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Parution: avril 2022

Les contestations liées au statut

L’activité du preneur

Locataires commerçants

Bénéficiaires du statut

341

Pour bénéficier du statut des baux commerciaux et notamment du droit au renouvellement, quatre conditions doivent, en principe, être remplies (c. com. art. L. 145-1) :

-la qualité de commerçant et la propriété du fonds (voir §§ 342 et 343) ;

-l’immatriculation au RCS (voir §§ 346 à 355) ;

-l'existence d’une clientèle (voir § 344) ;

-l’exploitation effective dans les lieux (voir § 345).

Une exclusion : la fiducie. Lorsqu’un contrat de fiducie prévoit que le constituant conserve l’usage ou la jouissance d’un fonds de commerce ou d’un immeuble à usage professionnel transféré dans le patrimoine fiduciaire, le statut des baux commerciaux ne s’applique pas, sauf stipulation contraire (c. civ. art. 2018-1).

Commerçant ou société commerciale

342

L’article L. 145-1 du code de commerce vise les personnes immatriculées au registre du commerce et des sociétés. Le statut des baux commerciaux est donc, en principe, exclu lorsque la profession exercée par le locataire dans les lieux n’a aucun caractère commercial, industriel ou artisanal. La distinction entre les activités commerciales et celles non commerciales est tranchée uniquement par la jurisprudence. Des dérogations légales existent notamment au profit des établissements d’enseignement (voir §§ 371 et 372).

Pour les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés anonymes ou les sociétés par actions simplifiées, la conclusion d’un bail commercial est un acte d’administration courante. À ce titre, il relève des pouvoirs normaux de gestion du dirigeant.

Si la société est en cours de constitution, le bail peut être établi au nom d’un des fondateurs de la société ou d’un mandataire déclarant qu’il agit pour le compte de la société en formation. Cet engagement devra être repris par la société de la façon suivante :

-si le bail a été conclu avant la signature des statuts, cet acte sera mentionné dans l’état des actes accomplis pour le compte de la société en formation, avec l’indication précise de l’engagement qui en résultera pour la société (désignation des locaux, destination du bail, montant du loyer, dépôt de garantie) ;

-cet état sera annexé aux statuts dont la signature emportera reprise du bail par la société lorsque celle-ci aura été immatriculée au registre du commerce et des sociétés. Afin d’éviter toute contestation après l’immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés, le gérant de la société notifiera au bailleur, par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception, le fait que la société a régulièrement repris à son nom le bail signé par un fondateur ;

-si le bail est conclu après la signature des statuts, mais avant l’immatriculation, les associés donneront, dans les statuts ou par acte séparé, à l’un ou plusieurs d’entre eux un mandat précis (désignation des locaux, loyers, destination du bail) pour signer, pour le compte de la société, le bail commercial.

  • Bureau de tabac. Une même activité peut avoir des qualifications distinctes en fonction de certains éléments. Ainsi, un gérant de bureau de tabac qui est un préposé de l’État n’est pas un commerçant ; il peut le devenir s’il vend, en même temps que le tabac, d’autres articles en quantité assez considérable pour que cette vente ne soit pas le simple accessoire de celle du tabac (CE 25 mai 1850, D. 1851, 3, 137).

  • Fonctionnaire. Le preneur d’un bail commercial ne peut prétendre au renouvellement de celui-ci dès lors qu’il occupe un emploi de fonctionnaire (cass. civ., 3e ch., 19 juin 2002, n° 01-03226 ; cass. civ., 3e ch., 16 février 2011, n° 09-71158).

  • Statut volontaire. Le bailleur peut conférer volontairement le statut à son locataire (voir § 377).

  • Professions libérales et statut. Il convient de se reporter au paragraphe 376.

  • Locataire membre de l’UE. Les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne bénéficient des dispositions du code de commerce sur les baux commerciaux et de la propriété commerciale dans le cadre de la liberté d’établissement. Mais le ressortissant doit, comme tout commerçant français, remplir les conditions inhérentes au statut ou au droit au renouvellement et, notamment, être inscrit au registre du commerce et des sociétés.

  • Signature du frère du président de la société en formation. Lorsqu’il résulte de l’examen comparatif des signatures figurant sur les documents d’identité des parties que le bail passé avec une société avait été signé, non pas par M. X président, mais par son frère Y, la simple mention dans ce bail qu’il avait été conclu pour le compte d’une société en cours de formation représentée par son président-directeur général M. X ne suffit pas à tenir ce dernier pour responsable de cet acte, dès lors qu’il ne l’avait pas signé et qu’il n’y avait pas participé (cass. civ., 3e ch., 3 juin 2004, n° 03-10114).

  • Mandat donné postérieurement à la signature du bail. Un mandat donné postérieurement à la signature du bail et au moment de la conclusion des statuts de la société locataire vaut reprise de l’engagement. Peu importe que les associés aient ratifié l’engagement portant sur le bail commercial ou le mandat donné postérieurement à l’un des associés (cass. com. 1er juillet 2008, n° 07-10676).

  • Reprise du bail par la société. À la date de délivrance d’un congé avec refus de renouvellement, la société n’avait pas encore repris l’engagement souscrit pour son compte par un fondateur et relatif à la signature du bail ; la reprise n’est intervenue qu’après la date de délivrance du congé et le bailleur soutenait que la reprise était frauduleuse. La reprise par la société n’est soumise à aucun délai et elle a un effet rétroactif (cass. civ., 3e ch., 2 février 2005, n° 03-18575).

  • Reprise incomplète : sanction des fondateurs. Pour ne pas avoir exécuté des travaux auxquels ils s’étaient engagés, les fondateurs sont condamnés solidairement avec la société à indemniser le bailleur. L’engagement qu’ils avaient pris concernait la réalisation de travaux autorisés par le bailleur dans une convention spécifique, et non la reprise ou la régularisation du bail. Pour que la reprise par la société puisse jouer, le mandat statutaire aurait dû porter également sur les travaux et un état aurait dû indiquer l’engagement qui en résultait pour la société. À défaut, cette reprise aurait pu résulter d’une décision régulière des associés prise après l’immatriculation de la société (cass. com. 23 mars 2010, n° 08-13837).

  • Reprise sans formalités. Le gérant et associé unique d'une société en formation conclut un bail « pour le compte d’une société en formation devant se substituer ». Après liquidation judiciaire de la société, le gérant prétend être le seul titulaire du bail. Il souligne que les statuts de la société ne mentionnent pas la reprise du bail et qu'aucun mandat ne l'a autorisé à contracter le bail au nom de la société. Cette prétention est repoussée. Les juges retiennent que les parties ont eu la volonté de substituer la société au gérant lors de la signature du bail et que, dans les faits, la société s'est bien substituée à lui. Ainsi, elle a versé le dépôt de garantie, elle avait son siège et son activité à l'adresse du local, elle a fait un emprunt pour y effectuer des travaux et elle réglait les loyers ou demandait des délais (cass. com. 15 janvier 2020, n° 17-28127).

Propriété du fonds de commerce

343

Le titulaire du droit au bail ne peut bénéficier de la propriété commerciale s’il n’est pas en même temps propriétaire du fonds.

Le bénéfice du statut des baux commerciaux est refusé à celui qui a cessé son exploitation commerciale (cass. com. 7 juillet 1959, BC III n° 310).

Société holding. Une société de forme commerciale ayant pour objet exclusif de détenir des participations dans une autre société ne pouvant être considérée comme propriétaire d’un fonds de commerce ne peut bénéficier du statut des baux commerciaux (ANSA, janvier-février 1996, n° 2813).

Nécessité d’une clientèle autonome

344

Le statut des baux commerciaux est applicable à tout local stable et permanent disposant d’une clientèle personnelle et régulière, et jouissant d’une autonomie de gestion (cass. civ., 3e ch., 5 février 2003, n° 01-16672).

Le preneur doit justifier de l’existence d’un fonds de commerce lui appartenant et exploité dans les lieux (voir, notamment, cass. civ., 3e ch., 29 octobre 1985, n° 84-14391). La preuve de l’existence d’un fonds de commerce est souvent difficile pour des sociétés qui, en dépit de leur forme commerciale, exercent en fait des activités civiles ou apparentées.

L’existence d’un fonds de commerce suppose une clientèle et, en l’absence d’une clientèle propre, il ne peut y avoir de fonds de commerce (cass. ass. plén. 24 avril 1970, n° 68-10914, arrêt rendu à propos d’un buffet-buvette dépendant d’un hippodrome). Dans un arrêt plus récent rendu à propos de la franchise, la Cour de cassation admet l’existence d’une clientèle existant par les moyens mis en œuvre par le franchisé (voir § 358).

  • Un local situé dans le hall d’un hôtel pour y exercer le commerce de mode, souvenirs, cigarettes, journaux ne bénéficie pas de la législation sur les baux commerciaux à défaut de démontrer que sa clientèle est prédominante par rapport à celle de l’hôtel (cass. civ., 3e ch., 4 novembre 1992, n° 90-19355).

    Le statut des baux commerciaux a toutefois été appliqué à un magasin exploité dans l’enceinte d’un hôtel, eu égard aux éléments suivants (cass. civ., 3e ch., 19 janvier 2005, n° 03-15283) :

    -le magasin recevait une clientèle variée (touristes et résidents) extérieure à celle de l’hôtel ;

    -le règlement intérieur de l’hôtel ne constituait pas une entrave à l’activité du magasin.

  • Galerie de peinture. Une mise à disposition intermittente avec des droits variables d’un emplacement sur les murs d’une galerie de peinture pour l’exposition de toiles ne peut suffire à conférer le statut (cass. civ., 3e ch., 20 novembre 1991, n° 90-11678).

  • Hippodrome. Le statut a été refusé à un restaurant à l’intérieur d’un hippodrome (CA Amiens 26 juin 1978, Rev. loyers 1978, p. 495).

  • Alimentation, bazar, journaux à l’intérieur d’un camping. Les juges ont souverainement retenu que ces activités ne conféraient pas un droit au statut dans la mesure où le preneur ne rapportait pas la preuve de l’existence d’une clientèle propre prédominante par rapport à celle captive de l’établissement de camping tenu par le bailleur (cass. civ., 3e ch., 5 février 1997, n° 95-14048). Toutefois, la Cour de cassation ne considère aujourd'hui plus nécessaire de rapporter la preuve du caractère prépondérant de la clientèle propre (voir plus bas, « Casse-croûte et boissons »).

  • Alimentation-tabac dans un club. De même, ne sont pas soumis au statut des baux commerciaux les locataires exerçant leur activité d’alimentation-tabac dans un lieu clôturé et d’accès contrôlé, la clientèle extérieure ne pouvant être que très limitée, en tout cas non prépondérante par rapport à la clientèle captive du club de vacances (cass. civ., 3e ch., 8 janvier 1997, n° 95-14124).

  • Marchand de crêpes. Même si le locataire pouvait vendre des crêpes aux passants de la rue et pas seulement aux clients du café dont il dépendait, l’eau et l’électricité ainsi que les instruments de cuisine et les ingrédients nécessaires à la confection des crêpes étaient fournis par le café et qu’il n’avait en conséquence aucune autonomie de gestion (cass. civ., 3e ch., 1er octobre 2003, n° 02-11239).

  • Boutique sur un terrain de sport. Le bénéfice du statut des baux commerciaux a été refusé pour des locaux à usage de bar-restaurant et boutique d’articles de sport exploités sur un terrain de sport (cass. civ., 3e ch., 10 février 1999, n° 97-13281).

  • Casse-croûte et boissons. Des locataires, régulièrement inscrits au registre du commerce et des sociétés, exerçaient, dans les lieux loués dont ils avaient la libre disposition toute l’année, un commerce de vente de « casse-croûte » et boissons, possédant, en dehors de la clientèle de la régie des remontées mécaniques de la station de ski en cause, une clientèle propre constituée par les amateurs de ski de fond, les randonneurs, les promeneurs en raquette et les amateurs d’équitation. La Cour de cassation a considéré que les locataires bénéficiaient du statut des baux commerciaux (cass. com. 19 mars 2003, n° 01-17679) ; la Cour a précisé que les juges du fond n’ont pas à rechercher si cette clientèle personnelle est prépondérante par rapport à celle de la régie des remontées mécaniques.

  • Entreprise de pompes funèbres. L’activité de pompes funèbres est une mission de service public qui peut être assurée par une entreprise commerciale. Celle-ci bénéficie d’une clientèle propre et, par conséquent, du statut des baux commerciaux (CA Paris, 16e ch. A, 18 janvier 2006, Loyers et copropr. 2006, n° 153).

  • Exploitation de plages. Les concessions et conventions d’exploitation de plages ne peuvent pas bénéficier du statut des baux commerciaux (décret 2006-608 du 26 mai 2006, art. 4).

  • Refuge de montagne. Ne bénéficie pas du statut des baux commerciaux le gardien d’un refuge en montagne qui a pour mandat d’assurer les activités d’hébergement, la surveillance du bâtiment et l’assistance aux usagers. Les juges ont conclu de ce mandat de gestion qu’il n’existait pas de clientèle indépendante attachée à un fonds de commerce (cass. civ., 3e ch., 9 juillet 2008, n° 07-15534).

  • Kiosque à journaux. Bénéficie du statut des baux commerciaux un kiosque à journaux situé dans le hall d’un immeuble, le kiosque étant pourvu d’une fermeture avec un rideau métallique et d’une réserve dotée d’une clef (cass. civ., 3e ch., 1er juin 2010, n° 09-65482).

  • Exploitant d'un restaurant appartenant à une Union sportive . Une Union sportive, propriétaire d'un local construit sur un terrain donné à bail emphytéotique par la commune, a confié l'exploitation de son bar-restaurant à une société aux termes d'une « convention d'utilisation ». La commune ayant résilié le bail emphytéotique, l'Union sportive a donné congé à l'exploitant du restaurant. Ce dernier a alors assigné l'Union sportive pour voir requalifiée leur convention en bail commercial et en paiement d'une indemnité d'éviction. Pour la Cour de cassation, les juges du fond ont souverainement retenu que l'exploitant ne démontrait pas l'existence d'une clientèle autonome et en ont valablement déduit par ce seul motif que le locataire ne pouvait prétendre à la propriété commerciale (cass. civ. 3e ch., 28 janvier 2015, n° 13-24661).

Exploitation effective dans les lieux

345

Le fonds de commerce doit être exploité dans les locaux, objet de la location.

Mais un commerçant ou une société peut avoir plusieurs centres d’exploitation ; les succursales et les établissements secondaires bénéficient généralement du statut (voir §§ 351 à 353).

Cette exploitation n’a pas, sauf clause contraire, à être personnelle ; le droit au renouvellement est reconnu au locataire dès lors que le fonds est exploité, peu importe qu’il le soit par le preneur ou par un locataire-gérant (cass. civ., 3e ch., 17 juillet 1981, n° 79-15598) (sur la location-gérance, voir §§ 360 et 361).

  • Exploitation effective. S'agissant du droit au renouvellement du bail, l’article L. 145-8 du code de commerce exige, sauf motif légitime, une exploitation effective au cours des 3 années qui ont précédé l’expiration du bail ou sa reconduction (voir §§ 716 à 725).

  • Exploitation antérieure à l'inscription au RCS. L’exploitation du fonds de commerce faite dans les lieux antérieurement à l’immatriculation du locataire au registre du commerce et des sociétés peut entrer en ligne de compte pour le calcul de la durée d’exploitation de 3 années prévue pour bénéficier du renouvellement (cass. civ., 3e ch., 25 octobre 1983, n° 81-14926) (voir §§ 716 à 720).

  • Cessation d’exploitation. L’exploitation doit être actuelle, la cessation d’exploitation ou la disparition du fonds entraîne la perte de tout droit à renouvellement ou la résiliation du bail. Il en est ainsi notamment en cas de délaissement du local loué ou de fermeture du fonds (cass. civ., 3e ch., 8 mars 1989, n° 87-16203), même si cette fermeture est le fait d’une décision administrative liée à la faute du preneur (cass. civ., 3e ch., 13 octobre 1993, n° 91-15041).

  • Marchands ambulants. Certains commerçants ou artisans, tels les marchands ambulants, exercent leur activité en dehors des lieux loués et n’ont pas de magasin de vente : peuvent-ils bénéficier du statut pour ces locaux ? En principe, non, mais certaines décisions accordent le bénéfice du statut, lorsque les locaux loués sont indispensables pour entreposer le matériel nécessaire (voir § 402).

Locataire inscrit au RCS

Nécessité d’une immatriculation au RCS ou au répertoire des métiers

346

Pour bénéficier du droit au renouvellement, le commerçant, l’industriel ou l’artisan doit être inscrit au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, selon le cas. L’inscription doit porter sur les locaux exploités et objet du bail (c. com. art. L. 145-1, I).

Mais cette inscription n’est pas suffisante, pour le droit au renouvellement ; les autres conditions doivent être remplies, notamment celles relatives à la qualité de commerçant ou d’artisan ou à l’exploitation d’un fonds dans les lieux (voir §§ 341 à 345).

Les nombreuses décisions, qui ont trait à un défaut d’immatriculation d’un preneur, interviennent dans des situations particulières : copreneurs, succursales, contrats particuliers (voir §§ 350 à 354).

Attention également aux modifications dans l'activité : en fin de bail, le propriétaire peut refuser le renouvellement sans offrir d’indemnité d’éviction si l’extrait K bis du locataire mentionne une activité qui n’est plus la bonne (voir la décision ci-dessous). Par ailleurs, les modifications de l'activité de locataire doivent respecter des règles spécifiques (pour la déspécialisation partielle, voir § 451 et pour la déspécialisation plénière, voir § 461).

  • Mettre à jour l'activité sur le K bis. Une société s’immatricule au RCS en mentionnant comme activité la vente d’objets d’art, de bois sculptés, de miniatures et d’ivoires et l’import-export d’objets de luxe. Par la suite, elle modifie son activité et vend des objets touristiques, sans en informer le RCS. Son bail venant à échéance, le bailleur refuse le renouvellement sans offrir d’indemnité d’éviction. L’extrait K bis de la société ne mentionnant pas l’activité réellement exercée, l’indemnité d’éviction ne serait pas, selon le bailleur, due. Les juges saisis estiment que l’absence de modification au RCS n’est pas un manquement suffisamment grave pour justifier la perte de l’indemnité d’éviction, d’autant que la loi exige simplement du locataire qu’il soit immatriculé au RCS (c. com. art. L. 145-1). Ils concluent que l’indemnité d’éviction est due au locataire. La Cour de cassation censure cette décision : le locataire ne bénéficie pas du statut des baux commerciaux si son activité réelle n’est pas celle mentionnée au RCS (cass. civ., 3e ch., 22 septembre 2016, n° 15-18456).

  • Revendication du statut des baux commerciaux. L'inscription du preneur au RCS est nécessaire pour bénéficier du droit au renouvellement du bail commercial ; en revanche, elle ne l'est pas pour revendiquer le statut des baux commerciaux à la suite d'un bail de courte durée (voir § 856, « Défaut d'inscription au RCS »).

Date de prise en considération de l’inscription

Inscription au jour du congé

347

Pour prétendre au bénéfice du statut des baux commerciaux, le locataire doit être immatriculé au registre du commerce et des sociétés à la date de délivrance du congé par le bailleur et il doit l’être également à la date d’effet de ce congé (voir § 715). Le preneur non régulièrement inscrit est privé du droit au renouvellement de son bail. Ainsi, lorsque deux époux, suite à un congé avec refus de renouvellement, procèdent à leur radiation au RCS, ils ne peuvent plus se prévaloir, par la suite, du statut des baux commerciaux et à une indemnité d’éviction, faute d’être régulièrement immatriculés à la date d’expiration du bail (cass. civ., 3e ch., 2 juin 1999, n° 97-19324).

Défaut d’inscription en cours de bail avant la délivrance d’un congé

348

L'immatriculation du preneur n'est une condition au bénéfice du statut des baux commerciaux que pour le renouvellement du bail (cass. civ. 3e ch., 1er octobre 1997, n° 95-15842). Le défaut d’inscription en cours de bail ne peut être retenu pour :

-la qualification du bail en bail commercial (cass. civ. 1er octobre 1997, n° 95-15842) ;

-obtenir l’expulsion du locataire des lieux loués en dehors de toute procédure de renouvellement (cass. civ. 1er octobre 2003, n° 02-10381) ;

-la résiliation du bail, à défaut de clause du contrat l’imposant (cass. civ. 15 mai 1996, n° 93-12537 ; l’affaire concernait deux époux séparés de biens) ;

-la validité de l’acquisition du fonds de commerce (cass. civ. 1er février 1995, n° 93-12537).

Demande de renouvellement. Bénéficie du statut des baux commerciaux le preneur qui, à la date de la demande en renouvellement de son bail signifié au bailleur, était immatriculé au registre du commerce et des sociétés (cass. civ. 25 octobre 1983, n° 81-14926).

L’immatriculation intervenue postérieurement à une demande de renouvellement du locataire, mais avant la contestation par le bailleur du droit au statut, est dépourvue d’effet rétroactif (cass. civ. 4 mars 1998, n° 96-13556) ; le locataire n’étant pas immatriculé à la date de sa demande, le bailleur peut donc contester l’application du statut.

Preuve de l’inscription et position du bailleur

349

La preuve de l’inscription pour les locaux considérés résultera de l’extrait K bis que le bailleur aura pu demander au greffe du tribunal de commerce et des sociétés dont dépend le preneur avant la signification du congé (voir § 715). En toute hypothèse, il appartient au locataire qui invoque le bénéfice du statut des baux commerciaux de justifier qu’il en remplit les conditions d’application.

Personnes tenues de s’inscrire

350

C’est le titulaire du bail propriétaire du fonds de commerce qui doit être inscrit. Toutefois, lorsqu’il donne son fonds en gérance, il n’a pas cette obligation (voir § 361).

Si le bail est consenti à plusieurs preneurs ou indivisaires, l’exploitant du fonds de commerce régulièrement inscrit bénéficie du statut des baux commerciaux, même en l'absence d'immatriculation au RCS ou au répertoire des métiers de ses copreneurs ou coindivisaires non exploitants du fonds (c. com. art. L. 145-1, III).

  • Usufruitiers. L’inscription de l’usufruitière a été reconnue suffisante pour l’application du statut et l’indemnité pour refus de renouvellement a été due à l’usufruitière exploitante inscrite dans la mesure où son usufruit pouvait être calculé sur cette indemnité (cass. civ., 3e ch., 6 janvier 1982, n° 80-10035). Toutefois, un arrêt plus récent a exigé, en cas de démembrement de la propriété, l'immatriculation du nu-propriétaire (cass. civ., 3e ch., 5 mars 2008, n° 05-20200).

  • Société en sommeil. Un locataire ne peut plus exploiter son restaurant à la suite d’une faute commise par son bailleur (celui-ci a autorisé des travaux sans l’accord de la copropriété). Ce locataire demande sa radiation du registre du commerce et des sociétés pour « mise en sommeil ». Par la suite, le bailleur délivre un congé avec refus de renouvellement et sans indemnité d’éviction. Les juges refusent de valider ce congé eu égard à la faute commise par le bailleur mais leur décision est censurée par la Cour de cassation : « le bénéfice du statut des baux commerciaux ne peut être accordé à un locataire qui n’est pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés à la date de délivrance du congé par le bailleur » (cass. civ., 3e ch., 18 octobre 2005, n° 04-15348).

  • Micro-entrepreneur (ex. Auto-entrepreneur). Depuis le 19 décembre 2014, les auto-entrepreneurs (appelés micro-entrepreneurs depuis le 1er janvier 2016) doivent être immatriculés au RCS ou au répertoire des métiers. Les auto-entrepreneurs déjà en activité à cette date et encore dispensés d'immatriculation (auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale à titre secondaire, auto-entrepreneurs commerçants) bénéficiaient d'un délai supplémentaire pour régulariser leur situation et devaient s'immatriculer au plus tard le 19 décembre 2015. Ce statut n'est donc plus susceptible aujourd'hui de soulever d'éventuelles difficultés au regard de l'obligation d'immatriculation pour bénéficier du statut des baux commerciaux.

  • Époux. Lorsque le bail a été consenti à un couple et que l’épouse exploite le fonds, elle doit être immatriculée au RCS en tant que commerçante, et non en tant que conjoint collaborateur. À défaut, le bailleur risque de dénier aux époux le bénéfice du statut des baux commerciaux au moment du renouvellement du bail (cass. civ., 3e ch., 1er juin 2010, n° 08-21795).

  • Ex-époux. Le défaut d'immatriculation d'un ex-époux n'empêche pas son ex-épouse d'obtenir une indemnité d'éviction en cas de congé, dès lors qu'elle exploite le fonds dans l'intérêt de l'indivision post-communautaire et qu'elle est immatriculée au RCS au moment du congé (cass. civ., 3e ch., 1er juin 2011, n° 10-18855).

  • Héritiers. En cas de décès du locataire, les héritiers ou ayants droit bénéficient du statut des baux commerciaux, bien que n’exploitant pas le fonds, s’ils demandent le maintien de l’immatriculation de l’exploitant décédé pour les besoins de sa succession (c. com. art. L. 145-1, III). Pour ce faire, ils déclareront au registre le décès de la personne immatriculée avec déclaration de maintien provisoire, pendant un délai maximal de 1 an (c. com. art. R. 123-46, 7°).

Locaux devant être inscrits

Immatriculation des succursales

351

L’inscription doit concerner toutes les succursales et non le seul siège social de la société locataire (cass. civ., 3e ch., 31 mai 1978, n° 77-10371 ; cass. civ., 3e ch., 23 février 1982, n° 80-14171).

  • Notion de succursales. Il n’existe pas de définition précise de la succursale qui n’a pas, en tant que telle, une personnalité juridique autonome. Elle se caractérise cependant par son autonomie, qui n’est toutefois pas totale dans la mesure où la succursale dépend de l’établissement principal créé pour le même objet.

    La succursale implique par ailleurs une installation permanente comprenant des locaux, du matériel, du personnel.

  • Fonds de commerce indépendant. La succursale doit être considérée comme un fonds de commerce indépendant. Elle se distingue du local secondaire ou accessoire qui n’a pas d’autonomie et qui ne forme qu’une unité à destination de production, de stockage ou d’administration (usines, bureaux, entrepôts ; voir §§ 395 à 401).

Locaux accessoires

352

Les locaux accessoires, même non contigus et dans lesquels un fonds n’est pas directement exploité, échappent à la nécessité d’une immatriculation distincte de celle du local principal, au registre du commerce et des sociétés (cass. civ., 3e ch., 4 novembre 1992, n° 90-21398 ; cass. civ., 3e ch., 11 juin 1997, n° 95-18207). Ces locaux, lorsqu’ils sont nécessaires, bénéficient de plein droit du statut (voir §§ 397 à 400).

L’exemple type du local accessoire est l’entrepôt qui sert pour les produits vendus dans le local principal.

Ce local accessoire ne doit pas être assimilable à un établissement secondaire dont l’immatriculation est obligatoire (voir § 353).

Établissements secondaires

353

Est un établissement secondaire au sens du registre du commerce tout établissement permanent, distinct du siège social ou de l’établissement principal et dirigé par la société immatriculée, un préposé ou une personne ayant le pouvoir de lier des rapports juridiques avec les tiers (c. com. art. R. 123-40).

La succursale (ou l'établissement secondaire) implique une certaine indépendance d’exploitation ; il faut qu’elle soit dirigée par une personne (subordonnée du siège) ayant un pouvoir de décision.

L’ouverture d’un tel établissement nécessite 1 mois avant ou après l’ouverture :

-une immatriculation secondaire, si la société n’est pas déjà immatriculée au greffe dans le ressort duquel est situé l’établissement (c. com. art. R. 123-41) ;

-une inscription complémentaire dans le cas contraire (c. com. art. R. 123-43).

Ainsi, une société, dont le siège est à Marseille, qui ouvre un établissement secondaire à Paris doit demander une immatriculation secondaire au greffe de Paris.

La demande d’immatriculation secondaire indique tous les éléments d’identification de l’établissement ouvert et les renseignements concernant la société qui ouvre cet établissement (numéro d’identification, siège et dénomination).

  • Justificatif du local. Pour les établissements secondaires, il n’est pas exigé de justificatif de la jouissance du local dans lequel cet établissement est exploité (RCS bull. n° 55, p. 21).

  • Établissement permanent. L’immatriculation au registre du commerce et des sociétés du local accessoire est exigée pour le local constituant un établissement permanent dirigé par l’assujetti, un préposé ou une personne ayant le pouvoir de lier des rapports juridiques avec les tiers (cass. civ., 3e ch., 18 octobre 1989, n° 88-10737).

  • Dépôt. Doit être immatriculé au RCS comme établissement secondaire permanent un dépôt d’une société qui bénéficie d’un compte bancaire ouvert au nom de l’établissement qui est mentionné dans les annuaires de France Télécom à la rubrique professionnelle concernée, avec indication de téléphone et de télécopie, et qui, enfin, est représenté par un responsable technique et une secrétaire habilités à recevoir les actes (CA Douai 11 septembre 1997, Gaz. Pal. 1999, somm. 343).

  • Point de vente. Encourt la cassation l’arrêt qui énonce qu’un local commercial n’était pas astreint à l’immatriculation au RCS pour un local accessoire dès lors que les juges constatent que ce local constituait un point de vente et qu’ainsi, un fonds de commerce y était exploité (cass. civ., 3e ch., 23 février 1982, n° 80-14171).

  • Réception de clients. Ne peuvent être qualifiés d’accessoires les locaux dans lesquels des clients se sont rendus pour choisir des marchandises et y effectuer des achats, et le bailleur a pu délivrer un congé sans offre de renouvellement et sans paiement d’indemnité d’éviction, faute d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour ces locaux (cass. civ., 3e ch., 12 juillet 1995, n° 93-12222).

  • Ressorts différents. Il a été jugé qu’un local accessoire, situé dans un département différent de celui où le preneur exerce son activité principale et non immatriculé au registre du commerce et des sociétés, n’est pas soumis au statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 19 avril 1989, n° 87-16449).

    Lorsque le local accessoire est situé dans le ressort d’un greffe différent de celui du local principal, il convient, à notre avis, de prendre une double inscription, même si le local ne présente pas toutes les caractéristiques d’un établissement secondaire.

  • Siège d’une exploitation. Le local accessoire qui est le siège d’une exploitation doit être mentionné au registre du commerce (cass. civ., 3e ch., 5 mars 1986, n° 84-15938).

Locaux formant une unité d’exploitation

354

Les textes n’exigent pas, en cas d’exercice de l’activité du propriétaire du fonds dans des locaux formant une unité d’exploitation, qu’une immatriculation soit prise pour chacun de ces locaux. Compte tenu des risques attachés à un défaut d’immatriculation, le recours à cette notion d’unité d’exploitation ne sera retenu que dans des cas où les locaux sont étroitement imbriqués les uns dans les autres.

Notion d’ensemble. Constituent un ensemble ne nécessitant pas plusieurs immatriculations au registre du commerce et des sociétés deux locaux contigus dont les adresses sont indiquées sur le papier commercial du preneur (cass. civ., 3e ch., 30 novembre 1988, n° 87-13487).

Il en est de même lorsque les locaux appartiennent au même bloc de constructions formant un ensemble (cass. civ., 3e ch., 10 novembre 1999, n° 96-22690).

Baux concernés par l’immatriculation

355

La nécessité, pour le preneur, d'être immatriculé au registre du commerce et des sociétés vaut également pour une location saisonnière ; à défaut, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail (voir § 902).

En revanche, à l'issue d'un bail dérogatoire de 3 ans, le preneur qui reste dans les lieux peut revendiquer le statut des baux commerciaux sans être immatriculé (voir § 856, « Défaut d'inscription au RCS »).

Franchisés-concessionnaires

Forme des contrats

356

Les contrats de distribution revêtent différentes formes (concessions, agences, succursales, franchises).

Ils s’inscrivent généralement dans le cadre d’un réseau de distribution regroupant plusieurs situations gérées par un concédant ; l’intégration est en outre plus ou moins forte, depuis le distributeur agréé jusqu’au concessionnaire exclusif, en passant par le franchisé, exclusif ou non.

Aussi, le problème de la propriété commerciale pour ces différents types de contrats ne peut-il revêtir une solution uniforme et dépend-il de la nature des droits des parties sur la clientèle, et, pour l’essentiel, du degré d’autonomie de celui qui exploite la marque.

Certains contrats de concession contiennent des clauses limitant totalement l’autonomie des concessionnaires, la réduisant parfois à un rôle voisin de celui d’un gérant de succursale ; le propriétaire du fonds peut être le fournisseur qui le met à la disposition du distributeur. Celui-ci peut recevoir, exclusivement ou quasi exclusivement, des marchandises d’une seule entreprise ou agir exclusivement pour le compte de cette entreprise.

Lorsque ces éléments sont réunis, démontrant un excès de subordination de nature à entraîner une requalification du contrat en contrat de travail, le statut des baux commerciaux ne peut s’appliquer.

D’autres contrats s’apparentent beaucoup plus à des locations-gérances. Le concédant, ou le franchiseur, fournit à l’exploitant un local aménagé et lui accorde une licence de marque ; en définitive, tous les éléments sont réunis pour démontrer que l’exploitant n’est même pas propriétaire de la marque et de la clientèle (voir § 358).

La franchise

Une clientèle propre

357

La Cour de cassation, dans un arrêt fondamental du 27 mars 2002, a reconnu l’existence d’une clientèle locale au profit d’un franchisé ; cette clientèle, créée par le franchisé du fait des moyens qu’il a mis en œuvre, lui a permis de bénéficier du droit à la propriété commerciale. En outre, le franchiseur reconnaissant au franchisé le droit de disposer des éléments constitutifs de son fonds, les juges du fond en ont déduit exactement que le locataire était en droit de réclamer le paiement d’une indemnité d’éviction à la suite du non-renouvellement de son bail (cass. civ., 3e ch., 27 mars 2002, n° 00-20732). Au cas considéré, les époux commerçants étaient propriétaires du fonds de commerce avant la souscription du contrat de franchise et leur bail avait déjà été renouvelé une première fois. À l’expiration de ce bail renouvelé, les époux, devenus des franchisés d’une enseigne commerciale, s'étaient vu refuser le renouvellement de leur bail par le bailleur au motif qu’ils n’avaient pas de clientèle indépendante de celle attachée à la marque du franchiseur.

Conditions du statut

358

La Cour de cassation a reconnu le droit à la propriété commerciale au franchisé non propriétaire de la marque et de l’enseigne mises à sa disposition pour les raisons suivantes (cass. civ., 3e ch., 27 mars 2002, n° 00-20732) :

-la clientèle locale est créée par l’activité du franchisé, avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteurs de deniers, il met en œuvre à ses risques et périls ;

-cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé ;

-le franchiseur reconnaît au franchisé le droit de disposer des éléments constitutifs du fonds du franchisé.

Ces conditions ne seront pas toujours réunies ; en effet, les accords de franchise sont multiples et prévoient des règles d’intégration plus ou moins fortes. Une appréciation in concreto du rôle rempli par chacune des parties dans la formation du courant de clientèle est nécessaire.

Éléments d’une négociation

359

En dépit des avancées importantes de la jurisprudence, chaque fois qu’il le pourra, le distributeur se fera reconnaître, par une clause claire et précise du bail, le droit au statut (voir § 377).

La contrepartie de cet avantage conféré par le bailleur passera, le plus souvent, par des concessions du preneur sur le montant du loyer ou sur les modes d’indexation (clause d’échelle mobile, clause-recettes, etc.).

Les litiges liés à l’existence ou non d’une clientèle sont souvent la traduction devant les tribunaux de différends nés à l’occasion de la fixation du loyer renouvelé, le propriétaire utilisant la dénégation du statut face à un refus du locataire d’accepter une hausse du loyer.

En ce domaine aux multiples contours, et face à une jurisprudence incertaine, la recherche d’une transaction doit être privilégiée.

Location-gérance

Absence de droit au statut pour le gérant

360

Le statut des baux commerciaux n’est pas applicable à la location-gérance de fonds de commerce (cass. civ., 3e ch., 10 mai 1989, n° 87-17401).

Ainsi, l’exploitant qui, titulaire d’un simple contrat de location-gérance de station-service, n’établit pas avoir, sinon créé, du moins notablement développé une clientèle personnelle ne peut bénéficier du statut (cass. com. 21 mars 1995, n° 93-11868).

Si le locataire-gérant d’un fonds de commerce ne peut pas bénéficier du statut des baux commerciaux faute d’être propriétaire du fonds (cass. civ., 3e ch., 10 juin 1981, n° 79-14937), le propriétaire du fonds de commerce peut, lui, prétendre au bénéfice des dispositions du code de commerce sur les baux commerciaux (voir § 361).

  • Clientèle propre. Le locataire-gérant peut invoquer le bénéfice du statut si, avec l’accord du bailleur, il exploite dans les lieux un commerce distinct ayant une clientèle propre (cass. civ., 3e ch., 22 mai 1968, n° 66-12746).

  • Précarité d’une nouvelle activité. Le statut n’est pas applicable au locataire-gérant lorsque le bailleur l’a autorisé à ajouter, à titre précaire, une activité dans les lieux loués (cass. civ., 3e ch., 10 mai 1989, n° 87-17401).

  • Fonds disparu. Lorsque les locataires justifient que le fonds de commerce sur lequel était censé porter le contrat de location-gérance n’avait plus d’existence, dans ses éléments essentiels, depuis de nombreuses années lorsqu’ils étaient entrés dans les lieux, ils sont fondés à demander la requalification du contrat en bail commercial et à invoquer le bénéfice du statut (cass. civ., 3e ch., 30 janvier 2002, n° 00-17342).

  • Locataire-gérant propriétaire du fonds. Lorsque le locataire-gérant démontre qu’il est seul propriétaire du fonds qu’il a créé et exploité depuis l’origine, les juges du fonds ne peuvent rejeter la revendication, par l’exploitant de ce fonds, du bénéfice du statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 7 octobre 1998, n° 96-22564).

  • Renouvellement du bail. Le droit au renouvellement ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds qui est exploité dans les lieux (cass. civ., 3e ch., 26 septembre 2001, n° 00-11652).

  • Violation du bail par le locataire-gérant. Le propriétaire peut se prévaloir des manquements aux clauses du bail commis par le locataire-gérant pour obtenir la résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 27 juin 1990, n° 89-12829).

  • Bar installé sur un site touristique. Une société exploite une grotte située en Lozère. Depuis 1926, elle consent, à la famille X, des contrats successifs de location-gérance sur un fonds de commerce de débit de boissons implanté sur le site. À l’expiration du dernier contrat, M. X refuse de partir, revendique la propriété du fonds de commerce et demande que son contrat soit requalifié en bail commercial. La demande de M. X est rejetée, car il ne détient pas de clientèle personnelle. Seule la renommée du site apporte une clientèle au bar, dont les horaires d’ouverture sont liés à ceux de la grotte et dont l’activité est interrompue lors de sa fermeture annuelle (cass. com. 7 avril 2009, n° 08-10996).

Conséquences pour le titulaire du bail

361

Le locataire, propriétaire du fonds, qui met régulièrement son fonds en location-gérance conserve le droit au renouvellement ou, à défaut, au paiement d’une indemnité d’éviction, cette technique constituant un mode d’exploitation effective (cass. civ., 3e ch., 17 juillet 1981, n° 79-15598 ; cass. civ., 3e ch., 15 juin 1994, nos 92-12091 et 92-14942). Le propriétaire du fonds n’est pas tenu d’être immatriculé au RCS (c. com. art. L. 145-1, II).

Le droit au renouvellement est cependant subordonné à certaines conditions :

-ce mode d’exploitation ne doit pas être interdit par le bail ;

-la convention doit remplir les conditions prévues par la loi et être régulière. À défaut, la déchéance du droit au renouvellement peut être prononcée ;

-la location-gérance ne doit pas dissimuler une sous-location interdite.

Depuis le 21 juillet 2019, le propriétaire d'un fonds de commerce peut le donner en location-gérance quelle que soit la durée pendant laquelle il a exploité ce fonds (c. com. art. L. 144-3 à L. 144-5 abrogés par la loi 2019-744 du 19 juillet 2019). Auparavant, il devait, pour pouvoir mettre son fonds en location-gérance, l’avoir exploité personnellement pendant au moins 2 ans.

  • Location-gérance irrégulière. La sanction de la nullité d’une location-gérance n’entraîne pas la résiliation du bail qui ne l’interdit pas (cass. civ., 3e ch., 18 octobre 1968, BC III n° 390), mais la déchéance des droits à renouvellement du bail en application de l’article L. 144-10 du code de commerce. Le preneur ne peut invoquer une réitération de la convention nulle pour échapper à cette déchéance (cass. civ., 3e ch., 30 juin 1992, n° 90-15912).

    Cette nullité est ainsi encourue lorsqu’un seul des deux indivisaires propriétaires du fonds remplit les conditions légales de durée d’exercice d’une profession commerciale (cass. civ., 3e ch., 11 décembre 1974, n° 73-13178).

    Dès lors qu’il est conclu en violation des conditions exigées par le bailleur, le contrat de location-gérance est atteint d’une nullité absolue et, comme tel, insusceptible de confirmation (cass. civ., 3e ch., 9 juin 2004, n° 01-15713).

  • Location-gérance dissimulant une sous-location. Dans certains cas, la qualification de location-gérance donnée par les parties est fictive et dissimule en réalité une sous-location en vue d’éluder les règles prévues pour ce contrat (voir § 271). Cette location-gérance apparente pourra entraîner la résiliation du bail ou le refus de renouvellement. Le locataire-gérant souhaitant agir en requalification du contrat doit respecter la prescription biennale prévue par l'article L. 145-60 du code de commerce ; ce délai de prescription court à compter de la conclusion du contrat, peu important qu'il ait été renouvelé par avenant successifs (cass. civ., 3e ch., 3 décembre 2015, n° 14-19146).

  • Location-gérance interdite par le bail. Le bail peut interdire la mise en location-gérance du fonds ; le preneur doit alors obtenir l’accord écrit du bailleur avant toute opération de ce type (cass. civ., 3e ch., 15 mars 1989, n° 87-20287) ; l’attitude passive de l’administrateur de la bailleresse face à huit gérances successives ne peut valoir accord tacite.

    D’autres clauses moins formelles ont été assimilées à une interdiction de donner en gérance le fonds :

    -impossibilité de se substituer une tierce personne dans la jouissance des lieux loués (cass. civ., 3e ch., 14 mars 1979, Gaz. Pal. 1979 pan. 307) ;

    -prohibition faite au locataire de faire occuper les lieux par un tiers (cass. civ., 3e ch., 26 novembre 1986, Loyers 1987, n° 39), interdiction formelle au preneur de prêter ou de laisser occuper, même temporairement, et sous quelque forme que ce soit, les lieux loués par d’autres personnes (cass. civ., 3e ch., 23 novembre 1993, Gaz. Pal. 1994 somm. 535 ; cass. civ., 3e ch., 22 janvier 2003, n° 01-14655).

    Les clauses interdisant la location-gérance ne peuvent valoir interdiction de sous-location, les deux contrats étant distincts (cass. civ., 3e ch., 23 mai 1995, n° 93-13120).

  • Clause ambiguë. Une interprétation nécessaire des termes ambigus du bail a permis aux juges de décider que l’occupation des lieux visés dans la clause « Destination » n’avait pas pour objet d’empêcher le locataire d’adopter le mode d’exploitation qui lui paraissait le plus approprié, dont une location-gérance, dès lors qu’il restait vis-à-vis du bailleur seul responsable de ses obligations contractuelles (cass. civ., 3e ch., 14 novembre 2002, n° 01-12455).

  • Registre du commerce et des sociétés. Lorsque le preneur a donné son fonds en location-gérance, il n’y a pas lieu de rechercher si le locataire-gérant a effectué les diligences lui incombant en matière d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour lui reconnaître le bénéfice du statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 30 mai 1996, n° 94-13765).

  • Crédit-bail portant sur un fonds de commerce ou un établissement artisanal. L’opération financière peut porter sur le seul droit au bail commercial. Dans ce cas, le droit au renouvellement ne peut être invoqué que par le crédit-bailleur. Les autres droits et obligations que le locataire tient des dispositions du décret sont répartis par contrat entre le propriétaire des murs, le crédit-bailleur et le crédit-preneur (c. mon. et fin. art. L. 313-7). Ces contrats sont peu nombreux.

  • Location-gérance transformée en société en participation. Un restaurateur met son fonds en location-gérance alors que son bail le lui interdit. Après avoir reçu du bailleur un commandement d’exercer personnellement son activité, il obtempère et met fin à la location-gérance, tout en poursuivant sa collaboration avec l’ancien locataire-gérant sous la forme d’une société en participation. Le bailleur demande la résiliation du bail, mais en vain, les juges retenant que la société n'a pas d'existence juridique à l'égard du bailleur et que le locataire a continué d’exercer personnellement son activité dans le local (cass. civ., 3e ch., 24 janvier 2019, n° 17-27383).

  • Contrat de location-gérance non communiqué. Un bail stipule que, en cas de mise en location-gérance du fonds, le locataire doit communiquer au bailleur un exemplaire du contrat location-gérance. Le locataire met son fonds en location-gérance et adresse, chaque année, au bailleur la déclaration de chiffre d'affaires du locataire-gérant ; en revanche, il ne lui transmet pas le contrat. Quelques années plus tard, le bailleur vend le local puis assigne le locataire en dommages-intérêts. Il estime que s'il avait eu connaissance du contrat, il aurait pu obtenir un loyer plus élevé lors du renouvellement puis un prix plus élevé lors de la vente. Le bailleur obtient gain de cause, les juges retenant que le locataire avait l'obligation contractuelle de lui remettre un exemplaire du contrat (cass. civ., 3e ch., 17 juin 2021, n° 20-17203).

Artisans

Protection de droit

362

Les dispositions des baux commerciaux s’appliquent aux fonds appartenant aux chefs d’entreprise immatriculés au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce (c. com. art. L. 145-1, I).

Le preneur doit exercer effectivement une profession artisanale pour prétendre au bénéfice de ces dispositions et être titulaire d’un bail autorisant l’exercice de cette profession. L’artisan qui exerce ainsi sa profession dans les lieux avec l’accord du bailleur est de plein droit bénéficiaire du statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 11 décembre 1974, n° 73-13838).

Répertoire des métiers

363

Le statut des baux commerciaux est subordonné à l’inscription de l’artisan au répertoire des métiers.

La jurisprudence considère qu’il s’agit là d’une condition de fond dont le défaut entraîne l’exclusion absolue du statut (cass. civ., 3e ch., 1er juillet 1975, nos 74-11200 et 74-11890).

Le bénéfice du statut est accordé aux artisans quelle que soit la portion des locaux affectés à l’habitation et à l’usage de la profession (cass. soc. 9 novembre 1960, BC IV n° 996).

  • Exploitation effective du fonds dans les lieux loués. L’immatriculation au répertoire des métiers est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante pour le bénéfice du statut ; il faut aussi une exploitation effective d’un fonds dans les lieux loués (CA Paris 28 janvier 1981, D. 1982, IR 49 ; CA Versailles 8 octobre 1998, D. Affaires 1999, p. 661).

  • Artisans-commerçants. Les artisans qui sont en même temps commerçants doivent être inscrits à la fois au répertoire des métiers et au registre du commerce et des sociétés. À cet égard, l’artisan-commerçant qui n’est pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés ne peut prétendre à une indemnité d’éviction que pour son activité artisanale (CA Paris 19 octobre 1995, Rev. dr. immob. 1996, 624).

Locataires exerçant une activité civile ou particulière

Principales situations concernées

364

Le droit au statut des baux commerciaux est particulièrement encadré ; il existe un certain nombre de cas où le bénéfice de cette protection peut lui être refusé soit du fait de l’activité exercée, soit en raison de la forme de la structure titulaire du bail.

Il s’agit, pour l’essentiel, des situations suivantes :

-sous-location (voir § 365) ;

-artistes-auteurs (voir § 366) ;

-associations (voir §§ 367 et 368) ;

-coopératives (voir § 369) ;

-domaine public (voir § 370) ;

-établissements d’enseignement (voir §§ 371 et 372) ;

-GIE (voir §§ 373 et 374) ;

-professions libérales (voir §§ 375 et 376).

Activités de sous-location

365

Certains preneurs n’ont pour seule activité que de sous-louer en totalité les locaux pris à bail. Il s’agit très souvent de sociétés immobilières à forme commerciale qui ont pour objet la location de locaux en vue de les sous-louer à des tiers.

Une telle activité est-elle de nature à conférer au locataire principal le droit à la propriété commerciale ? Le droit à la propriété commerciale est généralement refusé aux sociétés immobilières ayant pris à bail des locaux commerciaux pour les sous-louer (cass. civ., 3e ch., 13 novembre 1962, Gaz. Pal. 1963, 121 ; cass. civ., 3e ch., 8 mars 1964, Gaz. Pal. 1964, 353). Toutefois, les décisions intervenues sur ce point sont d’apparence contradictoire.

  • Box - Garages. Le droit à la propriété commerciale a été admis à propos de sous-location de locaux pour le garage d’automobiles à des locataires non commerçants (cass. civ., 3e ch., 5 juin 1970, n° 68-12396 ; cass. civ., 3e ch., 30 octobre 1984, n° 83-11178).

  • Résidence de tourisme. Le statut des baux commerciaux a été refusé à des locations de logements meublés et équipés fournis par une société commerciale en raison de sa forme ; les appartements constituaient l’objet de l’activité de la société, mais non le lieu où celle-ci exploitait son fonds de commerce (cass. civ., 3e ch., 10 novembre 1993, n° 91-12626). D’ailleurs, l’activité de sous-loueur n’est pas en elle-même une activité commerciale (CA Paris 4 janvier 1996, Loyers 1996, n° 119).

    Toutefois, lorsque les lieux loués sont destinés à une activité de résidence hôtelière consistant à mettre à disposition de la clientèle un hébergement ainsi que des prestations de services hôtelières (petit-déjeuner, nettoyage…), la sous-location est l'objet même de l'activité du locataire, qui bénéficie du statut des baux commerciaux, sans que, d'ailleurs, le bailleur n'ait à concourir aux actes de sous-location (cass. civ., 3e ch., 15 avril 2015, n° 14-15976).

    Notons également que, depuis la loi 2009-888 du 22 juillet 2009, l'article L. 145-7-1 du code de commerce intègre expressément les résidences de tourisme, mentionnées à l'article L. 321-1 du code du tourisme, dans le statut des baux commerciaux.

  • Marché couvert. Le droit au renouvellement a été refusé au titulaire d’un bail de terrain qui avait fait construire des locaux à usage de marché couvert qu’il sous-louait à des commerçants (cass. civ., 3e ch., 17 mars 1953, Gaz. Pal. 1957, 198).

  • Sous-location totale. Le statut des baux commerciaux est subordonné à l’exploitation, par le locataire, d’un fonds de commerce lui appartenant ; par suite, il ne peut être invoqué par le preneur qui sous-loue en totalité le local commercial (cass. civ., 3e ch., 29 octobre 1985, n° 84-14391 ; cass. civ., 3e ch., 8 octobre 1986, Sem. jur. 1986, 322).

Artistes-auteurs

366

Le statut des baux commerciaux est applicable aux artistes-auteurs d’œuvres graphiques et plastiques ; ces artistes sont, le plus souvent, inscrits au répertoire des métiers.

Les conditions requises en la personne du locataire pour bénéficier de l’extension légale sont (c. com. art. L. 145-2, I, 6°) :

-être admis à cotiser à la caisse de sécurité sociale de la maison des artistes ;

-être reconnu auteur d’œuvres graphiques et plastiques telles que définies par l’article 98 A de l’annexe III du code général des impôts.

Des locaux sous-loués à usage mixte d’habitation et professionnel pour l’exercice de la profession d’artiste peintre ont été qualifiés de locaux ayant un caractère commercial pour lesquels ni la loi du 1er septembre 1948 ni celle du 23 décembre 1986 ne peuvent s’appliquer (CA Paris 2 novembre 1994, Loyers 1995, n° 44).

Il convient de se placer à la date du congé pour apprécier si les conditions cumulatives prévues par le texte précité sont réunies (CA Paris 4 novembre 1998, D. Affaires 1999, p. 448).

  • Article 98 A, II de l’annexe III du CGI. « II. Sont considérées comme œuvres d’art les réalisations ci-après :

     tableaux, collages et tableautins similaires, peintures et dessins, entièrement exécutés à la main par l’artiste à l’exclusion des dessins d’architectes, d’ingénieurs et autres dessins industriels, commerciaux, topographiques ou similaires, des articles manufacturés décorés à la main, des toiles peintes pour décors de théâtres, fonds d’ateliers ou usages analogues ;

    2° gravures, estampes et lithographies originales tirées en nombre limité, directement en noir ou en couleurs, d’une ou plusieurs planches entièrement exécutées à la main par l’artiste, quelle que soit la technique ou la matière employée, à l’exception de tout procédé mécanique ou photomécanique ;

    3° à l’exclusion des articles de bijouterie, d’orfèvrerie et de joaillerie, productions originales de l’art statuaire ou de la sculpture en toutes matières dès lors que les productions sont exécutées entièrement par l’artiste ; fontes de sculpture à tirage limité à huit exemplaires et contrôlé par l’artiste ou ses ayants droit ;

    4° tapisseries et textiles muraux faits à la main, sur la base de certains originaux fournis par les artistes, à condition qu’il n’existe pas plus de huit exemplaires de chacun d’eux ;

    5° exemplaires uniques et céramiques, entièrement exécutés par l’artiste et signés par lui ;

    6° émaux sur cuivre, entièrement exécutés à la main, dans la limite de huit exemplaires numérotés et comportant la signature de l’artiste ou de l’atelier d’art, à l’exclusion des articles de bijouterie, d’orfèvrerie et de joaillerie ;

    7° photographies prises par l’artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus. »

  • Reconnaissance du statut. Lorsque le bail de locaux d’artiste peintre a été renouvelé deux fois en notifiant à chaque fois un congé « locaux commerciaux », le bailleur a renoncé tacitement, mais de façon certaine, à se prévaloir de l’absence d’immatriculation du locataire au registre du commerce et des sociétés (cass. civ., 3e ch., 19 avril 2000, n° 98-13396).

  • Non-immatriculation de l’épouse. L’épouse d’un artiste, commune en biens et cotitulaire du bail, n’est pas tenue d’être immatriculée au registre du commerce et des sociétés ni au répertoire des métiers (cass. civ., 3e ch., 21 février 2007, n° 06-12491).

Associations

Absence de commercialité

367

La demande d’immatriculation d’une association au registre du commerce et des sociétés est, en principe, irrecevable, l’association n’entrant dans aucune des catégories de personnes morales dont le décret sur le registre du commerce et des sociétés prévoit l’inscription (cass. com., 1er mars 1994, n° 90-13529).

Le statut des baux commerciaux ne concerne donc pas, a priori, les associations de la loi de 1901 en raison de leur non-inscription au registre du commerce et des sociétés.

De plus, le statut associatif n’a pas vocation à constituer un mode normal d’exercice d’une activité commerciale, sauf à perdre son identité et ses spécificités. Il existe donc une incompatibilité de principe entre le statut institué par la loi du 1er juillet 1901 et celui de commerçant.

  • Reconnaissance ponctuelle du statut. Certaines décisions isolées ont pu, directement ou indirectement, reconnaître le droit au statut des baux commerciaux à une association :

    -d’anciens combattants prisonniers de guerre, propriétaire d’un fonds de commerce bien qu’elle n’ait jamais été commerçante (CA Lyon 1er mars 1972, DD 1972 somm. 73) ;

    -locataire de locaux commerciaux demandant, conformément aux termes de son bail, la révision triennale de son loyer alors que le propriétaire opposait la prescription biennale de l’article 33 du décret du 30 septembre 1953 (devenu art. L. 145-60 du code de commerce ; cass. civ., 3e ch., 14 décembre 1988, n° 87-13.348) ;

    -d’entreprise de spectacles dont le bail commercial classique avait été consenti par un professionnel de l’immobilier (CA Lyon, 6e ch., 3 février 1999, n° 96107424).

  • Établissements d’enseignement. Les associations, fort nombreuses, qui gèrent régulièrement un fonds d’enseignement bénéficient, de par la loi, du statut des baux commerciaux (voir §§ 371 et 372).

  • Association exploitant un fonds de commerce. Si une association constituée et déclarée conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901 ne peut, en principe, être immatriculée au RCS et prétendre au statut des baux commerciaux, elle doit en revanche, selon le comité de coordination du registre du commerce et des sociétés, être immatriculée au RCS lorsqu'elle devient « gérante mandataire » d'un fonds de commerce (CCRCS, avis 2018-010 du 18 juillet 2018).

Solutions envisageables

368

L’association qui entend bénéficier du statut protecteur des baux commerciaux peut créer une société commerciale chargée de l’exploitation des activités économiques de l’association.

Cette société commerciale louera les locaux et pourra revendiquer le bénéfice du statut des baux commerciaux.

L’association peut aussi négocier la soumission volontaire de son bail au statut des baux commerciaux (voir §§ 377 à 381).

Coopératives

369

Le statut des baux commerciaux est étendu aux baux d’immeubles abritant (c. com. art. L. 145-2, I, 5°) :

-soit des sociétés coopératives ayant la forme commerciale, quel que soit leur objet (agricole ou autre) ;

-soit des coopératives qui ont un objet commercial, même si leur forme est civile ;

-soit des sociétés coopératives de crédit ;

-soit des caisses d’épargne et de prévoyance.

Activité sur le domaine public

370

Les biens du domaine public ne peuvent faire l’objet d’un bail commercial (cass. civ., 3e ch., 10 mars 2010, n° 09-12714). Ainsi, le statut des baux commerciaux ne s’applique pas aux conventions, fussent-elles conclues entre des personnes de droit privé, ayant pour objet des biens dépendant du domaine public (cass. civ., 3e ch., 20 décembre 2000, n° 99-10896) ; en l’espèce, une société de plaisance avait conclu avec une chambre de commerce et d’industrie un contrat d’occupation d’une parcelle du domaine public maritime.

L'appartenance d'un immeuble, ne serait-ce que pour partie au domaine public, rend impossible de conclure un bail bénéficiant du statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 2 mars 2017, nos 15-11419 et 15-25136).

En revanche, le statut des baux commerciaux, et notamment le renouvellement, peut s'appliquer dans le domaine privé de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics (c. com. art. L. 145-2).

Établissements d’enseignement

Propriété d’un fonds d’enseignement

371

L’article L. 145-2 du code de commerce étend l’ensemble des dispositions du statut légal des baux commerciaux aux baux des locaux ou immeubles abritant des établissements d’enseignement, publics ou privés, même s’ils sont régis sous forme associative.

Conditions pour bénéficier du statut

372

Le droit au bénéfice du statut suppose réunies les conditions ci-après.

(1) Le locataire doit être propriétaire du fonds d’enseignement et donc, de l’établissement (cass. civ., 3e ch., 16 décembre 1980, n° 79-12955 ; voir aussi cass. civ., 3e ch., 5 janvier 1978, n° 76-12634).

(2) L’établissement doit avoir toutes les autorisations légales et administratives. À défaut, il ne peut prétendre au renouvellement (cass. civ., 3e ch., 6 mai 1963, BC III n° 220 ; CA Versailles 14 avril 1988, Gaz. Pal. 1988 somm. 446 ; cass. civ., 3e ch., 16 février 2000, n° 98-15842) ; le droit au renouvellement du bail commercial est subordonné à la régularité de l’exploitation (cass. civ., 3e ch., 14 janvier 2004, n° 01-17687).

(3) L’établissement doit constituer un véritable fonds d’enseignement exercé dans les lieux (cass. civ., 3e ch., 25 octobre 1983, D. 1984 IR 41).

L’établissement doit donc dispenser l’enseignement à des tiers et non à ses seuls membres, et avoir une certaine organisation perceptible de l’extérieur, mais un caractère commercial n’est pas exigé.

En revanche, l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés n’est pas une condition : même si elle n’est pas immatriculée, la société exploitant une activité d’enseignement bénéficie du statut des baux commerciaux lors du renouvellement de son bail (cass. civ., 3e ch., 21 février 2007, n° 06-11832).

  • Auto-écoles. Le locataire qui a reçu l’agrément administratif nécessaire pour exploiter un établissement d’enseignement de la conduite automobile dans des locaux et dont l’enseignement était dispensé de façon permanente dans les locaux spécialement aménagés à cet effet est titulaire d’un bail commercial (cass. civ., 3e ch., 11 juin 1992, n° 90-16734 ; cass. civ., 3e ch., 10 décembre 1997, n° 96-11459), mais un local servant à garer les autos peut être considéré comme un local accessoire non protégé par le statut (cass. civ., 3e ch., 4 décembre 1967, BC III n° 394).

  • Clubs et associations sportives. Les clubs ou associations qui réservent leur enseignement aux membres ne peuvent relever des dispositions de l’article 2 du décret devenu l’article L. 145-2 du code de commerce (cass. civ., 3e ch., 26 juin 1968, BC III n° 304). La situation est différente lorsque l’association sportive exploite une école dispensant l’enseignement sportif ouvert à des non-membres.

  • Colonie de vacances payante. Le bénéfice du statut a été accordé à une colonie de vacances payante dont le caractère commercial n’a pas été contesté (cass. civ., 3e ch., 8 mai 1962, BC III n° 241).

  • Cours de culture physique. Le statut a notamment été reconnu à des cours ou écoles :

    -de danse (cass. civ., 3e ch., 17 décembre 1963, BC III n° 552 ; CA Paris 13 février 1959, D. 1959 somm. 61) ;

    -d’enseignement de la culture physique (CA Paris 6 janvier 1987, D. 1987 IR 17) ;

    -de judo (CA Lyon 16 avril 1992, Sem. jur. éd. E 1993 pan. 79) ;

    -de spectacles (CA Paris 13 février 1987, AJPI 1989, p. 148) ;

    -de yoga (CA Paris 2 juillet 1986, Rev. loyers 1986, 490) ;

    -de tennis (CA Versailles 18 août 1999, Loyers 2000, n° 42).

    En revanche, il a été refusé pour un local loué sous le régime des baux d’habitation, dans lequel le preneur exploitait une salle de gymnastique, le bail n’ayant jamais eu un caractère commercial (cass. civ., 3e ch., 26 janvier 1994, n° 91-21485).

  • Enseignement par correspondance. Le statut des baux commerciaux a été refusé à une association locataire de locaux à usage de bureaux ; en effet, cette association n’a pu produire aucune attestation émanant d’élèves affirmant que les cours leur ont été dispensés dans les locaux, ni de responsables pédagogiques certifiant avoir exercé en ces lieux (cass. civ., 3e ch., 26 février 1992, n° 90-17546).

    En revanche, en présence d’un bail consenti par une association diocésaine à un locataire portant sur un appartement à usage d’habitation de 166 m2, dont 36 m2 destinés à une école par correspondance, dont l’existence d’un fonds était contestée, le statut des baux commerciaux a été reconnu applicable, les parties ayant convenu expressément que la location avait un caractère commercial (cass. civ., 3e ch., 7 avril 1993, 3e ch., n° 91-16936).

  • Jardin d’enfants. Le statut a été refusé pour un jardin d’enfants qui ne faisait qu’assurer la garde des enfants et développer leurs capacités physiques et mentales (cass. civ., 3e ch., 13 décembre 1961, D. 1962 somm. 34).

  • Kinésithérapie. N’a pas bénéficié du statut une association de kinésithérapie dont la vocation pédagogique figure en bonne place dans ses statuts et qui exerce notamment des activités d’enseignement relevant de la loi du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation continue dans le cadre de l’éducation permanente (cass. civ., 3e ch., 25 octobre 1983, D. 1984 IR 41).

  • Réfectoire et logement des professeurs. Le statut ne s’applique pas aux locaux servant au logement des professeurs et à l’installation d’un réfectoire, loués à une association distincte de celle gérant et exploitant le fonds d’enseignement (cass. civ., 3e ch., 5 janvier 1978, n° 76-12634).

  • Centre équestre. A été censurée une décision refusant la qualité de commercial pour un bail à une association exploitant un centre équestre avec activité de formation au brevet d’éducateur sportif, d’enseignement et d’une activité complémentaire de restauration et d’hébergement (cass. civ., 3e ch., 21 juillet 1999, n° 97-21715). La cour d’appel d’Orléans a également appliqué le statut des baux commerciaux à une école d’équitation ; peu importe, a précisé la Cour, que les centres équestres exercent une activité réputée agricole selon le code rural (CA Orléans, ch. com. fin., 28 juin 2007, n° 07-342).

Groupement d’intérêt économique

GIE réalisant des actes de commerce

373

Le groupement d’intérêt économique dont l’objet est commercial peut faire, de manière habituelle et à titre principal, tous actes de commerce pour son propre compte.

Il peut être titulaire d’un bail commercial (c. com. art. L. 251-4).

Mais, pour bénéficier du droit au renouvellement, le groupement devra prouver qu’il remplit les conditions inhérentes à ce statut et démontrer qu’il exploite dans les lieux loués un fonds de commerce propre avec une clientèle autonome et une activité commerciale distincte de celle de ses membres.

L’existence d’une clientèle propre sera souvent difficile à rapporter en raison du caractère auxiliaire de l’activité du GIE par rapport à celle de ses membres (c. com. art. L. 251-1).

Groupement européen d’intérêt économique

374

Le groupement européen d’intérêt économique (GEIE) est régi par les articles L. 252-1 à L. 252-12 du code de commerce. Ces textes n’ont pas repris, pour ce groupement, une disposition selon laquelle il peut être titulaire d’un bail commercial. On pourrait cependant, par analogie, admettre l’extension des mesures prises pour le GIE au profit du GEIE immatriculé en France et ayant un objet commercial.

Professions libérales

Option pour le statut des baux commerciaux

375

Le statut des baux commerciaux s’applique au bail d’un local affecté à un usage exclusivement professionnel si les parties ont conventionnellement adopté ce régime (c. com. art. L. 145-2, 7°). L’option pour le statut des baux commerciaux entraîne l’application de l’ensemble des dispositions du statut.

Le professionnel qui opte, en accord avec le bailleur, pour le statut des baux commerciaux ne peut résilier le bail qu’à l’expiration d’une période triennale et si le bail ne le prive pas de cette faculté. En fin de bail, il a droit au renouvellement pour 9 ans ou, à défaut, au versement d’une indemnité de déplacement prenant en compte les frais de déménagement et de réaménagement.

Bail à usage mixte. Les baux de locaux à usage d’habitation et professionnel restent régis par la loi 89-462 du 6 juillet 1989. L’option pour un bail commercial n’est pas possible.

Sociétés d’exercice libéral

376

Certaines activités, de nature professionnelle ou civile, sont exercées en sociétés de forme commerciale par nature : SARL, SA, commandite par actions, SAS ; les sociétés d’exercice libéral sont dénommées SELARL, SELAFA, SELCA ou SELAS.

La forme de ces sociétés pourrait faire croire à une présomption de commercialité quel que soit l’objet, mais la jurisprudence refuse en général le droit à la propriété commerciale, car les sociétés en cause n’exploitent pas de fonds de commerce.

En accord avec le bailleur, ces sociétés peuvent déroger aux règles des baux professionnels et se soumettre à l’ensemble des dispositions du code de commerce relatives au statut des baux commerciaux.

Sociétés de pharmaciens. Les pharmaciens, tout en appartenant à un ordre professionnel, ont la qualité de commerçant et une société d’exercice libéral de pharmaciens exploite un fonds de commerce ; les baux de leurs locaux bénéficient donc du statut des baux commerciaux (rép. Lapp n° 14364, JO 8 août 1994, AN quest. p. 4063).

Extension volontaire du statut à des non-commerçants

Manifestation non équivoque de volonté

Dans le bail initial

377

Le bailleur peut accepter expressément de soumettre, en tout ou partie, le bail de locaux où est exercée une activité non commerciale au statut ; cette manifestation de volonté doit être non équivoque, tout comme celle du locataire.

Il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement la commune intention des parties, mais la charge de la preuve pèse sur celui qui invoque la soumission du bail au statut (cass. civ., 3e ch., 26 janvier 1994, n° 91-21485).

Les loueurs exerçant une activité professionnelle peuvent, pour la location des locaux affectés à un usage professionnel, opter pour le statut des baux commerciaux (voir § 375).

  • Associations. Le fait que le bail d’une association autorise l’exploitation d’un restaurant végétarien et d’un magasin d’alimentation (avec toutes les clauses qui en dérivent : garnir les locaux de marchandises, ouverture à la clientèle) ne suffit pas à caractériser la volonté non équivoque du bailleur de renoncer à se prévaloir des conditions auxquelles est subordonné le bénéfice du statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 20 mars 1996, n° 94-13662).

    Mais le bailleur a renoncé à invoquer l’inapplicabilité du statut des baux commerciaux lorsqu'il fait délivrer deux congés avec offre d’une indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 30 mai 1996, n° 94-17024). Le bénéfice du statut a également été retenu au profit d’un preneur dont l’activité était qualifiée de culturelle, le contrat revêtant la forme d’un bail commercial classique (CA Lyon 3 février 1999, n° 96107424).

    D’une manière générale, la cour d’appel de Rennes a mis en avant : « il ne peut être fait interdiction à une association à but non lucratif de se soumettre au statut des baux commerciaux, dès lors que l’application du statut ne confère pas pour autant au preneur la qualité de commerçant » (CA Rennes, 7e ch., 15 juin 2005, Sem. Jur. 2006, 1625).

  • Caractère commercial affirmé. A été soumis au statut des baux commerciaux, lors de son renouvellement, un bail conclu pour une durée de 9 ans avec révision triennale et faculté pour le preneur de le faire cesser à l’expiration d’une période de 3 ans. De plus, la mention « bail commercial - révision triennale » figurait en tête de la lettre par laquelle le bailleur avait transmis au preneur le dernier avenant (cass. civ., 3e ch., 23 mars 1994, n° 92-15035).

  • Référence à des clauses de baux commerciaux. L’attribution du statut ne peut résulter de la simple inscription dans le bail des clauses habituellement rencontrées dans les baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 4 mars 1987, n° 85-17137 ; cass. civ., 3e ch., 6 juillet 1982, n° 80-12958 ; cass. civ., 3e ch., 8 décembre 1999, n° 98-12405).

    Dans une autre affaire, les juges ont relevé que le bail a été qualifié par les parties de « bail commercial » et que les clauses concernant sa durée, la faculté pour le preneur de donner congé tous les trois ans, celle pour le bailleur de refuser le renouvellement pour construire ou reconstruire l'immeuble, ainsi que celle relative à la sous-location, visaient expressément et précisément les dispositions légales du statut des baux commerciaux. Dès lors, ils ont admis la volonté des parties d'appliquer le statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 30 mars 2017, n° 16-11970).

  • Révision triennale. Les juges du fond statuant sur une demande de révision du prix du bail en cours peuvent déduire des termes du bail que les parties avaient voulu que la révision ait lieu conformément au statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 3 novembre 1988, n° 87-14963).

  • Renouvellement. En cas de soumission volontaire au statut des baux commerciaux, le droit au renouvellement n’est pas subordonné à une inscription au RCS (cass. civ., 3e ch., 9 février 2005, n° 03-17476), même si le preneur est une société commerciale (cass. civ., 3e ch., 28 mai 2020, n° 19-15001) (voir § 714).

  • Comptable agréé et profession libérale. Un bail portant sur un appartement à usage commercial et professionnel consenti à un comptable agréé, exerçant sous forme libérale, a pu bénéficier du statut des baux commerciaux en raison des circonstances suivantes :

    -le loyer avait été révisé plusieurs fois, conformément au statut des baux commerciaux ;

    -le bail avait été renouvelé trois fois, suite à des congés avec offre de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 20 décembre 1989, n° 88-13762).

  • Propriété commerciale reconnue. Les clauses selon lesquelles, d’une part, le preneur bénéficierait de la « propriété commerciale », même s’il n’occupait pas lui-même tout ou partie de l’immeuble loué, et, d’autre part, le bailleur renonçait à refuser le renouvellement du bail, ne peuvent priver le preneur du renouvellement du bail sans indemnité bien qu’il eût sous-loué en totalité les locaux à une société qui exerçait l’activité de conseil en relations publiques (cass. civ., 3e ch., 20 juin 1990, n° 89-12283).

  • Société civile. Un bail consenti à une société civile est jugé soumis au régime des baux commerciaux. Les juges considèrent en effet que le bailleur a renoncé à se prévaloir de l’absence d’immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés. Sa renonciation implicite est jugée certaine en raison des éléments suivants (cass. civ., 3e ch., 10 juillet 2007, n° 05-21268) :

    -le bail succède à un bail intitulé « bail commercial » ;

    -les clauses du bail visent expressément les dispositions du code de commerce relatives au statut des baux commerciaux ;

    -la qualité de société civile du locataire n’avait pu échapper au bailleur.

Reconnaissance en cours de bail

378

Les parties peuvent, en cours de bail, renoncer à invoquer l’absence de telle ou telle condition du statut des baux commerciaux et continuer à se placer volontairement sous cette législation.

Une renonciation, implicite ou tacite, peut être admise dès lors qu’elle est non équivoque (cass. civ., 3e ch., 22 novembre 1995, n° 94-11818 ; cet arrêt, rendu à propos d’une association religieuse, admet que la renonciation à un droit peut être tacite).

Portée de l’extension

379

L’extension conventionnelle du statut des baux commerciaux emporte la nullité d’une clause contraire relative à la forme du congé en fin de bail (cass. ass. plén. 17 mai 2002, n° 00-11664).

Cet arrêt de principe a vocation à s’appliquer à toutes les clauses du contrat de bail qui dérogeraient aux dispositions impératives du statut, telles que celles relatives au loyer révisé ou à la déspécialisation.

Conflit avec d’autres législations

380

L’extension du statut des baux commerciaux peut se heurter à d’autres textes protecteurs.

  • Le statut des baux commerciaux ne peut être étendu aux immeubles ruraux. En cas de location, les immeubles ruraux sont soumis de plein droit au statut du fermage ; échappe à ce statut la location de droits incorporels (bassins aménagés pour la pisciculture) mais non celle d’un bien immobilier (cass. civ., 3e ch., 17 avril 1996, n° 94-14956).

  • Ce statut peut entrer en conflit avec d’autres législations protectrices en matière de baux. Tel est le cas de la loi régissant les rapports locatifs pour l’habitation (loi 89-462 du 6 juillet 1989).

    Le preneur à bail d’un local soumis aux dispositions de la loi du 22 juin 1982 – régissant alors les baux d’habitation – dans lequel il exploite une salle de gymnastique, activité pour laquelle il est inscrit au registre du commerce et des sociétés, doit, pour faire qualifier son bail de commercial, établir que le bailleur avait accepté, en cours de bail, de renoncer au bénéfice de la loi de 1982 précitée (cass. civ., 3e ch., 26 janvier 1994, n° 91-21485). On notera, à cet égard, que la loi du 6 juillet 1989 ne régit pas les locations consenties à des personnes morales (cass. civ., 3e ch., 23 mai 1995, n° 93-12789) ou celles relatives aux baux professionnels.

Précautions pour la rédaction des clauses

381

Lorsque les parties entendent étendre le champ d’application du statut des baux commerciaux à des situations non prévues par celui-ci, il est préférable qu’elles le fassent de façon non équivoque.

Pour ce faire, elles viseront expressément la situation précise et l’élément exact qui fait défaut (absence de clientèle, défaut de qualité de commerçant, non immatriculation au RCS) et déclareront qu’en dépit de cette condition absente, le droit au statut est reconnu ; le bailleur renoncera à se prévaloir de telle ou telle de ces conditions ou dispensera le locataire de la remplir. Les parties seront également très attentives à ne pas déroger à des dispositions impératives du statut (voir § 379).

Des rédactions insuffisantes. Dans un bail professionnel, et non commercial, le locataire peut, à tout moment, notifier au bailleur son intention de quitter les locaux en respectant un préavis de 6 mois (loi 86-1290 du 23 décembre 1986, art. 57 A). Une mutuelle tentait de faire valoir cet article alors qu'elle avait expressément signé un bail commercial. Elle a obtenu gain de cause. Les juges ont, en effet, estimé que (cass. civ., 3e ch., 20 octobre 2016, n° 15-20285) :

-la faculté d'extension conventionnelle du statut des baux commerciaux suppose que les parties manifestent de façon univoque leur volonté de se placer sous ce régime ;

-la qualification de bail commercial, la mention selon laquelle « le preneur bénéficiera du statut de la propriété commerciale », ainsi que la référence aux règles du code de commerce ne suffisent pas à caractériser une renonciation en toute connaissance de cause et dépourvue d'ambiguïté aux dispositions d'ordre public de l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986 permettant de rompre le bail à tout moment.

Dans une autre affaire, une société d'expertise comptable louait des locaux à usage de bureaux ; le contrat de bail faisait référence à certaines règles du statut des baux commerciaux. Néanmoins, la société a pu bénéficier de l'article 57 A de la loi 86-1290 du 23 décembre 1986 lui permettant de rompre le bail à tout moment, aucune stipulation contractuelle ne démontrant que la société avait renoncé expressément aux dispositions d'ordre public de la loi du 23 décembre 1986 (cass. civ., 3e ch., 26 janvier 2017, n° 15-28165).