Les événements en cours de bail
La révision conventionnelle
Indexation conventionnelle du loyer
Mécanisme
Clause du bail
Par dérogation aux dispositions relatives à la révision légale, les parties peuvent convenir dans le bail d’une autre technique de révision des loyers : la clause d’indexation, appelée également « clause d'échelle mobile » (c. com. art. L. 145-39).
Le loyer est alors indexé automatiquement en fonction de la variation de l’indice retenu au contrat. Toutefois, les parties peuvent demander l’application de la révision légale (voir § 242).
La clause d’échelle mobile peut faire varier le loyer à la hausse ou à la baisse en fonction de l'évolution de l'indice choisi, et même conduire à un loyer inférieur au loyer d’origine.
En revanche, la clause qui prévoit une variation dans le seul sens de la hausse de l’indice est réputée non écrite (cass. civ., 3e ch., 14 janvier 2016, n° 14-24681). La jurisprudence a toutefois récemment nuancé cette solution : la sanction porte uniquement sur la stipulation litigieuse et pas nécessairement sur la clause dans son entier, et ce, même si l'intégralité de cette clause avait été stipulée comme essentielle et déterminante du consentement des parties (cass. civ., 3e ch., 11 mars 2021, n° 20-12345 ; cass. civ., 3e ch., 30 juin 2021, n° 19-23038 ; cass. civ., 3e ch., 30 juin 2021, n° 20-11685 ; cass. civ., 3e ch., 12 janvier 2022, n° 21-11169).
Indices admis. Pour être licite, l’indice retenu au contrat doit être en relation soit avec l’activité d’une des parties, soit avec le bail.
L’indice du coût de la construction, celui des loyers commerciaux pour les locaux commerciaux et celui des loyers des activités tertiaires pour les bureaux (voir § 192) sont réputés être en relation avec le bail d’un immeuble bâti.
Sont interdites des indexations globales telles que celles retenant le niveau général des prix ou des salaires, ou le SMIC (c. mon. et fin. art. L. 112-2).
Monnaie étrangère. La référence, dans un bail, à une monnaie étrangère sans relation directe avec l’une ou l’autre des parties aboutit à une indexation prohibée par les articles L. 112-1 et suivants du code monétaire et financier (cass. civ., 3e ch., 18 octobre 2005, n° 04-13930).
Dernier indice publié. Très souvent, les parties retiennent les derniers indices publiés à la date du contrat. En effet, si les parties retiennent l’indice afférent à la date de prise d’effet du bail, lors d’une prochaine révision, ils devront attendre la publication de l’indice correspondant pour fixer le loyer révisé.
Moyenne d’indices. La technique consistant à retenir une indexation correspondant à une moyenne de l’évolution de plusieurs indices au cours d’un mois ou d’un trimestre, ou d’un seul indice, ou de l’année de révision, semble contestable dans la mesure où elle revient à retenir des paramètres postérieurs à la date de révision. Les parties peuvent proposer chacune un indice et constituer un panier d’indices. En toute hypothèse, l’évolution du ou des indices retenus devra être analysée au cours de 2 années au moins, afin de vérifier les fluctuations importantes à la hausse ou à la baisse et d’en mesurer l’impact sur l’évolution du loyer.
Clauses d’indexation avec un indice de base fixe. La référence à un indice de base fixe dans les clauses d’indexation n’est pas contraire aux dispositions d’ordre public de l’article L. 112-1 du code monétaire et financier dès lors qu'il y a bien concordance entre la période de variation de l'indice et celle de variation du loyer (cass. civ., 3e ch., 11 décembre 2013, n° 12-22616 ; cass. civ., 3e ch., 3 décembre 2014, n° 13-25034).
Est également valable la distorsion entre l'intervalle de variation indiciaire (2e trimestre 2005 - 2e trimestre 2006 : 12 mois) et la durée écoulée entre les deux révisions (1er février 2006 au 1er janvier 2007 : 11 mois) étant donné que cela ne résulte pas de la clause d'indexation elle-même mais du décalage entre la date de renouvellement d'un bail intervenu le 1er février 2006 et la date prévue pour l’indexation annuelle du loyer fixée au 1er janvier 2006 (cass. civ., 3e ch., 13 septembre 2018, n° 17-19525).
De même, le décalage entre la date de publication de l'indice et le jour d'échéance de la révision ne rend pas à lui-seul nulle la clause d'indexation (cass. civ., 3e ch., 17 mai 2018, n° 17-15146).
À l'inverse, la reproduction dans un avenant de 2007 de la clause d'indexation contenue dans le bail initial conclu en 2003, puis l'application de cet indice pour calculer les indexations annuelles dues au titre des années 2007-2012, entraîne une distorsion entre la période de variation de l'indice et la durée s'écoulant entre deux révisions. Cette clause est alors réputée non écrite (cass. civ., 3e ch., 25 février 2016, n° 14-28165).
Distorsion sur la première année. Un bail retient les indices de juillet 1999 et juillet 2000, soit une variation sur 12 mois, alors que seulement 7 mois se sont écoulés entre la prise d’effet du bail le 1er juin 2000 et sa première révision le 1er janvier 2001. Pour les années suivantes, la concordance entre la période de variation de l'indice et celle de variation du loyer a bien été respectée. Pour la Cour de cassation, seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée pour la première année doit être réputée non écrite, mais non la clause en son entier (cass. civ., 3e ch., 29 novembre 2018, n° 17-23058 ; cass. civ., 3e ch., 6 février 2020, n° 18-24599).
Distorsion entre l'indice de base et l'indice multiplicateur. Une clause d'indexation prévoit que l'indice à prendre en considération est le dernier indice publié au 1er janvier de chaque année, l'indice de référence étant le dernier connu au 1er juillet 1996. Lors de la première révision le 1er janvier 1998, le bailleur a pris en compte l'indice publié à cette date, soit celui du 2e trimestre 1997, et l'a rapporté à celui connu au 12 juillet 1996, soit celui du 1er trimestre 1996. Du fait de cette distorsion temporelle entre l'indice de base fixe et l'indice multiplicateur, les juges ont réputé non écrite la clause d'indexation (cass. civ., 3° ch., 9 février 2017, n° 15-28691).
Révision en fonction de l'ICC, l'ILC ou l'ILAT
Très souvent, les baux prévoient une indexation en fonction de l’évolution de l’indice du coût de la construction (ICC), l'indice des loyers commerciaux (ILC) ou l'indice des loyers des activités tertiaires (ILAT). Ces indices étant les mêmes que ceux prévus pour l'indexation légale (voir § 192), il peut en résulter une certaine confusion. La jurisprudence a eu à interpréter ces clauses.
L’intérêt pratique de la distinction entre la révision conventionnelle et la révision légale est que, dans le premier cas, l’indexation est automatique (voir § 233) alors que dans le second cas, elle doit être demandée par huissier ou lettre recommandée avec avis de réception (voir § 198).
Révision conventionnelle. La clause selon laquelle le loyer est automatiquement révisé tous les 3 ans en fonction de la variation de l’indice du coût de la construction correspond à la définition de l’échelle mobile et ne peut s’analyser comme un simple rappel des dispositions légales (cass. civ., 3° ch., 23 février 1982, Gaz. Pal. 1982, 2, somm. p. 142). L'emploi du futur (« le loyer sera révisé... ») ne suffit pas à écarter le caractère automatique du jeu de la clause (cass. civ., 3e ch., 20 mai 2021, n° 20-11878). De même, lorsque le bail prévoit que la révision du loyer se fera en fonction de l’indice du coût de la construction en précisant le dernier indice connu, et que le locataire a accepté des révisions triennales, cette stipulation implique une automaticité du montant des majorations ou diminutions du loyer pouvant être pratiquées lors des révisions, et constitue une clause d’échelle mobile (cass. civ., 3e ch., 20 juillet 1994, n° 92-19218).
Révision légale. Lorsqu’une clause d’indexation prévoit que le prix d’un bail commercial est révisable par période triennale selon l’indice du coût de la construction, les parties ont stipulé d’une façon générale que le loyer du bail sera fixé selon les conditions légales (CA 29 juin 1995, D. 1995, Dr. 189).
Automaticité de la révision
Les parties déterminent les conditions de la mise en œuvre de la révision.
La révision s’applique généralement de plein droit à une date déterminée sans que l’une ou l’autre des parties ait à en faire la demande, dans la mesure où la convention des parties n’a pas prévu cette formalité (cass. civ., 3e ch., 20 mai 1985, Loyers 1985, n° 385). De même, les parties n’ont pas besoin de former une demande en révision conforme à celle prévue pour les révisions légales (cass. civ., 3e ch., 5 février 1992, n° 89-20378).
Seuil de variation. La révision peut être subordonnée à un seuil donné afin d’éviter des variations minimes trop fréquentes ; c’est ainsi que les contractants peuvent convenir que la clause d’échelle mobile ne jouera que lorsque l’indice choisi se sera modifié, par exemple, de plus de 2 % par rapport à l’indice de référence ; cette technique de seuil peut être utilisée dans le cadre d’une négociation afin de limiter les augmentations de loyer, en retenant un pourcentage de progression assez élevé.
Simple faculté. La révision peut au contraire être stipulée comme une simple faculté et la partie qui voudra obtenir la révision devra en aviser l’autre par écrit.
Périodicité de la révision
Elle est laissée à la libre appréciation des parties. Dans la plupart des cas, le système de la révision annuelle est adopté.
La clause d’échelle mobile a une validité de principe et doit s’appliquer tant que l’une des parties ne demande pas la révision judiciaire du loyer (cass. civ., 3e ch., 2 juin 1977, n° 76-13199) (voir § 237).
Silence du bailleur ne vaut pas renonciation. Aucune renonciation au jeu de la clause d’indexation ne résulte du fait que le bailleur ne s’était pas prévalu de celle-ci pendant plusieurs années (cass. civ., 3e ch., 26 janvier 1994, n° 91-18325).
Clause inutilisée pendant 16 ans. Pendant 16 ans, un bailleur n’avait jamais sollicité la mise en œuvre de la clause d’indexation du bail. Puis, suite à la cession du fonds de commerce de son locataire, il réclame l’équivalent de 5 ans de loyer indexé. Le locataire cédant refuse. Selon lui, le fait pour le bailleur de ne pas s’être prévalu de la clause d’indexation avant vaut renonciation. La Cour de cassation écarte cet argument : la clause d’indexation doit recevoir application dans la limite de la prescription. En effet, ni le courrier du bailleur mentionnant un loyer mensuel inférieur à celui réclamé par le jeu de la clause d’indexation ni le fait d’avoir accepté avec le cessionnaire du fonds de commerce un nouveau loyer, également inférieur, ne caractérisaient une renonciation du bailleur à demander l’indexation (cass. civ., 3e ch., 21 janvier 2014, n° 12-26174).
Variation dans les prétentions. L’article R. 145-21 du code de commerce, qui prévoit que toute prétention nouvelle doit être préalablement notifiée, est applicable aux révisions prévues à l’article L. 145-39 du code de commerce (cass. civ., 3e ch., 23 février 1994, n° 91-21005). Un bailleur avait demandé la révision du loyer en application de la clause d’échelle mobile ; le locataire a sollicité le maintien du loyer à une somme de 28 044 F à l’époque (4 280 €) ; en cours d’instance, et après dépôt du rapport d’expertise, le locataire demande que le loyer soit fixé à 20 534 F (3 135 €) à compter de la demande de révision. Sa demande est rejetée.
Exigibilité immédiate du loyer
Le loyer résultant du jeu de la clause d'échelle mobile est, sauf clause contraire, immédiatement exigible dès la variation de l’indice retenu.
Le bailleur peut donc signifier au preneur un commandement tendant au paiement de ce nouveau loyer en visant la clause résolutoire prévue au bail sans avoir à notifier au préalable à son locataire une demande de révision (cass. civ. 2 octobre 1985, Loyers 1986, n° 33). Ainsi, le preneur qui ne règle que le loyer initial non révisé, alors que l’indexation conventionnelle avait joué et que le bailleur lui avait délivré un commandement visant la clause résolutoire d’avoir à régler le loyer révisé, risque la résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 10 novembre 2010, n° 09-15937).
Suppression des indices de référence
Si l’un des éléments retenus pour le calcul de la clause d’échelle mobile vient à disparaître, la révision ne pourra, en principe, être demandée et poursuivie que dans les conditions prévues à l’article L. 145-38 du code de commerce, c’est-à-dire dans le cadre d’une révision légale (c. com. art. R. 145-22, al. 2).
Indice de substitution. Si le bail stipulait qu’en cas de suppression de l’indice initial, il conviendrait d’appliquer « tout autre indice qui y serait substitué », le juge est en droit de faire jouer cette disposition, qui est conforme à la volonté des parties clairement exprimée dans le contrat (cass. civ., 3e ch., 29 juin 1977, n° 76-10408 ; cass. civ., 3e ch., 9 octobre 1984, n° 83-10383).
Respect de la volonté des parties. En recherchant la commune intention des parties, les juges du fond peuvent retenir que leur volonté a essentiellement porté sur le principe de l’indexation et qu’il y avait lieu de substituer à l’indice annulé un indice admis par la loi (cass. civ., 3e ch., 22 juillet 1987, n° 84-10548) ; le juge ne peut substituer un indice licite à un indice illicite.
Caractère essentiel de la clause d’indexation. Une stipulation imposée par le bailleur à son locataire, faisant dépendre la validité d’un bail du maintien d’une clause d’indexation illicite, peut être considérée comme une fraude à la loi et l’annulation de la clause d’indexation n’entraîne pas la nullité du bail, même si les parties ont qualifié la clause de déterminante (cass. civ., 3e ch., 6 juin 1972, n° 71-11279). L’annulation d’une clause d’indexation, devenue illicite, n’affecte pas la validité du bail tout entier, même si cette clause a été déclarée déterminante ; il serait porté atteinte au droit du locataire si le bailleur pouvait, sous peine de nullité du bail, exiger de son locataire commerçant le respect d’une clause devenue illicite (cass. civ., 3e ch., 9 juillet 1973, n° 72-12660).
Limitation du jeu des clauses d’échelle mobile
Ouverture du droit de révision judiciaire
La révision conventionnelle pourrait conduire à déterminer un loyer hors de proportion avec la valeur locative des lieux. Pour y remédier, le législateur a prévu un frein à l’évolution des loyers, en ouvrant le droit à l’une ou l’autre des parties de demander une révision judiciaire du loyer, lorsque le loyer a évolué de plus de 25 % du fait de la clause d’indexation.
Ainsi, si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision judiciaire pourra être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouvera augmenté ou diminué de plus de 1/4 par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire (c. com. art. L. 145-39).
La révision judiciaire conduira à adapter le loyer à la valeur locative.
Cette demande d’adaptation est recevable à toute époque ; elle est d’ordre public : aucune clause ne peut écarter son application (c. com. art. L. 145-15). Toutefois, si aucune clause du bail ne peut faire échec à l'article L. 145-39 du code de commerce, le locataire peut renoncer à obtenir la révision, « après le constat d'une augmentation du loyer de plus d'un quart par le jeu de la clause d'échelle mobile » (cass. civ., 3e ch., 30 mars 2017, n° 16-13914).
Détermination de la variation
Le calcul de la variation du loyer de plus de 1/4 s'effectue par comparaison du nouveau loyer, résultant du jeu de la clause d'indexation, avec le loyer de base.
Ce loyer de base correspond au loyer initial fixé au bail ou, le cas échéant, au dernier prix fixé par l'accord des parties, hors indexation (cass. civ., 3e ch., 9 juillet 2014, n° 13-22562) ou encore au prix fixé lors de la dernière révision judiciaire.
Avenant modifiant le montant du loyer. La signature, en cours de bail, d’une convention portant acceptation d’un loyer annuel différent constitue une nouvelle fixation contractuelle du loyer de base (cass. civ., 3e ch., 16 décembre 1992, n° 91-12016).
Un bail comporte une indexation annuelle du loyer sur l’indice du coût de la construction. Par ailleurs, à la suite d’une modification de la surface louée, un avenant est signé ; il mentionne un loyer de 8 141 144 € à compter du 1er janvier 2007. En réalité, dès cette époque, le locataire règle un loyer annuel de 9 252 712 €. Ce loyer augmente les 1er janvier 2008 et 2009 selon l’indice du coût de la construction. À cette dernière date, le locataire règle ainsi un loyer de 10 580 334 €. Courant 2009, le locataire sollicite la révision judiciaire du loyer. Il fait constater que le loyer qu’il règle (10 580 334 €) est supérieur de plus de 25 % à celui mentionné dans l’avenant (8 141 144 €). Les juges repoussent la demande du locataire. En effet, pour savoir si le loyer a augmenté de plus de 25 %, il faut prendre le loyer mentionné dans l’avenant (8 141 144 €) et lui appliquer les indexations des 1er janvier 2008 et 2009. On s’aperçoit alors que le loyer n’a augmenté que de 14,34 % (cass. civ., 3e ch., 15 décembre 2016, n° 15-27148).
Après renouvellement. Alors que le bail a été renouvelé sans modification du prix, se pose la question de savoir comment doit être recherchée la variation de plus de 1/4. Réponse de la Cour de cassation : la révision judiciaire ne peut être demandée que s'il existe une variation de plus du quart du loyer entre la date de renouvellement et la date de demande de révision (cass. civ., 3e ch., 15 décembre 2016, n° 15-23069).
Augmentation du loyer en contrepartie d’une autorisation. Lorsque le bailleur demande une augmentation de loyer en contrepartie d’une autorisation accordée au locataire de modifier les locaux, d’effectuer des travaux, etc., le nouveau loyer remettra le compteur à zéro pour le calcul de la variation de 25 %.
Loyer global. Le loyer à prendre en considération est le loyer global ; la révision ne peut être limitée, après ventilation du loyer, à une partie des locaux loués (cass. civ., 3e ch., 11 mai 1982, n° 80-15285).
Taxe foncière. Pour savoir si un loyer a augmenté de plus de 25 %, la taxe foncière ne doit pas être prise en compte (cass. civ., 3e ch., 3 mai 2012, n° 11-13448).
Procédure
La demande d’adaptation du loyer à la valeur locative par l’une ou l’autre des parties devra être notifiée par acte d’huissier ou lettre recommandée avec accusé de réception ; cette demande indiquera impérativement le loyer demandé ou offert.
À défaut d’accord amiable sur la valeur locative, une procédure s’engagera ; celle-ci se déroulera dans les mêmes conditions que la procédure de révision triennale ; le plus souvent, elle donnera lieu à une expertise (voir § 206).
Demande reconventionnelle. Face à une demande tendant à une minoration du loyer, le bailleur peut formuler une demande reconventionnelle de majoration (cass. com. 12 décembre 1961, BC III n° 475).
Précautions à respecter pour le locataire. La clause d’échelle mobile entraîne, dans la plupart des cas, une révision automatique du loyer permettant au bailleur de signifier au preneur un commandement de payer le loyer révisé (voir § 528).
Lorsque le locataire entend contester et demander la révision judiciaire du loyer, un certain temps lui sera nécessaire pour apprécier les conséquences de sa demande et notamment pour vérifier que le loyer révisé est ou non inférieur à la valeur locative. Pendant ce laps de temps, le loyer résultant de l’application de la clause d’échelle mobile est exigible jusqu’au jour de l’introduction de la demande du preneur.
Recherche de la valeur locative
Quel que soit l’indice de référence choisi par les parties, le juge saisi de la demande en révision aura pour mission « d’adapter le jeu de l’échelle mobile à la valeur locative au jour de la demande » (c. com. art. R. 145-22, al. 1).
Le juge se trouvera donc en présence de deux prix :
-d’une part, celui qui résulte du jeu normal de la clause indiciaire ;
-d’autre part, la valeur locative appréciée généralement après expertise.
Si les deux prix coïncident, le juge déboutera le demandeur.
Loyer plus élevé. Le loyer fixé selon la valeur locative peut être plus élevé que le loyer résultant de l’indexation (cass. civ., 3e ch., 6 janvier 1993, n° 91-13182).
Loyer inférieur au prix initial. Le loyer peut être fixé à un prix inférieur au loyer initial (cass. civ., 3e ch., 15 janvier 1992, n° 90-15876) ; en l’espèce, le loyer initialement fixé à 300 000 F (46 150 €) avait été porté à 505 294 F (77 737 €) par le jeu d’une clause d’échelle mobile ; les juges du fond ont fixé la valeur locative à 272 000 F (41 846 €), montant du nouveau loyer.
Variation de la clause d’échelle mobile supérieure à 25 %. Le bailleur peut demander l’adaptation du loyer à la valeur locative alors même que le jeu de l’échelle mobile entraîne une hausse supérieure à 25 % (cass. civ., 3e ch., 16 juin 1993, n° 91-20802).
Risques pour les parties. La révision du loyer entraîne un prix fixé à la valeur locative. Il en résulte que :
-le bailleur peut voir le loyer contractuel diminué ;
-le locataire qui a déjà subi une augmentation de plus de 25 % par le jeu de la clause d’échelle mobile peut être conduit à payer un loyer supérieur à cette hausse et égal à la valeur locative.
Étalement de l'augmentation de loyer
La loi 2014-626 du 18 juin 2014 a apporté un nouveau frein au jeu des clauses de révision automatique : la variation du loyer, qui découlera de la révision décidée par le juge en application de l’article L. 145-39 du code de commerce ne peut pas conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente (c. com. art. L. 145-39).
Il en résulte que la hausse du loyer sera échelonnée sur la durée du bail avec une limite de 10 % par an jusqu'à ce que la valeur locative soit atteinte. Cette nouveauté est applicable uniquement aux contrats de bail conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.
Option entre révision contractuelle et révision légale
L’article L. 145-39 du code de commerce, dont le régime vient d’être exposé (voir §§ 237 à 241), concerne la révision judiciaire des baux comportant une clause d’échelle mobile. Cet article commence par ces mots : « En outre, … ». La jurisprudence en a déduit que, en présence d’un bail comportant une clause d’échelle mobile, il était possible de demander aussi bien la révision prévue par l’article L. 145-39 du code de commerce, que celle prévue par l’article qui le précède, l’article L. 145-38 (cass. com. 7 novembre 1961, BC III n° 396). L’article L. 145-38 du code de commerce prévoit la révision triennale du loyer en fonction de l’indice du coût de la construction (et pour les baux conclus ou renouvelés depuis le 1er septembre 2014, en fonction de l’indice des loyers commerciaux ou de l’indice des loyers des activités tertiaires), sauf variation de plus de 10 % de la valeur locative (voir §§ 190 à 207).
Ainsi, le bailleur peut demander un loyer calculé à la valeur locative même si le bail a prévu une révision annuelle, dès lors qu’il peut démontrer une augmentation de plus de 10 % des facteurs locaux de commercialité. De même, si ces facteurs ont baissé de plus de 10 %, le locataire pourra plaider le retour à la valeur locative.
Clause interdisant toute contestation. Est nulle la clause selon laquelle le preneur s’engage d’une manière irrévocable, pour la durée du bail et pour celui qui lui fera suite, à ne jamais émettre aucune demande ou prétention tendant à voir modifier directement ou indirectement le jeu normal des clauses d’échelle mobile relatives à la détermination du loyer (cass. civ., 3e ch., 1er avril 1987, n° 85-18269).
Éléments de comparaison entre les deux formes de révision |
||
---|---|---|
Révision légale |
Indexation conventionnelle |
|
Indice |
Indice des loyers commerciaux ou indice des loyers des activités tertiaires (voir § 192). |
Au choix des parties, dans les limites des dispositions du code monétaire et financier (voir §§ 231 et 232). |
Périodicité |
3 ans et 24 heures (voir § 199). |
Selon les termes du contrat (voir § 234). |
Formalisme |
Lettre recommandée ou acte d’huissier précisant le montant du loyer demandé ou offert (voir § 198). |
Révision de plein droit en fonction des clauses du bail (voir § 233). En cas de demande d’une révision judiciaire, le demandeur (bailleur ou locataire) doit respecter le formalisme prévu pour les révisions légales (voir § 239). |
Révision à la hausse |
Oui, mais limitée à la variation de l’indice des loyers commerciaux ou de l'indice des loyers des activités tertiaires, sauf retour à la valeur locative lorsque les facteurs locaux de commercialité se sont modifiés, entraînant une hausse de plus de 10 % de la valeur locative (voir § 193). |
Oui, en fonction de la variation de l’indice choisi. Exigibilité immédiate du loyer révisé (voir § 235). Si la valeur locative est supérieure au montant de l’indexation, le bailleur peut demander en justice la fixation du loyer à la valeur locative dans la mesure où le loyer a varié de plus de 25 % par le jeu de l’indexation (voir § 237). |
Révision à la baisse |
Oui, si l’évolution de l’indice baisse (voir § 192). Oui, lorsque la valeur locative est inférieure au loyer en raison d’une modification de plus de 10 % des facteurs locaux de commercialité (voir § 195). |
Oui, si les indices baissent. En outre, lorsque la valeur locative est inférieure au loyer indexé, cette valeur locative peut, dans certaines conditions, être retenue dans le cadre d’une révision judiciaire (voir § 240). |
Clause-recette
Le loyer peut être fixé selon un pourcentage sur le chiffre d’affaires du locataire assorti ou non d’un loyer minimum garanti. Ce type de clause est généralement appelé « clause-recette ». On trouve cette clause dans les baux des centres commerciaux, ainsi que parfois dans ceux des meilleurs emplacements des centres-villes.
La clause-recette ne répond pas à la définition de la clause d’échelle mobile et n’est pas régie par l’article L. 145-39 du code de commerce (cass. civ., 3e ch., 17 juin 1987, n° 85-18735). La jurisprudence a toutefois évolué sur cette question, qui est étudiée plus loin dans le cadre des baux conclus dans les centres commerciaux (voir §§ 886 et 887).