Les événements en cours de bail
La vente de l’immeuble
Sort du bail
Opposabilité du bail à l’acquéreur
Acte notarié ou enregistré
Le bail est opposable à l’acquéreur de l’immeuble, à condition d’être authentique ou d’avoir une date certaine antérieure à la vente (c. civ. art. 1743).
La date certaine implique, en principe, que le bail sous signature privée soit enregistré.
Le défaut de date certaine du bail est une règle de preuve qui peut être combattue (voir § 332).
Acte sous signature privée visé dans un acte authentique. Le fait de relater dans un acte authentique de vente de fonds de commerce la conclusion le jour même, par acte sous signature privée, d’un bail des locaux pour une durée de 9 ans confère à ce contrat une date certaine au sens de l’article 1743 du code civil (cass. civ., 3e ch., 15 mars 2000, n° 98-14354).
Décès du bailleur. Dès lors qu'il est antérieur à la vente du local, le décès du bailleur confère date certaine au bail et aux avenants qu’il a signés, lesquels sont en conséquence opposables à l’acquéreur du bien (cass. civ., 3e ch., 9 mai 2019, n° 18-16051).
Connaissance du bail par l’acquéreur
En l’absence de date certaine, l’acquéreur de l’immeuble peut s’engager, dans l’acte de vente, à respecter le bail dont il déclare avoir connaissance. Ainsi, lorsque l’acquéreur a connaissance, avant la vente, de l’existence d’un bail, l’article 1743 ne peut s’appliquer (cass. civ., 3e ch., 12 mars 1969, n° 67-11470 ; cass. civ., 3e ch., 20 janvier 2009, n° 07-20216).
Cette connaissance du bail rend impossible, en cours de contrat, l’expulsion du locataire ; elle créera entre l’acquéreur et le locataire de nouveaux droits personnels.
Recherche des juges. Les juges du fond, avant de déclarer inopposable un bail verbal à l’acquéreur de l’immeuble, doivent rechercher si la connaissance que l’acquéreur a pu avoir de ce bail est ou non antérieure à la vente (cass. civ., 3e ch., 20 juillet 1989, n° 88-13413). Il en est de même lorsque l’immeuble a été acquis par adjudication (cass. civ., 3e ch., 29 septembre 1999, n° 97-22129).
Clause de subrogation. L'acquéreur ne devient titulaire des droits et obligations du vendeur qu'à partir de la vente. Toutefois, une clause de subrogation expresse peut prévoir qu'il sera en droit de réclamer au locataire l'exécution des obligations et la réparation des infractions au bail antérieures à la vente (cass. civ., 3e ch., 2 octobre 2002, n° 01-00696). Pour autant, cette clause ne décharge pas le vendeur de ses obligations, les clauses du contrat de vente n'étant pas opposables au locataire (cass. civ., 3e ch., 23 janvier 2020, n° 18-19589).
Paiement des loyers. Sauf clause de subrogation, le vendeur conserve le droit de percevoir les arriérés locatifs antérieurs à l’acte de vente et l’acquéreur ne peut poursuivre le locataire pour non-paiement (cass. civ., 3e ch., 24 avril 2007, n° 06-16286). En revanche, le vendeur ne peut pas réclamer au locataire les loyers échus après la vente (cass. civ., 3e ch., 10 février 2004, n° 02-20124).
Garantie du vendeur. Le fait que l’acquéreur ait eu connaissance de la présence de tiers sur les biens vendus qu’il pouvait considérer comme une simple tolérance non créatrice de droits n’a pas d’influence sur l’obligation de garantie du vendeur (cass. civ., 3e ch., 13 novembre 2003, n° 02-16285).
Immeuble indivis. L’article 815-3 du code civil impose que le bail portant sur un immeuble en indivision soit consenti par tous les coïndivisaires ou l’un d’eux titulaire d’un mandat spécial (voir § 23). Un bail consenti par un seul coïndivisaire a été déclaré inopposable à l’acquéreur de l’immeuble indivis bien que ce bail ait acquis date certaine par son enregistrement (cass. civ., 1re ch., 30 juin 2004, n° 99-15294).
Nullité du bail refusée à l’acquéreur. L’acquéreur d’un immeuble loué estime le loyer anormalement peu élevé. Se prévalant d’une clause de subrogation figurant dans l’acte de vente, il demande en justice la nullité du bail pour dol. Cette demande est rejetée. L’action en nullité relative pour dol est réservée à celui des contractants dont le consentement a été vicié. En dépit de la subrogation générale qu’il détient en vertu de l’acte de vente, l’acquéreur n’est pas en droit d’engager une action en nullité à raison du dol dont aurait été victime le vendeur (cass. civ., 3e ch., 18 octobre 2005, n° 04-16832).
Sous-location. L’acquéreur ne peut pas se prévaloir d’une irrégularité dans la sous-location si cette irrégularité a cessé avant la vente (cass. civ., 3e ch., 12 décembre 2007, n° 07-12839).
Travaux. La vente de l’immeuble ne dispense pas le précédent bailleur de son obligation d’effectuer les travaux qui se sont avérés nécessaires lorsqu’il était propriétaire et qui lui incombaient. Un locataire demandait la condamnation du vendeur et de l’acheteur à effectuer des travaux de reprise du plancher. Les juges ont condamné le vendeur à indemniser le locataire du trouble subi par la non-exécution des travaux qui lui incombaient, le trouble ne cessant que par l’exécution des travaux (cass. civ., 3e ch., 14 novembre 2007, n° 06-18430).
De même, le nouveau propriétaire est, depuis son acquisition, tenu envers le locataire de réaliser les travaux nécessaires à la délivrance conforme du bien loué (cass. civ., 3e ch., 21 février 2019, n° 18-11553).
En pratique, le locataire est donc en droit de s’adresser tant au vendeur qu'à l'acquéreur pour obtenir, sous astreinte si nécessaire, la réfection de son local.
Conventions entre le vendeur et le locataire
Les conventions conclues entre l’ancien propriétaire vendeur des biens et le locataire sont inopposables à l’acquéreur de l’immeuble. En effet, ces engagements sont attachés à la personne qui les a souscrits et ils ne peuvent lier l’acquéreur non partie à la convention, sauf si ce dernier déclare les reprendre ou si la convention à date certaine. Ces principes sont également applicables au locataire qui n’est pas tenu par les conventions conclues entre le vendeur et l’acquéreur.
Remise de loyers. Un locataire a été condamné à payer des loyers à l’acquéreur de l’immeuble alors que le propriétaire initial lui avait consenti une remise de loyer par des actes sans date certaine (cass. civ., 3e ch., 18 décembre 1991, n° 90-11323).
Trop-versé. La Cour de cassation a censuré les juges du fond qui avaient rejeté la demande faite par un locataire, auprès de l’acquéreur de l’immeuble, en restitution d’un trop-versé de loyer alors que l’acte de vente contenait une clause subrogeant l’acquéreur dans les droits du vendeur (cass. civ., 3e ch., 19 octobre 1993, n° 91-17665).
Autorisation de sous-louer. L’autorisation de sous-louer une partie du local loué donnée par le vendeur de l’immeuble n’est opposable à l’acquéreur que si cet accord avait date certaine ou était connu de lui avant la vente (cass. civ., 3e ch., 17 novembre 1998, n° 97-13494).
Redressement fiscal censuré. Un locataire effectue à ses frais des travaux d’aménagement relativement importants. Deux ans plus tard, le bailleur vend l’immeuble. L’administration fiscale effectue un redressement à l’encontre de l’acquéreur : elle estime que le prix des travaux aurait dû être intégré dans le prix de vente. En justice, cette décision est annulée : le coût des travaux ne pouvait être augmentatif du prix qu’à la condition qu’ils aient été assumés par l’acquéreur, ce qui n’était pas le cas. De plus, si la valeur de l’immeuble était augmentée du fait des travaux, elle était également diminuée par la présence d’un occupant commerçant (cass. com. 1er juin 2010, n° 09-15151).
Bail en cours de renouvellement
Le congé signifié par le précédent propriétaire profite à l’acquéreur après la vente de l’immeuble (cass. civ., 3e ch., 15 mars 1989, n° 87-20226) ; mais a été annulé un congé notifié à la requête d’un propriétaire qui avait revendu entre-temps les locaux (cass. civ. 26 novembre 1986, Gaz. Pal. 1987, 1, pan. 19).
Lorsque la vente du bien loué intervient après la délivrance d’un congé, avec refus de renouvellement et offre d’une indemnité d’éviction, le vendeur reste débiteur de cette indemnité, qui est une dette personnelle à celui-ci (CA Rennes 29 mai 1996, Loyers 1997, n° 75) ; l’acquéreur n’est donc pas tenu au paiement de cette indemnité (cass. civ., 3e ch., 27 octobre 1993, n° 91-18859) et la vente de l’immeuble ne décharge pas le vendeur de son obligation de payer l’indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 15 décembre 1999, nos 98-13029 et 98-15988), sauf clause particulière prévue dans l’acte de vente (cass. civ., 3e ch., 5 mars 2008, nos 06-19237 et 06-20223).
Promesse de prorogation ou de renouvellement. La promesse de prorogation ou de renouvellement du bail prise par l’ancien propriétaire n’est pas opposable à l’acquéreur (cass. civ., 3e ch., 4 février 1997, n° 95-11601). Mais la même promesse contenue dans un acte authentique est opposable à l’acquéreur (cass. civ., 3e ch., 23 mai 1995, n° 93-11103).
Congé du preneur au propriétaire
Lorsque le locataire entend se prévaloir de la faculté de donner congé pour le terme d’une période triennale (voir § 491), il doit s’assurer de l’identité du propriétaire des locaux. Ainsi, a été privé de tout effet, pour erreur sur l’identité du bailleur, le congé délivré entre les mains du gestionnaire de l’immeuble alors que le bailleur d’origine avait vendu les locaux à un tiers qui avait conservé le même gestionnaire que son prédécesseur (cass. civ., 3e ch., 4 juillet 2001, n° 99-21314). La Cour de cassation fait une stricte application des articles L. 145-4 et L. 145-9 du code de commerce qui ne prévoient pas la possibilité de donner congé en la personne du gérant du bailleur, à la différence des demandes de renouvellement (voir § 604).
Droit de préemption
Le locataire bénéficie d'un droit de préférence en cas de vente du local commercial qu'il occupe.
Ainsi, lorsque le propriétaire d'un local commercial (ou artisanal) envisage de le vendre, il doit en informer le locataire par lettre soit recommandée AR, soit remise en main propre contre récépissé. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire, qui dispose de 1 mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, de 2 mois pour réaliser la vente. Si le locataire recourt à un prêt, son acceptation est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à 4 mois (c. com. art. L. 145-46-1, al. 1).
Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, délivrer une nouvelle information au locataire, afin qu'il puisse se porter acquéreur selon les nouvelles conditions (c. com. art. L. 145-46-1, al. 3).
Le droit de préférence accordé au locataire est exclu en cas de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial. Il n'est pas non plus applicable à la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux ou à la cession d'un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint (c. com. art. L. 145-46-1, dern. al).
Vente d'un ensemble immobilier. Un propriétaire louait les murs d’un local à un restaurateur et un terrain attenant à un autre locataire. Suite à la mise en vente de l’ensemble, le restaurateur demande à exercer son droit de préemption sur le local. Sa demande est rejetée, les juges rappelant que le droit de préemption est exclu lorsque le propriétaire vend un ensemble immobilier, dont le local commercial ne représente qu’une partie (cass. civ., 3e ch., 17 mai 2018, n° 17-16113).
De même, ne bénéficie pas du droit de préemption le locataire d’un local au rez-de-chaussée d’un immeuble en copropriété lorsque le propriétaire vend ce local et un autre local commercial au rez-de-chaussée. Peu importe que le descriptif de division indique que ce second local est un logement, dès lors que le règlement de propriété le présente comme un local commercial (cass. civ., 3e ch., 15 novembre 2018, n° 17-26727).
La même solution s'applique lors de la vente d'un ensemble immobilier lorsque les combles et une partie du terrain ne sont pas compris dans le bail (cass. civ., 3e ch., 30 juin 2021, n° 20-11893).
Honoraires de l'agence immobilière. Un propriétaire notifie au locataire une offre de vente aux conditions acceptées par un candidat acquéreur, à savoir un prix de vente de 1,2 M€, augmenté des honoraires de l'agent immobilier de 144 000 €. Le locataire accepte l'offre, à l'exception des honoraires. La Cour de cassation valide cette position et précise que l’offre de vente notifiée par le bailleur au locataire ne doit pas inclure des honoraires de négociation (cass. civ. 3e ch., 28 juin 2018, n° 17-14605).
Dans une autre affaire, la Cour de cassation a précisé que l'offre faite au locataire ne devait pas mentionner des honoraires d'agence immobilière car de tels honoraires ne sont jamais dus par le locataire, la vente au locataire résultant de l'effet de la loi. Pour autant, l’offre n’est pas nulle si elle mentionne, d’une part, un prix de vente et, d’autre part, des honoraires d’agence dès lors qu'elle n’introduit pas de confusion dans l’esprit du locataire (cass. civ., 3e ch., 23 septembre 2021, n° 20-17799). L’important est que le locataire comprenne bien qu’il peut accepter le prix de vente proposé, hors frais d'agence
Nature commerciale du bail. Les sociétés qui exploitent des résidences étudiantes, hôtelières ou des EHPAD bénéficient-elles du droit de préemption ? Selon une réponse ministérielle, tout dépend de la nature, commerciale ou non, du contrat de bail. Le bail est commercial si le locataire ne se limite pas à sous-louer des logements mais met, en outre, à disposition des sous-locataires au moins trois des quatre prestations suivantes : le petit-déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception de la clientèle. Dès lors que le bail est commercial, le locataire bénéficie du droit de préemption (Rép. Le Grip n° 9737, JO 13 novembre 2018, AN quest. p. 10212).
Bailleur en liquidation judiciaire. L'exercice du droit de préemption du locataire est exclu lorsque la vente de l'immeuble est autorisée par le juge-commissaire au titre des opérations de liquidation judiciaire du bailleur (cass. com. 23 mars 2022, n° 20-19174).
Sanction. Le non-respect du droit de préemption du locataire conduit à la nullité de la vente. En revanche, le locataire ne peut pas exiger du propriétaire qu’il lui adresse une nouvelle offre de vente (cass. civ., 3e ch., 12 avril 2018, n° 17-11015).
Locataire devenu propriétaire de l’immeuble
La confusion de la qualité de locataire et de propriétaire de l’immeuble sur la même personne éteint le droit au bail (cass. civ., 3e ch., 15 juillet 1971, n° 70-11507).
Ainsi, le locataire qui achète l’immeuble objet du bail ou qui en hérite ne peut plus se prévaloir de ses droits de locataire. Il est d’ailleurs prévu l’extinction des obligations lorsque les qualités de créancier et de débiteur se réunissent dans la même personne (c. civ. art. 1349).
Copropriétaires indivis. Lorsque le locataire est devenu propriétaire indivis de l’immeuble qu’il occupe, la confusion entre la qualité de propriétaire et celle du locataire ne s’opère qu’à concurrence de ses droits indivis et ne peut lui faire perdre les droits que sa qualité de locataire commerçant lui donne à l’égard de ses coïndivisaires (cass. civ., 3e ch., 27 octobre 1971, n° 70-12448).
Maintien de la sous-location consentie. La disparition du bail principal par confusion des qualités de locataire et de propriétaire des murs n’entraîne pas la résiliation de la sous-location consentie par le locataire avant de devenir propriétaire (cass. civ., 3e ch., 2 octobre 2002, n° 00-16867).
Sort des garanties
Dépôt de garantie
Le dépôt de garantie est une dette personnelle à celui qui l’a reçu. C’est donc au bailleur d’origine et non à l’acquéreur de restituer le dépôt de garantie (cass. civ., 3e ch., 28 juin 2018, n° 17-18100).
Le preneur n’ayant pas été partie à l’acte de vente de l’immeuble loué, la clause relative à la transmission du dépôt de garantie au nouveau propriétaire ne lui est pas opposable (cass. civ., 3e ch., 18 janvier 1983, n° 81-15516).
Dépôt remis entre les mains d’un gestionnaire. Un propriétaire confie la gestion des locations à un mandataire qui perçoit les dépôts de garantie ; les biens sont vendus et le nouveau propriétaire qui conserve le même gestionnaire lui demande de lui remettre les sommes correspondant aux dépôts et ce, en application des termes du mandat d’origine. La demande est rejetée, le gestionnaire ayant perçu les fonds en vertu du mandat que lui avait donné le précédent propriétaire, lequel en demeurait comptable envers les locataires (cass. civ., 1re ch., 10 mars 1998, n° 96-15176).
Sort de la caution
Le cautionnement garantissant le paiement des loyers est, sauf stipulation contraire, transmis de plein droit au nouveau propriétaire (cass. ass. plén. 6 décembre 2004, n° 03-10713).
Une clause de l’acte de cautionnement peut prévoir que la garantie ne sera pas transmise à l’éventuel acquéreur de l’immeuble.