Aggrandir la taille du texteRéduire la taille du texte
Parution: avril 2022

L'arrivée du terme

Le déplafonnement du loyer

Les cas de déplafonnement du loyer

661

Le loyer du bail renouvelé peut être fixé à la valeur locative sans respecter la variation d'un indice dans les situations suivantes :

-le bail a une durée supérieure à 9 ans (voir §§ 663 et 664) ou s’est poursuivi tacitement au-delà de 12 ans en raison de l’inaction des parties (voir § 662) ;

-des modifications notables ont été apportées aux caractéristiques du local loué, à sa destination, aux obligations respectives des parties et aux facteurs locaux de commercialité (voir §§ 666 à 678) ;

-les baux portent sur des locaux à usage de bureaux (voir §§ 679 à 684), des locaux dits « monovalents » (voir §§ 685 à 693), des terrains (voir § 694).

Déplafonnements liés à la durée du bail ou à la nature du loyer

Bail dont la durée s’est poursuivie au-delà de 12 ans

662

Le loyer des baux conclus pour 9 ans dont, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée excède 12 ans n’est plus plafonné (c. com. art. L. 145-34, al. 3) ; il doit, dans cette hypothèse, être fixé à la valeur locative.

L’hypothèse envisagée est celle où les parties n’ont ni donné congé ni demandé le renouvellement, non seulement pour le terme du bail, mais aussi pendant les 3 ans qui ont suivi, de sorte que le bail a eu une durée effective supérieure à 12 ans.

  • Acte de révision de loyer signé après le terme du bail. Un bail a pris effet le 1er janvier 1977 ; en 1986, les parties signent un acte portant révision du loyer. Ce bail prend fin le 31 juillet 1989, date pour laquelle un congé a été donné par le bailleur. L’acte intervenu entre les parties ne constituant qu’un avenant de révision du loyer, le bail a eu une durée supérieure à 12 ans et le loyer doit être calculé en fonction de la valeur locative (cass. civ., 3e ch., 14 octobre 1992, n° 91-13313).

  • Congés successifs. Dans l’hypothèse où le bailleur a délivré un congé avec refus de renouvellement, puis a laissé le locataire dans les lieux pendant 3 années et, à l’issue de cette période, a délivré un nouveau congé offrant le renouvellement moyennant un loyer majoré, les règles du plafonnement ne peuvent s’appliquer ; en effet, le bail expiré a eu une durée effective supérieure à 12 ans (cass. civ., 3e ch., 18 mars 1998, n° 96-15013).

  • Demande de renouvellement par le locataire faisant échec aux 12 ans. Le preneur a intérêt à demander le renouvellement de son bail avant l’échéance des 12 ans ; il peut le faire même si le bailleur lui a donné congé (voir § 602).

    Le loyer d’un bail commercial qui s’est poursuivi par tacite reconduction après sa date d’expiration, pour lequel le bailleur a donné congé pour une date après le délai de 12 ans avec offre de renouvellement, doit être plafonné dès lors que le preneur a sollicité le renouvellement du contrat avant les 12 années écoulées (cass. civ., 3e ch., 21 décembre 1993, n° 91-20119 ; cass. civ., 3e ch., 1er octobre 1997, n° 95-21806).

  • Échange de correspondances. Lorsque le bailleur a proposé par lettre, quelques jours après l’expiration du bail initial, le renouvellement de celui-ci sans concrétiser cet accord et que le bail s’est poursuivi, les juges du fond ne peuvent pas autoriser le déplafonnement du loyer, au motif que la durée du bail à renouveler était supérieure à 12 ans, sans rechercher si la lettre ne contenait pas une offre de renouvellement du bail et si le locataire n’avait pas accepté cette offre (cass. civ., 3e ch., 10 octobre 2001, n° 00-10807).

  • Valeur locative inférieure au loyer plafonné. Lorsque le bail a eu une durée supérieure à 12 ans, le locataire peut demander la fixation du loyer à la valeur locative s’il estime que cette valeur sera inférieure au montant du loyer calculé selon la variation de l’indice du coût de la construction (cass. civ., 3e ch., 8 novembre 1995, n° 93-16642).

  • Demande de renouvellement irrégulière. Deux époux, propriétaires d’un local commercial, l’ont donné à bail à une société le 1er juillet 1988. L’époux décède ; sa veuve devient usufruitière et leur fils nu-propriétaire. Le bail est renouvelé à compter du 1er juillet 1997 par un acte auquel le fils intervient. Le 8 juin 2009, soit presque 12 ans plus tard, la société notifie une demande de renouvellement juste à la veuve. Celle-ci répond que cette demande, mal dirigée, est nulle. Le 8 septembre 2009, la mère et le fils délivrent un congé avec offre de renouvellement, moyennant un loyer majoré. Par ailleurs, ils saisissent la justice pour faire valider leur position. Les juges confirment qu’une demande de renouvellement est nulle lorsqu’elle n’est adressée qu’à l’usufruitier. Elle doit être adressée, aussi, au nu-propriétaire. Le bail s’étant prolongé au-delà de 12 ans du fait de cette irrégularité, il est fixé selon la valeur locative du local (cass. civ., 3e ch., 19 octobre 2017, n° 16-19843).

Baux conclus pour plus de 9 ans

663

Les dispositions de l’article L. 145-34 (instaurant le plafonnement du loyer renouvelé) ne sont pas applicables aux baux d’une durée supérieure à 9 ans (cass. civ., 3e ch., 20 mars 1991, n° 89-19493 ; voir aussi cass. civ., 3e ch., 7 juin 1989, n° 88-10858).

Un bail, consenti et accepté pour une durée de 9 ans et un trimestre, échappe donc aux règles du plafonnement du loyer renouvelé.

Bail prorogé. En présence d’un bail consenti pour une durée de 9 ans, qui a été conventionnellement prorogé pour une année supplémentaire, la durée contractuelle est de 10 ans et le loyer doit être déplafonné (cass. civ., 3e ch., 13 novembre 1997, n° 95-18017).

Bail renouvelé pour une durée supérieure à 9 ans

664

Lorsque le nouveau bail (c'est-à-dire le bail renouvelé) est fixé pour une durée supérieure à 9 ans, son loyer échappe au plafonnement (c. com. art. L. 145-34).

Bail assorti d’une « clause-recette »

665

Certains baux, essentiellement ceux relatifs à des locaux dans des centres commerciaux, prévoient un loyer variable fixé selon un pourcentage du chiffre d’affaires du locataire, assorti le cas échéant d’un loyer minimum garanti. La partie correspondant à ce minimum garanti peut être soumise au juge lors du renouvellement (sur cette question, voir § 887).

Déplafonnements liés à des modifications notables

Nature des modifications

666

La modification notable des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-11 du code de commerce (voir §§ 251 à 263) permettant de faire échec au plafonnement peut être invoquée tant par le locataire que par le bailleur ; ces éléments servent, selon l’article L. 145-33, de référence pour la détermination de la valeur locative.

Le locataire peut l’invoquer, par exemple si, en cours de bail :

-certains éléments sont devenus inutilisables ;

-une partie des lieux loués a été reprise par le propriétaire ;

-un concurrent est venu s’installer en face d’une boutique de détail, etc.

Dans ces différents cas, la preuve incombe alors au preneur.

Le plus souvent, c’est le bailleur qui tentera de rejeter la règle du plafonnement en soutenant que, depuis la conclusion du bail à renouveler, des éléments nouveaux, favorables au locataire, sont intervenus. C’est alors à lui qu’incombe la charge de la preuve des modifications qui se sont produites (cass. civ., 3e ch., 12 janvier 1977, Rev. loyers 1977, p. 226). Ainsi, il n’appartient pas au locataire de démontrer que les travaux de transformation d’une réserve en un bar et une salle de restaurant ont été réalisés antérieurement au bail expiré, objet de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 1er mars 2000, n° 98-18787) ; c’est le bailleur qui doit prouver que ces travaux, ayant entraîné une modification notable des lieux, ont été réalisés entre la prise d’effet du bail et celle du bail renouvelé afin de pouvoir déplafonner le loyer.

Liste des éléments retenus. Plusieurs éléments sont retenus pour déterminer la valeur locative du loyer renouvelé :

-les caractéristiques du local considéré (voir §§ 671 et 672) ;

-la destination des lieux (voir § 673) ;

-les améliorations importantes apportées aux lieux loués (voir §§ 674 à 676) ;

-les obligations respectives des parties (voir § 677) ;

-les facteurs locaux de commercialité (voir § 678).

Alors qu’ils sont retenus pour les révisions de loyer (voir § 263), les prix pratiqués dans le voisinage sont toutefois expressément exclus pour déterminer la valeur locative du loyer renouvelé (c. com. art. L. 145-34). Dès lors, l’évolution du marché des loyers pour des locaux similaires dans le quartier ou la rue ne pourra pas être prise en compte comme élément de modification notable pour faire échec à la règle du plafonnement (cass. civ., 3e ch., 29 avril 1986, Rev. loyers 1986, p. 265). La Cour de cassation a d'ailleurs précisé que la rédaction de l’article L. 145-33 n’autorisait pas le déplafonnement au seul constat d’une évolution notable, au cours du bail, des prix couramment pratiqués dans le voisinage (cass. civ., 3e ch., 19 mars 2003, n° 02-10537),

Pouvoir souverain des juges du fond

667

Les juges du fond ont un pouvoir souverain pour apprécier l’existence d’une modification notable (cass. civ., 3e ch., 3 mars 1981, n° 79-15760 ; cass. civ., 3e ch., 3 juin 1992, n° 90-18048 ; cass. civ., 3e ch., 2 décembre 1998, n° 97-12138).

Il importe de remarquer que l’article L. 145-34 du code de commerce utilise l’expression « modification notable », mais ne précise pas le pourcentage de plus-values ou de moins-values de la valeur locative que cette modification doit entraîner.

Le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ne permet pas de dégager des principes généraux fiables par rapport aux critères retenus. En conséquence, la jurisprudence citée (voir §§ 671 et 673) ne peut que refléter de grandes tendances ; chaque décision est un cas d’espèce, ce qui explique le caractère apparemment contradictoire de certaines solutions.

Les éléments concernés

Éléments énumérés par le code de commerce

668

Le rejet du plafonnement résulte ici non seulement de la variation des facteurs locaux de commercialité, mais encore de celle des divers éléments énumérés par les articles R. 145-3 à R. 145-11 du code de commerce.

Il n’est pas nécessaire que les éléments mentionnés par ces articles soient tous modifiés ; il suffit que l’un d’eux ait subi un changement notable pour que le déplafonnement soit admis (cass. civ., 3e ch., 19 avril 1977, D. 1977, 343 ; cass. civ., 3e ch., 13 février 1979, Sem. jur. 1979, 134). Deux éléments joints (augmentation de surface, modification des obligations respectives des parties) constituent une modification justifiant le déplafonnement du loyer (cass. civ., 3e ch., 2 décembre 1998, n° 97-12138).

À la différence de la fixation du loyer révisé, il n’y a pas lieu, pour les renouvellements, de prouver une variation de 10 % des facteurs de commercialité (voir § 193).

  • Infraction au bail. Ne caractérise pas une modification notable permettant le déplafonnement du loyer le fait que les locataires aient commis une infraction au bail en exerçant une activité non autorisée (cass. civ., 3e ch., 8 janvier 1997, n° 95-11482).

  • Sous-location non autorisée. A été censurée une décision précisant que le bailleur est en droit de se prévaloir de la sous-location non autorisée intervenue au cours du bail expiré pour déplafonner le loyer, celle-ci ne constituant pas une modification notable (cass. civ., 3e ch., 24 novembre 1999, n° 98-12574).

  • Révision du loyer. La révision judiciaire du loyer intervenue en cours de bail en application des dispositions légales, dans des conditions étrangères au bail, ne caractérise pas une modification justifiant le déplafonnement du loyer (cass. civ., 3e ch., 11 avril 2019, n° 18-14252).

Date d’appréciation des modifications

669

La modification notable ne peut concerner que le cours du bail à renouveler jusqu’à la date d’effet du nouveau bail (cass. civ., 3e ch., 14 octobre 1992, n° 91-10217 ; cass. civ., 3e ch., 8 janvier 1997, n° 95-12685).

Il est donc nécessaire et suffisant que la modification notable soit intervenue entre la prise d’effet de l’ancien bail et celle du nouveau bail et donc, au plus tard au moment de la prise d’effet du nouveau bail (cass. civ., 3e ch., 21 décembre 1976, n° 74-13189).

  • Améliorations : date différente. Il existe une sorte de dérogation à cette règle : c’est celle relative aux améliorations réalisées par le preneur qui, par le jeu de l’accession, sont acquises au bailleur lors du premier renouvellement et dont le bailleur peut se prévaloir pour déplafonner le loyer au deuxième renouvellement (voir § 675).

    Lorsque ces améliorations ont été financées, directement ou indirectement, par le bailleur, le déplafonnement interviendra à l’occasion du renouvellement du bail au cours duquel les améliorations ont été réalisées et non lors du deuxième renouvellement ; il en sera de même pour les travaux d’amélioration ayant entraîné une modification des caractéristiques propres au local (voir § 674).

  • Repentir. Les modifications intervenues depuis la date d’effet du bail expiré jusqu’au moment où le bailleur exerce son droit de repentir entraînant la prise d’effet d’un nouveau bail sont de nature à justifier le déplafonnement du loyer (voir § 640).

  • Modification envisagée à la signature du bail. Lorsque la possibilité de modifier la destination contractuelle et le montant du loyer a été prévue dès la signature du bail d’origine, le bailleur ne peut pas se prévaloir d’un changement de destination pour réclamer le déplafonnement (cass. civ., 3e ch., 7 juillet 2007, n° 03-12027).

Modifications ayant déjà donné lieu à un versement au profit du bailleur

670

Ces contreparties financières, versées par le locataire en contrepartie d’une autorisation de modification, n’empêchent pas le déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail.

Lorsque le locataire obtient, contre compensation financière, une autorisation ou une dérogation au bail, il négociera avec le bailleur un engagement selon lequel le loyer renouvelé ne sera pas déplafonné ou calculé selon certains critères (voir § 642).

Pour sa part, le bailleur qui entend déplafonner le loyer en dépit des versements déjà effectués devra le faire lors du renouvellement du bail au cours duquel la modification est intervenue, sauf s’il s’agit de travaux d’amélioration qui lui sont acquis par voie d’accession. Dans tous les cas, la modification devra être notable pour justifier un déplafonnement, le fait d’avoir versé une contrepartie financière ne suffisant pas à démontrer le caractère notable.

  • Déspécialisation. Le déplafonnement a été admis en cas de changement d’activité contre versement d’un pas-de-porte (cass. civ., 3e ch., 17 juin 1980, Rev. loyers 1980, 449 ; cass. civ., 3e ch., 12 décembre 1990, n° 88-18938) ou contre l’augmentation du loyer (cass. civ. 16 décembre 1997, n° 96-12915).

  • Cession du bail. Une cession contre versement d’une indemnité n’est pas un obstacle au déplafonnement (cass. civ., 3e ch., 24 février 1988, Loyers 1988, n° 177) (voir § 673).

  • Révision du loyer. Le déplafonnement du loyer pourra intervenir, même si la modification a été prise en compte lors d’une révision du loyer (cass. civ., 3e ch., 11 décembre 1979, Gaz. Pal. 1980, 122, arrêt autorisant le déplafonnement suite à la réunion de deux baux ; cass. civ., 3e ch., 24 février 1988, Loyers 1988, n° 177).

  • Loyer déjà augmenté lors du précédent renouvellement suite à des améliorations. La Cour de cassation a censuré des juges du fond rejetant la demande du bailleur en fixation du loyer renouvelé à la valeur locative du fait de la réalisation d’amélioration lors du bail précédant celui du bail à renouveler, au motif que :

    -lors du renouvellement du premier bail, celui-ci était intervenu à un prix déjà déplafonné et que ce déplafonnement n’avait pu intervenir qu’en raison des améliorations dont le bailleur se prévalait encore lors du deuxième renouvellement (cass. civ., 3e ch., 4 mars 1998, n° 96-14943) ;

    -les améliorations ne pouvaient être prises en considération à l’occasion du deuxième renouvellement du bail dès lors que le loyer avait déjà été déplafonné lors du premier renouvellement (cass. civ., 3e ch., 31 octobre 2000, n° 99-12230).

Applications jurisprudentielles des modifications intervenues

Extension et modification des locaux

671

Lorsque, en cours de bail, des locaux sont adjoints à ceux initiaux ou que des modifications des caractéristiques du local sont intervenues, le bailleur peut demander le déplafonnement s’il démontre le caractère notable des modifications. Ces modifications sont prises en compte pour déplafonner le loyer du bail venant directement en renouvellement de celui au cours duquel celles-ci ont été réalisées. Toutefois, lorsque les travaux réalisés par le preneur emportent à la fois modification des caractéristiques propres du local et une amélioration de celui-ci, la jurisprudence tend à privilégier le second élément pour autoriser le déplafonnement du loyer à l’occasion du deuxième renouvellement suivant leur exécution et non au moment du premier renouvellement (cass. civ., 3e ch., 21 mars 2001, n° 99-16640) (sur l'amélioration des locaux, voir §§ 674 et 675).

La modification notable des locaux justifie, à elle seule, le déplafonnement du loyer du bail renouvelé. Il n'est pas nécessaire qu'elle ait eu une incidence favorable sur l'activité exercée par le locataire (cass. civ., 3e ch., 9 septembre 2021, n° 19-19285).

  • Atelier d’expédition. La mise à disposition, par le bailleur, d’une surface supplémentaire de 44 m2 utilisée par le loueur comme atelier d’expédition peut justifier un déplafonnement (CA Paris 6 octobre 1992, Loyers 1993, n° 105).

  • Bureau. L’adjonction d’un bureau est une modification notable, source de déplafonnement (cass. civ., 3e ch., 2 décembre 1980, Gaz. Pal. 1981, 122) ; il en est de même de la transformation d’une salle à manger en bureau et de l’intégration d’une arrière-boutique à la surface de vente ouverte au public (CA Versailles 11 mai 1999, D. Affaires 1999, 1148).

  • Caves. Leur adjonction peut justifier à elle seule le déplafonnement (CA Paris 6 juin 1991, Loyers 1991, n° 387 ; CA Paris 7 janvier 1992, Loyers 1992, n° 176 ; l’augmentation de la surface pondérée était, en l’espèce, de 0,65 m2). De même, les règles du plafonnement ont été écartées au profit d’un bailleur qui avait consenti en cours de bail à l’adjonction de deux caves au moyen d’un bail distinct (cass. civ., 3e ch., 2 décembre 1992, n° 90-19669 ; voir ci-après pour un refus) ; la même solution a été retenue pour l’aménagement d’un sous-sol (CA Paris 30 octobre 1998, RD imm. 1999, 160).

  • Courette. L’adjonction d’une courette a été admise comme motif de déplafonnement (cass. civ., 3e ch., 21 octobre 1980, Gaz. Pal. 1981, 33).

  • Pièces supplémentaires. L’adjonction de deux pièces supplémentaires moyennant une augmentation de loyer a également permis de déplafonner le loyer renouvelé (cass. civ., 3e ch., 14 mai 1997, n° 95-15444).

  • Terrain. L’addition d’un terrain servant d’assiette à une maison de gardien, à un cellier et à un emplacement de stationnement est une modification source de déplafonnement (cass. civ., 3e ch., 23 mars 1988, n° 86-18067).

  • Création de locaux d’habitation. A permis le déplafonnement du loyer la constatation de la création de locaux d’habitation dans des combles loués (cass. civ., 3e ch., 4 novembre 1998, RD imm. 1999, 160).

  • En revanche, n’ont pu justifier un déplafonnement :

    -la modification qualifiée de mineure consistant, pour une location portant sur l’ensemble d’un immeuble de cinq étages, à installer des sanitaires en sous-sol et à créer un escalier (cass. civ., 3e ch., 24 juin 1992, n° 90-22105) ;

    -l’adjonction d’une cave en sous-sol et d’une pièce d’habitation au premier étage, qui ne constitue pas une modification notable dès lors que les locaux commerciaux destinés à la réception de la clientèle n’ont pas, quant à eux, été modifiés (cass. civ., 3e ch., 25 avril 1990, n° 88-17324) ;

    -la concession de la jouissance de la loge et de la cuisine attenante à la société locataire donnée par l’assemblée des copropriétaires, l’assiette du bail n’ayant pas été modifiée (cass. civ., 3e ch., 27 novembre 2002, n° 01-10058).

Réduction de surface

672

La réduction de surface peut s’analyser en une restriction des droits de jouissance du locataire et certaines décisions refusent le déplafonnement invoqué par le bailleur.

  • Loyer plafonné. Une réduction des surfaces louées est sans incidence sur le loyer renouvelé qui doit être plafonné (cass. civ., 3e ch., 16 juillet 1986, Gaz. Pal. 1987, 17 ; CA Paris 24 mai 1991, Loyers 1991, n° 388 ; CA Paris 26 mai 1994, Loyers 1994, n° 344). Une réduction de faible importance de la surface totale pondérée relative à des locaux non affectés à l’exploitation commerciale et une diminution corrélative du montant du loyer de même ordre ne peuvent justifier le déplafonnement du loyer renouvelé (cass. civ., 3e ch., 5 mai 2004, n° 03-10477).

  • Retour à la valeur locative. En présence d’une réduction de surface, certaines décisions ont considéré que cet élément était de nature à justifier le déplafonnement du loyer (cass. civ., 3e ch., 20 juin 1989, n° 88-10723 ; CA Paris 22 octobre 1992, Loyers 1993, n° 186).

Changement d’activité commerciale

673

Un changement de destination peut, le cas échéant, suffire à constituer une modification notable des éléments d’appréciation de la valeur locative de nature à exclure la règle du plafonnement (cass. civ., 3e ch., 3 mars 1981, n° 79-15760 ; cass. com. 4 novembre 1998, n° 96-22251).

Toutefois, le développement du commerce dans le respect de la destination des lieux prévue au bail ne constitue pas une modification de la valeur locative (cass. civ., 3e ch., 12 octobre 1988, n° 87-13958 ; cass. civ., 3e ch., 25 juin 1997, n° 95-19073).

Il appartient aux juges du fond d’apprécier si le changement intervenu constitue ou non une modification notable permettant un déplafonnement du loyer.

  • Autorisation de changement de commerce. L’autorisation de changement de commerce, donnée postérieurement à la prise d’effet du bail à renouveler, est de nature à exclure les règles du plafonnement (cass. civ., 3e ch., 15 mai 1979, Gaz. Pal. 1979, 391).

  • Cessionnaire exerçant un commerce différent. La règle du plafonnement ne peut s’appliquer lorsque l’acquéreur du droit au bail exerce une activité différente de celle autorisée au bail (cass. civ., 3e ch., 10 janvier 1996, n° 94-12787). En revanche, le bailleur n’a pu se prévaloir d’un changement de destination pour obtenir la fixation du loyer renouvelé à la valeur locative à l’encontre d’un cessionnaire dont le bail d’origine permettait un changement très large de destination et en prévoyant une augmentation du loyer (cass. civ., 3e ch., 7 juillet 2004, n° 03-12027).

    Le fait qu’à l’occasion d’une cession de droit au bail, une indemnité ait été donnée en contrepartie d’une autorisation de changer la destination des lieux ne fait pas obstacle à la recherche par les juges du fond si cette modification peut justifier le déplafonnement (cass. civ., 3e ch., 24 février 1988, Gaz. Pal. 1988, 798 ; cass. civ., 3e ch., 12 décembre 1990, n° 88-18938).

  • Activités prévues au bail. Selon l’article R. 145-5 du code de commerce, la destination des lieux est celle effectivement autorisée par le bail ou ses avenants ou, dans les cas de déspécialisation, par le tribunal.

    Ainsi, lorsque le bail prévoit une activité directement ou indirectement liée au commerce de la miroiterie et de la vitrerie et que, quelques mois avant le terme du bail, le locataire étend son objet social à la vente de volets roulants, stores, portes de garage et serrurerie, le déplafonnement du bail est justifié. Peu importe qu’aucune vente de volets roulants, stores, portes de garage n'ait été constatée (cass. civ., 3e ch., 4 janvier 2012, n° 10-23532).

    De même, un commerce de bar-tabac, qui avait obtenu, en cours de bail, l’autorisation du bailleur de vendre « tous produits de téléphonie », a vu son loyer déplafonné lors du renouvellement. L’argument du locataire, selon lequel il est d’usage que les débits de tabac vendent des cartes de téléphone, a été jugé insuffisant eu égard à l’expression très large « tous produits de téléphonie » (cass. civ., 3e ch., 14 novembre 2012, n° 11-25017).

  • Modifications irrégulières. Une modification notable de la destination des lieux – certes ni contractuelle ni judiciaire – mais invoquée par le bailleur justifie le déplafonnement du loyer (CA Paris 1er décembre 1994, Loyers 1994, n° 73 ; CA Paris 1er décembre 1994, Loyers 1995, n° 121 ; cass. civ., 3e ch., 18 juillet 2000, n° 98-21862). Il en est de même lorsque le locataire n’est pas en mesure de démontrer que le bailleur a eu connaissance du changement non autorisé (cass. civ., 3e ch., 26 novembre 1997, n° 96-10226).

  • Boulangerie. La vente de vins fins, confitures pour un commerce de boulangerie-pâtisserie-confiserie peut permettre le déplafonnement du loyer (CA Paris 20 novembre 1980 D. 1981, 248) ; de même, a été déplafonné le loyer d’une boulangerie autorisée à exercer une activité complémentaire de pâtisserie-confiserie avec fixation d’un nouveau loyer (cass. civ., 3e ch., 16 décembre 1997, Gaz. Pal. 1998, 621) ; par contre, a été écartée la demande de déplafonnement du bailleur pour la vente de quelques boissons non alcoolisées dans une boulangerie-pâtisserie (CA Versailles 16 février 1995, Sem. jur. 1995, 2324).

    Dans une autre affaire, l’arrière-boutique d’une boulangerie à usage d’habitation avait été transformée afin de permettre une consommation sur place. Or, l’activité de dégustation sur place n’était pas prévue dans le bail initial. Le déplafonnement du prix du bail renouvelé était donc justifié (cass. civ., 3e ch., 5 février 2013, n° 11-28829).

  • Bonneterie. Le commerce de tricot, bas et lingerie est distinct de celui de bonneterie et maillots de bains, et la vente de ces derniers articles justifie un déplafonnement (cass. civ. 6 octobre 1981, Gaz. Pal. 1982, 63).

  • Café-restaurant. L’extension d’une épicerie-buvette en café-restaurant-brasserie entraîne le déplafonnement (cass. civ., 3e ch., 13 février 1979 D. 1979, 297) ; l’adjonction du commerce de brasserie à celui de café et tabac également (cass. civ., 3e ch., 26 novembre 1997, n° 96-11191).

  • Coiffure. L’extension de l’activité de coiffure-parfumerie pour un salon de soins esthétiques est une cause de déplafonnement (CA Paris 24 janvier 1992, Gaz. Pal. 1992, 199).

  • Commerce de gros. L’extension d’un commerce de gros à un commerce de détail entraîne le déplafonnement (CA Paris 7 janvier 1992, Loyers 1992, n° 176 ; l’extension d’une cave avait également été admise).

  • Électroménager. La transformation d’un commerce de lingerie-bonneterie en commerce d’électroménager a entraîné un accroissement de l’activité commerciale constituant une modification notable des éléments de la valeur locative (cass. civ., 3e ch., 3 juin 1992, n° 90-18043).

  • Restaurant. Les travaux nécessaires pour permettre l’exploitation d’un restaurant dans un local de boucherie sont des travaux de mise en conformité des lieux à leur destination et ne constituent pas des améliorations permettant un déplafonnement (cass. civ., 3e ch., 30 juin 1999, n° 97-19002).

  • Pharmacie. L’activité prévue au bail est le « commerce de pharmacie y compris la vente et la préparation de toutes spécialités pharmaceutiques, à l’exclusion de tout autre commerce ». Le bailleur tente d’obtenir le déplafonnement du loyer au motif que le locataire a ajouté une activité de parapharmacie. Il est débouté : la vente de produits parapharmaceutiques n’a pas modifié la destination contractuelle des lieux (cass. civ., 3e ch., 21 mars 2007, n° 06-12322).

Améliorations importantes apportées aux lieux loués

Travaux effectués par le bailleur

674

Les travaux d’amélioration ou de rénovation réalisés par le bailleur, ou qui en a assumé la charge, peuvent entraîner un déplafonnement du loyer dans la mesure où ils excèdent ceux mis à la charge du bailleur et qu’ils sont d’une certaine importance, entraînant une modification notable. Ces travaux doivent avoir une incidence favorable sur l’activité exercée par le preneur (cass. civ., 3e ch., 9 juillet 2008, n° 07-16605) (sur cette question, voir § 133).

Travaux effectués par le locataire

675

Les travaux d’amélioration aux lieux loués réalisés et financés par le locataire et n’entraînant pas une modification des surfaces de vente deviennent la propriété du bailleur par l'effet de l'accession lors du premier renouvellement qui suit la réalisation des travaux. En revanche, ils ne se valorisent qu'à l'occasion du deuxième renouvellement suivant l'exécution des travaux et pourront alors, en l'absence d'une clause d'accession, entraîner le déplafonnement du loyer (cass. civ., 3e ch., 14 mars 2019, n° 18-13221).

Toutefois, lorsqu'une clause d’accession reporte les effets de celle-ci en fin de jouissance du preneur, aucun déplafonnement ne peut intervenir (cass. civ., 3e ch., 21 mars 2001, n° 99-16640). De la même manière, la clause d'accession qui prévoit aussi la possibilité pour le bailleur d'opter pour le rétablissement des lieux en l'état à la fin du bail le prive du déplafonnement du loyer (cass. civ., 3e ch., 17 septembre 2020, n° 19-21713) (sur la clause d'accession, voir §§ 134 et 135).

Loyer modifié

676

La modification conventionnelle du loyer, dans des conditions étrangères tant à la loi qu’au bail initial, peut s’analyser en une modification notable des obligations des parties justifiant, à elle seule, le déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail commercial (cass. civ., 3e ch., 4 avril 2001, n° 99-18899 ; cass. civ., 3e ch., 24 mars 2004, n° 02-16933).

La raison pour laquelle le loyer était minoré doit tenir à un élément particulier ou à des circonstances de fait dont la disparition justifie un retour à la valeur locative.

  • Rapports privilégiés. Lorsque le loyer a été fixé à un prix bas en raison des rapports privilégiés entre le bailleur et ses successeurs, rapports qui n’existent plus au moment du renouvellement, il peut être déplafonné (cass. civ., 3e ch., 5 mars 1986, Gaz. Pal. 1986, 132).

  • Raisons familiales. Lorsque le loyer d’origine a été fixé à une somme manifestement basse eu égard à des raisons de famille et qu’une mésentente s’est instaurée entre les parties par la suite, le loyer peut être déplafonné (cass. civ., 3e ch., 10 juillet 1978, n° 77-11074).

  • Associé de la société locataire. Lorsque le caractère anormalement bas du loyer du bail expiré était dû au fait que le propriétaire était, au moment de la conclusion du bail, associé de la société locataire, le loyer peut être déplafonné (CA Paris 4 février 1992, Loyers 1992, n° 437).

  • Situation économique du preneur. Est un motif de déplafonnement l’amélioration de la situation économique de la société locataire, en raison de laquelle le loyer initial avait été fixé à un niveau anormalement bas (cass. civ., 3e ch., 12 février 1992, Gaz. Pal. 1992, 370).

  • Contexte économique général. Lorsque les parties se sont accordées pour réduire le loyer initial afin de tenir compte du contexte économique général, cette modification conventionnelle du loyer intervenue au cours du bail expiré, dans des conditions étrangères à la loi et au bail initial, s’analyse en une modification des obligations respectives des parties de nature à exclure à elle seule la règle du plafonnement. En cours de bail, les parties s’étaient accordées pour réduire le loyer afin de « tenir compte du contexte économique général ». Il s’agit là d’une modification des obligations respectives des parties qui justifie, à elle seule, le déplafonnement (cass. civ., 3e ch., 24 mars 2004, n° 02-16933).

  • Inexpérience ou motifs propres au bailleur. Par contre, le loyer n’a pas été déplafonné en raison :

    -de l’inexpérience de la bailleresse ayant fixé le loyer à un prix inférieur à la valeur locative. Ce facteur ne peut être retenu (cass. civ., 3e ch., 19 février 1980, Gaz. Pal. 1980, 318) ;

    -des maladresses procédurales du bailleur laissant, à deux reprises, se prescrire les actions en révision du loyer. Elles sont sans incidence (cass. civ., 3e ch., 4 novembre 1987, n° 86-13478) ;

    -du fait que, pour vendre le fonds de commerce lui appartenant également, le bailleur avait consenti une minoration de loyer (cass. civ., 3e ch., 2 octobre 1985, Loyers 1986, n° 32).

  • Renouvellement aux mêmes conditions. Le loyer, fixé à un montant anormalement bas du fait que les grosses réparations étaient à la charge du preneur, ne peut bénéficier du principe du déplafonnement lorsque le bailleur a offert le renouvellement aux conditions anciennes, hormis le montant du loyer (cass. civ., 3e ch., 3 avril 1996, n° 94-13564) ; la raison justifiant un loyer d’origine faible, à savoir les gros travaux supportés par le preneur, n’avait pas disparu dans la mesure où le bailleur n’avait pas proposé de modifier la clause de travaux.

Modifications des obligations du locataire

677

Les modifications notables des obligations du locataire (ou du bailleur) et de l’économie du contrat intervenues en cours de bail peuvent permettre un déplafonnement du loyer renouvelé. La modification consistera, le plus souvent, en un avantage accordé au preneur produisant des effets notables et n’ayant pas un caractère ponctuel.

Le versement de contrepartie financière en échange d’autorisation ou de dérogation n’est pas un obstacle au déplafonnement du loyer renouvelé (voir § 670).

Dans une décision du 29 juin 2017, le Tribunal de grande Instance [aujourd'hui Tribunal Judiciaire] a jugé que l'interdiction, depuis la loi 2014-626 du 18 juin 2014, dite « loi PINEL », de transférer certaines charges au locataire constitue bien une modification notable de l'économie du contrat. Toutefois, cette interdiction n'étant pas applicable aux baux arrivés à expiration postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, elle ne peut être une cause de déplafonnement du loyer renouvelé (TGI Paris, 29 juin 2017, n° 16/15417).

  • Location-gérance. Est une modification notable justifiant le déplafonnement du loyer l’autorisation de pouvoir mettre le fonds en location-gérance alors que le bail d’origine prévoyait l’occupation personnelle des locaux par le preneur (CA Paris 30 avril 1987, D. 1987, 139).

  • Remplacement de la chaudière par le bailleur aux lieu et place de la locataire. La société locataire ayant augmenté la surface des locaux et créé une nouvelle pièce à usage de réserve, le bailleur ayant remplacé à ses frais la chaudière dont la charge incombait au preneur, les juges du fond ont pu retenir que ces éléments joints constituaient une modification justifiant le déplafonnement (cass. civ., 3e ch., 2 décembre 1998, n° 97-12138).

  • Engagement de non-concurrence et droit de priorité. Dans une affaire où le bailleur avait autorisé un changement de destination contre le versement d’une indemnité, d’autres éléments ont été retenus dans le cadre du déplafonnement du loyer : engagement du bailleur à n’autoriser, dans d’autres locaux, aucune activité similaire à celle du preneur, priorité accordée au preneur en cas de vacance d’une autre boutique dans le même immeuble, domiciliation dans les lieux loués de sociétés du même groupe que le preneur (cass. civ., 3e ch., 12 décembre 1990, n° 88-18938).

  • Augmentation de l’impôt foncier. Il a été jugé que l’évolution de l’impôt foncier à la charge du propriétaire, résultant de la loi et des règlements, était un élément à prendre en considération pour la fixation du prix du bail renouvelé (cass. civ., 3e ch., 13 juillet 1999, n° 97-18623 ; cass. civ., 3e ch., 25 avril 2001, n° 99-19304) ; dans la première affaire, l’impôt avait triplé, dans la seconde il avait augmenté de 50 %. Cette jurisprudence a été reprise : l’évolution de l’impôt foncier à la charge du propriétaire est un élément à prendre en considération pour la fixation du prix d’un bail commercial renouvelé (cass. civ., 3e ch., 2 octobre 2002, n° 01-01185). Peu importe que la taxe professionnelle (en vigueur à l’époque) pesant sur le locataire ait, dans le même temps, également augmenté (cass. civ., 3e ch., 7 février 2007, n° 06-10317).

    En revanche, une augmentation de 3 % de l’impôt foncier n’est pas un motif de déplafonnement (CA Paris, 16e ch. B, 8 juin 2006, AJDI 2007, 36).

  • Menace d’expropriation. La disparition d’une menace d’expropriation qui permet désormais au locataire d’effectuer tous travaux susceptibles de favoriser son exploitation commerciale peut justifier un déplafonnement du loyer (cass. civ., 3e ch., 12 octobre 1977, Rev. loyers 1978, p. 44 ; CA Paris 21 décembre 1989, D. 1990, 22).

  • Clause d’échelle mobile annulée. L’annulation d’une clause d’indexation illicite, ne pouvant produire aucun effet, n’est pas une cause de déplafonnement (cass. civ., 3e ch., 21 novembre 1979, n° 78-11858).

  • Autorisation de cession. La dérogation accordée au preneur de céder son droit au bail seul, sans le fonds de commerce, a un caractère ponctuel et ne peut justifier le déplafonnement du loyer (CA Paris 15 octobre 1992, Loyers 1993, n° 25). Il en est de même de l’autorisation donnée au locataire de céder son bail à son successeur dans son commerce, cette autorisation étant légale (CA Paris 12 juillet 1978, Gaz. Pal. 1979, 50).

    En revanche, le déplafonnement a été admis en présence d’un bail « tous commerces » qui ne pouvait être cédé sans l’autorisation du bailleur qu’à un successeur dans le commerce du cédant (CA Paris 9 septembre 1994, Loyers 1994, n° 481).

  • Rectification d’erreurs. La rectification, dans le bail renouvelé, d’erreurs commises à l’origine dans la désignation des lieux loués ne peut justifier un déplafonnement (cass. civ., 3e ch., 29 octobre 1986, n° 85-13740).

  • M odification du loyer en cours de bail. Au moment du renouvellement d’un bail commercial, le propriétaire et le locataire concluent un accord pour fixer à 100 000 € le loyer annuel pendant 15 mois. Ce montant est nettement supérieur à celui qui résulterait de la simple application de l’indice légal. Le bailleur demande en justice que, passé ces 15 mois, le loyer du bail renouvelé soit fixé à la valeur locative. Le locataire s’y oppose, estimant que l’augmentation de loyer doit être plafonnée en fonction de l’évolution de l’indice légal (c. com. art. L. 145-34). Les juges saisis estiment que le déplafonnement accepté par le locataire pendant 15 mois constitue une modification notable des obligations des parties. Les juges fixent le loyer annuel à 120 000 €, ce montant correspondant à la valeur locative ; leur décision est validée par la Cour de cassation (cass. civ., 3e ch., 15 février 2018, n° 17-11867). En pratique, une modification significative du loyer en cours de bail justifie le déplafonnement, qu’il s’agisse d’une diminution de loyer (cass. civ., 3e ch., 24 mars 2004, n° 02-16933) ou d’une augmentation (cass. civ., 3e ch., 4 avril 2001, n° 99-18899).

Modification notable des facteurs de commercialité

678

Il existe une importante jurisprudence relative aux modifications notables des facteurs de commercialité qui sont en relation de causalité certaine et directe avec le commerce considéré (voir §§ 193 et 194).

Au titre des règles fondamentales en cette matière, rappelons que :

-les juges du fond n’ont pas à tenir compte de l’évolution du chiffre d’affaires du locataire pour retenir une modification notable justifiant le déplafonnement du loyer du bail renouvelé (cass. civ., 3e ch., 11 décembre 1996, n° 95-12169 ; cass. civ., 3e ch., 16 juillet 1998, n° 96-13772) ;

-si le bailleur invoque une évolution favorable de la commercialité alors que le chiffre d'affaires du locataire a baissé, il doit prouver que celui-ci est responsable de cette baisse (cass. civ., 3e ch., 14 septembre 2017, n° 16-19409) ;

-les dispositions de l’article R. 145-6 du code de commerce se réfèrent, non à la destination des lieux, mais à l’intérêt présenté pour le commerce considéré (cass. civ., 3e ch., 8 janvier 1997, n° 94-21483) ;

-les juges doivent, au besoin d’office, rechercher si ces modifications présentaient un intérêt pour le commerce considéré (cass. civ., 3e ch., 27 janvier 1999, n° 94-19002 ; cass. civ., 3e ch., 7 avril 2004, n° 02-17946). L’appréciation de l’évolution des facteurs locaux de commercialité doit ainsi se faire in concreto en fonction de l’intérêt que représente cette évolution pour le commerce considéré (cass. civ., 3e ch., 2 octobre 2007, n° 06-17780) ;

-une baisse de population, non contestée par les parties, constitue, s’agissant d’un commerce de proximité, une modification notable d’un facteur local de commercialité (cass. civ., 3e ch., 13 juillet 1999, n° 97-18295).

  • Modification des facteurs de commercialité admise par les juges. La hausse de la population active, le développement important du tourisme d’agrément et d’affaires, l’implantation dans le secteur de grandes enseignes, y compris du commerce de luxe, et l’ouverture d’un nouveau parc de stationnement présentent un intérêt pour le commerce de bijouterie-joaillerie dont l’éventail de produits offerts permet d’attirer une large clientèle et dont la notoriété dépasse la place de Lyon, constituant dès lors une modification notable des facteurs locaux de commercialité qui justifie la fixation du loyer à la valeur locative (cass. civ., 3e ch., 5 janvier 2010, n° 09-11313).

    Par ailleurs, l'autorisation administrative accordée à un restaurateur d'étendre sa terrasse contribue au développement de son activité commerciale. Cette situation est donc susceptible de modifier les facteurs locaux de commercialité et de justifier un déplafonnement du loyer (cass. civ., 3e ch., 13 octobre 2021, n° 20-12901).

  • Modification des facteurs de commercialité niée par les juges. Un bailleur invoque, envers son locataire opticien, trois motifs de déplafonnements :

    -la modification des facteurs locaux de commercialité en raison de la création de nouveaux logements et de la rénovation de logements anciens à proximité des lieux loués ;

    -la modification des caractéristiques des locaux en raison de l’augmentation de surface accordée au locataire ;

    -la réalisation de travaux d’amélioration dans la galerie marchande dans laquelle la boutique est située : mise en place d’une verrière, nouvel éclairage, rénovation des sols, rénovation des parkings.

    Aucun de ces motifs n’est retenu pour justifier le déplafonnement du loyer car (cass. civ., 3e ch., 26 mai 2009, n° 08-17435) :

    -le bailleur n’avait apporté aucune preuve de l’augmentation potentielle de clientèle ;

    -la très faible augmentation de surface n’avait pas modifié les caractéristiques essentielles des lieux ;

    -les travaux d’amélioration n’avaient pas été financés en totalité par le bailleur, lequel avait demandé au locataire une contribution forfaitaire au titre de ces travaux.

Locaux à usage exclusif de bureaux

Définition de bureau

679

Les locaux à usage exclusif de bureaux sont exclus des règles de plafonnement du loyer renouvelé ; celui-ci est calculé par référence aux prix de locaux équivalents.

Aux termes de l’article R. 145-11, alinéa 1er du code de commerce, « le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence ».

Les locaux à usage exclusif de bureaux sont soumis au statut des baux commerciaux mais leur loyer échappe aux règles du plafonnement (cass. civ., 3e ch., 18 juillet 1984, n° 83-11268). Ainsi, les dispositions relatives à la révision triennale légale des loyers leur sont applicables (cass. civ., 3e ch., 30 mai 2001, n° 99-18178).

La définition de la notion de bureau revêt donc une extrême importance.

Pour définir l’usage exclusif de bureaux, il convient de se référer à la position prise par la Cour de cassation : « le caractère d’usage exclusif de bureaux n’est pas incompatible avec le fait, par le preneur, d’y recevoir clients et fournisseurs, dès lors que ce local ne sert notamment ni au dépôt ni à la livraison de marchandises » (cass. civ., 3e ch., 25 février 1976, n° 75-10613 ; cass. civ., 3e ch., 6 avril 1976, n° 74-14615 ; cass. civ., 3e ch., 19 avril 1989, n° 87-18781 ; cass. civ., 3e ch., 7 avril 1994, n° 92-16280) ; il en est de même d’un contrat dont la clause de destination permet au locataire de vendre des objets, des produits et des articles publicitaires (CA Paris 25 mars 1998, Administrer août-septembre 1998, 401).

Affectation exclusive

680

Pour échapper aux règles du plafonnement, les locaux doivent non seulement avoir une destination commerciale de bureaux, mais être affectés pour un usage exclusif de bureaux.

Pour déterminer si cet usage est exclusif ou non, il convient de respecter la destination prévue par les parties à l’origine ou au moment du renouvellement (cass. civ., 3e ch., 1er avril 2009, n° 08-13130) ; peu importe, en principe, l’usage effectif qui en est fait (cass. civ., 3e ch., 14 juin 1995, n° 93-15018) ; au cas considéré, la clause prévoyait l’usage de bureaux pour l’exercice du commerce du locataire qui est une agence de photographies publicitaires et d’archives photothèques ; dès lors, les parties n’avaient pas entendu restreindre la destination contractuelle à l’exercice d’une activité exclusivement administrative et intellectuelle.

  • Clause de destination imprécise. En l’absence de stipulation précise du contrat, les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain « pour déterminer l’affectation que les parties avaient entendu donner aux lieux loués » (cass. civ., 3e ch., 31 janvier 1979, n° 77-14529 ; cass. civ., 3e ch., 21 octobre 1980, Gaz. Pal. 1981, 34).

  • Clause « tous commerces ». Lorsque le bail autorise l’exercice de tous commerces ou toutes activités et que les locaux sont affectés à usage de bureaux, plusieurs décisions ont considéré que les locaux n’étaient pas à usage exclusif de bureaux et ont refusé le déplafonnement sur ce fondement (cass. civ., 3e ch., 14 mars 1979, n° 77-11567 ; cass. civ., 3e ch., 25 mai 1992, Gaz. Pal. 1992, 653 ; cass. civ., 3e ch., 18 février 1998, n° 96-11955 ; CA Amiens 10 avril 2007, Loyers et copropr. 2007, 176 ; cass. civ., 3e ch., 18 février 1998, n° 96-11955).

    La clause du bail autorisant le preneur de locaux utilisés à usage de bureaux à sous-louer et à céder en tout ou partie son droit au bail à tout commerce de son choix à l’exclusion de quelques-uns (commerces insalubres, malodorants ou bruyants) rend inapplicable l’article 23-9 du décret (devenu l’article R. 145-11 du code de commerce), les locaux n’étant pas à usage exclusif de bureaux (cass. civ., 3e ch., 7 juillet 1993, n° 91-14821 ; cass. civ., 3e ch., 18 février 1998, n° 96-11955) ; à cet égard, le fait que cette clause ait ou non reçu application est indifférent (CA Versailles 11 juin 1998, Bull. inf. C. cass. 1999, n° 346).

    En revanche, une cour d’appel a pu admettre l’application de l’article 23-9 du décret (devenu article R. 145-11 du code de commerce) en présence d’une clause autorisant la cession du droit au bail à un successeur pour tous commerces dans la mesure où, depuis l’entrée du preneur initial dans les lieux, les locaux avaient été uniquement constitués de bureaux et que ces éléments de fait démontraient la commune intention des parties de conclure une location à usage de bureaux (cass. civ., 3e ch., 16 décembre 1992, Gaz. Pal. 1993, 572).

  • Siège social. L’usage exclusif a été retenu à propos d’un bail dont la destination était celle de bureaux commerciaux et administratifs nécessaires aux activités de la société locataire, et dont cette dernière avait fait son siège social tandis que les lieux d’exploitation étaient dans une autre ville (cass. civ., 3e ch., 24 mars 1999, n° 97-16123).

  • Immeuble loué entièrement. Le caractère exclusif a été refusé pour la location d’un immeuble entier pour un prix unique dont un seul étage est à usage de bureaux (cass. civ., 3e ch., 13 mai 1980, Gaz. Pal. 1980, 423).

  • Bailleur n’ayant pas réclamé le déplafonnement. Le fait, pour un bailleur, de n’avoir jamais réclamé le déplafonnement pour des locaux à usage de bureaux ne peut le priver définitivement du droit de s’en prévaloir (cass. civ., 3e ch., 5 janvier 1993, n° 91-15542).

  • Autorisation de logement. Ainsi, lorsque l’affectation prévue au bail est celle de bureaux, à l’exclusion de toute autre activité, cette affectation n’est pas remise en cause par l’autorisation donnée à un dirigeant de la société locataire de se loger sur place (cass. civ., 3e ch., 8 janvier 1980, n° 78-13060) (sur les locaux à usage mixte de bureaux et d’habitation, voir § 637).

  • Références pour fixer le loyer renouvelé. Les seuls éléments de comparaison véritablement significatifs doivent être recherchés dans des locaux de même nature (CA Paris 25 mars 1997, Loyers 1997, n° 233 ; arrêt rendu à propos d’une agence bancaire implantée dans une boutique).

  • Usage d’une boutique bureau. L’usage de bureau n’est pas affecté par la réception de clients ni par l’usage d’une boutique pour cet usage (cass. civ., 3e ch., 8 janvier 1997, n° 94-21384, arrêt rendu à propos d’une agence bancaire) (voir § 684).

  • Salle de réunion de l'hôtel adjacent. Un bail prévoyait que le local loué était à usage de « location de bureaux, de domiciliation d'entreprises et de salle de réunion de l’hôtel adjacent ». Le bailleur plaidait qu’il s’agissait d’un bail de bureau. Il demandait que le loyer renouvelé soit déplafonné et fixé à 85 000 €. Cependant, l’activité exercée dans le local n’était pas exclusivement intellectuelle, mais nécessitait la réception de public. En conséquence, le local n'était pas à usage exclusif de bureau et le loyer renouvelé a été fixé à 42 000 € (cass. civ., 3e ch., 7 décembre 2017, n° 16-14969).

Interprétation des clauses du bail

681

Les clauses du bail relatives à la destination sont essentielles dans la mesure où ce sont celles prévues au bail qui seront retenues pour le critère de l’usage exclusif de bureaux. Mais cet usage exclusif peut se trouver en contradiction avec d’autres stipulations du contrat. Ainsi, lorsque le bail est affecté à usage exclusif de bureaux, il y a lieu :

-d’exclure le terme « magasin » ou « boutique » dans la désignation des lieux ;

-de prévoir que les lieux seront garnis par du mobilier de bureau et non par du matériel et des marchandises en quantité et qualité suffisantes selon l’expression habituelle ;

-de condamner les phrases telles que :

-« le preneur pourra céder ou sous-louer, en tout ou en partie, son droit au bail pour tous commerces ou toutes activités de son choix »,

-« l’autorisation de cession ne pourra concerner qu’un usage exclusif de bureaux de manière à conserver la même affectation et, éventuellement, le même secteur d’activité ».

Activités pour lesquelles le caractère de bureaux a été reconnu

682

Dans le cadre du pouvoir d’appréciation des juges, nous indiquons sous forme d’illustrations les principaux cas où la jurisprudence a reconnu le caractère de bureaux.

  • Agence de voyages. Pour des locaux d’une agence de voyages et de tourisme, les prestations étant d’ordre intellectuel, l’établissement et la remise des billets à la clientèle n’impliquent pas de livraison ou manipulation de marchandises (cass. civ., 3e ch., 21 octobre 1980, Sem. jur. 1981, 9 ; CA Paris 21 septembre 1993, Loyers 1994, n° 116).

  • Agences immobilières. La qualification de bureau a été jugée compatible avec l’exercice d’activités de transactions immobilières et commerciales (cass. civ., 3e ch., 19 avril 1989, n° 87-18781). Par contre, des décisions de cour d’appel ont considéré que cette activité n’était pas, en elle-même, à usage exclusif de bureaux (CA Paris 20 avril 1989, D. 1990, 156).

  • Cabinet d’affaires. Pour un cabinet d’affaires, bien que le bail ait autorisé la domiciliation de sociétés dans les lieux et l’affectation d’une partie d’entre eux à l’habitation (cass. civ., 3e ch., 15 février 1977, n° 75-12006).

  • Société d’intérim. Pour une société d’intérim (CA Paris 31 octobre 1991, Loyers 1991, n° 475).

  • Activités d’assurances et de publicité. Ces activités relèvent des dispositions sur les locaux à usage exclusif de bureaux dès l’instant que ce type d’activité n’entraîne ni dépôt ni livraison de marchandises (CA Paris 4 juillet 2001, Loyers 2001, n° 289).

  • Édition. L’activité de publication d’ouvrages et de revues au sein d’une énumération d’activités toutes intellectuelles ou administratives s’entend de la conception d’ouvrages et de revues en vue de leur publication ; dès lors que le locataire ne justifiait pas d’une activité d’éditeur avec offre de vente de marchandises à la clientèle ainsi que de la gestion de stocks dans les lieux, le loyer du nouveau bail a pu être fixé sur le fondement de l’article 23-9 du décret du 30 septembre 1953 (devenu, depuis, l’article R. 145-11 du code de commerce ; cass. civ., 3e ch., 27 février 2002, n° 00-20380).

Activités pour lesquelles le caractère de bureaux n’a pas été reconnu

683

À l’inverse, et toujours dans le cadre de son pouvoir souverain, la jurisprudence a refusé la qualification de bureaux pour les activités citées ci-dessous.

  • Achats et ventes en gros et au détail. Des bureaux d’achats et de ventes en gros et au détail, bien que les ventes s’effectuent avec livraison immédiate sur place (cass. civ., 3e ch., 21 juin 1983, Sem. jur. 1983, 274).

  • Édition-Presse. N’ont pas la qualité de bureaux des locaux où le preneur exerçait le commerce d’édition, se livrait à la publication de revues techniques et vendait à la clientèle des registres et des imprimés (cass. civ., 3e ch., 12 octobre 1976, Sem. jur. 1976, 353) ; la situation est différente pour des bureaux d’édition (voir § 682).

  • Informatique. Des locaux dont le bail autorise les activités de conception et vente de logiciels informatiques, élaboration d’études techniques et scientifiques, et toutes opérations industrielles, commerciales et financières, pouvant se rattacher au bon exercice de ces activités (CA Paris 9 avril 1996, Loyers 1996, n° 310).

  • Auto-école. Le déplafonnement est inapplicable dans la mesure où l’activité de bureau se trouve limitée à sa plus simple expression (TGI Paris 29 avril 1997, Loyers 1997, n° 263).

  • Magasin. Divers locaux comprenant, notamment, un grand local dénommé magasin, librement accessible au public (cass. civ., 3e ch., 14 mars 1979, n° 77-11567).

  • Établissements d’enseignement. En raison de la mission d’un établissement d’enseignement privé, le loyer du bail renouvelé doit être fixé par application des règles du plafonnement (cass. civ. 17 juillet 1987, Rev. Loyers 1987, 485). Une autre décision a attribué le caractère de local monovalent à un immeuble aménagé pour un établissement d’enseignement (cass. civ., 3e ch., 28 juin 1989, n° 88-12246) (voir § 688).

  • Atelier de dessins publicitaires. N’est pas un local à usage exclusif de bureau l’atelier dans lequel le locataire réalise matériellement les prototypes d’emballages, les maquettes en volume réel ainsi que des coffrets de parfum à l’unité ou en petite série (CA Paris, 16e ch. A, 24 mai 2006, AJDI 2006, 824).

Agences bancaires

684

Le déplafonnement est généralement admis.

En ce qui concerne les locaux des agences de banque, la Cour de cassation a précisé que l’activité essentielle d’ordre comptable, administratif ou juridique de la banque n’était pas affectée par la réception de clients (cass. civ., 3e ch., 13 novembre 1986, n° 84-11778 ; cass. civ., 3e ch., 19 avril 1989, n° 87-13751).

En conséquence, les règles du plafonnement doivent être exclues pour les agences bancaires (cass. civ., 3e ch., 10 avril 1986, n° 85-10957 ; cass. civ., 3e ch., 31 octobre 1989, n° 88-11276 et les arrêts cités ci-avant), même si l’activité est exercée en boutique (cass. civ., 3e ch., 8 janvier 1997, n° 94-21384).

Toutefois, si la banque a la faculté de céder et de sous-louer à tous commerces, à l’exception de quelques-uns, les règles du déplafonnement ne peuvent s’appliquer sur ce fondement (cass. civ., 3e ch., 18 février 1998, n° 96-11955) (voir § 680, rubrique « Clause tous commerces »). Par ailleurs, le caractère monovalent du local peut être retenu en présence d’une chambre forte (voir § 693).

Locaux monovalents

Caractéristiques des locaux monovalents

685

Sont monovalents, au sens de l’article R. 145-10 du code de commerce, les locaux qui ont été construits ou aménagés en vue d’une utilisation industrielle, artisanale ou commerciale déterminée, de telle sorte que l’exercice d’un autre commerce exigerait des modifications de structure de l’immeuble ou des travaux de transformation impliquant des dépenses élevées (cass. civ., 3e ch., 3 mai 1978, n° 77-10380 ; cass. civ., 3e ch., 19 janvier 1982, n° 80-94321 ; cass. civ., 3e ch., 26 février 1992, n° 90-18950). En cas de départ du locataire, le bailleur ne peut relouer ces locaux que pour un commerce identique ou en réalisant des travaux de transformation importants.

Ces locaux construits ou aménagés en vue d’une seule utilisation échappent aux règles du plafonnement des loyers lors du renouvellement. Le loyer du bail renouvelé est donc fixé à la valeur locative. Par dérogation, il peut toutefois être déterminé selon les usages observés dans la branche d’activité considérée (c. com. art. R. 145-10) (sur la détermination de la valeur locative, voir § 696).

La qualification de local monovalent revêt donc une grande importance pratique. Les juges du fond ont un pouvoir souverain d’interprétation de la notion de monovalence, mais ils doivent rechercher, si la demande leur en est faite, s’il était possible d’affecter les locaux à une destination sans des travaux importants ou des transformations coûteuses (cass. civ., 3e ch., 29 avril 1998, n° 96-14664).

Comme exemples caractéristiques de locaux monovalents, on peut citer les hôtels, les théâtres, les cinémas, les établissements de bains, les garages, les stations-service, etc. L’article R. 145-10 du code de commerce fixe, à leur égard, un régime particulier qui n’a toutefois qu’un caractère facultatif puisque le texte comporte le mot « peut » et non le terme « doit » ; c’est d’ailleurs ce qui résulte des arrêts cités ci-dessous.

  • Objet du bail. Le caractère monovalent des locaux doit être apprécié au regard de l’objet du bail (cass. civ., 3e ch., 7 juillet 1993, n° 91-14658).

  • Monopole commercial. Le critère de locaux monovalents ne peut se fonder sur le caractère de monopole d’un commerce (à propos des pharmacies, cass. civ., 3e ch., 13 mars 1991, n° 89-16454).

  • Clause « tous commerces » et exploitation unique. La clause « tous commerces » insérée dans le bail ne s’oppose pas à la qualification de locaux monovalents (cass. civ., 3e ch., 27 novembre 2002, n° 01-10625) (voir aussi § 694 « Camping et clause “tous commerces” »).

  • Aménagements. La jurisprudence n’interprète pas de façon littérale le terme « construit » : elle admet que l’article 23-8 du décret (désormais R. 145-10 du code de commerce) doit jouer également lorsque des aménagements ont eu lieu excluant tout autre usage sans transformation profonde ; la justification doit être constatée par le juge du fond avant d’appliquer l’article 23-8 (cass. civ., 3e ch., 3 mai 1978, n° 77-10380 ; cass. civ., 3e ch., 26 février 1992, n° 90-18950).

  • Caractéristiques du local et exploitation unique. En présence d’une demande soutenant que les locaux sont monovalents, les juges du fond doivent rechercher les caractéristiques des locaux et ne pas s’attacher à la seule destination (cass. civ., 3e ch., 2 décembre 1987, n° 86-14318). Les locaux doivent être aménagés de manière à constituer une exploitation unique concernant la même clientèle (cass. civ., 3e ch., 30 juin 2004, n° 03-12811).

  • Locaux à usage mixte. En présence de locaux commerciaux que le preneur utilise pour partie à usage d’habitation, les juges du fond doivent rechercher si ces locaux sont conçus en vue d’une seule utilisation (cass. civ., 3e ch., 22 janvier 1992, n° 91-82776).

  • Appréciation souveraine des juges du fond. Les juges du fond bénéficient d’un pouvoir souverain d’appréciation. Ainsi, ils peuvent déduire de l’état descriptif des travaux réalisés en vue de la construction de locaux industriels que ces locaux ont été construits pour une seule utilisation et qu’ils ne peuvent être utilisés que pour cet usage (cass. civ., 3e ch., 10 février 1981, n° 79-14364 ; cass. civ., 3e ch., 6 mai 1987, n° 83-15409).

  • Surface réservée, dès l’origine de la construction, pour un autre commerce. Lorsque les juges du fond constatent qu’une partie de la surface avait été, dès l’origine de la construction, prévue pour accueillir un fonds de commerce totalement distinct de celui de l’hôtel, tant topographiquement que commercialement, ils ne peuvent qualifier les locaux de monovalents et fixer le loyer à la valeur locative (cass. civ., 3e ch., 15 novembre 2000, n° 99-10613).

  • Sous-location. En cas de sous-location, le caractère monovalent s’apprécie exclusivement par rapport aux locaux faisant l’objet de la sous-location (cass. civ., 3e ch., 29 mai 1985, n° 83-13133).

  • Cinéma. Eu égard aux travaux considérables et très coûteux qu’il y aurait lieu de faire pour transformer la salle de cinéma en salle de spectacles, les juges ont retenu le caractère monovalent du local. La seule monovalence du local justifiait l’application des dispositions de l’article R. 145-10, même s’il existait d’autres causes de déplafonnement du loyer tenant, par exemple, à la durée du bail (cass. civ., 3e ch., 29 septembre 2004, n° 03-13624).

  • Grand magasin. L’immeuble, dans lequel la société Galeries Lafayette exploite son fonds de commerce, a été reconstruit en 1949, avec l’accord des propriétaires de l’époque, en vue d’une seule utilisation de grand magasin. Depuis, cette affectation a toujours été respectée. Par ailleurs, le changement d’affectation des lieux nécessiterait des travaux d’un coût avoisinant la valeur de l’immeuble. Dans ces conditions, il convient de retenir le caractère monovalent de ces locaux (cass. civ., 3e ch., 8 février 2006, n° 04-17046).

  • Clinique psychiatrique. Ne correspond pas à un local monovalent la clinique psychiatrique exploitée dans un château dès lors qu’elle ne comporte ni bloc opératoire, ni salle de réanimation, ni autre équipement ou appareillage lourd. Les lieux sont adaptables à d’autres activités (hôtel, bibliothèque, lieu de séminaire, mairie…) sans reconstruction ni modification majeure de leur structure, sinon à supprimer ou recréer quelques cloisonnements. Le loyer du bail renouvelé de cette clinique est donc soumis au plafonnement (cass. civ., 3e ch., 30 octobre 2007, n° 06-18355).

  • Local monovalent suite aux travaux du preneur. Un preneur réalise, en cours de bail, d’importants travaux d’aménagement des locaux pour les besoins de son activité de mécanique de haute précision. Au terme du bail, le bailleur lui délivre congé avec offre de renouvellement moyennant un loyer déplafonné, en prétendant que les travaux réalisés par le preneur ont rendu les locaux monovalents. Les juges rejettent sa demande car une clause du bail stipule que les constructions nouvelles, travaux et améliorations faits par le preneur appartiennent au bailleur uniquement à la sortie effective des lieux du preneur. Ce dernier, n’étant pas sorti des lieux, le bailleur n’en est pas devenu propriétaire, de sorte qu’il ne peut pas se prévaloir de cette clause d’accession pour invoquer le caractère monovalent des locaux lors du renouvellement du bail (cass. civ., 3e ch., 21 mai 2014, n° 13-12592).

Hôtels et meublés

686

Au sens de l’article R. 145-10 du code de commerce, les hôtels sont des locaux monovalents. Il en est ainsi à chaque fois qu’une transformation profonde des lieux loués à usage d’hôtel serait nécessaire pour changer la destination (cass. civ., 3e ch., 21 novembre 1979, Sem. jur. 1980, 42).

Dès lors que le local à usage d'hôtel relève effectivement de l'article R. 145-10 du code de commerce, le déplafonnement intervient même s'il n'y a pas eu de modification des obligations des parties (cass. civ., 3e ch., 1er mars 2000, n° 98-14763) (sur la méthode hôtelière, voir § 696).

  • Hôtel meublé. Cet article s’applique au calcul du loyer d’un hôtel meublé et même d’un appartement affecté à cet usage (cass. civ., 3e ch., 26 février 1992, n° 90-18950 ; cass. civ., 3e ch., 7 juillet 1993, Gaz. Pal. 1994, 00).

  • Restaurant-hôtel et utilisations multiples. Très souvent, les locaux loués à usage d’hôtellerie font l’objet d’une dualité d’utilisation : soit les locaux sis au rez-de-chaussée sont sous-loués pour d’autres activités, soit l’usage est mixte, tel que bar-restaurant-hôtel ; dans son principe, l’article 23-8 du décret (devenu l’article R. 145-10 du code de commerce) les exclut de la définition stricte du caractère monovalent et le loyer doit obéir aux règles du plafonnement (cass. civ., 3e ch., 6 juillet 1982, Gaz. Pal. 1983, 14 ; cass. civ., 3e ch., 11 juin 1976, n° 74-14101). Tel est le cas d’un hôtel-restaurant dont l’activité est quasiment nulle et dont les locaux sont en réalité affectés de manière quasi exclusive à une activité de « bar-tabac, journaux » (cass. civ., 3e ch., 30 juin 2004, n° 03-12811). Tel est également le cas d'un hôtel-restaurant dont la configuration des lieux permet aux deux activités, qui bénéficient d'entrées indépendantes, d'être exploitées séparément avec des dates d'ouverture, des horaires, des accès et des clientèles différentes, ainsi que des chiffres d'affaires distincts (cass. civ., 3e ch., 12 avril 2018, n° 17-15202).

    En fait, la jurisprudence admet le caractère monovalent de l’ensemble de ces locaux :

    -soit lorsqu’il existe une identité de clientèle ou une interdépendance des locaux (cass. civ., 3e ch., 11 juin 1986, Gaz. Pal. 1986, 179 ; cass. civ., 3e ch., 22 février 1989, n° 87-16979 ; cass. civ., 3e ch., 16 octobre 1991, n° 90-11096 ; ces arrêts ont été rendus à propos de bar-restaurant-hôtel) ;

    -soit parce qu’un changement d’affectation ne pourrait intervenir sans d’importants travaux ou en raison du caractère prédominant de l’hôtellerie (cass. civ., 3e ch., 22 février 1989, n° 87-16979 ; cass. civ., 3e ch., 18 mars 1992, n° 90-14625).

  • Travaux de modernisation. Afin de favoriser la modernisation de l’hôtellerie française, les articles L. 311-1 à L. 311-5 du code du tourisme prévoient une procédure permettant – nonobstant toute clause contraire – l’exécution de travaux de confort dont le locataire prend l’initiative et assume la charge. Pendant une durée de 12 années, le propriétaire ne peut prétendre à aucune majoration de loyer du fait des améliorations résultant de l’exécution de ces travaux. La période de 12 ans court à compter de l'exécution des travaux (cass. civ., 3e ch., 13 novembre 2013, n° 12-21165).

    Ces travaux d’équipement et d’amélioration exécutés par le locataire dans les lieux loués à usage d’hôtel au cours du bail expiré ne peuvent être pris en compte pour le calcul de la valeur locative (cass. civ., 3e ch., 15 novembre 2000, n° 99-13134). Mais, lorsque le locataire n’a pas respecté les prescriptions du code du tourisme et, notamment, n’a pas notifié sa décision au bailleur, il ne peut se prévaloir des dispositions de cette loi (cass. civ., 3e ch., 21 février 2001, n° 99-14704 ; cass. civ., 3e ch., 3 mai 2007, n° 06-11210).

Maisons de repos et de retraite

687

Le caractère monovalent a été reconnu pour une maison de repos (cass. civ., 3e ch., 10 février 1981, n° 79-13984 ; CA Paris 26 mai 1999, Loyers 2000, n° 10) ; voir, toutefois, pour un refus à propos de locaux ne présentant pas d’installations spécifiques pour une maison de retraite (CA Paris 14 février 1989, Loyers 1989, n° 189).

Locaux aménagés pour l’enseignement

688

Le loyer de locaux aménagés en vue d’une affectation exclusive à l’enseignement n’est pas soumis aux règles du plafonnement (cass. civ., 3e ch., 28 juin 1989, n° 88-12246).

Toutefois, des locaux d’un collège privé n’ont pas été jugés comme monovalents dès lors que (CA Paris, 16e ch. B, 8 novembre 2007, Loyers et copropr. 2008, 13) :

-les devis produits par le bailleur s’apparentaient plus à des travaux de rénovation qu’à des transformations profondes ;

-les locaux pouvaient être utilisés pour des activités d’agence de voyage, de bureaux, de banque, etc.

Théâtres et cinémas

689

La monovalence des salles de cinéma est spécifiquement reconnue par l'article L. 145-36 du code de commerce ; le loyer de leur bail renouvelé est obligatoirement déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité.

S'agissant des autres salles de spectacles, le caractère monovalent est généralement retenu, le changement d’utilisation nécessitant des travaux de transformation importants.

  • Dancing. La monovalence a été retenue pour des locaux à usage de dancing (cass. civ., 3e ch., 20 juin 1990, Club Chansons 84 c/ Société nouvelle de l'Eldorado ; CA Paris 18 janvier 1999, Loyers 1999, 125).

  • Salle de spectacles. La salle de spectacles parisienne Le Bataclan a un caractère monovalent. Peu importe qu’elle soit exploitée pour des manifestations variées : théâtre, concert, séminaire, réunion politique, réception, manifestation sportive… (cass. civ., 3e ch., 21 mars 2007, n° 05-20714).

Garages et stations-service

690

Les garages avec ateliers de réparations pour automobiles sont des locaux monovalents en présence d’aménagements importants excluant, dans des conditions normales, tout autre usage (cass. civ., 3e ch., 3 mai 1978, n° 77-10380 ; CA Paris 9 janvier 1997, Loyers 1997, n° 145 ; CA Paris, 16e ch. A, 1er mars 2006, AJDI 2006, 567).

  • Absence d’aménagements particuliers. Le caractère monovalent est refusé lorsque les locaux servant à l’exploitation d’un garage ne comportent aucun aménagement particulier en dehors d’un poste de graissage facilement démontable (cass. civ., 3e ch., 1er juin 1976, n° 75-10780) ou de deux plaques tournantes et deux fosses inutilisées en sous-sol assimilables à une cave (CA Paris 7 février 1997, Loyers 1997, n° 145). Il en est de même lorsque, sur la plus grande partie de sa superficie, l’immeuble peut correspondre aux besoins d’autres entreprises (CA Rouen 16 janvier 1986, Gaz. Pal. 1987, 228).

  • Offre d’un loyer déplafonné. Le loyer est calculé à la valeur locative lorsque le locataire a, de lui-même, proposé un loyer supérieur à celui résultant du plafonnement (CA Paris 17 novembre 1992, Loyers 1993, n° 185).

Hangars

691

Les hangars sans aménagements spéciaux ne constituent pas des locaux construits en vue d’une seule utilisation (cass. civ., 3e ch., 12 octobre 1976, Gaz. Pal. 1976, 283 ; cass. civ., 3e ch., 14 décembre 1981, Sem. jur. 1982, 88). Leur prix doit donc être plafonné.

Boulangeries

692

Les locaux à usage de boulangerie ont donné lieu à de nombreuses décisions. En principe, le local est considéré comme monovalent s’il a été construit avec un four incorporé destiné au commerce de boulangerie (cass. civ., 3e ch., 3 mai 1978, n° 77-12007).

Toutefois, le caractère monovalent reconnu en présence d’un four incorporé doit être rejeté lorsque l’affectation à un commerce autre peut être facilement réalisée sans transformations importantes et onéreuses (cass. civ., 3e ch., 19 janvier 1982, n° 80-94321 ; cass. civ., 3e ch., 7 mars 2001, n° 99-15946) ; les juges doivent d’ailleurs rechercher la nature et l’importance des travaux qui permettraient d’affecter les locaux à un autre usage (cass. civ., 3e ch., 10 novembre 1987, n° 86-12264 ; voir, par exemple, CA Paris 3 novembre 1992, Loyers 1993, n° 103 ; cass. civ., 3e ch., 8 mars 2005, n° 03-20336).

Locaux avec chambres fortes

693

La cour d’appel de Paris a admis la qualité de locaux monovalents pour une boutique comprenant deux sous-sols de chambres fortes (CA Paris 5 avril 1979, Gaz. Pal. 1979, 502 ; CA Paris 3 novembre 1987, Gaz. Pal. 1988, 213). Il existe des décisions en sens contraires (CA Paris 11 et 17 février 1987, Gaz. Pal. 1987, 403) (en ce qui concerne les agences bancaires, voir § 684).

Terrains

694

Les baux de terrains sur lesquels le locataire a édifié une construction, bien que soumis au statut, échappent aux règles du plafonnement pour le calcul du loyer renouvelé (sur les baux de terrains, voir §§ 911 à 924).

« Le prix du bail des terrains est fixé en considération de ceux des éléments qui leur sont particuliers, eu égard à la nature et aux modalités de l’exploitation effective autorisée. » (c. com. art. R. 145-9).

Naturellement, ce texte ne vise que les terrains soumis au statut des baux commerciaux, c’est-à-dire ceux où le locataire a pu, avec l’accord du bailleur, édifier des constructions à usage industriel, commercial ou artisanal (c. com. art. L. 145-1, I, 2°) (voir § 912). Sont exclus les baux de terrains sur lesquels :

-aucune construction à usage commercial n’a été édifiée (voir § 911) ;

-une construction existe lors de la conclusion du bail qui a constitué l’objet de ce dernier.

  • Exclusion du plafonnement. L’article 23-7 du décret du 30 septembre 1953 (désormais article R. 145-9 du code de commerce), qui prévoit des règles particulières pour fixer le loyer des terrains, exclut ipso facto l’application du plafonnement (cass. civ., 3e ch., 13 avril 1976, n° 74-15280 ; cass. civ., 3e ch., 26 mai 1977, n° 75-15378 ; cass. civ., 3e ch., 5 janvier 1978, Gaz. Pal. 1978, 163). Toutefois, la jurisprudence a considéré, dans certains cas, que les constructions sont des améliorations et leur a appliqué le régime selon lequel le bailleur ne peut les prendre en compte pour le déplafonnement que lors du second renouvellement, faute pour lui de prouver qu’il a assumé directement ou indirectement la charge de la construction (voir § 921).

  • Camping et clause « tous commerces ». Un terrain, donné à bail à destination de camping, a été, de façon inhabituelle, catégorisé comme monovalent. Le loyer du bail renouvelé a été calculé selon les usages observés dans la branche d’activité et en tenant compte qu’une partie des locaux loués était affectée à une activité de restauration et de bar. Les juges ont appliqué à ce loyer une majoration de 10 %, compte tenu de la clause « tous commerces » insérée au bail (cass. civ., 3e ch., 3 novembre 2005, n° 04-16376).

Calcul de la valeur locative

Pouvoir des juges

695

Le loyer déplafonné est fixé à la valeur locative déterminée à travers les critères de l'article L. 145-33 du code de commerce (voir §§ 251 à 263).

Les juges du fond fixent souverainement la valeur locative en adoptant le mode de calcul qui leur apparaît le meilleur (cass. civ., 3e ch., 3 juin 2004, n° 03-12202), mais ils doivent préciser les éléments pris en considération pour déterminer cette valeur locative (cass. civ., 3e ch., 9 février 1994, n° 91-17949).

Le déplafonnement pouvant conduire à une augmentation spectaculaire, l’article 11 de la loi 2014-626 du 18 juin 2014 est venu ralentir son mécanisme : pour les baux conclus ou renouvelés depuis le 1er septembre 2014, un déplafonnement ne pourra pas générer une augmentation annuelle de plus de 10 % par rapport au dernier loyer (c. com. art. L. 145-34). Ce dispositif a été jugé conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel (conseil constitutionnel, QPC, 7 mai 2020, n° 2020-837).

La Cour de cassation en a précisé l'application. Ainsi, l'étalement de l'augmentation du loyer déplafonné doit s'opérer chaque année par une majoration non modulable de 10 % du loyer de l'année précédente. Par ailleurs, il appartient aux parties d'arrêter l'échéancier des loyers qui seront exigibles durant la période au cours de laquelle s'applique l'étalement de la hausse du loyer instauré par ce texte. Enfin, l'étalement n'est pas d'ordre public et les parties peuvent convenir de ne pas l'appliquer (cass. civ., 3e ch., avis du 8 mars 2018, n° 17-70040).

En outre, l'étalement de l'augmentation, tel qu'il a été apporté par la loi du 18 juin 2014, ne s’applique que dans deux cas de déplafonnement (c. com. art. L. 145-34) :

-lorsqu’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail (voir §§ 663 et 664) ;

-ou en cas de modification notable du local, de sa destination, des obligations respectives des parties ou des facteurs locaux de commercialité (voir §§ 666 à 678).

Cette règle ne s'applique pas à l'augmentation du loyer déplafonné des baux de locaux à usage exclusif de bureaux et des locaux monovalents.

Intérêts légaux. Lorsque la justice est saisie pour fixer le loyer d’un bail renouvelé, il s’écoule un certain nombre de mois, voire d’années, avant que le nouveau loyer soit arrêté. Pendant ce temps, le locataire règle le loyer selon le montant prévu dans son bail d’origine. Une fois le nouveau loyer fixé par les juges, le locataire doit régulariser ses paiements passés en fonction de ce nouveau montant, et cela rétroactivement depuis la date de renouvellement du bail. Le bailleur peut également demander au locataire de verser les intérêts légaux sur la différence entre l’ancien loyer et le nouveau. Si le bail n’a rien prévu sur le point de départ de ces intérêts, ils courront à compter de l’assignation du bailleur (cass. civ., 3e ch., 12 avril 2018, n° 16-26514) (voir aussi § 698).

Valeur locative et locaux monovalents

696

En présence de locaux monovalents, le loyer est déplafonné et fixé à la valeur locative. Pour le calcul de la valeur locative des salles de cinéma, il est fait application des seuls usages observés dans la branche d'activité (c. com. art. L. 145-36). La référence à ces usages n'est que facultative pour les autres catégories de locaux monovalents (c. com. art. R. 145-10).

  • Valeurs locatives et usages. Le prix des locaux monovalents est déterminé selon les usages observés dans la branche s’il en existe (cass. civ., 3e ch., 8 janvier 1980, BC III n° 5). S’il est fait référence aux usages, les juges du fond sont libres de choisir la méthode de calcul de la valeur locative et n’ont pas à s’expliquer sur les raisons de leur choix (cass. civ., 3e ch., 14 mars 1979, Sem. jur. 1979, 174).

    L’article 23-8 du décret du 30 septembre 1953 (désormais article R. 145-10 du code de commerce) est applicable, même en l’absence de tout usage observé dans une branche considérée, le loyer devant, dans ce cas, être fixé à la valeur locative (cass. civ. 3 mai 1978, BC III n° 179). Le loyer des locaux monovalents peut être fixé dans la double limite de la valeur locative et le plafond de l’indexation (cass. civ., 3e ch., 1er juillet 1987, n° 85-16951) (voir § 251).

  • Valeur locative et cinémas. Le plus souvent, la valeur locative des théâtres et cinémas est déterminée soit d’après le nombre de fauteuils et de séances par semaine, c’est-à-dire, en fait, en reconstituant, là encore, une recette théorique, soit d’après les recettes brutes ou nettes, avec certains correctifs.

    Ainsi, les juges du fond peuvent calculer la valeur locative sur la base d’un pourcentage de la recette normale (cass. civ., 3e ch., 1er mars 1972, Rev. loyers 1972, 276). Mais, comme pour tous les locaux monovalents, ces méthodes ne s’imposent pas au tribunal.

    Le loyer d’une salle de cinéma a été déterminé à raison de la méthode de la recette brute théorique. Le pourcentage sur recettes retenu a été de 7,25 %, outre la prise en compte de 25 % des recettes accessoires, avec deux abattements de 10 % chacun (CA Paris, 16e ch. A, 5 juillet 2006, Gaz. Pal. 15 et 16 décembre 2006, 30) :

    -l’un parce que le locataire supportait les grosses réparations et des charges forfaitaires exorbitantes ;

    -l’autre parce qu’il avait dû effectuer des travaux d’insonorisation qui n’auraient pas été nécessaires si le bailleur avait délivré un local conforme à sa destination de salle de cinéma.

    Depuis, la loi 2010-1149 du 30 septembre 2010 est venue encadrer le mode d’évaluation du loyer : il doit être déterminé selon les seuls usages en vigueur pour les salles de cinéma. En pratique, il sera donc fixé à partir des recettes théoriques guichets hors TVA et hors taxe sur les spectacles (c. com. art. L. 145-36, al. 2).

  • Méthode hôtelière. Le prix du bail est, en principe, calculé selon la méthode dite « hôtelière » qui consiste à reconstituer la recette théorique de l’exploitant d’après le nombre, la catégorie et la fréquence probable de locations des chambres. Toutefois, la « méthode hôtelière » ne s’impose nullement au juge du fond (cass. civ., 3e ch., 24 janvier 1973, Gaz. Pal. 1973, 66 ; cass. civ., 3e ch., 17 novembre 1981, n° 80-10953 retenant la méthode hôtelière et celle basée sur la valeur de la construction).

    Lorsque les usages permettent de prendre en compte le chiffre d’affaires du locataire pour fixer le loyer du bail renouvelé de locaux monovalents à usage d’hôtel, celui-ci ne peut pas faire l’objet d’une fixation sur la base d’éléments postérieurs à la date de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 17 novembre 2003, n° 02-18057).

    Le loyer doit être fixé à la valeur locative selon les usages observés, indépendamment de toute amélioration apportée à l’hôtel par des travaux autres que ceux visés aux articles L. 311-2 à L. 311-5 du code du tourisme et au financement desquels le bailleur n’a pas participé (cass. civ., 3e ch., 3 mai 2007, n° 06-11210) (voir également § 686, rubrique « Travaux de modernisation »).

  • Camping. L'exploitant d'un terrain de camping reçoit de son bailleur un congé avec offre de renouvellement, moyennant un nouveau loyer fixé à la valeur locative. Le locataire refuse de payer aussi cher. Il fait valoir qu’il a procédé, à sa charge, à d’importantes améliorations qui ne doivent pas être prises en compte dans l’évaluation de la valeur locative. Sa demande est rejetée : la règle selon laquelle les travaux d'amélioration ne sont pris en considération que si le bailleur en a assumé, directement ou indirectement, la charge (voir § 133) est écartée pour les locaux monovalents (voir § 685). En effet, le loyer de ces locaux doit être fixé à la valeur locative (c. com. art. R. 145-10), peu importe que les travaux d'amélioration aient été financés par le locataire (cass. civ., 3e ch., 5 octobre 2017, n° 16-18059).

Valeur locative inférieure au loyer payé

697

La jurisprudence a admis que le loyer d’un local renouvelé portant sur des locaux à usage de bureaux, donc déplafonnés, pouvait être inférieur au dernier loyer pratiqué au moment du renouvellement (CA Paris 15 mai 1984, Gaz. Pal. 1984, 349, confirmé par cass. civ., 3e ch., 29 octobre 1986, n° 84-14757). Les juges du fond doivent rechercher si le loyer renouvelé correspond effectivement à la valeur locative (cass. civ., 3e ch., 5 février 1992, n° 90-10554).

La Cour de cassation a également décidé, en l’absence d’accord des parties, que le loyer du bail renouvelé devait correspondre à la valeur locative (cass. civ., 3e ch., 9 décembre 1986, n° 85-12418). Au cas considéré, les locaux étaient à usage d’enseignement et il a été retenu un loyer renouvelé d’un montant de 59 400 F (9 055 €) alors que le dernier loyer pratiqué s’élevait à 86 095 F (13 125 €).

Un loyer moins cher pour un local plus commerçant. Le locataire d’un local commercial saisit la justice pour que son loyer soit fixé à la valeur locative. Une telle demande (généralement présentée par le bailleur) peut aboutir lorsqu’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité a entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative (voir § 678). À titre de modification matérielle, le locataire invoque la construction de nombreux logements et bâtiments à usage scolaire et industriel. Il met également en avant la rénovation de l'avenue sur laquelle est implanté son local. Le bailleur s’oppose à cette demande car fixer le loyer à la valeur locative conduirait à réduire son montant. Or, selon lui, une amélioration de la valeur locative ne peut pas justifier une baisse de loyer. Les juges considèrent que la valeur locative a effectivement varié de plus de 10 % en raison des modifications matérielles invoquées par le locataire. C’est donc cette valeur locative qui doit être retenue comme loyer. Peu importe que le loyer en cours soit supérieur à la valeur locative (cass. civ., 3e ch., 24 mai 2017, n° 16-15043).

En pratique, le bailleur ne peut pas, par une clause du bail, se prémunir contre une baisse du loyer dans de telles circonstances. Cette clause serait réputée non écrite (cass. civ., 3e ch., 30 mars 2017, n° 16-13914).

Loyers provisionnels et intérêts moratoires

698

Le bailleur peut demander un loyer « provisionnel » dans l’attente d’une décision de justice statuant sur la demande du locataire ayant contesté le déplafonnement du loyer ; à défaut, le locataire continuera à payer les loyers échus à l’ancien prix.

En cas de litiges entre bailleurs et locataires pour la fixation du loyer renouvelé, le locataire soutenant, à l’inverse du bailleur, qu’il remplit les conditions lui permettant de bénéficier du plafonnement, le bailleur a intérêt, en raison de la durée des instances, à demander la fixation d’un loyer « provisionnel » ; il peut également demander des intérêts moratoires.

  • Absence d’intérêts sur le loyer fixé judiciairement. La fixation, par la juridiction des baux commerciaux, du loyer du bail renouvelé est exclusive du prononcé de toute condamnation. Dès lors, une cour d’appel retient exactement que le bailleur n’est pas fondé à calculer les intérêts légaux, sur les compléments de loyers échus, au taux majoré à l’expiration du délai de 2 mois à compter du jour où la décision de fixation était devenue exécutoire (cass. civ., 3e ch., 18 mars 1992, n° 90-14000).

  • Intérêts dus à compter des échéances fixées. Les juges du fond, qui constatent le renouvellement d’une location commerciale à une date déterminée et fixent le prix du nouveau bail à compter de ce jour, retiennent à bon droit que le locataire doit payer au bailleur, à partir des échéances prévues par la convention, les intérêts des loyers au taux légal (cass. civ., 3e ch., 30 janvier 1991, n° 89-19981).

  • Calcul des intérêts de retard. La jurisprudence a longtemps considéré que dans les cas où un loyer provisionnel avait été fixé, les intérêts étaient calculés sur la différence entre le loyer provisionnel versé et le nouveau prix depuis la date de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 23 mars 1988, n° 86-18067).

    Dans une affaire plus récente, la Cour de cassation semble avoir changé d'avis. En effet, en s'appuyant sur l'ancien article 1155 du code civil, elle a estimé que les loyers ne produisent des intérêts qu'à compter du jour de la demande en fixation du nouveau loyer (cass. civ., 3e ch., 9 septembre 2021, n° 19-19285). Toutefois, il est à noter que cette affaire concernait un renouvellement antérieur au 1er octobre 2016 (date d'entrée en vigueur de la réforme des obligations). Pour un renouvellement postérieur, il sera intéressant de connaître la position de la Cour de cassation, le code civil ne contenant plus, depuis cette date, de disposition spécifique aux intérêts produits par les loyers.

Les parties ont varié dans leurs prétentions

699

Au cas où les parties varient, par la suite, dans leurs prétentions, l’article R. 145-21, al. 2 du code de commerce, dispose que le nouveau prix « ne peut prendre effet, dans la mesure où il excéderait les limites fixées par les prétentions originaires des parties, qu’à dater de la notification des nouvelles prétentions ».

Ainsi, lorsque le bailleur a réclamé une somme déterminée puis, en cours de procédure et 4 ans plus tard, a demandé un montant plus élevé, cette somme n’est due qu’à compter de sa nouvelle demande (cass. civ., 3e ch., 10 mai 1991, n° 89-17288).

De même, en présence d’un loyer déplafonné en raison d’améliorations faites dans les parties communes et de la création d’un ascenseur, les juges du fond ne peuvent retenir la valeur locative proposée par l’expert sans préciser si les prétentions au paiement de cette somme avaient été notifiées au locataire à la date fixée pour son paiement (cass. civ., 3e ch., 9 octobre 1996, n° 95-10228).

Cette disposition concerne aussi bien le bailleur que le preneur.

Sanction pondérée. Il résulte du texte même que si le nouveau prix prend effet à la date de la notification des nouvelles prétentions, le montant du loyer perçu entre le point de départ du bail renouvelé et la date où le nouveau prix prend effet est égal, selon le cas, soit au montant de la première demande du bailleur, soit au montant de la première offre du preneur.

Supposons qu’un bail expire le 31 décembre et soit renouvelé le 1er janvier.

1re hypothèse. Le bailleur a demandé, avant le renouvellement, que le loyer mensuel soit porté à 1 000 ; puis il élève ses prétentions à 2 000 dans une nouvelle demande notifiée le 1er avril. Si le juge fixe, par la suite, le loyer à 1 500, le taux du loyer effectivement perçu par le bailleur sera de 1 000 entre le 1er janvier et le 31 mars et de 1 500 à compter du 1er avril (loyer définitif).

2e hypothèse. Le preneur offre, avant le renouvellement, un loyer mensuel de 1 000, mais il signifie au bailleur, le 1er avril, qu’il ramène son offre à 500. Si le juge fixe, par la suite, le loyer à 750, le taux du loyer effectivement payé sera de 1 000 entre le 1er janvier et le 31 mars et de 750 à compter du 1er avril (loyer définitif).

Révision du loyer du bail renouvelé

700

Le loyer du bail renouvelé n’est pas fixé d’une façon définitive pour toute la durée du renouvellement.

Comme celui du bail d’origine, il peut être révisé tous les 3 ans dans les conditions prévues par les articles L. 145-37 et L. 145-38 du code de commerce (sur la révision triennale, voir § 190) ou encore, sur la base d’une clause de révision contractuelle reprise dans le bail renouvelé ou insérée d’un commun accord entre les parties.