreprises (CGI art. 1687).
Dans le cas où ce terme est devancé, comme dans le cas de déménagement furtif, les propriétaires et, à leur place, les principaux locataires deviennent responsables de la cotisation de leurs locataires ou sous-locataires, s’ils n’ont pas, dans les 3 mois, donné avis du déménagement au comptable public.
La part de la cotisation laissée à la charge des propriétaires ou principaux locataires ou sous-locataires comprend seulement la fraction afférente à l’exercice de la profession au cours du mois précédent et du mois courant (CGI art. 1687) ; il s’agit du mois précédent et de celui du déménagement.
Modalités d’information du comptable public. Dans tous les cas de départ du locataire soit volontaire, soit forcé, le bailleur doit adresser l’avis énoncé ci-dessus. Afin de se ménager la preuve de cet envoi, il le fera par lettre recommandée avec avis de réception et demandera à l’administration de lui en accuser réception ; cette lettre sera adressée au comptable public dont relève l’entreprise locataire.
Obligation de justifier de la quittance des impôts. Lorsqu’une clause du bail impose au locataire partant de justifier de la quittance de ses impôts et de supporter à ses frais la visite des lieux avant son départ, le non-respect de ses obligations par le preneur entraîne à son égard une présomption de non-libération des locaux et le versement d’une indemnité d’occupation même s’il a effectivement quitté les lieux (cass. civ. 6 mars 1985, Loyers 1985, n° 256).
Déductibilité par le bailleur. Le bailleur qui est poursuivi au titre de la solidarité fiscale en paiement d’une partie de la cotisation du locataire défaillant pourra la déduire de ses revenus fonciers.
Notification aux créanciers inscrits. Lorsque la fin du bail résulte d’une résiliation amiable ou judiciaire, celle-ci ne peut prendre effet qu’après la notification qui doit être faite aux créanciers inscrits (voir § 543).