Les événements en cours de bail
La sous-location
Caractéristiques
Sous-location et location-gérance
Il convient de ne pas confondre la sous-location avec la location-gérance : dans le premier cas, la jouissance ne concerne que les seuls locaux d’exploitation ; dans le second, au contraire, elle porte sur la totalité des éléments composant le fonds et la jouissance des locaux n’est que la conséquence accessoire et nécessaire de la location-gérance (cass. civ., 3e ch., 19 mars 2008, n° 07-11805). En conséquence, cette jouissance des locaux ne peut être sanctionnée par le jeu de la clause résolutoire pour violation de la clause du bail interdisant la sous-location (cass. civ., 3e ch., 9 juillet 2003, n° 02-11141) (voir § 531).
Le locataire-gérant n’a aucun droit à l’égard du propriétaire de l’immeuble et la location-gérance est donc neutre pour le bailleur.
Mais pour qu’il en soit ainsi, il faut une véritable gérance. Or il est assez fréquent que le locataire principal, pour éluder une interdiction de sous-louer, tente de dissimuler une sous-location sous un contrat d’appellation différente et notamment une location-gérance ou une gérance libre. Dans de tels cas, le bailleur peut obtenir la résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 7 juillet 2016, n° 15-16101).
À l’inverse, l’autorisation donnée par le bailleur de sous-louer les lieux loués ne peut valoir autorisation de conclure un contrat de location-gérance en présence d’une clause interdisant au preneur de concéder la jouissance des lieux loués à qui que ce soit et sous quelque forme que ce soit (cass. civ., 3e ch., 10 octobre 2001, n° 00-13896).
Qualification par les juges du fond. Pour définir un contrat portant le titre de location-gérance de fonds de commerce, les juges du fond ne peuvent se borner à se fonder sur cet intitulé, alors qu’il leur appartient de donner à la convention sa véritable qualification (cass. com. 8 février 1972, n° 70-13978).
Constitue une sous-location la convention qualifiée de gérance libre dès lors que les clauses de cette convention sont contraires aux usages en matière de gérance libre (cass. com. 28 juin 1961, BC III n° 300).
Après avoir constaté qu’une locataire avait sous-loué son local par un acte déguisé sous le nom de gérance à l’insu du bailleur, les juges du fond ont pu résilier le bail (cass. civ., 3e ch., 16 janvier 1970, n° 68-10171).
Logement de salariés. La mise à la disposition d’un employé de la société locataire gérante du fonds de commerce, comme logement de fonction, des locaux d’habitation compris dans les locaux donnés à bail, moyennant une contrepartie, constitue une sous-location (cass. civ., 3e ch., 7 avril 1994, n° 92-14478).
Remboursement du loyer principal. Constitue une véritable sous-location l’autorisation accordée par un locataire à un tiers d’utiliser les lieux loués moyennant un remboursement du loyer principal (cass. com. 2 février 1967, BC III n° 58).
Réserve d’exploitation au profit du preneur. Le contrat qui constate que le propriétaire du fonds s’est réservé toute l’exploitation prévue à son propre bail, tout en conférant un droit à un tiers, doit s’analyser en une simple sous-location (cass. civ., 3e ch., 26 novembre 1997, n° 95-20558).
Prescription. Le locataire-gérant qui agit en requalification du contrat de location-gérance en contrat de sous-location commerciale doit agir dans le délai de prescription qui est de 2 ans en matière de baux commerciaux (c. com. art. L. 145-60). Ce délai de prescription court à compter de la conclusion du contrat, même si le contrat a été renouvelé par avenants successifs (cass. civ., 3e ch., 3 décembre 2015, n° 14-19146).
Conséquences de la requalification. Lorsque le contrat de location-gérance s’analyse en une sous-location déguisée, la sous-location étant interdite dans le bail et l’accord du bailleur n’ayant pas été sollicité, l’infraction ainsi commise par le locataire constitue un manquement suffisamment grave aux clauses et conditions du bail pour justifier sa résiliation judiciaire (CA Paris 20 novembre 2002, Loyers 2003, n° 132).
Location-gérance irrégulière. Le propriétaire d’un fonds de commerce de restaurant conclut une convention intitulée « contrat de gérance » avec Mme X. Celle-ci assigne le propriétaire du fonds en sollicitant l’annulation de ce contrat et sa requalification en sous-bail commercial. Sa demande est rejetée et Mme X est déclarée occupante sans droit ni titre. Les juges constatent en effet que le contrat ne remplissait pas les conditions, relatives à la location-gérance, prévues par les anciens articles L. 144-3 et L. 144-4 du code de commerce applicables en l'espèce. Ce contrat, qui devait être déclaré nul par application de l’article L. 144-10, n’avait pu dès lors produire aucun effet (cass. civ., 3e ch., 18 mai 2005, n° 04-11835).
Location-gérance fictive. Les juges requalifient une location-gérance en sous-location en raison des faits suivants :
-le « locataire-gérant » a procédé à la liquidation du stock ;
-il a changé l’enseigne pour s’adresser à une autre clientèle ;
-le montant de la redevance se conçoit dans la perspective d’une cession ultérieure du fonds.
La sous-location étant interdite par une clause du bail, les juges prononcent la résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 26 juin 2007, n° 04-10295).
Sous-location et mise à disposition de locaux
La mise à disposition d’un local ou d’un espace ne s’analyse pas en une sous-location. Ainsi, la mise à disposition intermittente d’espaces par le locataire de locaux commerciaux, assortie de prestations de services, n’est pas une sous-location (cass. civ., 3e ch., 13 février 2002, n° 00-17994). En l’espèce, le bailleur avait assigné sa locataire, une société gérant un atelier de danse, afin que soit réajusté le prix du loyer en raison de sous-locations qu’elle avait consenties. La société locataire avait accordé une mise à disposition temporaire du local à une autre société tout en conservant à sa charge de nombreuses prestations relatives à l’équipement et à l’entretien des locaux ainsi que le contrôle de l’accueil et de la sécurité. Au vu de ces éléments, la cour d’appel et la Cour de cassation ont considéré que le contrat ne pouvait s’analyser en une sous-location. En fait, les conditions dans lesquelles la mise à disposition intervient sont essentielles pour la qualification de la convention ; les faits attachés à chaque cas d’espèce peuvent justifier des décisions d’apparence contradictoire.
Mise à disposition d’un studio et de matériel d’enregistrement. La mise à disposition d’un studio et de matériels de haute technologie, installés dans les lieux loués, sous le contrôle de la société locataire des locaux avec la collaboration d’un ingénieur du son, dont les prestations faisaient l’objet d’une prestation à part, ne s’analyse ni en contrat de location, ni en contrat de sous-location (cass. civ., 3e ch., 7 novembre 2001, n° 00-12897).
Occupation d’un appartement par le représentant de la société locataire. Une personne morale ne pouvant habiter bourgeoisement un appartement, la faculté d’occuper à usage d’habitation un appartement suppose nécessairement l’autorisation d’en accorder la jouissance à l’un des représentants personnes physiques de la société locataire (cass. civ., 3e ch., 23 mai 2002, n° 00-20860). En l’espèce, la location portait sur des locaux à usage commercial et un local à usage d’habitation ; le bail comportait une interdiction générale de sous-louer tout ou partie des lieux loués.
Mise à disposition de locaux dans le cadre d’un contrat d’exclusivité. Le contrat, accessoire d’un contrat d’exclusivité, mettant à la disposition d’une société, pour l’exercice de son activité, des locaux aménagés et meublés pour une durée de 2 ans ne peut conférer à son bénéficiaire un bail régi par les dispositions sur le statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 14 novembre 2002, n° 01-11152).
Mise à disposition gracieuse. La mise à disposition gracieuse de locaux au profit de tiers, dès lors qu’elle permet le maintien de l’ouverture du commerce dans les locaux alors que le locataire en titre exerce lui-même une autre activité, est une sous-location (cass. civ., 3e ch., 26 février 1992, n° 90-19710).
Sous-location et domiciliation
L’autorisation de domiciliation n’implique pas autorisation de sous-location (cass. civ., 3e ch., 10 avril 2002, n° 00-16522) ; en l’espèce, la société locataire avait consenti à des sociétés de son groupe de véritables sous-locations qui ont été déclarées irrégulières.
Simple domiciliation. Le fait qu’un extrait K bis révèle l’existence de la domiciliation d’une société dans des lieux loués à une autre société ne peut suffire à caractériser l’existence d’une sous-location prohibée par le bail et sa résiliation sur ce fondement (cass. civ., 3e ch., 7 février 1996, n° 93-19013).
Une sous-location implique le paiement d’un prix ou la fourniture d’une contrepartie (cass. civ., 3e ch., 19 mai 1999, n° 97-18057).
Alors que son bail commercial contient une clause interdisant la sous-location sous peine de résiliation du bail, un art-thérapeute domicilie dans ses locaux une association en lien avec son activité professionnelle. Dénonçant là une sous-location interdite, son bailleur saisit le juge pour voir prononcer la résiliation du bail en vertu de la clause résolutoire. Le bailleur perd son procès : cette domiciliation ne constitue pas une sous-location car le locataire ne percevait aucun loyer de cette association, qui n'était en réalité qu'une émanation de son activité (CA Aix-en-Provence, 1re ch. C, 14 juin 2012, n° 11/17564).
Accord exprès du bailleur
Interdiction légale de sous-louer
Sauf stipulation contractuelle au bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite (c. com. art. L. 145-31).
Cette interdiction légale déroge aux règles du code civil qui autorisent la sous-location au même titre que la cession (c. civ. art. 1717).
Position du locataire |
Position du bailleur |
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Très souvent, le locataire, personne morale, entend pouvoir sous-louer au profit de ses filiales. Le locataire peut négocier une clause n’ayant pas une portée générale de sous-louer, mais autorisant des sous-locations au profit de personnes déterminées. Le locataire qui sous-louerait en totalité les locaux perdrait la propriété commerciale, dans la mesure où il ne pourrait justifier de l’exploitation d’un fonds. |
Le propriétaire contracte avec une personne déterminée ; il peut souhaiter ne pas se voir opposer d’autres occupants dont il ignore la qualité. Par ailleurs, il peut souhaiter que le locataire ne réalise pas un bénéfice en sous-louant pour un prix supérieur au montant du loyer principal (dans ce cas, il pourra augmenter le loyer principal). |
Autorisation du bailleur
L’autorisation du bailleur est indispensable, elle est discrétionnaire. Dans certains cas, l’autorisation ressort des clauses du bail.
Le droit pour le propriétaire d’interdire toute sous-location sans son autorisation expresse et préalable n’est soumis à aucune limitation ; les tribunaux n’ont pas le pouvoir d’autoriser une sous-location au lieu et place du bailleur (cass. com. 16 juillet 1962, BC III n° 362).
L’autorisation du bailleur de sous-louer peut résulter d’une clause du bail ; mais si la clause n’a pas une portée générale de sous-louer et ne permet la sous-location que dans des cas particuliers, la sous-location ne sera admise que dans ces cas et dans la seule mesure où il est dérogé à l’interdiction de principe (cass. com. 20 décembre 1965, BC III n° 660).
L’accord du bailleur peut résulter d’une lettre ou de tous faits positifs caractérisant son acceptation (cass. civ. 16 mars 1982, Sem. jur. 1982, 192).
Les conséquences d’un défaut d’autorisation du bailleur sont analysées plus loin (voir §§ 282 à 284).
Régularisation impossible. L’omission du preneur d’appeler le bailleur à concourir à un acte de sous-location ne pouvant être régularisée, une mise en demeure avant le congé portant refus de renouvellement sans indemnité d’éviction n’est pas nécessaire (cass. civ., 3e ch., 9 juillet 2003, n° 02-11621).
Changement de bailleur. L’autorisation de sous-louer donnée par l’ancien propriétaire ne peut, en cas de changement de bailleur, être contestée par le nouveau (CA Caen 17 janvier 2008, Sem. Jur. 2008, 1733).
Intervention du bailleur à l’acte
Même en cas de sous-location autorisée par le bailleur ou dans le bail, le locataire doit faire intervenir le propriétaire à l’acte de sous-location.
Le locataire doit faire connaître au bailleur son intention de sous-louer par exploit d’huissier ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Dans les 15 jours de cette notification, le propriétaire doit indiquer s’il entend concourir à l’acte.
Si, malgré l’autorisation prévue au bail ou par acte séparé, le bailleur refuse ou omet de répondre, il est passé outre (c. com. art. L. 145-31, al. 2 et 4).
Une clause expresse du bail peut dispenser le locataire de son obligation d’appeler le bailleur à concourir à l’acte.
Par ailleurs, dans le cas particulier où la sous-location est l'objet même de l'activité du locataire (par exemple en cas d’activité de résidence hôtelière ou de maison de retraite), le bailleur n'a pas à être appelé à concourir aux actes de sous-location (cass. civ., 3e ch., 15 avril 2015, n° 14-15976 et cass. civ., 3e ch., 24 juin 2015 n° 14-17021).
Autorisation expresse de sous-louer. L’autorisation expresse de sous-louer donnée dans le bail ou par acte séparé ne dispense pas le locataire de l’obligation de se conformer aux formalités de l’article L. 145-31 et de l’intervention du bailleur à l’acte (cass. civ. 12 mars 1969, BC III nos 215 et 216 ; cass. civ., 3e ch., 19 février 2003, n° 01-10689).
L’autorisation générale de sous-louer introduite dans un bail n’est pas suffisante pour conférer aux sous-locataires commerçants, non expressément ou tacitement agréés, un droit direct au renouvellement (cass. civ., 3e ch., 22 janvier 1992, n° 90-13736).
Preneur faisant son affaire personnelle des sous-locations. La mention selon laquelle le preneur fera son affaire personnelle de la sous-location sans avoir besoin du consentement du bailleur ne signifie pas que le preneur soit dispensé d’appeler le bailleur à concourir à l’acte (cass. civ., 3e ch., 21 mars 1990, n° 89-11733).
Règlement direct du loyer par le sous-locataire non agréé. Le fait que le sous-locataire règle directement le loyer au bailleur sur son compte personnel ne vaut pas agrément du sous-locataire.
Renonciation expresse du bailleur au formalisme. La renonciation par le bailleur aux dispositions de l’article L. 145-31 du code de commerce doit être formulée en termes exprès et non équivoques (cass. civ. 15 octobre 1991, Rev. loyers 1992, p. 103).
Renouvellement de l’acte de sous-location. En cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l’acte de sous-location, mais également pour les renouvellements amiables suivants (cass. civ., 3e ch., 16 juin 1999, n° 97-15461).
Respect des clauses restrictives de sous-location. Comme en matière de cession, le bail peut prévoir que l’autorisation de sous-location est subordonnée au respect de certaines conditions de forme ; ces formalités s’imposent aux parties préalablement ou concomitamment à l’acte de sous-location ; en cas de non-respect, elles ne pourront faire l’objet d’une régularisation ou d’une « réitération » valable (cass. civ., 3e ch., 5 juillet 1983, n° 81-15956 ; cass. civ., 3e ch., 13 mars 1991, n° 89-18164), sauf, pour le locataire, à obtenir du juge un délai de régularisation (voir § 537).
Sous-location d’une durée de 2 ans. Le défaut d’intervention du bailleur à l’acte entraîne la résiliation du bail, même si la sous-location n’a été consentie que pour 23 mois (cass. civ., 3e ch., 11 juillet 1990, n° 89-11756 ; cass. civ., 3e ch., 1er mars 1995, n° 93-11445, le bail autorisait les sous-locations précaires).
Sous-location pour un usage professionnel ou d’habitation. L’autorisation générale de sous-louer ne peut, en présence d’une location principale commerciale, rendre opposables au propriétaire des sous-locations à usage d’habitation ou professionnel (cass. civ., 3e ch., 22 janvier 1992, n° 90-13736).
Autorisation de sous-louer à une société apparentée. En présence d’une clause d’un bail autorisant de sous-louer à toute société apparentée, il a été jugé que cette autorisation ne pouvait profiter à une société seulement placée dans un lien de dépendance économique très étroit avec la société locataire (CA Versailles 13 février 2001, Bull. Joly 2001, 868).
Un avenant au bail est insuffisant. Par un avenant au bail commercial, les parties sont convenues de modifier la clause du bail initial interdisant la sous-location pour la remplacer par la stipulation suivante « le bailleur autorise expressément M. X… ou tout autre locataire qui lui succéderait, à sous-louer les locaux accessoires du premier et du deuxième étage dépendant de l’immeuble… faisant partie du bail ». La cour d’appel retient qu’en application de cette clause, l’obligation de faire concourir le bailleur à la sous-location était sans application pour des locaux à usage d’habitation. Cette décision est censurée : l’autorisation de sous-louer prévue par l’avenant ne dispense pas le locataire d’appeler le propriétaire à concourir aux actes de sous-location des studios des premier et deuxième étages (cass. civ., 3e ch., 27 septembre 2006, n° 05-14700).
Cession du fonds de commerce. La cession du fonds de commerce, qui comprend la cession du bail, n’entraîne pas la transmission de l’obligation d’informer le bailleur d’une sous-location intervenue avant la cession (cass. civ., 3e ch., 17 septembre 2008, n° 07-10170).
Responsabilité du notaire. Eu égard à leur devoir de conseil, les notaires doivent assurer l'efficacité des actes qu'ils rédigent. Ils doivent ainsi éclairer les parties sur les règles de droit applicables eu égard au but qu'elles poursuivent. Par conséquent, lors de la conclusion d'un contrat de bail commercial contenant une autorisation générale de sous-louer, le notaire doit informer les parties de l'obligation du locataire d'appeler le bailleur à concourir aux actes de sous-location. À défaut, le locataire peut engager la responsabilité du notaire s'il perd son bail pour ne pas avoir appelé le bailleur à concourir aux actes de sous-location (cass. civ., 3e ch., 6 octobre 2016, n° 14-23375). Les rédacteurs d'acte ont donc tout intérêt à préciser, dans un bail autorisant la sous-location, l'obligation d'appeler le bailleur à concourir aux sous-locations et les sanctions attachées à cette obligation.
Accord tacite
Une tolérance prolongée du propriétaire n’équivaut pas à une renonciation à se prévaloir de l’infraction en matière de sous-location (cass. civ., 3e ch., 25 janvier 1983, Sem. jur. 1983, 107) ou de son droit de concourir à l’acte (cass. civ., 3e ch., 11 mai 1976, n° 74-10585).
Le simple silence du bailleur à la suite d’une notification de sous-location ne vaut pas acceptation (cass. civ., 3e ch., 27 avril 1977, n° 75-10803).
« La connaissance ou la tolérance du bailleur ou l'autorisation de principe donnée à la sous-location ne peuvent être assimilées à son concours à l'acte » (cass. civ., 3e ch., 22 février 2006, n° 05-12032).
La jurisprudence n'admet la validité de la sous-location irrégulière qu'au vu d’un acte non équivoque traduisant la volonté du bailleur de ne pas se prévaloir de l’infraction.
Augmentation du loyer. L’augmentation du loyer principal fondée sur une sous-location par application de l’article L. 145-31 du code de commerce a été analysée comme valant accord tacite du bailleur (cass. civ. 29 octobre 1970, Sem. jur. 1971, 231) ; mais, cet élément a été jugé insuffisant dans une autre affaire (cass. civ., 3e ch., 29 novembre 1995, n° 93-14250).
Autorisation de réaliser des travaux adressée au sous-locataire. L’apposition d’une mention « bon pour accord » au bas d’une lettre du sous-locataire au représentant du bailleur pour lui demander l’autorisation d’effectuer divers travaux équivaut à un accord tacite (cass. civ., 3e ch., 8 avril 1992, nos 90-21168 et 90-21791).
Locaux destinés à être sous-loués. Le locataire d’un bail commercial consent une sous-location à une société. Longtemps après, le bailleur, qui n’a pas concouru à l’acte initial, délivre congé à son locataire principal en lui déniant le droit au statut en l’absence d’exercice d’une activité dans les locaux. La société sous-locataire sollicite alors directement le renouvellement de son bail auprès du bailleur. Les juges déclarent sa demande valable. Selon eux, le bailleur savait pertinemment, dès la conclusion du bail initial, que les locaux avaient vocation à être sous-loués en totalité à la société requérante. En effet, des clauses du bail prenaient en compte cette situation et des relations directes s’étaient nouées, notamment pour l’exécution de travaux (cass. civ., 3e ch., 4 mai 2011, n° 09-72550).
Effets de la sous-location régulière
Loyer principal
Entre le bailleur et le locataire principal, la situation demeure inchangée, sauf lorsque la sous-location est consentie à un prix supérieur au montant du loyer principal.
Le propriétaire peut alors exiger une augmentation correspondante du loyer (c. com. art. L. 145-31, al. 3) ; en cas de désaccord sur le montant de cette majoration, l’action sera portée devant le tribunal judiciaire.
Le propriétaire doit agir envers le sous-locataire dans le délai de prescription de 2 ans propre aux actions liées au statut des baux commerciaux (c. com. art. L. 145-60) et non dans le délai de 5 ans qui concerne seulement le non-paiement du loyer (cass. civ., 3e ch., 1er avril 1998, n° 96-18245) ; ainsi, le propriétaire qui a connaissance par courrier en date du 10 octobre 2001 que le prix global des sous-locations était supérieur au loyer principal et qui demande un réajustement du loyer principal le 9 mai 2004 peut se voir opposer la prescription biennale.
Covid-19. Les délais prescrit par la loi sous peine de prescription ont bénéficié d'un délai supplémentaire lorsqu'ils devaient être engagés pendant la période juridiquement protégée (voir §§ 1000 et s.).
Connaissance par le bailleur du loyer supérieur. En présence d’une sous-location régulièrement consentie avant le renouvellement du bail principal pour un montant de loyer offert et accepté, les juges du fond ne peuvent rejeter la demande du bailleur de majorer le loyer renouvelé, celui-ci ayant appris que le loyer de la sous-location était le double de celui du loyer principal sans rechercher si, à la date du renouvellement, le bailleur connaissait le prix de la sous-location (cass. civ., 3e ch., 30 octobre 1991, n° 90-13994).
Sous-location p artielle. La faculté d’exiger la majoration prévue par l’article L. 145-31 du code de commerce est ouverte au propriétaire lorsque le prix de la sous-location est proportionnellement supérieur à celui du bail principal (cass. civ., 3e ch., 28 mai 1997, n° 95-18894).
Recours envers le sous-locataire. Le propriétaire a une action directe à l’encontre du sous-locataire dans la limite du sous-loyer (cass. civ., 3e ch., 19 février 1997, n° 95-12491).
Sous-locataire supportant toutes les charges. Lorsque le sous-locataire supporte les gros travaux et les impôts fonciers, le locataire n’assurant aucune prestation aux sous-locataires, il y a lieu d’ajouter au prix du loyer retenu par les experts le bénéfice réalisé par le locataire en sous-louant (cass. com. 19 décembre 1961, BC III n° 489).
Sous-location mise en avant lors d’un renouvellement. Lors d’un renouvellement, les parties ne s’étant pas accordées sur le prix du bail renouvelé, le juge est saisi par le preneur. À cette occasion, le bailleur invoque l’existence d’une sous-location. Le juge fixe le loyer en tenant compte de l’existence de la sous-location. Cette décision est censurée : la contestation relative à la fixation du prix du bail renouvelé portée par les preneurs devant le juge est distincte de la demande d’augmentation du loyer en raison de l’existence d’une sous-location. Cette seconde demande ne peut valablement être formée par le bailleur qu’en notifiant un mémoire, puis en saisissant le juge (cass. civ., 3e ch., 7 février 2007, n° 05-20252).
Clause inefficace. Un contrat de sous-location, auquel les propriétaires sont intervenus, prévoit : « le droit au renouvellement du bail principal appartiendra seulement au locataire principal, ce qui est expressément accepté par le sous-locataire ». Les juges opposent cette clause au sous-locataire lorsque celui-ci fait valoir son droit au renouvellement. Ils estiment qu’en signant cette clause, le sous-locataire a renoncé à son droit au renouvellement. Leur décision est censurée par la Cour de cassation. En effet, le sous-locataire n’acquiert un droit direct au renouvellement qu’à compter de l’expiration du bail principal. Il n’a donc pas pu renoncer, dans l’acte de sous-location, à un droit dont il n’était pas encore titulaire (cass. civ., 3e ch., 28 novembre 2007, n° 06-16758).
Renouvellement et résiliation
La sous-location, même régulière, peut restreindre les droits du locataire principal envers le bailleur lors du renouvellement du bail (voir §§ 726 à 731).
Par ailleurs, en cas de résiliation du bail (y compris en cas de résiliation judiciaire aux torts exclusifs du bailleur), le locataire ne peut réclamer aucune indemnisation en compensation de la perte des loyers qu’il percevait du sous-locataire (cass. civ., 3e ch., 8 juillet 2009, n° 08-10869).
Sous-location partielle pour une activité différente. En l’absence d’indivisibilité matérielle ou conventionnelle, le locataire autorisé à sous-louer pour une activité distincte de la sienne ne peut prétendre à un droit de renouvellement sur la partie des locaux sous-loués dans laquelle son fonds de commerce n’était pas exploité (cass. civ., 3e ch., 7 juillet 1993, n° 91-14658). En l’espèce, le locataire principal était un hôtel qui sous-louait une boutique et le propriétaire avait donné congé à ce locataire avec offre de renouvellement partiel du bail limité aux seuls locaux exploités à usage d’hôtel.
Renonciation au statut. Par acte du 29 janvier 1990, une société devient sous-locataire, la sous-location prenant effet le 1er avril 1990. Par acte du 31 mars 1990, cette société renonce à la protection du statut des baux commerciaux. En conséquence de cette renonciation, la société ne bénéficie pas d’un droit au renouvellement de son contrat de sous-location (cass. civ., 3e ch., 4 mai 2006, n° 05-15151).
Droits du sous-locataire envers le locataire principal
Entre le locataire principal et le sous-locataire, les rapports sont régis par le contrat et par le code de commerce ; ils sont ceux d’un bailleur ordinaire vis-à-vis d’un locataire commerçant. Le droit au renouvellement du sous-locataire s’exercera, en principe, envers le locataire principal (voir § 728).
En principe, lorsque la sous-location a un caractère commercial, la durée du bail ne devrait pas être inférieure à 9 ans (c. com. art. L. 145-4). Cependant, le locataire ne pouvant transmettre plus de droits qu’il n’en possède lui-même, la durée du sous-bail ne peut pas dépasser, en fait, le temps restant à courir pour le bail principal. Pour autant, les parties peuvent, de façon expresse, décider qu'à l'expiration du bail, le sous-locataire deviendra le locataire du bailleur (cass. civ., 3e ch., 6 mai 2021, n° 20-13511).
Statut des baux commerciaux. Une durée de sous-bail inférieure à celle du bail principal ne constitue pas une renonciation de l’une ou de l’autre des parties au statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 17 mars 2016, n° 14-24748).
Droit du sous-locataire envers le bailleur
Entre le bailleur et le sous-locataire, il n’y a théoriquement pas de lien juridique.
Néanmoins, le propriétaire non payé a la possibilité de poursuivre le sous-locataire jusqu’à concurrence du montant du prix de la sous-location (c. civ. art. 1753).
De même, le sous-locataire peut obtenir directement du propriétaire un renouvellement de bail, sous réserve, toutefois, que la sous-location ait été expressément ou tacitement autorisée ou agréée et qu’en cas de sous-location partielle, les lieux faisant l’objet du bail principal ne forment pas un tout indivisible matériellement ou dans la commune intention des parties (c. com. art. L. 145-32) (voir § 730).
Sous-location irrégulière
Sanctions - Recours du bailleur
En présence d’une sous-location irrégulière soit pour absence d’autorisation, soit pour non-demande d’intervention du bailleur, soit pour un autre motif, le bailleur peut exercer plusieurs actions envers le locataire principal :
-résiliation du bail sur le fondement de la clause résolutoire du bail ;
-résiliation judiciaire de droit commun ;
-refus de renouvellement du bail sans indemnité.
Clause résolutoire. En présence d’une clause résolutoire sanctionnant expressément l’interdiction de sous-louer prévue au bail ou le non-respect des formalités, le bailleur peut mettre en jeu cette clause et obtenir, après une mise en demeure restée infructueuse, la résiliation de plein droit du bail ; les juges du fond n’ont pas à apprécier la gravité de l’infraction (cass. com. 16 décembre 1964, BC III n° 559).
Il faut, cependant, que la sanction soit visée par la clause résolutoire.
En l’absence d’interdiction de sous-louer, la résiliation en application d’une clause résolutoire ne peut s’appliquer (cass. civ., 3e ch., 11 juin 1986, n° 84-15512). De même, lorsque le fait d’avoir à appeler le bailleur à l’acte de sous-location n’est pas sanctionné par la clause résolutoire, les juges peuvent considérer que ce manquement n’est pas suffisamment grave pour entraîner la résiliation du bail (cass. civ. 29 avril 1989, Loyers 1989, n° 338).
Mise en demeure de régulariser. En présence d’une clause résolutoire, le bailleur est obligé de mettre en demeure le locataire principal de respecter les clauses du bail ; le locataire principal a 1 mois pour s’exécuter. Le juge saisi a également le pouvoir d’accorder des délais pour suspendre les effets de la clause résolutoire, quel que soit le motif de la résiliation (voir § 537).
Résiliation judiciaire. Le bailleur peut demander la résiliation judiciaire du bail (cass. com. 20 mars 1963, BC III n° 170 ; cass. civ. 22 mars 1977, Rev. loyers 1977, p. 420).
Les juges du fond apprécient souverainement si la gravité de l’infraction justifie à elle seule la résiliation du bail (cass. com. 15 février 1961, BC III n° 88). Ainsi, la Cour de cassation a approuvé les juges du fond ayant retenu que le défaut d’appeler le propriétaire à concourir à des actes de sous-location constituait une violation délibérée non régularisable des règles de l’article L. 145-31 du code de commerce, entraînant à elle seule la résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 12 mars 2002, n° 97-20472).
La résiliation a été refusée pour la seule sous-location de l’appartement dépendant de la location commerciale (cass. civ., 3e ch., 10 janvier 1996, n° 94-12348) ; de même, la résiliation a été refusée à l’encontre d’un preneur qui avait consenti des sous-locations de 24 mois alors que son bail n’autorisait que de simples domiciliations (CA Paris 20 février 1998, D. Affaires 1998, 656 ; la clause résolutoire était inapplicable au cas considéré).
Refus de renouvellement. Le refus du renouvellement pour motif légitime et sérieux sans versement d’indemnité peut être aussi invoqué par le bailleur (voir §§ 711 et 728), le caractère irrégulier d’une sous-location étant un motif de non-renouvellement (cass. civ. 10 octobre 1968, BC III n° 365 ; cass. civ., 3e ch., 17 octobre 1990, n° 89-12528). La mise en demeure préalable au congé portant refus de renouvellement n’est pas exigée (cass. civ., 3e ch., 2 novembre 1982, n° 80-16723 ; cass. civ., 3e ch., 9 juillet 2003, n° 02-11621).
Sous-locataire restant dans les lieux en fin de bail. Le locataire principal doit satisfaire à son obligation de faire libérer l’ensemble des locaux à la fin du bail ; après son départ il est donc redevable d’une indemnité d’occupation portant sur l’ensemble des locaux jusqu’à libération complète de ceux-ci par les sous-locataires non agréés par le bailleur (cass. civ., 3e ch., 22 janvier 1992, n° 90-13736).
Sous-location à un salarié sans autorisation du bailleur. Une société locataire d’un local commercial assorti d’un local d’habitation s’est vu valablement refuser par son bailleur le renouvellement de son bail sans indemnité d’éviction. En effet, le bail prévoyait que toute sous-location était interdite sans l’autorisation du bailleur. Or, la société avait loué le logement à un de ses salariés moyennant un loyer. Cette sous-location a été jugée irrégulière et constituait donc une faute grave permettant au propriétaire de refuser le renouvellement du bail sans indemnité (cass. civ., 3e, ch., 5 janvier 2010, n° 08-21062).
Pas de renouvellement en cas de non-immatriculation du locataire. Des locaux commerciaux sont donnés à bail à une société qui, en vertu d'une clause du bail l'y autorisant, consent plusieurs sous-locations. Après avoir délivré à la société preneuse un congé avec offre de renouvellement, le bailleur l’assigne finalement en déchéance du droit au renouvellement pour défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS). Les juges accueillent cette demande. À défaut d'immatriculation au RCS pour les locaux donnés à bail, la société preneuse est déchue du droit au statut des baux commerciaux. Le fait que le sous-locataire soit, quant à lui, immatriculé au RCS est sans incidence sur le statut du locataire principal (cass. civ., 3e ch., 3 juillet 2013, n° 12-21966).
Situation du sous-locataire
La sous-location irrégulière est inopposable au propriétaire ; le sous-locataire devient un occupant sans droit ni titre qui ne peut se prévaloir de la législation sur les baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 5 mai 1970, n° 69-10121).
Mais la sous-location produit ses effets entre le locataire principal et le sous-locataire tant que les droits du locataire principal sur les locaux ne sont pas contestés (cass. civ., 3e ch., 30 mars 1978, n° 76-14923).
Autorisation de sous-louer insuffisante. Le propriétaire qui a donné une autorisation générale de sous-louer n’est tenu au renouvellement de la sous-location que s’il l’a expressément ou tacitement autorisée ou agréée (cass. civ., 3e ch., 22 janvier 1992, n° 90-13736).
Non-expulsion du sous-locataire par le bailleur. Un locataire principal consent une sous-location sans appeler le bailleur à concourir à l’acte. Face à cette irrégularité, le bailleur assigne le locataire principal et le sous-locataire afin de voir condamner le premier à faire cesser la sous-location et obtenir l’expulsion du second. Les juges du fond admettent l’expulsion du sous-locataire en considérant qu’à l’égard du bailleur, il était un occupant sans droit ni titre. La Cour de cassation censure : à défaut d’avoir demandé la résiliation du bail principal qui continue à régir les relations entre le locataire et le bailleur, ce dernier ne peut demander l’expulsion du sous-locataire (cass. civ., 3e ch., 1er février 2012, n° 10-22863).
Recours du sous-locataire
Dans ces différentes hypothèses, le sous-locataire subit un préjudice, l’irrégularité de la sous-location le privant de tout droit envers le propriétaire. Aussi, la responsabilité du locataire peut-elle être retenue (cass. civ., 3e ch., 7 décembre 1977, n° 76-13741).
Ainsi, en cas de sous-location irrégulière, le locataire principal doit indemniser le sous-locataire du préjudice subi du fait de son absence de droit au renouvellement (cass. civ., 3e ch., 18 septembre 2012, n° 11-21693).
Pour autant, un partage des responsabilités entre le locataire principal et le sous-locataire est parfois retenu par les juges au motif que, si le locataire principal a commis une faute en ne respectant pas les clauses du bail, le sous-locataire a lui aussi commis une négligence grave en n’exigeant pas le concours du propriétaire à l’acte (cass. com. 1er avril 1965, n° 62-12185).