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Parution: avril 2022

Baux particuliers

Les locations saisonnières

Critères de qualification

901

Le caractère saisonnier d’une location a pour effet d’exclure l’application du statut des baux commerciaux (c. com. art. L. 145-5, al. 4).

Les tribunaux ont un large pouvoir d’appréciation pour déterminer si une location présente ou non un caractère saisonnier. Plusieurs éléments contribuent à la reconnaissance du caractère saisonnier ou non. La location saisonnière se caractérise surtout par la faculté pour le bailleur de reprendre les locaux entre deux saisons.

Le locataire qui souhaite demander au tribunal de requalifier son bail saisonnier en bail commercial doit impérativement agir dans les 2 ans qui suivent la signature de son premier bail. Passé ce délai, son action est prescrite (cass. civ., 3e ch., 17 septembre 2020, n° 19-18435).

  • Faiblesse du loyer. L’exclusion du statut se justifie notamment, en raison du caractère discontinu de l’exploitation, du montant du loyer (cass. civ. 3 janvier 1978, n° 75-13982). Il en est de même en présence d’un loyer anormalement bas pour une période même si le locataire a conservé, à titre de complaisance, les clés du local entre deux saisons, le propriétaire accédant librement au local durant les mois d’hiver (cass. civ. 19 juillet 1995, Loyers 1995, n° 474). En l’espèce, le propriétaire demeurait titulaire du contrat EDF et accédait librement au local durant les mois d’hiver.

  • Termes du bail. Le caractère saisonnier peut résulter des termes du bail, selon lesquels celui-ci prend fin à chaque échéance (cass. civ. 13 novembre 1979, n° 78-13149).

  • Volonté des parties. Pour apprécier le caractère saisonnier ou non d’une location, les juges doivent tenir compte de la volonté des parties (cass. civ. 16 avril 1973, n° 72-11351).

  • Abus du propriétaire. Contraint par le propriétaire, vis-à-vis duquel il est en état de dépendance économique, un locataire signe un contrat de location saisonnière. Après avoir constaté cette contrainte, les juges requalifient le contrat et concluent que le locataire n’a jamais renoncé au statut des baux commerciaux (cass. civ. 17 octobre 2007, n° 06-17018).

Location à l’année

902

La location à l’année donne droit au statut des baux commerciaux et à la propriété commerciale, même si l’exploitation est saisonnière.

Pour qu’il en soit ainsi, il est nécessaire que la location réponde aux caractéristiques d’une mise à disposition annuelle : accès libre des locaux pendant toute l’année, loyer plus élevé que celui pratiqué pour une saison, abonnements au nom du preneur. Ces différents critères sont souvent cumulés pour prouver l’existence d’un bail annuel. S’agissant d’un bail commercial classique, le preneur devra remplir les conditions prévues par les textes pour bénéficier du renouvellement de son bail et notamment être immatriculé au registre du commerce et des sociétés.

  • Abonnements au nom du preneur. Bénéficie des dispositions du statut des baux commerciaux le locataire qui a été pendant 9 années en possession des clés d’un local dans lequel son matériel et ses marchandises livrées lors des 2 mois de fermeture restaient toute l’année et dont les abonnements pour l’électricité et le téléphone étaient souscrits annuellement au nom du locataire qui payait les charges de copropriété pour la totalité des exercices (cass. civ., 3e ch., 15 janvier 1992, n° 90-13865).

  • Loyer annuel. La location annuelle a été retenue lorsque le locataire conservait, dans l’intervalle de deux saisons, la libre disposition du local et payait un loyer pour toute l’année (cass. civ., 3e ch., 1er mars 1972, n° 70-14539).

  • Remise des clefs fictive. 22 locations saisonnières successivement conclues pour 6 mois puis pour 9 mois ont été requalifiées en un bail soumis au statut des baux commerciaux. Les juges ont noté que le locataire disposait des locaux toute l’année et non seulement pendant les périodes d’exploitation et qu’il réglait les abonnements, assurances et taxes liés à ce local. Ils ont également noté que la remise des clefs au terme de chaque période d’exploitation était manifestement fictive (cass. civ., 3e ch., 15 février 2011, n° 10-14003).

  • Registre du commerce et des sociétés. Le droit au renouvellement a été refusé à des locataires titulaires d’un bail de 9 ans pour une exploitation durant la saison estivale d’un commerce de gaufres-crêpes-glaces-pâtisserie au bord de mer au motif qu’ils n’étaient pas inscrits à titre principal au registre du commerce et des sociétés pour ce local bien qu’ils étaient inscrits de façon permanente dans une autre ville pour un autre local (cass. civ., 3e ch., 12 juillet 1995, n° 93-18515).

    Le statut a été refusé à un commerçant qui se faisait radier du registre de commerce et des sociétés chaque année en fin de saison et se faisant immatriculer à nouveau au début de l’année suivante (cass. civ., 3e ch., 18 novembre 1998, n° 96-17935).

    Le locataire qui, après avoir bénéficié de plusieurs baux saisonniers, assigne son bailleur en revendication du bénéfice du statut des baux commerciaux, doit justifier de son immatriculation au RCS à la date de son assignation et non postérieurement (cass. civ., 3e ch., 22 janvier 2014, n° 12-26179).

  • Intérêt du bailleur. Pour éviter que le locataire ne réclame le bénéficie du statut des baux commerciaux, mieux vaut que :

    -les loyers et charges ne soient pas dus toute l'année mais seulement pendant une période définie ;

    -les clefs soient restituées à l'expiration de cette période ;

    -les locaux soient vidés des matériels et marchandises appartenant au locataire à l'expiration de cette période.

Mise à disposition entre deux saisons

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Lorsque le locataire peut, à titre de simple tolérance, bénéficier d’un droit d’entreposer du matériel ou des marchandises entre deux saisons, la jurisprudence ne lui reconnaît pas un droit au statut, faute d’autres éléments prouvant l’existence d’un bail annuel.

En effet, le locataire qui garde les locaux pendant la morte-saison sans en acquitter le loyer ne peut, en principe, invoquer le bénéfice du statut, mais la jurisprudence prend soin de formuler une réserve pour le cas où cette solution constituerait une fraude en vue d’échapper au statut.

  • Contrat EDF au nom du bailleur. Le statut a été refusé à une location portant sur des locaux commerciaux conclue pour une durée de 6 mois et demi, renouvelée chaque année moyennant une majoration de loyer. En l’espèce, le contrat d’électricité était resté au nom du bailleur, le loyer stipulé ne correspondait pas à celui normalement pratiqué pour 1 an, le magasin étant fermé tout l’hiver (cass. civ., 3e ch., 7 novembre 1990, n° 89-12065).

  • Disposition des clés. La convention de location saisonnière du 15 juin au 15 septembre d’un terrain sur lequel ont été édifiées des baraques ne peut bénéficier du statut du fait qu’il n’est pas apporté la preuve que le locataire avait la libre disposition des clés, l’autorisation d’entreposer du matériel toute l’année étant seulement tolérée ; le fait pour les locataires de s’assurer à l’année étant sans portée (cass. civ., 3e ch., 22 mai 1986, n° 84-16400).

  • Construction précaire édifiée sur un terrain. N’entre pas dans le champ du statut le bail d’un terrain nu sur lequel une construction provisoire a été édifiée qui était destinée à des locations saisonnières (cass. civ., 3e ch., 8 février 1989, n° 87-15049) (sur les baux de terrain, voir § 911).

  • Reconnaissance signée par le locataire. Un commerce de prêt-à-porter n’est exploité par le locataire que de Pâques à septembre. La galerie, dans laquelle il est implanté, est fermée entre-temps (un constat d’huissier du 10 octobre 2001 établit que le local est vide). Certes, le locataire garde les clés entre deux saisons et règle à l’année les abonnements de téléphone et d’électricité mais il s’agit là d’une simple tolérance du bailleur, qui a d’ailleurs pris la précaution de faire signer au locataire un écrit en ce sens. Les juges concluent que le bail correspond à une location saisonnière exclue du statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 19 avril 2005, n° 04-12064).

  • Renonciation au statut entachée de fraude. La renonciation au bénéfice du statut d'un locataire installé dans les lieux loués depuis huit ans, qui paye les charges annuelles et a des salariés en CDI, est entachée de fraude et exclut la qualification de bail saisonnier (cass. civ., 3e ch., 15 septembre 2015, n° 14-15863).