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Parution: avril 2022

Les contestations liées au statut

La nature des locaux

Les locaux principaux

Nature du local

391

Le bail doit porter sur un local qui permet d’exploiter un fonds de commerce ; il peut s’agir d’un bâtiment ou d’une portion d’un bâtiment (c. com. art. L. 145-1, I).

Ainsi peuvent constituer des locaux les magasins, boutiques, usines, entrepôts, hangars, remises ou appartements, dans la mesure où une activité commerciale s’y exerce effectivement.

  • Fixité du bâtiment. Dès lors que le bâtiment existe au moment du contrat de bail et qu’il est destiné, dans la commune intention des parties, à l’exploitation d’un fonds de commerce, il importe peu qu’il présente ou non un caractère suffisant de fixité ou de solidité (cass. civ., 3e ch., 25 janvier 1977, n° 74-15293).

  • Caractère mobile du bâtiment. Des cabines mobiles données à bail sont des objets mobiliers qui ne peuvent être assimilés à des immeubles et le statut des baux commerciaux ne peut s’appliquer à ces éléments (cass. civ., 3e ch., 10 mai 1989, n° 87-16595).

    Ne peut pas bénéficier du statut des baux commerciaux un emplacement dont le découpage, la situation et la surface sont contractuellement laissés à la discrétion du bailleur (cass. civ., 3e ch., 20 février 1985, n° 83-16019).

    En revanche n’est pas incompatible avec la notion de fixité, qui ne se confond pas avec l’immobilité, le déplacement de construction ayant nécessité l’intervention d’une grue de 14 tonnes et a donné lieu à une véritable implantation, avec des travaux de scellement et de branchement (CA Nîmes 6 mars 2003, Gaz. Pal. 17 et 18 octobre 2003, 39).

  • Domiciliation dans un local à usage d'habitation. Le fait qu'une personne morale soit domiciliée dans un local à usage d'habitation, pris à bail par son représentant légal, ne suffit pas à conférer un caractère commercial à l'occupation si aucune activité n'y est exercée. Peu importe la clause d'habitation bourgeoise insérée dans le bail, il n'y a pas de changement de la destination des lieux (cass. civ., 3e ch., 25 février 2016, n° 15-13856).

  • Locaux de spectacles. Pour les baux d’immeubles à usage de lieux de spectacles, les locations et sous-locations doivent, à peine de nullité, être autorisées par le ministère chargé de la culture (ord. 45-2339 du 13 octobre 1945, art. 2 et 3).

Protection du local principal

Caractéristiques du local principal

392

Le local déclaré principal bénéficie d’office du statut des baux commerciaux ; le preneur n’a pas à prouver le caractère « nécessaire » de ce local.

D’une manière générale est considéré comme un local principal celui où les clients ont accès pour l’accomplissement d’actes de commerce faisant l’objet de l’exploitation du fonds (cass. civ., 3e ch., 13 février 1970, n° 68-11411).

Il n’existe pas de définition légale du local principal et du local accessoire, mais le local principal est celui affecté à l’exploitation du fonds et en est une partie constitutive.

Pour que ce local principal puisse bénéficier de la protection, les autres conditions doivent être remplies et notamment l’inscription au registre du commerce et des sociétés (voir §§ 346 à 355).

  • Les critères. La notion de local principal découle notamment :

    -du fait que le local constitue le centre nerveux et le véritable cerveau, dont la disparition aurait pour résultat d’amener une paralysie quasi complète de l’entreprise (cass. civ., 3e ch., 25 avril 1963, BC III n° 198) (voir § 397) ;

    -de son aménagement, destiné à permettre de recevoir la clientèle, condition essentielle de l’existence d’un fonds de commerce (cass. civ., 3e ch., 19 septembre 2006, n° 05-18365) ;

    -de l’importance du local (cass. civ. 27 janvier 1958, Gaz. Pal. 1958.I.245) ;

    -de l’existence d’un ensemble où s’exerce une activité unique, sans dissociation possible (cass. civ., 3e ch., 25 avril 1972, n° 71-10141).

  • Entrepôts. Lorsque le bail précise que la destination des locaux est l’entreposage de produits alimentaires, à l’exclusion de toute autre activité, le consentement du bailleur à l’exploitation d’une clientèle dans ces locaux est indispensable pour l’application du statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 15 octobre 2008, n° 07-16612).

  • Extensions commerciales. L’extension du commerce ne fait pas perdre au local principal son caractère, lorsqu’il demeure plus vaste et mieux outillé (cass. civ., 3e ch., 13 novembre 1962, BC III n° 446).

    De même, reste un local indispensable l’entrepôt qui ne renferme plus la totalité de l’exploitation, mais qui en demeure cependant un élément principal faisant partie d’un tout plus important (cass. civ., 3e ch., 17 décembre 1964, BC III n° 565) ; au cas considéré, le bail n’imposait pas que le siège social se situe dans ce local.

Pluralité de locaux principaux

393

La jurisprudence admet qu’une entreprise puisse comporter plusieurs locaux principaux contigus ou séparés dans l’espace ; ces locaux, dans lesquels s’exerce une partie de l’activité commerciale, bénéficient du statut des baux commerciaux. Lorsque les locaux constituent une unité d’exploitation, il n’est pas exigé une immatriculation au RCS pour chacun de ces locaux (voir § 354).

  • Annexe d’un hôtel. L’annexe d’un hôtel installée dans une villa fait partie du local principal du fonds de commerce (cass. civ., 3e ch., 28 mars 1968, BC III n° 140).

  • Ensemble industriel. Des locaux situés sur un terrain loué forment, avec les bâtiments utilisés par le preneur sur un autre terrain, un ensemble industriel où s’exerce une activité unique ; ces locaux n’ont pas le caractère de locaux accessoires (cass. civ., 3e ch., 25 avril 1972, n° 71-10141).

  • Réserve d'un magasin de vente. Constitue un local principal et non accessoire une réserve voisine d’un autre local, la clientèle passant de l’un à l’autre pour examiner la marchandise et régler ses achats (cass. civ., 3e ch., 25 octobre 1972, n° 71-11575). Il en est de même pour des locaux dans lesquels des clients se sont rendus pour choisir des marchandises et y effectuer des achats (cass. civ., 3e ch., 12 juillet 1995, n° 93-12222).

  • Exploitation unique. Lorsque tous les locaux loués par actes distincts ont été aménagés pour une exploitation commune et qu’ils forment un seul et unique local, les juges du fond peuvent en déduire que les parties ont, de façon claire et non équivoque, entendu soumettre l’ensemble des locaux au statut et plus particulièrement aux conditions du second bail prévoyant une faculté de résiliation triennale (cass. civ., 3e ch., 8 avril 1999, n° 97-15207).

  • Services annexes. Les locaux affectés au siège social de la société locataire ainsi qu’aux diverses administrations des sociétés filiales font, de par la volonté des contractants, partie intégrante de l’établissement principal où se trouvent regroupés tous les services et où la clientèle a accès, et il n’y a pas lieu de se prononcer sur leur caractère nécessaire à l’exploitation (cass. civ., 3e ch., 25 mai 1966, BC III n° 275).

Exclusion de certains éléments

394

La notion d’immeuble ou de locaux exigée pour prétendre au bénéfice du statut conduit à exclure certains éléments ne présentant pas de telles caractéristiques.

En outre, la dénégation du statut peut, pour certains de ces éléments tels que les emplacements dans une grande surface, trouver son fondement sur l’absence de clientèle autonome (voir § 344).

Dans certains cas, ces éléments sont inclus dans le bail du local principal et forment un tout indivisible (voir § 398).

  • Aires de stationnement. Ne saurait être considéré comme un local au sens du statut des baux commerciaux l’espace composé de 14 aires de stationnement au rez-de-chaussée d’un immeuble, séparées des autres aires par des bandes de peinture tracées sur le sol (cass. civ., 3e ch., 18 mars 1992, n° 90-15686).

    En présence d’emplacements de stationnement pris à bail par un hôtel, les juges du fond doivent rechercher si ces emplacements peuvent recevoir la qualification de locaux avant toute qualification en locaux accessoires à l’exploitation (cass. civ., 3e ch., 4 janvier 1995, n° 92-21585) (sur les garages, voir § 400).

  • Emplacements d’affichage. Les locations d’emplacements (murs, toitures) pour l’affichage publicitaire ne bénéficient pas du statut des baux commerciaux. Deux raisons les en excluent : il ne s’agit pas de locaux et un fonds de commerce n’est pas exploité sur ces emplacements (cass. civ., 3e ch., 11 mai 1949, Sem. jur. éd. CI 1949, 4967).

  • Exposition de tableaux. Une convention conférant le droit d’exposer des tableaux sur des emplacements matérialisés par des murs ne peut constituer un bail commercial (cass. civ., 3e ch., 20 novembre 1991, n° 90-11678).

  • Vitrines. Les vitrines d’exposition ne peuvent, dans la généralité des cas, être considérées comme des locaux d’exploitation. Toutefois, le statut a été déclaré applicable aux vitrines :

    -jugées indispensables et de nature à compromettre l’exploitation du fonds de commerce. Tel est le cas pour un guichet de devanture (CA Colmar 2 juillet 1968, Rev. loyers 1969, p. 172) ;

    -constituant le prolongement de la vitrine d’exposition du locataire (CA Paris 15 février 1982, Gaz. Pal. 1983, 16) ;

    -faisant partie des lieux loués par un même bail (CA Lyon 16 novembre 1989, Ann. loyers 1991, 652).

  • Stand de crêpes annexe d’un café. Le bénéfice du statut a été refusé à un stand annexé à un café dans lequel l’exploitant vendait des crêpes (cass. civ., 3e ch., 1er octobre 2003, n° 02-11239).

Les extensions

Établissement secondaire ou succursale

Conditions de la protection

395

Bénéficie de la même protection que le local principal la succursale titulaire d’un bail et immatriculée au registre du commerce et des sociétés où s’exerce, avec une autonomie suffisante, une activité commerciale.

La succursale doit être distinguée de l’annexe et du local accessoire ; en effet, pour lui conférer le droit au statut, il n’y a pas lieu de rechercher si le local de cette succursale est nécessaire.

Les principaux critères retenus pour qualifier un établissement de secondaire ou de succursale sont :

-l’autonomie de gestion de la succursale qui doit être un centre de décisions ;

-la permanence de l’établissement ;

-le dirigeant de cet établissement doit pouvoir lier des rapports juridiques avec les tiers et engager le siège. Ce dirigeant doit être placé sous la subordination du siège.

  • Immatriculation au RCS. Toutes les succursales doivent être immatriculées au registre du commerce et des sociétés (voir § 351) ; le défaut d’immatriculation entraîne la déchéance du statut des baux commerciaux.

  • Intention d’exploiter un fonds de commerce. Une convention portant sur des locaux à usage d’entrepôt est conclue pour une durée de 23 mois ; elle a fait l’objet de prorogations successives. Suite au départ du locataire, le bailleur l’assigne en invoquant le fait qu’un bail soumis au statut des baux commerciaux avait pris naissance du fait de la prorogation de la convention initiale et demande le paiement de loyers. La société locataire était en droit de quitter les lieux au terme de la dernière prorogation de la convention initiale dans la mesure où le preneur n’avait jamais eu l’intention d’exploiter un magasin de vente dans les locaux et qu’il n’était pas contesté qu’aucune clientèle n’y avait été reçue (cass. civ., 3e ch., 16 juin 2004, n° 03-11314).

Les antennes parisiennes

396

Les décisions rendues à propos des locaux ouverts à Paris par des entreprises ayant leur centre d’activité en province mettent en avant les différentes notions liées aux succursales et aux locaux accessoires.

  • Local accessoire. A le caractère de local accessoire le local parisien loué, selon le bail, à usage exclusif de bureaux commerciaux, d’exposition d’échantillons et de stockage de tissus fabriqués et commercialisés en province par la société preneuse, même si ce local est utilisé comme tel sans qu’il y soit réalisé directement des opérations de ventes (cass. civ., 3e ch., 19 juillet 1988, n° 87-10814).

  • Preuve du caractère indispensable. Le local sis à Paris, donné à bail à une société dont le siège social est en province, qui est utilisé en bureau d’achats constitue une simple commodité dont la disparition ou le changement d’emplacement n’entraînerait ni la disparition du fonds ni la perte de la clientèle (cass. civ., 3e ch., 25 juin 1991, n° 90-12409).

    En revanche, la cour d’appel de Paris a considéré que n’étaient pas une simple commodité des locaux à usage mixte destinés à accueillir à Paris les cadres de passage (CA Paris 8 décembre 1992, JCP éd. G 1993.256, § 35-2). En l’espèce, les juges du fond ont considéré que ce local présente, au regard de l’activité internationale déployée par la locataire et de son siège provincial, un caractère tout à fait indispensable à l’exploitation du fonds principal.

Locaux accessoires

Application du statut

397

Le statut des baux commerciaux s’applique également aux baux de locaux ou d’immeubles accessoires à l’exploitation d’un fonds de commerce lorsque (c. com. art. L. 145-1, I, 1°) :

-sa privation est de nature à compromettre l’exploitation du fonds ;

-son propriétaire est le même que celui où est situé l’établissement principal ou, en cas de pluralité de propriétaires, les locaux accessoires ont été loués en vue de l’utilisation jointe.

L’inscription au registre du commerce et des sociétés n’est pas exigée pour ces locaux, sauf s’ils sont équivalents à un établissement secondaire (voir §§ 351 et 353).

  • Baux distincts. Le caractère accessoire de locaux est attaché à des baux distincts (même bailleur ou non) concernant des locaux (cass. civ., 3e ch., 20 juin 1960, BC III n° 277) ; si les locaux sont compris dans un même bail, c’est le caractère indivisible qui est en cause (voir § 398).

  • Locaux d’artisan. Les locaux accessoires d’un artisan sont protégés dans les mêmes conditions que ceux d’un commerçant (trib. civ. Seine 4 février 1960, Sem. jur. 1960, 89).

  • Renonciation à la propriété commerciale. En présence d’un local reconnu accessoire et nécessaire, la renonciation à la propriété commerciale insérée dans l’acte de location de ce local est nulle (cass. civ., 3e ch., 22 mars 1989, n° 87-15837).

Bail portant sur un local principal avec des dépendances

398

La notion juridique d’« indivisibilité du bail » permet de considérer que ces locaux suivent le sort du local principal sans avoir à démontrer le caractère nécessaire du local.

  • Parkings. Dans les grandes villes, l’indivisibilité entre le local commercial et le parking est très forte. La vie moderne impose qu’un moyen de stationnement soit prévu pour l’occupant de locaux professionnels. Dès lors, le locataire demandera au propriétaire du local commercial et de places de parking que la notion d’indivisibilité soit attachée au tout afin de bénéficier sur l’ensemble du droit à renouvellement.

  • Maisons-témoins. Les maisons-témoins édifiées sur les terrains nus donnés à bail avec l’accord de la bailleresse, appartenant à des sociétés dont l’objet est la vente « clés en main » de maisons individuelles, constituent, pour ces constructeurs, des locaux accessoires dont la disparition compromettait leur exploitation principale (cass. civ., 3e ch., 29 septembre 1999, Loyers 2000, n° 194).

  • Baux mixtes - Commercial et habitation. Lorsque le bail comprend des locaux commerciaux et des locaux à usage d’habitation, le bail est alors commercial pour le tout (voir § 407).

Caractère « nécessaire » du local

399

Pour bénéficier du statut des baux commerciaux, le local accessoire doit être nécessaire : sa privation doit être de nature à compromettre l’exploitation du fonds (c. com. art. L. 145-1, I, 1° ; cass. civ., 3e ch., 27 septembre 2005, n° 04-12297).

C’est au locataire qui demande le droit au renouvellement pour un local accessoire d’apporter la preuve du caractère, nécessaire et indispensable à son activité, de ce local accessoire (cass. civ., 3e ch., 17 janvier 1969, BC III n° 55 ; cass. civ., 3e ch., 21 mars 1990, n° 89-11297 ; cass. civ., 3e ch., 27 février 1991, n° 89-11017).

  • Pouvoirs des juges. Les juges du fond apprécient souverainement la véracité des allégations du preneur en ce domaine (cass. civ., 3e ch., 30 janvier 1970, n° 68-12096 ; cass. civ., 3e ch., 28 mars 1977, n° 75-15672). Ils doivent rechercher si ce local est indispensable à l’exploitation du fonds au sens du décret afin de décider, cas par cas, si la privation du local accessoire sera de nature à compromettre l’existence du fonds (cass. civ., 3e ch., 23 janvier 1974, n° 72-13411).

  • Local pouvant être remplacé. La nécessité du local accessoire doit s’apprécier par rapport à l’exploitation, sans considération des possibilités de remplacement dont le preneur pourra disposer par ailleurs (cass. civ., 3e ch., 27 avril 1982, n° 80-15199 ; cass. civ., 3e ch., 7 février 1990, n° 88-12880).

Locaux nécessaires ou non

400

La notion de « privation de nature à compromettre l’exploitation du fonds » est assez floue.

La jurisprudence et la doctrine opèrent une distinction autour de trois critères :

-critère de commodité : le local accessoire facilite l’exploitation du fonds sans avoir d’effet réel sur son activité ;

-critère d’utilité : le local accessoire favorise le développement du fonds sans mettre en péril son existence en cas de disparition ;

-critère de nécessité : l’exploitation dépend de l’utilisation du local accessoire. Seuls ces locaux sont protégés par le statut.

Nous donnons quelques exemples de jurisprudence ayant admis ou non le bénéfice du statut pour des locaux accessoires, mais le sens d’une décision donnée à propos d’une catégorie de locaux ne peut préjuger du sort qui sera réservé à tel autre local similaire.

  • Entrepôts, dépôts de marchandises non nécessaires. Ont été jugés non nécessaires des entrepôts à un usage exclusif d’entrepôt sans réception de clientèle pour les besoins :

    -de stockage de marchandises (cass. civ., 3e ch., 15 octobre 1963, BC III n° 411 ; cass. civ., 3e ch., 9 avril 1971, BC III n° 272 ; cass. civ., 3e ch., 16 novembre 1971, n° 70-12561) ;

    -de ferrailleur et de brocante (cass. civ., 3e ch., 14 mars 1962, BC III n° 168), ou de charbon (cass. civ., 3e ch., 16 juillet 1969, BC III n° 586). Ces professionnels disposaient de plusieurs entrepôts et leurs bureaux n’étaient pas sur le site objet du litige ;

    -de chauffage central pour la remise de matériels (cass. civ., 3e ch., 9 octobre 1974, n° 73-12342).

  • Entrepôts, dépôts nécessaires. Ont pu bénéficier du statut les entrepôts d’activités :

    -de dépositaire exclusif d’une marque, la privation d’un local d’exposition et d’entrepôt des marchandises l’empêchant de vendre une partie de cette marque (CA Agen, Aud. Sol., 6 juin 1984, Loyers 1984, n° 409) ;

    -de fleuriste exerçant sur la voie publique (cass. civ., 3e ch., 1er mars 1966, BC III n° 125) ;

    -de garde-meubles (cass. civ., 3e ch., 11 juillet 1963, BC III n° 372). Un autre arrêt a refusé le caractère accessoire pour un immeuble à usage de garde-meubles, sa disparition ne touchant pas le fonds mais causant seulement une gêne (cass. civ., 3e ch., 19 juin 1968, BC III n° 284) ;

    -de marchand de meubles (cass. civ., 3e ch., 26 mai 1961, BC III n° 234 ; remise et atelier) ;

    -de matelassier (cass. civ., 3e ch., 12 janvier 1965, n° 61-12908 ; remise et atelier) ;

    -de primeur et poissonnier (cass. civ., 3e ch., 12 janvier 1965, n° 61-12907 ; stockage des instruments, du matériel, des emballages ou des véhicules) ;

    -de travaux publics, le terrain et le hangar servant à déposer le matériel (CA Paris 23 mai 1961, Gaz. Pal. 1961, 141).

  • Garages nécessaires à l’exploitation. Ont bénéficié du statut les garages utilisés par :

    -une entreprise de presse pour la réparation et le stationnement des véhicules de l’entreprise (cass. civ., 3e ch., 19 juillet 1966, BC IV n° 366) ;

    -une entreprise de bois et charbon (cass. civ., 3e ch., 25 avril 1968, BC III n° 167). En l’espèce, le hangar servait également pour le stockage du bois ;

    -une agence immobilière (CA Paris 29 janvier 1991, Loyers 1991, n° 166). La cour d’appel a déclaré que des places de parking étaient nécessaires en raison de l’implantation de cette agence dans un quartier d’affaires.

  • Garages non nécessaires. Les locaux loués à usage de garage de véhicules industriels ou commerciaux sont très rarement reconnus comme des locaux nécessaires et le statut leur est généralement refusé. Tel a été le cas pour des garages servant à :

    -un usage personnel du commerçant (cass. civ., 3e ch., 23 janvier 1974, n° 72-13411) ;

    -une entreprise d’auto-école (cass. civ., 3e ch., 4 décembre 1967, BC III n° 394).

    -une entreprise de taxis-ambulances et véhicules de ramassage scolaire (cass. civ., 3e ch., 12 février 1992, Loyers 1992, n° 300).

  • Aires de stationnement. Les aires de stationnement ne sont pas des locaux accessoires entrant dans le champ d’application des textes sur les baux commerciaux, qu’elles soient utilisées pour la clientèle :

    -d’un éditeur (cass. civ., 3e ch., 12 juillet 1995, n° 93-20599). Les juges du fond ont relevé que le bail avait un caractère civil et non commercial pour les aires de stationnement ;

    -d’un garagiste (cass. civ., 3e ch., 18 mars 1992, n° 90-15686) ;

    -d’un hôtel (cass. civ., 3e ch., 4 janvier 1995, n° 92-21585) ; la Cour précise que les juges devaient rechercher si ces emplacements étaient susceptibles de recevoir la qualification de local.

    Dans une autre affaire, un congé avec refus de renouvellement a été annulé à propos d’un local servant de garage à un hôtel, la privation de ce local accessoire, non immatriculé au RCS, compromettant l’exploitation (cass. civ., 3e ch., 4 novembre 1992, n° 90-21398).

    Enfin, un emplacement de stationnement dans un garage a été jugé accessoire et, compte tenu de sa nature, de sa fonction et de sa situation, indispensable à l’exploitation du fonds de commerce de restaurant. Il a pu, en conséquence, bénéficier du statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 22 mars 2006, n° 05-12106).

    Attention, la revendication du statut doit être formulée dans les 2 ans de la signature du contrat portant sur le parking. Peu importe que ce contrat ait été renouvelé pendant plus de 20 ans par des avenants successifs (cass. civ., 3e ch., 14 septembre 2017, n° 16-23590).

  • Caves. A été déclarée nécessaire une cave expressément louée à usage exclusif de réserve pour une boutique (CA Paris 20 juin 1995, D. 1995, 185). En revanche, une cave située sous un restaurant et louée au restaurateur uniquement « à son usage » n'a pas été considérée comme accessoire au local principal, la privation du sous-sol n'étant pas de nature à compromettre l'exploitation du fonds de commerce. Peu importe que le bailleur ait toléré l'installation dans la cave, par le restaurateur, d'une cuisine affectée au restaurant (cass. civ., 3e ch., 28 mai 2020, n° 19-13381).

  • Ateliers et autres locaux non protégés. N’ont pas été qualifiés de locaux accessoires « nécessaires » :

    -un atelier secondaire à utilisation limitée (cass. civ., 3e ch., 29 avril 1963, BC III n° 210) ;

    -un hangar dont la perte ne compromettait pas l’exploitation du fonds (cass. civ., 3e ch., 29 avril 1969, Sem. jur. 1969, 251) ;

    -une cantine (cass. civ., 3e ch., 19 mars 1963, BC III n° 162) ;

    -une salle de bal annexée à un café-restaurant (cass. civ., 3e ch., 4 novembre 1959, Sem. jur. éd. CI 1960, 66835) ;

    -un couloir-véranda dépourvu d’entrée particulière, concédé pour les besoins d’une exposition de tableaux (cass. civ., 3e ch., 2 décembre 1987, BC III n° 161).

Pluralité de bailleurs

401

Dans l’hypothèse de locaux loués par un propriétaire différent de celui du local principal, le bailleur de ces locaux accessoires doit les avoir donnés en location en pleine connaissance de leur utilisation jointe. Le fait que le local soit nécessaire à l’exploitant du fonds ne peut suffire, il faut démontrer que le local avait été loué au vu et au su du bailleur en vue de son utilisation pour l’activité principale exploitée par le locataire dans d’autres locaux appartenant à un propriétaire différent.

Les juges du fond doivent ainsi rechercher si le local a été loué au vu et au su de son propriétaire pour une utilisation jointe à celle du local principal (cass. civ., 3e ch., 19 juillet 1995, n° 93-15947). Pour éviter ce type de contentieux, une déclaration peut être signée par le second bailleur (voir notre modèle, § 21).

Un appartement est-il un local accessoire au fonds de commerce ? Le simple procès-verbal d’une assemblée des copropriétaires faisant état que l’appartement loué par une société servait aussi bien d’entrepôt que de logement au personnel de la société ne peut suffire à établir que cet appartement avait été loué au vu et au su du bailleur en vue de son utilisation pour l’activité principale exploitée par la société locataire dans d’autres locaux appartenant à un propriétaire différent. Le bail des locaux d’habitation n’est pas un bail commercial, mais un contrat relevant de la seule loi du 6 juillet 1989 régissant les baux d’habitation et permettant au bailleur de donner congé pour reprendre les locaux sans versement d’une indemnité (cass. civ., 3e ch., 19 mars 2008, n° 06-21752).

Absence d’un local principal

402

Certaines activités commerciales peuvent être exercées en dehors de tout local principal ; tel est le cas des forains, des auto-écoles, des marchands ambulants sur la voie publique ou dans les marchés.

Ces commerçants utilisent généralement des remises ou hangars pour le stockage de leurs marchandises et matériels. De tels locaux peuvent-ils bénéficier du statut ?

Reconnaissance du statut. La jurisprudence admet, dans certains cas, la protection de ces locaux :

-soit en les qualifiant de locaux principaux d’une exploitation, car ils en constituent le centre nerveux et le véritable cerveau (cass. civ., 3e ch., 25 avril 1963, BC III n° 198). Cette décision a été rendue à propos de bureaux d’un marchand de charbon disposant de chantiers et d’autres bureaux sur d’autres sites ;

-soit en considérant qu’en l’absence de ce local le commerce ne pouvait subsister (cass. civ., 3e ch., 1er mars 1966, BC III n° 125) ; il s’agissait d’un entrepôt utilisé pour les besoins d’un important commerce de fleurs exercé sur la voie publique. Ce caractère essentiel a également été reconnu pour des locaux de stockage loués par un marchand forain (CA Paris 1er octobre 1986, Loyers 1986, n° 467) et pour un entrepreneur de bals (CA Orléans 17 décembre 1964, Rev. loyers 1965, 497).

Locaux à usage de bureaux

Droit au statut

403

Les locaux loués comme bureaux bénéficient du statut des baux commerciaux dans la mesure où leur usage est commercial.

Ces locaux, lorsqu'ils sont à usage exclusif de bureaux, sont soumis à des règles particulières pour la fixation du loyer renouvelé : ce loyer peut être déplafonné. Aussi, le problème de la qualification de bureaux se posera, le plus souvent, au moment du renouvellement (voir §§ 679 à 684).

  • Locaux accessoires. Du fait de leur décentralisation du lieu d’activité, s’ils sont déclarés nécessaires à l’activité, ils bénéficieront du statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 19 juillet 1988, Sem. jur. 1988, 346).

  • Dépendances. Lorsque les bureaux sont des dépendances incluses dans le bail du local principal, ces locaux suivent alors le sort du local principal en raison de l’indivisibilité du bail. Il n’y a pas lieu à une inscription distincte pour ces bureaux (voir § 354).

  • Bureaux pour des activités non commerciales. En règle générale, les locaux à usage de bureaux loués à des professions non commerciales ou assimilées ne peuvent statutairement bénéficier du statut des baux commerciaux et de la propriété commerciale. Il en a été décidé ainsi à propos de :

    -bureaux d’organisation et de gestion d’entreprises donnant seulement des conseils et des directives (cass. civ., 3e ch., 5 mars 1971, n° 69-13118) ;

    -sociétés dont l’activité consiste à sous-louer l’ensemble de l’immeuble pris en location et divisé en bureaux (voir § 365) ;

    -bureaux loués pour une activité civile si le professionnel fournit seulement des prestations intellectuelles (voir § 375) ;

    -clauses du bail visant seulement des activités intellectuelles liées à l'immobilier, sans mentionner le dépôt de marchandises (cass. civ., 3e ch., 6 septembre 2018, n° 17-14718).

    Le droit au statut peut, par des clauses adaptées, être étendu à ces locations (voir § 377).

  • Établissement d’enseignement. Un bail « à usage de bureaux » est soumis au statut des baux commerciaux si le locataire exerce dans les lieux loués une activité d’enseignement et de formation (cass. civ., 3e ch., 23 mars 2010, n° 09-11359) (sur la situation des établissements d’enseignement, voir également § 371).

Maintien du droit au statut en cas de cession

404

En cas de cession du droit au bail de ces bureaux, ceux-ci doivent conserver leur affectation de bureaux, même en présence d’une clause autorisant la cession pour tous commerces (cass. civ., 3e ch., 16 décembre 1992, n° 91-12655 ; cass. civ., 3e ch., 8 janvier 1980, n° 78-13060) ; la nouvelle activité doit pouvoir être exercée au sein de bureaux.

Domiciliation

Interdiction de principe

405

La domiciliation d’une société dans un local commercial est en principe irrégulière, sauf si elle est autorisée par le bailleur. En effet, une domiciliation est un acte extérieur à la propriété commerciale, inopposable au bailleur qui ne l’a pas acceptée (CA Paris 8 janvier 1993, Loyers 1993, n° 401).

Les tribunaux, dans le cadre de leur pouvoir souverain, ne prononcent pas systématiquement la résiliation du bail pour cette infraction mais, afin d’éviter un contentieux, il est conseillé au preneur d’obtenir le consentement préalable du bailleur avant toute domiciliation.

Une domiciliation équivalant, selon la Cour de cassation, à l’exercice effectif de la profession, la simple domiciliation de l’activité professionnelle du locataire constitue une infraction aux clauses du bail interdisant l’exercice de l’activité en cause (cass. civ., 3e ch., 20 janvier 1988, n° 86-16279 ; CA Paris 20 février 1998, D. Affaires 98, p. 656).

  • Domiciliation postale. À défaut d’autorisation du bailleur, la domiciliation postale et téléphonique d’une société dans des locaux non affectés à un usage commercial est un changement de destination, même si aucune activité n’y est exercée (voir, par exemple, cass. civ., 3e ch., 11 juin 1987, n° 85-18333).

    La Cour de cassation a cependant refusé de prononcer la résiliation d’un bail excluant toute activité professionnelle au seul motif que le locataire recevait du courrier d’une société commerciale (cass. civ., 3e ch., 12 octobre 1994, n° 92-16276).

  • Interdiction de sous-louer. Sauf stipulation contraire au bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite (voir §§ 274 à 277), mais ne caractérise pas l’existence d’une sous-location la mention sur un extrait Kbis qu’une société est domiciliée dans des lieux loués (cass. civ., 3e ch., 7 février 1996, n° 93-19013).

    Dans l’hypothèse où la clause d’interdiction de sous-louer reprise dans le bail porte interdiction de toute occupation, même temporaire, par des tiers et donc d’une domiciliation, cette clause s’impose au preneur, qui devra la respecter sous peine d’une action en résiliation de son bail.

  • Domiciliation collective. Les personnes physiques peuvent domicilier leur entreprise et les personnes morales leur siège social dans des locaux occupés en commun par plusieurs entreprises, dans le cadre d'un contrat de domiciliation collective (c. com. art. L. 123-10 et L. 123-11).

    La société domiciliataire doit être propriétaire des locaux ou titulaire d'un bail autorisant la domiciliation collective de tiers. Elle doit également avoir obtenu un agrément préfectoral pour son activité (c. com. art. R. 123-166-3). Le contrat doit avoir une durée d'au moins 3 mois, renouvelable par tacite reconduction (c. com. art. R. 123-168). Il doit être mentionné au RCS (c. com. art. R. 123-169).

  • Domiciliation chez le chef d'entreprise. Les personnes physiques peuvent utiliser leur local d'habitation pour domicilier l'adresse de leur entreprise (c. com. art. L. 123-10). Le représentant légal d'une société peut domicilier le siège de celle-ci dans son local d'habitation pendant les 5 années qui suivent la création de la société (c. com. art. L. 123-11-1). Dans les deux cas, la domiciliation ne peut pas conduire à l'application du statut des baux commerciaux.

Domiciliation des filiales

406

Les sociétés et leurs filiales qui installent leur siège dans le même local dont l’une a la jouissance ne sont pas tenues de conclure entre elles un contrat de domiciliation (c. com. art. R. 123-170) ; cette dispense vise le contrat de domiciliation collective (voir § 405), mais ne semble pas emporter autorisation de principe de domiciliation.

Ainsi, une analyse du bail de la société domiciliataire s'impose. Certains baux interdisent de concéder la jouissance des lieux à qui que ce soit et sous quelque forme que ce soit ; d'autres contiennent une interdiction générale de sous-location, domiciliation, prêt ou mise à disposition, même temporaire, des locaux. Dans ces différents cas, l'accord préalable du bailleur doit être demandé. En présence d'une domiciliation pour les seuls besoins administratifs de la société domiciliée, l'accord du bail devrait être facilité.

D'autres baux prohibent seulement les sous-locations. La simple domiciliation ne répond pas à la définition de la sous-location et cette mise à disposition devrait échapper à l'interdiction du bail. En pratique, on notera que les clauses du bail peuvent être ambiguës quant à la portée de l'interdiction ; autant d'aléas qui peuvent conduire le locataire à informer le bailleur de son intention et à solliciter, s'il y a lieu, son accord.

Bail de locaux mixtes

Caractère commercial

407

Très souvent pour des petits commerces, le bail porte à la fois sur le local servant à l’exploitation du fonds et sur un appartement ou un local affecté à l’habitation.

Le caractère commercial est présumé l’emporter et le statut des baux commerciaux s’applique à l’ensemble.

Pour apprécier la nature du contrat, la jurisprudence s’attache à la commune intention des parties et à la destination donnée aux biens dans le bail (cass. civ., 3e ch., 16 avril 1969, BC III n° 284).

Ainsi, en l’état d’un bail consenti à usage d’habitation, mais autorisant le locataire à affecter une pièce à une activité de maroquinier, les juges du fond peuvent estimer que cette destination mixte a un caractère commercial (cass. civ., 3e ch., 16 octobre 1974, n° 73-13720).

  • Clause « tous commerces ». Lorsque le bail précise que les locaux peuvent être utilisés pour l’exercice de tous commerces, sans distinguer entre les pièces à usage commercial et celles à usage privé, le locataire peut utiliser l’ensemble des locaux pour son activité commerciale (cass. civ., 3e ch., 4 mars 2008, n° 07-13881).

  • Indivisibilité du bail. L’indivisibilité du bail est généralement invoquée par le locataire lorsque le bailleur n’offre le renouvellement que pour la partie commerciale, à l’exclusion de l’appartement.

    Le bail consenti à un commerçant sur des locaux distincts, dont une partie seulement sert à l’exploitation du fonds, est un bail indivisible, de caractère commercial pour le tout ; le caractère non commercial de certains locaux loués, accessoires ou non, utilisés à des fins commerciales, ne peut être invoqué que dans le cas de baux distincts (cass. civ., 3e ch., 5 février 1971, n° 69-12416).

    La Cour de cassation a jugé qu’aucune indivisibilité ne pouvait lier deux locaux servant l’un à un usage professionnel, l’autre à un usage d’habitation, dont les régimes juridiques sont différents et qui sont matériellement distribués de part et d’autre d’un vestibule (cass. civ., 3e ch., 26 février 1992, n° 90-16984).

    Lorsque les parties s’accordent pour qualifier de commercial un bail verbal en ce qui concerne des locaux du rez-de-chaussée, l’étage servant d’entrepôt et de bureaux au commerce du preneur, l’immeuble a fait l’objet d’un bail commercial indivisible (cass. civ., 3e ch., 20 février 1991, n° 89-16959) ; en l’espèce, le litige portait sur le fait que l’appartement avait été donné à bail en violation du règlement de copropriété.

  • Local d'habitation indispensable à l'exploitation. L’indivisibilité des locaux est également invoquée par le locataire lorsque le bailleur veut vendre une partie d'entre eux en application des règles relatives aux baux d'habitation (loi 89-462 du 6 juillet 1989, art. 15, II).

    Tel était le cas d'un appartement destiné au personnel et dépourvu de fenêtres, ainsi qu'un local à skis, loués au titre d'un bail d'habitation à une société. Ils étaient situés en sous-sol d'un immeuble communiquant avec le sous-sol d'un autre immeuble dans lequel la même société louait un local à usage de café-restaurant. Au vu de la situation des lieux, imbriqués en partie « par emprise du local commercial », et de l'existence d'un compteur électrique commun à celui du café-restaurant, les juges ont estimé que les locaux étaient indispensables à l'exploitation du fonds de commerce et bénéficiaient du statut des baux commerciaux, non de celui des baux d'habitation. Le propriétaire n'a donc pas pu les reprendre pour les vendre (cass. civ., 3e ch., 15 février 2018, n° 16-19522).

  • Sous-location. La sous-location du logement par le locataire selon un bail unique de divers locaux commerciaux comprenant un appartement n’a pas pour effet de modifier l’affectation commerciale des lieux loués et de rendre applicables au sous-locataire les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 (cass. civ., 3e ch., 6 février 1991, n° 89-16961).

  • Occupation du logement par le représentant de la société locataire. Une personne morale ne pouvant habiter bourgeoisement un appartement, la faculté d’occuper à usage d’habitation de tels locaux supposait nécessairement l’autorisation d’en accorder la jouissance à l’un des représentants personnes physiques de la société locataire (cass. civ., 3e ch., 23 mai 2002, n° 00-20860).

    Le fait pour un preneur d’un bail comprenant un local d’habitation de mettre ce local à la disposition d’un salarié est une sous-location (voir § 410).

  • Logement décent. Le bailleur doit indemniser son locataire du préjudice causé par le manquement à l’obligation de délivrer un logement décent, même si celui-ci est inclus dans le bail commercial (cass. civ., 3e ch., 14 octobre 2009, n° 08-10955).

  • Transformation de la partie d’habitation. La transformation en atelier pour le tout de locaux pour partie à usage d’habitation, sans autorisation du bailleur, constitue un motif grave de non-renouvellement sans indemnité du bail commercial (cass. civ., 3e ch., 10 janvier 1962, BC III n° 23).

  • Utilisation du logement à d’autres fins. La destination mixte d’un bail n’implique pas par elle-même l’obligation d’utiliser les lieux loués en fonction de chacun des usages prévus par la convention (cass. civ., 3e ch., 15 janvier 1992, n° 90-12815 ; cass. ass. plén. 2 février 1996, n° 91-21373).

  • Bail « toutes activités ». Bénéficiant du transfert d’un bail sur une maison d’habitation, le nouveau locataire choisit d’y fixer également le siège social de la société dont il est le gérant. Les propriétaires de la maison lui délivrent un congé pour vendre mais le locataire les assigne en justice afin de faire constater que le bail est un bail mixte (commercial et d’habitation) et qu’il est soumis, pour le tout, au statut des baux commerciaux. La Cour de cassation lui donne raison car, d’une part, le bail stipulait que le preneur pouvait exercer « toutes activités professionnelles, commerciales ou industrielles » et, d’autre part, un fonds de commerce était effectivement exploité dans les lieux (cass. civ., 3e ch., 9 juillet 2014, n° 12-29329).

Droit au renouvellement

408

La conclusion d’un bail unique permet au locataire de prétendre à un droit de renouvellement pour la totalité des locaux, et les juges du fond qui ont constaté l’indivisibilité matérielle des locaux ne peuvent exclure l’appartement pour fixer l’indemnité d’éviction suite à un défaut de renouvellement (cass. civ., 3e ch., 1er octobre 1997, n° 95-14322).

  • Condition du droit au renouvellement. Le renouvellement du bail est conditionné au fait, qu'au terme du contrat, le locataire occupe au moins partiellement les locaux pour son habitation principale (cass. civ., 3e ch., 5 septembre 2012, n° 11-22336).

  • Valeur locative. En ce qui concerne la fixation de la valeur locative des locaux mixtes, l’article R. 145-4, alinéa 2 du code de commerce précise que, lorsque les lieux loués comportent une partie affectée à l’habitation, la valeur locative de celle-ci est déterminée par comparaison avec les prix pratiqués pour des locaux d’habitation analogues faisant l’objet d’une location nouvelle, majorés ou minorés, pour tenir compte des avantages ou inconvénients présentés par leur intégration dans un tout commercial (voir § 255).

    Mais la modification de la valeur locative des locaux d’habitation est insuffisante pour entraîner le déplafonnement du loyer renouvelé du bail commercial (voir §§ 637 et 638).

Logement non lié au bail principal

409

Lorsque le logement n’est pas lié au bail principal et constitue un local accessoire (voir §§ 397 à 402), le caractère nécessaire ou indispensable n’est généralement pas reconnu au logement et celui-ci ne peut bénéficier du statut.

La solution est différente lorsque le locataire peut prouver le caractère nécessaire ; tel peut être le cas d’un appartement d’habitation accessoire à une officine de pharmacie (cass. civ., 3e ch., 6 février 1974, Rev. loyers 1974, 215).

Accès aux locaux professionnels. Si, au moment de la conclusion du bail, le local loué (en l’espèce, un grenier) était destiné au logement du locataire auquel avait été consenti un bail d’habitation, l’autorisation précaire ultérieurement donnée au locataire d’aménager un escalier pour accéder à ses locaux professionnels ne modifie pas la destination initiale de la chose louée (cass. civ., 3e ch., 11 mai 1988, n° 86-19203).

Logement des salariés

410

Lorsque l’employeur loue des locaux pour loger son personnel, le bail a, en principe, un caractère commercial (cass. civ., 3e ch., 18 juin 1969, BC III n° 494).

Lorsque l’entreprise entend domicilier un salarié dans les locaux pris à bail ou mettre à sa disposition une pièce, cette faculté de sous-location ou d’occupation sera prévue dans le bail d’origine ou dans un avenant établi en accord avec le bailleur.

  • Inapplicabilité du statut au salarié. Le caractère commercial du bail ne confère cependant pas le droit au statut pour le locataire. En effet, ce droit est réservé aux locaux où s’exploite le fonds et les locaux loués pour le personnel n’ont pas, en principe, un caractère indispensable ou nécessaire (cass. civ., 3e ch., 29 décembre 1961, BC III n° 500 ; cass. civ., 3e ch., 29 juin 1982, Gaz. Pal. 1983 pan. 15).

    L’ensemble du statut ne peut jouer pour ces locations et, notamment, les dispositions relatives aux révisions du loyer.

  • Mise à disposition interdite. La mise à la disposition d’un employé de la société locataire des locaux d’habitation compris dans les locaux donnés à bail moyennant une contrepartie constitue une sous-location (cass. civ., 3e ch., 7 avril 1994, n° 92-14478).

    Cette sous-location peut justifier la résiliation du bail lorsqu’elle est prohibée par le contrat et non acceptée par le bailleur (cass. civ., 3e ch., 10 novembre 1971, n° 70-12747).

    De même, la mise à la disposition d’un salarié d’une partie des lieux loués constitue une sous-location ; les juges apprécient souverainement si une telle infraction doit entraîner la résiliation du bail (cass. civ., 3e ch., 17 octobre 1972, n° 71-13061).

Reprise des locaux d’habitation

Reprise pour habiter

411

Le bailleur peut, pour habiter lui-même ou pour faire habiter les locaux par son conjoint, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, refuser le renouvellement exclusivement pour les locaux d’habitation accessoires aux locaux commerciaux, à la condition que le bénéficiaire de la reprise ne dispose pas d'une habitation correspondant à ses besoins (c. com. art. L. 145-22, al. 1er).

Toutefois, pour que les locaux d’habitation puissent être repris, il ne faut pas qu’ils forment un tout indivisible avec les locaux commerciaux, l’indivisibilité étant appréciée ici sur le plan matériel. En outre, cette reprise ne peut être exercée lorsque le locataire évincé établit que la privation de jouissance des locaux qui faisaient partie de son bail apporte un trouble grave à l’exploitation de son fonds de commerce (cass. civ., 3e ch., 1er février 1968, n° 66-12004 ; l’arrêt relève le fait que la reprise par le propriétaire du local d’habitation accessoire rend plus difficile la cession du fonds de commerce).

D’autres conditions sont également exigées pour pouvoir exercer le droit de reprise pour habiter. Elles tiennent essentiellement à l’absence d’habitation du bailleur et à la mise à disposition d’un local au profit du preneur évincé.

  • Notion d’« indivisibilité ». Le droit de reprise pour habiter a été admis après avoir constaté que les locaux étaient matériellement divisibles et avaient été partiellement occupés à usage d’habitation et dans la mesure où la clause fixant la destination des lieux ne faisait pas obstacle à l’utilisation accessoire du premier étage pour habitation (cass. civ., 3e ch., 8 juillet 1987, Loyers 1987, n° 366). À l’inverse, cette reprise a été refusée lorsque les locaux d’habitation ont été loués en vue de l’exploitation d’un fonds de commerce et sont utilisés pour cette exploitation (cass. civ., 3e ch., 25 mai 1966, BC III n° 275).

  • Hôtels. Ce droit de reprise ne peut jouer pour les locaux à usage d’hôtel, de location en meublé, hospitalier ou d’enseignement (c. com. art. L. 145-22, al. 2).

  • Antériorité de la propriété. Lorsque l’immeuble a été acquis à titre onéreux, le bailleur ne peut faire jouer la reprise que s’il est propriétaire depuis plus de 6 ans (c. com. art. L. 145-22, al. 4). Si, au contraire, le local provient d’une succession ou d’une donation, le droit de reprise peut être exercé immédiatement.

  • Mise à disposition d’un local. Le bénéficiaire de la reprise est tenu de mettre à la disposition du locataire, dont il reprend le local, le logement qui est éventuellement rendu vacant par l'exercice de ce droit (c. com. art. L. 145-22, al. 5).

  • Occupation personnelle. Sauf motif légitime, le bénéficiaire doit occuper personnellement les lieux dans un délai de 6 mois à compter du départ du locataire évincé et pendant une durée minimale de 6 ans. Si cette disposition n’est pas respectée, le locataire évincé aura droit à une indemnité d’éviction correspondant à l’importance des locaux repris (c. com. art. L. 145-22, dern. al.).

  • Renouvellement et ses conséquences. La reprise de locaux d’habitation entraînera la diminution du loyer du bail renouvelé, compte tenu du préjudice causé au locataire dans l’exercice de son commerce par la réduction des lieux loués, mais ne sera pas génératrice du versement, par le propriétaire, d’une indemnité d’éviction (c. com. art. L. 145-22, al. 6).

Reprise pour réaffecter un local accessoire d’habitation à cet usage

412

Si le locataire ne l'utilise pas en tant qu'habitation, le bailleur peut reprendre le local accessoire d’habitation afin de l’affecter à cet usage au profit de quiconque ; de plus, le bailleur n’a pas à démontrer que la personne qui en bénéficiera n’a pas de logement conforme à ses besoins.

Toutefois, le bailleur ne peut exercer ce doit de reprise que si le locataire n’utilise pas le local accessoire en tant qu’habitation à la date du congé et dans les 6 mois qui suivent le congé (c. com. art. L. 145-23-1). Le locataire a ainsi un moyen de s’opposer au droit de reprise du bailleur.

  • À l’échéance triennale. Le droit de reprise s’exerce de manière triennale. Le bailleur doit respecter les formes édictées par l’article L. 145-9 du code de commerce. Il doit donc, par acte extrajudiciaire, informer le locataire, au moins 6 mois avant l’échéance triennale du bail, de son intention d’exercer son droit de reprise. À peine de nullité, le congé doit préciser qu’il s’agit d’une reprise pour réaffectation à l’usage d’habitation.

  • Exceptions. Le droit de reprise est écarté pour les locaux à usage d’hôtel ou de location en meublé, les locaux à usage hospitalier et ceux à usage d’enseignement. Il est également écarté lorsque le locataire démontre que la reprise apporterait un trouble grave à l’exploitation de son fonds de commerce (c. com. art. L. 145-23-1, al. 2 et 3).

  • Diminution du loyer. La reprise conduit à une réduction de loyer proportionnelle à la surface reprise. Cette réduction du loyer ne constitue pas une modification notable des éléments de la valeur locative. En conséquence, le locataire ne peut pas se prévaloir de la réduction du loyer pour revendiquer, au moment du renouvellement du bail, un déplafonnement du loyer à la baisse (c. com. art. L. 145-23-1, dern. al.).