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Parution: avril 2022

Les événements en cours de bail

La cession de bail

Formalités de la cession de bail

Nécessité d'un écrit

291

L'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 a créé le régime de la cession de contrat dans le code civil.

Ainsi, depuis le 1er octobre 2016, il est précisé que la cession d'un contrat doit être constatée par écrit, à peine de nullité (c. civ. art. 1216, al. 3). Le bail étant un contrat, la règle s'applique aux cessions de bail.

Opposabilité de la cession au bailleur

Accord du bailleur

292

Un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l'accord de son cocontractant, le cédé. Cet accord peut être donné par avance, notamment dans le contrat conclu entre les futurs cédant et cédé, auquel cas la cession produit effet à l'égard du cédé lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu'il en prend acte (c. civ. art. 1216, al. 1 et 2).

Ces règles issues de la réforme du code civil et applicables depuis le 1er octobre 2016, devraient donc mettre fin à la jurisprudence traditionnelle selon laquelle la cession de bail constitue une cession de créance et se trouve soumise aux formalités de l’article 1690 du code civil, c’est-à-dire à la signification par huissier de la cession au bailleur ou à l'acceptation du bailleur dans un acte notarié (cass. com. 14 avril 1961, BC III n° 157).

Signification par huissier

293

Les règles générales, comme celle de l'article 1216 du code civil (voir § 292), s'appliquent sous réserve des règles particulières qui sont prévues pour certains contrats en particulier (c. civ. art. 1105). Or, le code de commerce prévoit une règle particulière pour la cession d'un bail commercial : le bailleur ne peut pas interdire au locataire de céder son bail à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise ou au bénéficiaire du transfert universel de son patrimoine (c. com. art. L. 145-16, al. 1). Dans ce cas, si le bailleur ne donne pas son accord, il convient donc de suivre les formalités de l'article 1690 du code civil et de lui signifier, par huissier, la cession.

Par ailleurs, il est possible qu'un bail impose de respecter l'article 1690 du code civil. Dans ce cas également, l'intervention d'un huissier (ou d'un notaire) sera nécessaire.

Lorsque la signification par huissier s'impose, son absence rend le bail inopposable au bailleur, qui peut refuser le renouvellement du bail au cessionnaire sans aucune indemnité ; il peut également demander la résiliation du bail. En définitive, le locataire ne peut se prévaloir du statut des baux commerciaux (cass. civ., 3e ch., 13 février 1974, n° 72-14008).

Sauf clause particulière, la signification n’a pas à être faite dans un délai donné ; elle doit cependant intervenir, en tout état de cause, avant l’expiration du bail (cass. civ., 3e ch., 1er mars 1972, n° 70-12313 ; cass. civ., 3e ch., 3 février 2010, n° 08-19420).

  • Procès-verbal de constat adressé par le cessionnaire. La dénonciation au bailleur par le cessionnaire d’un bail d’un procès-verbal de constat dressé à sa requête ne constitue pas une signification (cass. civ., 3e ch., 2 février 1977, n° 75-13002).

  • Renouvellement à l’initiative du cessionnaire. La simple mention faite dans la demande que le locataire sollicite le renouvellement en tant que cessionnaire du fonds de commerce n’est pas une signification (cass. com. 13 mars 1962, BC III n° 157).

  • Divorce et partage de communauté. La clause de la convention définitive portant règlement du divorce attribuant à la femme le fonds de commerce exploité par le mari, seul inscrit au registre du commerce et des sociétés, s’analyse en une cession de droit au bail au profit de l’épouse. L’accomplissement des formalités de mention en marge des actes d’état civil des époux du dispositif du jugement de divorce, s’il a pour effet de rendre le jugement opposable aux tiers, ne peut valoir signification régulière de la cession du droit au bail (CA Aix-en-Provence 14 janvier 1988, Loyers 1988, 545).

Acceptation implicite

294

La jurisprudence, au vu d’actes positifs du bailleur, a admis la régularité de cessions en dépit de l’absence de signification de l’acte au bailleur. La connaissance par le bailleur de la cession ne peut toutefois suffire pour valider l’opération ; il est nécessaire que le bailleur l'ait acceptée sans équivoque (cass. civ. ass. plén. 14 février 1975, BC ass. plén. n° 1 ; cass. civ., 3e ch., 30 mai 2007, n° 06-13268).

  • Paiement régulier du loyer. Le paiement régulier des loyers par le cédant et la délivrance de quittances au nom du cessionnaire ne valent pas acceptation tacite (cass. civ., 3e ch., 17 juillet 1996, n° 94-19822).

  • Silence du bailleur. Le silence gardé pendant plus de 1 an par le bailleur et son notaire suite à l’envoi d’un projet d’acte de cession n’emporte pas acceptation tacite de la cession (cass. civ., 3e ch., 26 janvier 1994, n° 91-20067).

  • Congé avec offre de renouvellement. Le bailleur ayant eu connaissance de la cession qui a réitéré au cessionnaire un congé avec offre de renouvellement et a accepté sans réserve, durant près de 3 ans, des loyers payés par le cessionnaire, ne peut opposer l’irrégularité de la cession (cass. civ., 3e ch., 31 mai 1983, n° 81-13824).

  • Quittances sans réserve. L’absence de notification est couverte par l’acquiescement du bailleur qui, non seulement a perçu des loyers, mais a également établi des quittances au nom du cessionnaire sans la moindre réserve ni protestation et lui a directement réclamé une augmentation de loyer (cass. civ., 3e ch., 14 décembre 1994, n° 92-19351).

  • Délégation de la charge de travaux au nouveau locataire. A renoncé à se prévaloir de l’absence de signification de la cession du bail le mandataire du bailleur qui a reconnu la qualité de locataire au cessionnaire en lui déléguant la charge des travaux de remise en état des lieux et en visant expressément sa police d’assurance (cass. civ., 3e ch., 5 janvier 2003, n° 91-14118).

  • Projet de régulariser le bail. Le projet de régulariser le bail, apparu à travers les courriers échangés entre les notaires et les avocats des parties, ne peut faire la preuve de la volonté non équivoque des bailleurs d’accepter la cession du bail irrégulière puisque ce projet n’avait été envisagé que lors de la recherche d’une solution transactionnelle qui n’a pas abouti (cass. civ., 3e ch., 19 mai 2004, n° 02-11312).

Droit de préemption de la mairie

Périmètre de sauvegarde du commerce

295

Les communes bénéficient d'un droit de préemption sur les fonds de commerce, les fonds artisanaux et les baux commerciaux dans le périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité (éventuellement) défini par le conseil municipal (c. urb. art. L. 214-1).

Depuis l’intervention de la loi 2014-626 du 18 juin 2014, les communes peuvent déléguer ce droit de préemption à un établissement public de coopération intercommunale, à un établissement public, une société d'économie mixte, un concessionnaire d'une opération d'aménagement ou au titulaire d'un contrat de revitalisation artisanale et commerciale (c. urb. art. L. 214-1-1). Mais l'attribution des contrats de revitalisation ne peut se faire qu'après une mise en concurrence des candidats (décret 2015-815 du 3 juillet 2015, art. 1er).

En cas d'exercice du droit de préemption sur un bail commercial, un fonds artisanal ou un fonds de commerce, le bail reste soumis au statut des baux commerciaux. Par ailleurs, le bailleur ne peut pas mettre fin au bail en invoquant le défaut d'exploitation pendant le délai nécessaire à la rétrocession du local au nouvel exploitant (c. com. art. L. 145-2, III).

  • Se renseigner. Avant de projeter une cession de bail commercial, de fonds de commerce ou artisanal, il convient de se renseigner à la mairie pour savoir s’il existe ou non un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité.

  • Prévoir une clause suspensive. Si le conseil municipal a créé ce périmètre, il est recommandé d’insérer dans la promesse de cession une condition suspensive de non-exercice du droit de préemption par la commune et de régler le sort du dédit. Il est conseillé d’impartir un délai très court au promettant pour déposer la déclaration préalable à la mairie de façon à faire courir les 2 mois (voir § 297).

  • Opération de revitalisation de territoire. Mise en place par la loi 2018-1021 du 23 novembre 2018, une opération de revitalisation de territoire peut prévoir que, sous certaines conditions, dans les immeubles situés en centre-ville qui abritent à la fois des locaux commerciaux et des locaux d'habitation, le bail d’un local commercial ne pourra pas porter sur un autre local de l’immeuble, notamment un local d'habitation. Cette opération peut donné lieu à l'instauration d’un droit de préemption de la commune sur les baux commerciaux, les fonds de commerce et les fonds artisanaux (c. constr. et hab. art. L. 303-2).

Déclaration du cédant sous peine de nullité

296

Le droit de préemption de la commune peut s’exercer sur les cessions de baux commerciaux lorsqu’ils sont aliénés à titre onéreux, à l’exception de ceux qui sont compris dans la cession d’une ou de plusieurs activités prévues à l'article L. 626-1 du code de commerce (plan de sauvegarde) ou dans le plan de cession (redressement ou liquidation judiciaires) prévu aux articles L. 631-22 et L. 642-1 à L. 642-17 du code de commerce (c. urb. art. R. 214-3).

  • Donations exclues. Les donations de fonds ne sont pas concernées par ce droit de préemption.

  • Apport de fonds de commerce ou de droit au bail. L’apport d’un fonds de commerce ou d’un droit au bail commercial à une société est assimilé à une cession. Le droit de préemption communal devrait s’appliquer, à l’image de l’apport d’un immeuble situé dans une zone de préemption urbaine. La déclaration préalable devra préciser la valeur des parts ou actions rémunérant l’apport.

  • Déclaration préalable. Chaque cession est subordonnée, à peine de nullité, à la déclaration préalable faite par le cédant à la commune où est situé le fonds ou l’immeuble (c. urb. art. L. 214-1, al. 3). Cette déclaration, adressée en quatre exemplaires par lettre recommandée avec avis de réception ou déposée en mairie contre récépissé, précise le prix et les conditions de la cession. Le formulaire de déclaration (n° Cerfa 13644*02) peut être téléchargé sur Internet (notamment sur le site « www.formulaires.modernisation.gouv.fr »). Il sera utile d’y indiquer, notamment, les charges augmentatives du prix telles que la commission de l’intermédiaire mise à la charge de l’acquéreur.

La commune décide de ne pas préempter

297

La décision de ne pas préempter peut résulter (c. urb. art. R. 214-5) :

-soit d’une décision de renonciation à l’exercice du droit de préemption ;

-soit du silence de la commune pendant 2 mois.

Le cédant peut alors réaliser la vente aux prix et conditions contenus dans la déclaration préalable.

La commune décide de préempter

298

Si elle entend préempter, la commune doit, dans un délai de 2 mois à compter de la réception de la déclaration préalable, notifier au cédant (c. urb. art. R. 214-5) :

-soit sa décision d’acquérir aux prix et conditions indiqués dans la déclaration préalable ;

-soit son offre d’achat à un prix et à des conditions fixés par l’autorité judiciaire compétente en matière d’expropriation.

La décision est notifiée au cédant par pli recommandé avec AR ou par remise contre décharge au domicile ou au siège social du cédant. Lorsque le cédant est lié par un contrat de bail, une copie de cette notification est adressée au bailleur.

L’acte constatant la cession au profit de la mairie doit être dressé dans les 3 mois suivant la notification de l’accord sur le prix et les conditions indiqués dans la déclaration préalable ou de la décision judiciaire définitive fixant le prix et les conditions. Le paiement a lieu au moment de l’établissement de l’acte (c. urb. art. R. 214-9).

  • Désaccord sur le prix. En cas de désaccord sur le prix ou les conditions indiqués dans la déclaration préalable, le titulaire du droit de préemption qui veut acquérir saisit, dans les 2 mois, la juridiction compétente en matière d’expropriation par lettre recommandée AR (c. urb. art. R. 214-6). Le cédant peut, de son côté, retirer son offre. Dans les 2 mois suivant la décision du juge de l’expropriation, les parties peuvent renoncer à la mutation. Le silence des parties vaut acceptation (c. urb. art. L. 213-7, al. 2).

  • Rétrocession par la commune. La commune ne peut pas conserver le fonds acquis. Elle doit le rétrocéder à une entreprise immatriculée au RCS ou au répertoire des métiers, en vue d’une exploitation destinée à préserver la diversité de l’activité commerciale et artisanale dans le périmètre géographique concerné (c. urb. art. L. 214-2).

  • Modalités de la rétrocession. La rétrocession du bail ou du fonds de commerce doit être effectuée sous 2 ans. Pendant ce délai de revente, la commune peut mettre le fonds en location-gérance afin de le maintenir en activité. Dans ce cas, le délai de rétrocession peut être porté à 3 ans (c. urb. art. L. 214-2).

    La commune publie, par voie d’affichage en mairie pendant 15 jours, un avis de rétrocession qui comporte un appel à candidatures, la description du fonds ou du bail et le prix proposé. Si la rétrocession porte sur un bail commercial, l’avis précise que la rétrocession est subordonnée à l’accord préalable du bailleur. Il indique le délai dans lequel les candidatures doivent être présentées (c. urb. art. R. 214-12, al. 1er).

    Si la rétrocession porte sur un bail commercial, le maire recueille l’accord préalable du bailleur sur le projet d’acte accompagné du cahier des charges qui lui a été transmis par pli recommandé. Si le bailleur entend s’opposer au projet de rétrocession, il saisit, selon la procédure accélérée au fond, le président du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble dont dépendent les lieux loués pour faire valider son opposition à la rétrocession. Si le bailleur n’agit pas dans les 2 mois, il est réputé avoir donné son accord.

    Le délai de 2 ans imparti à la commune pour procéder à la rétrocession est suspendu à compter de la notification du projet d’acte au bailleur jusqu’au recueil de l’accord du bailleur ou, à défaut d’accord, pendant la durée de la procédure (c. urb. art. R. 214-13).

    En raison de l’épidémie de covid-19, le délai de rétrocession a été suspendu du 12 mars au 23 mai 2020. Il a repris le 24 mai 2020 pour la durée qui restait à courir. Par ailleurs, lorsqu’il aurait dû se situer entre le 12 mars et le 23 mai 2020, le point de départ du délai a été fixé à l’achèvement de cette période (ord. 2020-306 du 25 mars 2020, art. 12 quater).

  • La commune ne trouve pas preneur. L’acquéreur initial, éventuellement évincé, peut bénéficier d’une priorité dans la rétrocession du bail à l’expiration du délai de 2 ans à compter de la date de transfert de propriété dans le cas où la mairie n’a pas trouvé preneur, étant précisé que ce délai peut être porté à 3 ans en cas de mise en location gérance du fonds (c. urb. art. R. 214-16).

    Selon le ministre de l’Économie et des Finances, l’acquéreur évincé bénéficie d’une priorité d’achat du bail mais non d’un droit de « propriété » sur ce bail. Pour que la commune puisse rétrocéder le bail à l’acquéreur évincé, il suffira que le délai de 2 ans se soit écoulé. Toutefois, ce délai est suspendu jusqu’au recueil de l’accord du bailleur à la rétrocession ou, à défaut d’accord, jusqu’à l’intervention de la décision devenue définitive de la juridiction compétente (rép. Grosskost n° 18532, JO 17 novembre 2009, AN quest. p. 10897).

Enregistrement de l’acte

299

L’enregistrement de l'acte sous signature privée constatant la cession du droit à un bail doit être effectué au service des impôts du lieu de situation des biens (CGI art. 652 et 725). L’acte doit être présenté à la formalité dans le délai de 1 mois à compter de sa date (CGI art. 635, 2.5°).

S'il s'agit d'un acte notarié, il est enregistré au service des impôts de la résidence du notaire (CGI art. 650).

Les droits d'enregistrement se calculent selon le tableau ci-dessous.

Fraction du prix (ou de la valeur vénale)

Droit budgétaire

%

Taxe départementale

%

Taxe communale

%

Total des droits

%

≤ 23 000 €

0

0

0

0 (1)

> 23 000 €

≤ 107 000 € (2)

2

0,60

0,40

3

> 107 000 €

≤ 200 000 €

0,60

1,40

1

3

> 200 000 €

2,60

1,40

1

5

(1) Minimum de perception d'un droit fixe de 25 € (CGI art. 674).

(2) Sur la fraction du prix comprise entre 23 000 € et 107 000 €, le droit de 2 % est ramené à 0 % (taxes locales en sus) pour les acquisitions réalisées, dans les zones franches urbaines et dans les zones de revitalisation rurale, sous réserve d'un engagement pris par l'acquéreur de maintenir l'exploitation pendant au moins 5 ans (CGI art. 722 bis ; BOFiP-ENR-DMTOM-10-30-20-12/09/2012). Le bénéfice de la réduction est subordonné au respect du règlement (UE) 1407/2013 relatif aux aides de minimis.

État des lieux

300

Lors de la prise de possession des locaux par le locataire en cas cession du droit au bail, un état des lieux doit être établi contradictoirement et amiablement par le bailleur et le locataire ou par un tiers mandaté par eux. L'état des lieux est conservé par chacune des parties.

Si l'état des lieux ne peut être établi contradictoirement, il doit être établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire.

Le bailleur qui n'a pas fait toutes diligences pour la réalisation de l'état des lieux ne peut invoquer la présomption de l'article 1731 du code civil (c. com. art. L. 145-40-1). Autrement dit, le preneur n'est pas présumé avoir reçu les locaux en bon état de réparations locatives (c. civ. art. 1731).

Même si le texte ne le prévoit pas, il paraît utile que le cédant soit présent lorsque l'état des lieux est établi.

Clauses particulières à respecter

Diversité des clauses

301

Il est assez fréquent que le bail impose pour la cession une condition supplémentaire ou une forme déterminée qu’il convient alors de respecter. Ces clauses sont valables dans la mesure où elles n’impliquent pas une interdiction absolue et générale de toute cession.

  • Acte notarié. La cession du droit au bail est inopposable au bailleur dès lors que la clause du bail imposant pour cette cession l’établissement d’un acte dressé par le notaire du bailleur n’a pas été respectée (cass. civ. 24 juin 1998, JCP éd. G 1998.IV.2835).

    À cet égard, la pratique consistant à établir un acte de vente de fonds de commerce puis un acte séparé de cession de droit au bail a été condamnée par l’arrêt de la Cour de cassation précisant qu’une cession de fonds emporte cession du bail essentiel à l’exploitation (cass. com. 26 octobre 1993, n° 91-15877).

  • Cession réservée aux personnes physiques. Une clause ne peut pas soumettre la cession à un successeur dans le commerce du preneur à la condition que ce cessionnaire soit une personne physique. En effet, cette stipulation n’a pas pour conséquence de rendre la cession de bail plus difficile, mais bien de la rendre impossible à toute une catégorie d’acquéreurs (cass. civ., 3e ch., 29 février 1972, n° 71-10083). Cette clause a été jugée nulle ; elle serait aujourd'hui réputée non écrite (voir § 42).

  • Droit de préemption du bailleur. La clause instaurant un tel droit de préemption au profit du bailleur est licite (cass. com. 17 février 1960, BC III n° 68 ; cass. civ., 3e ch., 12 juillet 2000, n° 98-22000). En pratique, le droit de préemption arrêté dans la convention s’exercera au prix que le locataire a offert au candidat acquéreur et que ce dernier a accepté. La violation d’une clause prévoyant le droit de préemption du bailleur peut être sanctionnée par l’inopposabilité de la cession au bailleur (CA Paris, 16e ch. A, 1er février 2006, AJDI 2006, 378).

Clause d'agrément

Autorisation préalable du bailleur

302

Les clauses limitatives ou restrictives de cession, notamment celles prévoyant un agrément sont valables, mais elles ne doivent pas induire une interdiction générale et absolue de toute cession (cass. civ., 3e ch., 19 décembre 1983, n° 82-11205 ; cass. civ., 3e ch., 2 octobre 2002, n° 01-02035). En effet, les clauses d’agrément ne peuvent faire échec au droit absolu du locataire de céder son fonds de commerce (voir § 309).

  • Cession de droits indivis consentie à un tiers. La clause du bail obligeant le preneur à obtenir, pour toute cession du bail, le consentement exprès et par écrit du bailleur et à faire établir toute cession par acte authentique en présence du bailleur est applicable à la cession de droits indivis, comportant ce droit au bail, consentie à un tiers (cass. civ., 3e ch., 30 avril 1997, n° 95-19580).

  • Cession mettant fin à l’indivision. Les époux X ont donné à bail à Jean-Claude et Raymond Y un local à usage de bar et d’habitation. Par acte enregistré, Jean-Claude Y vend à Raymond Y ses droits indivis sur le fonds de commerce. Les époux X leur reprochent de ne pas avoir respecté la clause du bail exigeant, en cas de cession du bail, le consentement exprès des bailleurs et le recours à un acte notarié. Cette critique est repoussée par les juges. En effet, tout acte mettant fin à une indivision est un partage. Par l’effet déclaratif du partage prévu à l’article 883 du code civil, celui qui reçoit le bien est censé en avoir été propriétaire depuis le jour de l’indivision. En l’espèce, la cession de droits indivis avait le caractère pré-éminent d’un partage de sorte que les formalités prévues au bail en cas de cession n’avaient pas à être respectées (cass. civ., 3e ch., 13 octobre 2004, n° 03-12968).

Refus abusif du bailleur

303

Le bailleur ne peut pas refuser la cession du droit au bail de façon discrétionnaire, sans un motif légitime (cass. civ., 3e ch., 15 juin 2011, n° 10-16233). Un tel refus serait abusif (cass. civ., 3e ch., 9 mai 2019, n° 18-14540).

Lorsque la demande d’autorisation du locataire se heurte à un refus systématique du bailleur non motivé, par exemple, par une absence de solvabilité du candidat cessionnaire, le locataire doit se faire autoriser en justice (cass. com. 19 février 1963, BC III n° 110) ; il peut demander des dommages et intérêts.

En pratique, le preneur, même s’il considère que l’agrément ne peut être légitimement refusé, s’abstiendra de passer l’acte de cession avant d’avoir obtenu une décision de justice l’y autorisant. En effet, si le bailleur peut prouver un motif légitime de refus d’agrément, la cession non autorisée judiciairement pourra être annulée et le bailleur pourra poursuivre le locataire cédant en résiliation de bail.

  • Rupture de pourparlers. Un locataire veut céder son droit au bail mais le bailleur refuse d’agréer le cessionnaire, après avoir tenté de négocier directement avec lui pour conclure un nouveau bail commercial. L’échec des pourparlers n’est pas un motif légitime du refus de la cession. Le bailleur doit donc réparer le préjudice subi par le locataire en raison de son refus abusif (cass. civ., 3e ch., 15 juin 2011, n° 10-16233).

  • Cession sous condition suspensive. Est licite la vente ou la promesse passée entre le vendeur ou l’acquéreur, sous condition suspensive du consentement du bailleur ou de son intervention à l’acte (cass. civ., 3e ch., 6 janvier 1970, n° 67-14489 ; cass. civ., 3e ch., 12 juillet 1989, n° 88-10385).

    En revanche, a été réputée non écrite la clause soumettant la cession du bail à la condition suspensive de la signature par le cessionnaire d’un nouveau bail avec le bailleur avant une date déterminée (cass. civ., 3e ch., 22 octobre 2015, n° 14-20096).

  • Dommages et intérêts. Le bailleur a été condamné à des dommages et intérêts dans les cas suivants :

    -opposition sans motif valable à une demande d’autorisation de cession, lorsque son refus a provoqué l’abandon du projet de cession (cass. com. 15 mars 1965, n° 62-13446 ; CA Pau 29 août 1991, Loyers 1992, n° 213) ;

    -rétrocession d’une partie du prix de cession en contrepartie de son accord, le bailleur ayant voulu profiter de la cession pour satisfaire illégitimement un esprit de lucre (cass. civ., 3e ch., 18 octobre 1989, n° 88-11336) ;

    -rupture abusive des négociations engagées avec l’exploitant du fonds en vue de sa vente à un tiers (cass. com. 22 février 1994, n° 91-18842).

  • Dommages et intérêts réclamés à tort au cédant. L’action du cédant en dommages et intérêts envers le bailleur a été rejetée car ce dernier avait déclaré ne pas s’opposer à une cession du bail dans un commerce différent qui ne soit ni polluant ni gênant, sous réserve que soit conclu un nouveau bail (cass. civ., 3e ch., 12 juillet 1989, n° 87-19618).

    Le cédant s’engage à céder le bail sous la condition suspensive de l’accord du bailleur. Or, celui-ci refuse si une somme ne lui est pas versée. Cette somme correspond, selon lui, au coût de la remise en état des locaux rendue nécessaire à cause d’une climatisation installée par le cédant. Cependant, cette climatisation avait été installée avec l’accord exprès du bailleur. Du fait du refus du bailleur, le cessionnaire réclame des dommages et intérêts au cédant. Cette demande est rejetée : le cédant n’est en rien responsable du refus et des exigences du bailleur (cass. civ., 3e ch., 10 juin 2009, n° 08-14099).

Intervention du bailleur à l'acte

304

Une clause peut imposer aux parties de demander au bailleur d’intervenir à l’acte ; la clause est valable (cass. civ. 6 mars 1957, BC III n° 88). Elle peut avoir pour objectif de permettre au bailleur de vérifier les conditions de la cession et, notamment, de constater que l’engagement de solidarité prévu à l’encontre des différents cédants successifs a bien été repris (voir § 320). Elle n’équivaut pas à une clause d’agrément (voir § 302) et l’intervention du bailleur à l’acte ne lui confère pas la qualité de cocontractant. Cédant et cessionnaire seront vigilants sur la marche à suivre. À défaut d’accord amiable avec le bailleur pour son intervention, il convient de le sommer d’intervenir et, surtout, de ne pas passer un acte définitif de cession.

En pratique, la clause d’intervention du bailleur à l’acte est moins contraignante qu'une clause d'agrément. Elle permet seulement au bailleur de contrôler que la cession est régulière et que le cessionnaire reprend les engagements du cédant envers lui-même.

  • Défaut de réponse du bailleur. Si le bailleur ne répond pas à la sommation de comparaître chez le notaire, il ne suffit pas que celui-ci dresse un procès-verbal de carence ou de défaut (cass. civ., 3e ch., 18 juin 1969, BC III n° 492). La solution efficace consiste à obtenir une autorisation judiciaire de passer l’acte sans l’intervention du bailleur.

  • Intention malicieuse. Le bailleur qui s’abstient ou refuse d’assister à la signature de l’acte dans une intention malicieuse ne peut plus invoquer ensuite l’irrégularité de l’acte (cass. com. 18 octobre 1965, BC III n° 502).

  • Apport du droit au bail. La clause d’intervention du bailleur doit jouer en cas d’apport du bail à une société, même si la société est en cours de formation (cass. civ., 3e ch., 8 mai 1979, n° 78-10502).

  • Cession de droits indivis. La clause imposant l’intervention du bailleur à l’acte s’impose en cas de cession de droits indivis comportant cession d’un droit au bail (cass. civ., 3e ch., 30 avril 1997, n° 95-19580), sauf si la cession met fin à l’indivision et s’analyse comme un partage (cass. civ., 3e ch., 13 octobre 2004, n° 03-12968).

Réitération ou régularisation

305

Le fait de réitérer dans un second acte l’accord intervenu dans un premier acte frappé d’irrégularité ne peut permettre de réparer les vices. En revanche, la jurisprudence accorde un délai au preneur pour céder dans les formes prévues au bail.

Par ailleurs, une cession irrégulière est opposable au bailleur s’il est prouvé que celui-ci a accepté sans équivoque la cession (sur cette question, voir § 294).

  • Réitération nulle. En cas d’inobservation des formes prévues au contrat, la jurisprudence décide que la réitération par un second acte, faite dans les formes prévues au bail, n’efface pas l’irrégularité résultant de l’acte initial (cass. civ., 3e ch., 20 octobre 1971, n° 70-13134 ; cass. civ. 7 mars 1972, n° 70-13589 ; cass. civ., 3e ch., 16 février 1982, n° 80-13661 à propos du défaut de concours du bailleur à l’acte ; cass. civ., 3e ch., 20 mars 1991, n° 89-17792).

  • Régularisation possible. Le fait que l’acte de cession du fonds de commerce incluant le droit au bail a été passé par acte sous signature privée au mépris d’une clause du bail imposant la forme notariée n’a pas fait perdre au locataire son droit au bail dans ses rapports avec le bailleur, et les juges du fond ont pu accorder un délai permettant au preneur de céder, selon les formes prévues au bail, le droit dont il était titulaire (cass. civ., 3e ch., 22 mars 1995, n° 92-14045) ; de même, une mise en demeure de régulariser a été déclarée nécessaire au vu d’un bail cédé au mépris de la clause imposant la notification du projet de cession au bailleur afin que celui-ci puisse exercer un droit de préemption (cass. civ., 3e ch., 30 mai 1996, n° 93-17201) ; peu importe que l’infraction ait un caractère irréversible.

    En pratique, les parties devront conclure un deuxième acte respectant les formes imposées par le bail ; cet acte devra, selon les clauses du bail, être notarié ou constater l’intervention du bailleur. Pour éviter les conséquences fiscales d’une double mutation cet acte devra, au vu de la décision judiciaire, constater la nullité du premier acte. Reste que le cédant ou le cessionnaire devra négocier avec le bailleur les conditions de la régularisation.

Cession du droit au bail « tous commerces »

306

Certains baux autorisent toutes les activités et donc tous commerces dans les lieux. Le locataire bénéficiaire d’une telle clause peut librement céder son droit au bail pour l’exercice de toute activité, sous la réserve qu’elle soit commerciale et dans la limite de la nature et des clauses du bail relatives, notamment, à l’affectation des locaux.

Cette autorisation, procurant un avantage certain pour le locataire, est généralement donnée en contrepartie d’un droit d’entrée ou d’un loyer très élevé. Elle peut justifier une majoration de la valeur locative (entre 15 % et 20 %) lors d’une révision ou d’un renouvellement, en application de l’article R. 145-5 du code de commerce (voir § 256).

  • Activité non commerciale. La clause autorisant la cession du bail pour tous commerces ne permet pas cette cession au profit d’une personne exerçant une activité non commerciale (cass. civ., 3e ch., 26 janvier 1982, n° 80-12327).

  • Affectation des locaux de bureaux. La clause autorisant la cession du droit au bail à un successeur pour tous commerces ne concerne pas l’affectation des locaux qui doivent rester à usage de bureaux dès lors que les différentes activités prévues par le bail présentent le caractère commun d’être exercées dans des bureaux (cass. civ., 3e ch., 16 décembre 1992, n° 91-12655 ; voir aussi cass. civ., 3e ch., 8 janvier 1980, n° 78-13060). Ces arrêts ont été rendus à propos de la notion d’usage exclusif de bureaux permettant le déplafonnement du loyer (voir § 680), mais ils posent le principe selon lequel affectation et activité sont deux notions différentes.

  • Cession au cours de la dernière période triennale. Lorsque la cession interviendra moins de 3 ans avant la fin du bail au profit d’un cessionnaire qui exercera une activité distincte du cédant, le droit au renouvellement pourra lui être refusé sans indemnité (voir §§ 721 à 723).

Les cessions libres

Fusion, apport partiel, scission et transmission universelle du patrimoine

Transfert du bail de plein droit

307

En cas de fusion ou de scission de sociétés, d’apport partiel d’actif ou de transmission universelle de patrimoine, la société absorbante ou bénéficiaire de l’apport est subrogée de plein droit ; elle devient immédiatement propriétaire du droit au bail, sans formalité (c. com. art. L. 145-16, al. 2).

  • Apport partiel d’actif. L’article L. 145-16 du code de commerce s’applique même si la société bénéficiaire de l’apport n'a pas débuté son activité avant l’apport partiel d’actif (cass. civ., 3e ch., 30 avril 2003, n° 01-16697).

  • Communication de l’acte de fusion au bailleur. La fusion entre deux sociétés opère transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante et les clauses limitatives de cession prévues au bail sont inopérantes ; tel est le cas de la clause imposant la communication au bailleur d’une copie exécutoire du traité d’apport-fusion (cass. civ., 3e ch., 19 février 1997, n° 95-14826) ; la clause résolutoire n’a pu être déclarée acquise au profit du bailleur.

  • Durée du bail apporté. Si le droit au bail est apporté isolément, le bail doit avoir encore au moins 3 ans à courir, sinon la société ne pourra obtenir le renouvellement (voir § 722).

    Si, au contraire, le droit au bail est apporté en même temps que le fonds de commerce, il importe peu que le bail soit expiré puisque, en vertu de l’article L. 145-16 du code de commerce, le locataire peut céder son droit au renouvellement. En raison de la transmission universelle, la société absorbante pourra se prévaloir du droit au renouvellement, quelle que soit la durée du bail à courir.

  • Immatriculation au RCS. Une société bénéficiaire d’un apport partiel d’actif qui ne s’est pas immatriculée au RCS pour les locaux objets de l’apport ne peut bénéficier du droit au renouvellement ou à une indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 7 novembre 2001, n° 00-12453).

  • Garantie de la société absorbante. Lorsqu’une société s’est portée garante du paiement des loyers d’un bail commercial, sa fusion-absorption par une autre société rend cette dernière garante de la même obligation (cass. com. 4 février 1997, n° 94-15282).

  • Cautionnement au profit d’une société débitrice absorbée. La caution d’une société ultérieurement absorbée reste tenue à raison des dettes nées antérieurement à la fusion. Sont nées antérieurement à la fusion les dettes de loyer résultant d’un contrat de bail souscrit avant la fusion (cass. com. 8 novembre 2005, n° 02-18449).

  • Opposition du bailleur. Les bailleurs de locaux loués aux sociétés absorbées ou scindées peuvent former opposition à la fusion ou à la scission, dans les mêmes conditions que les créanciers de ces sociétés (c. com. art. R. 236-10).

    Elle doit donc intervenir dans les 30 jours à compter de la dernière insertion ou de la mise à disposition du public du projet de fusion ou de scission sur le site internet de chacune des sociétés (c. com. art. R. 236-8). Cette opposition ne peut intervenir pour se prévaloir de clauses restrictives du droit de cession (CA Paris 14 mars 1991, Bull. Joly 1991, 500).

  • Maintien du sous-locataire. L’apport partiel emportant transmission universelle des biens, la clause du bail selon laquelle « en cas de cession, les sous-locations seront caduques et le preneur fera son affaire personnelle de la libération des locaux » ne peut trouver à s’appliquer (CA Paris 16 juin 2000, Bull. Joly 2001, 42).

  • Transfert du bail mais non de l’activité. Une société est devenue titulaire d’un bail à la suite d’un apport partiel d’actif. Le bail prévoit l’activité d’enseignement. Cependant le bailleur se refuse à effectuer certains travaux exigés par l’administration et, de ce fait, la société ne peut pas exercer l’activité prévue ; elle demande donc la résiliation du bail. Le bailleur s’y oppose en faisant valoir que l’activité d’enseignement n’avait pas été transférée dans l’apport partiel d’actif (cette activité avait été conservée par la société apporteuse qui l’exerçait à présent dans d’autres locaux). L’argument du bailleur est rejeté : celui-ci doit délivrer au nouveau locataire des locaux conformes à la destination prévue dans le bail (cass. civ., 3e ch., 3 mai 2007, n° 06-11092).

  • Engagement d’un précédent propriétaire. Dans le cas où la société preneuse fait apport de son fonds de commerce à une autre société, cette dernière peut se prévaloir de tous les droits résultant du bail. Par conséquent, elle peut revendiquer l’application d’un acte aux termes duquel le précédent propriétaire s’était engagé à consentir au précédent preneur un bail sur un autre local. Cet acte prévoyait bien que le propriétaire s’engageait pour les propriétaires suivants. Peu importe que l’acte ne prévoyait pas que l’engagement avait vocation à s’appliquer aux futurs locataires (cass. civ., 3e ch., 9 juillet 2013, n° 12-18028).

  • Dissolution-confusion. Une société A devient l'unique associé d'une société B. A décide de dissoudre B. Cette dissolution entraîne la transmission universelle du patrimoine de B (dont le droit au bail) à A. Il ne s'agit donc pas d'une cession de bail et l'autorisation du bailleur n'est pas nécessaire (cass. civ., 3e ch., 9 avril 2014, n° 13-11640).

Substitution de garanties

308

En cas de cession, de fusion, d’apport, de scission ou de transmission universelle de patrimoine, si l’obligation de garantie ne peut être assurée dans les termes de la convention, le tribunal peut y substituer toutes garanties qu’il juge suffisantes (c. com. art. L. 145-16, dernier al.).

Par conséquent, si l’opération intervenue entraîne une réduction des sûretés que le bailleur pouvait avoir à l’encontre du locataire précédent, le tribunal pourra lui-même décider si les garanties offertes par le cessionnaire, la société absorbante ou le bénéficiaire de l’apport partiel sont susceptibles de remplacer les anciennes ou s’il convient d’en exiger de nouvelles (par exemple, une caution personnelle, une garantie bancaire).

La substitution de garantie est une simple faculté pour le juge et aucun délai n’est prévu pour sa saisine, laquelle peut intervenir à l’initiative de l’une ou l’autre des parties (cass. civ., 3e ch., 13 novembre 1997, n° 95-21311).

Cession du fonds de commerce

Liberté de céder le bail à l'acquéreur du fonds

309

Sont réputées non écrites les conventions tendant à interdire à un locataire de céder son bail commercial à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise. Il en est de même, avec la création du nouveau statut d'entrepreneur individuel prévue pour le 15 mai 2022, pour le transfert universel du patrimoine de l'entrepreneur : une clause ne peut l'interdire (c. com. art. L. 145-16, al. 1er). Avant le 20 juin 2014, la sanction de ces clauses était la nullité (voir § 42), que l'on retrouve donc dans les jurisprudences citées ci-dessous.

  • Obligation de poursuivre un contrat de concession. La clause d’un bail faisant obligation au locataire de poursuivre un contrat de concession conclu par le vendeur du fonds, également propriétaire de l’immeuble loué, et qui prévoit qu’« en cas de rupture de ce contrat, pour quelque cause que ce soit, imputable ou non aux preneurs, le bail serait résilié purement et simplement sans aucune indemnité », n’est pas nulle car elle n’interdit pas au locataire de céder son bail à l’acquéreur de son fonds de commerce (cass. civ., 3e ch., 22 juillet 1987, n° 86-11357). La Cour de cassation a annulé une clause de fourniture exclusive de boissons insérée dans un bail en raison de son caractère général et absolu, cette annulation n’entraînant pas celle du bail (cass. civ., 3e ch., 31 janvier 2001, n° 98-12895).

  • Clauses d’enseigne. Trois contrats signés simultanément relatifs à la vente d’un fonds de commerce de boucherie, à la signature d’un bail et à un contrat de franchise formaient un tout, dès lors que chacun ne pouvait s’analyser qu’à la lumière des deux autres. L’obligation imposée dans le bail au preneur d’exercer son activité sous telle enseigne précise ne lui permet pas de faire valoir son droit à déspécialisation partielle et entraîne ainsi la nullité de la clause du bail astreignant le preneur à tenir les lieux loués à usage d’approvisionnement général avec rayon boucherie sous enseigne précise pendant toute la durée du bail (cass. civ., 3e ch., 12 juillet 2000, n° 98-21671). La clause d’enseigne peut être un frein à la cession du bail ; c’est d’ailleurs un point qui avait été relevé par l’arrêt d’appel.

  • Conventions entre bailleur et preneur initial. Les conventions intervenues entre le bailleur et le preneur initial ne peuvent être invoquées par le successeur du preneur n’y ayant pas souscrit (cass. civ., 3e ch., 25 novembre 1992, n° 90-20379) ; tel est le cas d’une convention relative à la prise en charge de travaux par le locataire en contrepartie de la non-révision triennale du loyer.

  • Procédure collective. Dans le cadre d'un plan de cession d'une société en redressement ou liquidation judiciaire, le bail peut-être également cédé de plein droit (voir § 557).

Cession du fonds ou cession du bail ?

310

En principe, et d’après la Cour de cassation, l’acquéreur d’un fonds de commerce est celui qui achète tous les éléments du fonds de commerce, y compris les droits incorporels (cass. com. 15 janvier 1962, BC III n° 26). Mais de tous les éléments d’un fonds de commerce, la clientèle représente celui sans lequel un fonds ne saurait exister (cass. com. 12 décembre 1989, n° 87-19154) ; en l’absence d’une clientèle attachée au fonds, la cession ne constitue pas une vente d’un fonds de commerce, mais une simple cession de droit au bail (cass. com. 27 février 1996, n° 93-18473).

En pratique, la cession ne comprend pas forcément tous les éléments et l’existence d’une clientèle n’est pas toujours démontrée ; aussi, la distinction entre cession de fonds ou simple cession de droit au bail se pose-t-elle souvent au regard de la liberté de cession. Le titulaire du bail, pour échapper à une autorisation, peut qualifier l’acte de cession en une vente de fonds de commerce ; à l’inverse, le bailleur peut contester la réalité d’une cession de fonds de commerce dans le but de résilier le bail pour cause de cession irrégulière. La jurisprudence donne de nombreux exemples de litiges entre bailleur et preneur en ce domaine.

  • Cession du droit au bail ne vaut pas cession de clientèle. La cession du droit au bail n’implique pas, en tant que telle, le transfert de la clientèle attachée à l’emplacement (cass. civ. 16 juin 1981, Gaz. Pal. 1982, 1, pan. p. 51) ; mais il peut être prouvé que la cession du bail est assortie de la cession de la clientèle.

  • Cessation d’exploitation avant la vente. Il ne peut y avoir cession de fonds de commerce lorsque le cédant a cessé l’exploitation avant la vente, la clientèle ayant disparu (cass. com. 6 décembre 1982, n° 81-14422).

    De même, la requalification de l’acte dit « cession de fonds de commerce en cession irrégulière du bail » a été retenue en l’absence de toute exploitation dans les lieux loués ; en l’espèce, le locataire était parti sans laisser d’adresse et avait donné un mandat de vente de bail commercial à une agence immobilière (cass. civ., 3e ch., 28 février 1990, n° 88-15715).

  • Clientèle déjà cédée. Est une cession de droit au bail et non une cession de fonds de commerce de gros la convention portant sur le nom commercial, l’achalandage et le droit au bail comportant une mention selon laquelle la clientèle avait déjà fait l’objet d’une cession et était exclue de la vente (cass. com. 31 mai 1988, n° 86-13486 ; cass. civ. 26 octobre 1993, Loyers 1994, n° 76).

  • Exploitation par le conjoint. Lorsque le fonds dépend de la communauté existant entre deux époux, l’exploitation par le conjoint du preneur ne peut s’analyser en une cession de bail ou une sous-location permettant de mettre en jeu la clause résolutoire (cass. civ., 3e ch., 24 mars 1993, n° 91-15406) (voir également § 293, rubrique « Divorce et partage de communauté »).

  • Immatriculation au RCS. L’immatriculation au registre du commerce et des sociétés n’est pas une condition pour l’acquisition d’un fonds de commerce (cass. civ., 3e ch., 1er février 1995, n° 93-12537).

  • Vente du fonds emportant cession du bail. La cession d’un fonds de commerce exploité dans un local essentiel à cette exploitation et pris à bail emporte nécessairement cession de ce bail (cass. com. 26 octobre 1993, n° 91-15877).

  • Ventes de fonds imparfaites. La jurisprudence a considéré que ne peuvent suffire à remettre en cause l’existence d’une vente de fonds de commerce les situations suivantes :

    -le fait que le cédant, non lié par une clause de non-concurrence, s’était réinstallé à proximité (cass. com. 12 janvier 1988, n° 86-12838) ;

    -la cession qui ne porte que sur une partie du fonds, dans la mesure où elle avait pour objet une branche autonome d’activité à laquelle était attachée une clientèle propre (cass. com. 14 avril 1992, n° 89-20908) (sur les cessions partielles, voir § 313) ;

    -la cession qui excluait le stock et dont la clientèle n’était pas la même, selon le bailleur, dès lors que la cession portait sur tous les autres éléments et que le prix correspondait à la valeur d’un fonds de même nature (cass. civ., 3e ch., 18 octobre 1989, n° 88-15078).

Clauses autorisant la cession à un successeur dans le commerce

311

Les baux interdisent le plus souvent la cession du bail sauf à un « successeur dans son commerce » ou « dans le même commerce ».

Cette clause a donné lieu à des interprétations divergentes ; elle a été analysée comme autorisant la cession à un acquéreur exerçant la même activité que le cédant sans nécessité de reprendre le fonds de commerce.

La Cour de cassation, par deux arrêts des 7 et 8 février 1984 (cass. civ., 3e ch., 7 février 1984, n °82-14584 et cass. civ., 3e ch., 8 février 1984, n° 82-15176), a considéré que lorsqu’un bail interdit au preneur de céder son droit sauf « à un successeur dans son commerce », la cession du droit au bail n’est autorisée qu’au profit du successeur dans le fonds de commerce ; en l’espèce, les juges du fond, sanctionnés par la Cour suprême, avaient considéré que le successeur pouvait être un successeur dans le fonds ou bien un successeur dans l’activité commerciale (voir aussi cass. civ., 3e ch., 15 octobre 1991, n° 90-16569 ; cass. civ., 3e ch., 9 mars 1994, n° 92-13367).

  • Successeur dans l’activité. En présence d’une clause interdisant la cession sans le consentement exprès et écrit du bailleur, « si ce n’est à un successeur dans son activité », les juges du fond ont pu décider que l’accord du propriétaire n’était pas nécessaire lorsque la cession avait lieu au profit d’une personne exerçant la même activité que le cédant sans avoir acquis son fonds de commerce (cass. civ., 3e ch., 15 décembre 1999, n° 98-15289).

  • Nouvelle activité complémentaire. Le bail prévoit que l’accord du bailleur n’est pas exigé en cas de cession à une personne exerçant la même activité. Les activités prévues au bail sont la vente de vêtements et de cadeaux ainsi que (activité rajoutée lors d’un renouvellement) la fabrication de maroquinerie. L’acte de cession prévoit l’activité de réparation de maroquinerie. Le cédant et le cessionnaire ne demandent pas l’accord du bailleur. Celui-ci obtient que la cession lui soit inopposable et que le bail soit résilié aux torts du preneur. Les juges estiment en effet que la réparation de maroquinerie est une activité nouvelle qui nécessitait donc l’accord du bailleur (CA Paris, 16e ch. A, 14 février 2007, n° 06-03596).

Changement d'activité par le cessionnaire

312

La Cour de cassation, en présence d’un bail autorisant le preneur à céder son droit au bail uniquement à un successeur dans son commerce, admet la validité de la cession réalisée en même temps que celle du fonds de commerce au profit d’un cessionnaire exerçant une activité différente de celle du cédant au motif que la validité de la cession du bail ne doit pas s’apprécier en considération de l’activité exercée par le cessionnaire, mais est subordonnée à la seule acquisition, par celui-ci, du fonds de commerce du locataire cédant (cass. civ., 3e ch., 3 janvier 1985, n° 83-15665).

De même, le propriétaire d’un local donné à bail pour l’exercice d’un commerce d’antiquité a été débouté de son action tendant à annuler la cession de fonds de commerce au motif que le cessionnaire vendait exclusivement des livres anciens (cass. civ., 3e ch., 18 octobre 1989, n° 88-15078).

Selon ces arrêts, le cessionnaire pourrait donc exercer une activité distincte de celle du cédant dès lors qu’il a acquis le fonds ; le bailleur se verrait ainsi imposer une activité différente de celle initiale, en dehors de toute déspécialisation. D’autres éléments mentionnés ci-après doivent être pris en considération.

  • Recherche de la vraie nature du contrat. Tout d’abord, l’apparence que les parties donnent à un acte ne lie pas les juges qui peuvent rechercher la véritable qualification du contrat ; tel a été le cas à propos d’une vente d’un fonds de commerce de papeterie au profit d’un acquéreur exerçant une activité d’impression sur tissus et articles textiles (cass. com. 12 décembre 1989, n° 87-19154). Aussi, les solutions dégagées ne sont-elles pas de principe, elles peuvent être totalement opposées au vu d’autres circonstances.

  • Clause du bail relatif à la destination. Ensuite, le changement d’activité ne pourrait être admis qu’en présence d’une clause de destination du bail l’autorisant ; à défaut, le bailleur risque de demander la résiliation du bail ou refusera le renouvellement sans indemnité. Des clauses relatives à la cession peuvent être extrêmement précises et exiger une continuité dans l’activité.

  • Moins de trois ans avant la fin du bail. Enfin, si la cession et l’exercice de l’activité nouvelle interviennent moins de 3 ans avant la date d’expiration contractuelle du bail, la jurisprudence refuse généralement au cessionnaire le droit au renouvellement ou à une indemnité d’éviction dans de telles hypothèses (voir §§ 721 et 722).

Cession partielle

313

L’article L. 145-16 du code de commerce ne distingue pas entre cession totale et cession partielle ; rien, en principe, ne s’oppose à une cession d’une partie du fonds de commerce justifiant la cession du droit au bail (cass. civ. 14 octobre 1959, D. 1960, 78). Les clauses restreignant de telles cessions sont souvent inefficaces.

  • Branche d’activité et clause d’indivisibilité. La cession qui porte sur une branche autonome d’activité à laquelle est attachée une clientèle propre est une vente de fonds de commerce et non une cession du seul droit au bail (cass. com. 14 avril 1992, n° 89-20908).

    En présence d’une clause d’indivisibilité, la Cour suprême a confirmé une décision de la cour d’appel d’Angers validant une cession portant sur la branche d’activité « journaux, papeterie, bimbeloterie » exploitée dans un local unique à usage de café, bar, journaux et papeterie, au motif que la branche d’activité constituait par elle-même un fonds de commerce distinct et autonome (cass. civ., 3e ch., 24 novembre 1987, n° 86-14050).

    Des cédants exerçaient effectivement dans les lieux loués, antérieurement à l’acte de cession, le commerce objet de la vente. Dans ces conditions, cette branche autonome d’activité et la clientèle qui s’y rattachait constituaient un fonds de commerce indépendant sur lequel avait porté la cession (cass. com. 3 mai 1995, n° 92-18100).

    La Cour de cassation, dans un arrêt du 28 janvier 1963 (BC III n° 64), a considéré qu’une clause d’indivisibilité interdisait la cession partielle du fonds

  • Clause interdisant la cession partielle. La Cour de cassation a refusé d’admettre la validité d’une telle clause, à propos de la cession du bail de l’un des trois locaux dans lesquels était exploité un fonds de commerce de pâtisserie-confiserie, concomitante à la cession de l’établissement secondaire installé dans les lieux loués, au motif que la cession partielle d’un fonds de commerce ne peut être interdite si l’activité exercée dans chaque local peut constituer une exploitation indépendante (cass. civ., 3e ch., 11 février 1987, n° 85-15588).

  • Fonds unique. Lorsque le fonds auquel ont été ajoutées des activités est unique, l’acquéreur partiel de ce fonds ne peut être regardé, envers le bailleur, comme acquéreur d’un véritable fonds (cass. civ., 3e ch., 6 mai 1971, n° 70-10435).

Autres cas particuliers : retraite et invalidité

Locataires concernés

314

Peuvent céder leur droit au bail pour une activité différente de celle exercée (c. com. art. L. 145-51) :

-le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ;

-le locataire titulaire d’une pension d’invalidité ;

-le gérant majoritaire de SARL depuis au moins 2 ans ou l’associé unique d’EURL ayant fait valoir leurs droits à la retraite ou titulaires d'une pension d'invalidité.

  • Départ à la retraite. Cette faculté de cession est ouverte à tout locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite, quel que soit le régime auquel il est affilié. Le locataire partant à la retraite devra demander la liquidation de sa retraite mais continuer à exploiter le fonds jusqu’au jour de la cession ; la cessation d’activité et la radiation du registre du commerce avant ce terme lui feraient perdre ses droits envers le bailleur (cass. civ., 3e ch., 7 novembre 1990, n° 89-14561 ; cass. civ., 3e ch., 2 octobre 1996, n° 94-20467). Il n’existe pas, a priori, d’incompatibilité de mise en œuvre entre ces deux opérations. En effet, au regard des caisses de retraite, l’affilié n’est pas obligé de justifier de sa cessation d’activité au jour où il demande à bénéficier de ses droits à la retraite.

  • Un seul des époux part à la retraite. Dans une affaire où une cession pour une activité différente était envisagée, le bailleur avait refusé en faisant valoir que seul un des époux cotitulaire du bail était inscrit au RCS et faisait valoir ses droits à la retraite, les juges ont considéré que cette situation n’était pas de nature à justifier le refus du bailleur (CA Paris 21 avril 2001, Loyers 2001, n° 9).

  • Usufruitier. La déspécialisation pour cause de retraite, prévue par l’article L. 145-51 du code de commerce, bénéficie à l'usufruitier du droit au bail, immatriculé au RCS pour le fonds exploité dans les lieux loués, s'il justifie de l'accord des nus-propriétaires pour la cession du bail (cass. civ., 3e ch., 6 février 2013, n° 11-24708).

Procédure à suivre

315

L’intéressé signifiera par acte d’huissier au propriétaire, et s’il y a lieu aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce, son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l’exercice est envisagé ainsi que le prix proposé ; le texte ne prévoit pas l’envoi d’un projet de cession et le cédant n’a pas à indiquer le nom du potentiel acquéreur. Ces dispositions sont prévues par l’article L. 145-51 du code de commerce, texte figurant au nombre des mesures relatives à la déspécialisation et sont d'ordre public (c. com. art. L. 145-15).

Dans le cadre de la cession, le preneur devra respecter l’ensemble des clauses du bail concernant notamment les modalités de celle-ci.

Option ouverte au bailleur

316

En réponse à cette signification le bailleur aura, dans un délai de 2 mois, le choix entre trois options (c. com. art. L. 145-51) :

-accepter la cession proposée et le bail cédé se poursuivra, au profit du cessionnaire, aux mêmes conditions, seule l’activité sera changée ;

-exercer le droit de préemption que lui confère la loi ;

-contester les nouvelles activités indiquées dans la signification et en conséquence saisir le tribunal de cette action.

Le bailleur conteste les nouvelles activités

317

Pour refuser la cession, le bailleur peut invoquer l’incompatibilité des activités envisagées avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble (c. com. art. L. 145-51, al. 2). Il pourra aussi se prévaloir d’un manquement aux obligations prévues au bail. Dans l’un ou l’autre cas, il lui appartient d’en apporter la preuve.

Par ailleurs, aucun texte ne prévoit que la déspécialisation signifiée au bailleur soit préalablement prévue dans un compromis avec le cessionnaire dont la teneur n’a pas davantage à lui être communiquée. Est donc étrangère au dispositif légal l’analyse de la convention projetée entre le cédant et le cessionnaire (cass. civ., 3e ch., 16 janvier 2002, n° 00-15252).

  • Activités incompatibles avec la destination de l’immeuble. S’agissant de la conformité des nouvelles activités avec la destination de l’immeuble, ont été déclarés incompatibles :

    -un commerce de café-restaurant pour des locaux loués à l’origine à usage de droguerie et affectation du premier étage à l’habitation bourgeoise (CA Rennes 24 avril 1990, Loyers 1992, n° 124) ;

    -la création d’une laverie automatique, source de bruits et de nuisances excédant les troubles normaux de voisinage tolérables dans un immeuble d’habitation (CA Montpellier 12 janvier 1990, Loyers 1991, n° 172) ;

    -la substitution d’une activité de sandwicherie, pâtisserie et plats conditionnés sous vide à un commerce de bonneterie (CA Paris 2 juillet 1992, Loyers 1993, n° 28) ;

    -la cession pour l’exercice d’activités de restauration rapide qui feraient concurrence à un commerce de charcuterie-traiteur avec plats à emporter déjà installé dans l’immeuble, le règlement de copropriété stipulant que tout propriétaire (ou ayant droit) ne peut concurrencer une activité déjà exercée dans l’immeuble (CA Paris 21 avril 2000, Loyers 2001, n° 9).

  • Refus injustifiés du bailleur. L’opposition du bailleur a été déclarée non fondée pour une activité de plats cuisinés à emporter avec dégustation sur place alors que le bail cédé prévoyait une destination de croissanterie et pâtisserie, et qu’il existait une tolérance par le bailleur et les copropriétaires de l’exercice en fait d’une activité de plats réchauffés (CA Paris 10 mars 1994, Loyers 1994, n° 347).

    Le refus du bailleur est injustifié lorsqu'il est fondé sur le fait que le cessionnaire va exercer dans les lieux une activité identique à celle du bailleur et ce, quel que soit le préjudice que le bailleur puisse subir (CA Paris 16 juin 1988, Sem. jur. 1990, 15692 ; dans le même sens, CA Paris 22 novembre 1988, Loyers 1989, n° 84).

    Le refus du bailleur d'accepter une déspécialisation plénière en cas de départ à la retraite de son locataire est également injustifié lorsqu'il est motivé par l'existence d'une clause de non-concurrence figurant dans le règlement intérieur du centre commercial où est exploité le fonds de commerce, dès lors que cette clause est très générale et que le bailleur ne démontre pas que l'activité du candidat concurrencerait des commerces déjà existant dans le centre commercial (cass. civ. 3e ch., 13 mai 2015, n° 14-10368).

  • Réparation du préjudice. Le bailleur, qui s’est opposé à la cession en contestant la compatibilité des nouvelles activités devant être exercées par le cessionnaire, mais sans démontrer en quoi ces nouvelles activités auraient été incompatibles avec la destination de l’immeuble, oppose un refus injustifié donnant lieu au paiement de dommages et intérêts (CA Paris 12 décembre 1997, Loyers 1998, n° 98 ; CA Nîmes 15 octobre 2000, Loyers 2000, n° 168 ; CA Paris 21 avril 2000, Loyers 2001, n° 9).

Effets de la cession

Changement de locataire

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La cession de bail est un contrat par lequel le bénéficiaire du bail appelé « cédant » transmet ses droits à un tiers appelé « cessionnaire ». Le bail primitif subsiste donc ; il y a seulement changement dans la personnalité du preneur.

Le cessionnaire bénéficie des mêmes droits que le cédant ; il peut ainsi demander l’autorisation de changer la destination ; il est également tenu aux mêmes obligations, notamment quant à l’exercice de son activité.

La cession du seul droit au bail est souvent qualifiée de « cession de pas-de-porte ».

La cession est généralement consentie à titre onéreux, mais elle peut l’être à titre gratuit.

  • Bailleur vendeur du fonds. Le propriétaire ou le principal locataire qui, en même temps qu’il est bailleur des lieux, est le vendeur du fonds de commerce et qui a reçu le prix intégral ne peut refuser le renouvellement au cessionnaire qu’à charge de payer l’indemnité d’éviction, sauf s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre de ce dernier (cass. civ., 3e ch., 12 juin 1996, n° 94-13966).

  • Transmission d'obligations. Un dégât des eaux imputable à l'un des locataires précédents a entraîné des dégradations dans les parties communes de l'immeuble. Les cessions successives du bail ont opéré transmission des obligations en découlant au dernier titulaire du contrat, qui est ainsi déclaré responsable et condamné à réparation, même en l’absence de clause particulière (cass. civ., 3e ch., 30 septembre 2015, n° 14-21237).

  • Cession de droits sociaux. Sauf fraude ou déguisement de la nature de l’acte, n’est pas une cession de droit au bail la cession de la totalité des parts sociales par les associés d’une société titulaire d’un bail commercial (cass. civ., 3e ch., 22 juin 1988, n° 86-19366 ; même solution en ce qui concerne le fonds de commerce cass. com. 12 juillet 1993, n° 91-18712). Mais, lorsque la cession par la société locataire de la totalité de ses parts intervient au cours de la procédure de résiliation du bail, les juges du fond doivent rechercher, lorsque la demande en est faite, si cette opération ne constituait pas une cession déguisée du bail en fraude des droits du bailleur (cass. civ., 3e ch., 10 juillet 2002, n° 00-20708).

  • Donation-partage avec réserve d’usufruit. La donation-partage attribuant à un enfant la nue-propriété du fonds de commerce est sans incidence, du vivant des preneurs, sur les relations contractuelles de ceux-ci et du bailleur ; en conséquence, les preneurs ne sont pas tenus de remettre une copie exécutoire de l’acte au bailleur (cass. civ., 3e ch., 22 janvier 1992, n° 96-10685). La solution serait inverse si la donation-partage était faite en pleine propriété et emportait transfert immédiat du fonds au profit du donataire (cass. soc. 10 janvier 1958, BC IV n° 67).

  • Droit d’entrée. Ne peut être prise en compte pour le calcul de la valeur locative la somme versée à titre de droit d’entrée au propriétaire cédant le fonds de commerce et dans la mesure où elle n’est pas versée au bailleur (cass. civ., 3e ch., 5 juin 2002, n° 00-21733).

  • Indemnité d’éviction. La cession du fonds de commerce emporte cession de la créance d’indemnité d’éviction due au cédant. Le bailleur doit accepter le maintien dans les lieux du cessionnaire du fonds tant que l’indemnité d’éviction n’est pas payée (cass. civ., 3e ch., 6 avril 2005, n° 01-12719 et cass. civ., 3e ch., 17 février 2010, n° 08-19357).

    Un bailleur signifie au locataire commercial un congé, qui doit prendre effet 10 mois plus tard. Dans le même temps, le locataire cède son fonds de commerce avec le droit au bail. À l’expiration du bail, l’acheteur du fonds réclame au bailleur le paiement d’une indemnité d’éviction, comme la loi le prévoit. Le bailleur refuse et les juges sont alors saisis du litige. Les juges fixent à 20 000 € l’indemnité d’éviction, tout en précisant que le cessionnaire ne peut guère prétendre avoir subi un trouble commercial puisqu’il connaissait l’existence du congé lorsqu’il a acquis le fonds. Cette décision est censurée par la Cour de cassation : l’indemnité d’éviction à laquelle a droit le cessionnaire doit comprendre une indemnisation pour le trouble commercial. Le montant de 20 000 € est donc à revoir à la hausse (cass. civ., 3e ch., 7 décembre 2017, n° 15-12452).

  • Époux acquéreurs du fonds et du bail. Des époux ont acquis un fonds de commerce comprenant le droit au bail des locaux dans lesquels le fonds est exploité. Le conjoint exploitant est mis en redressement judiciaire, la société civile immobilière propriétaire des murs déclare une créance de loyers impayés puis assigne l’autre époux en paiement de l’arriéré de loyers. Cette société fait valoir que cet époux cessionnaire du fonds et du droit au bail a conclu un acte de commerce entraînant sa solidarité dans le paiement des dettes qui découlent de cet acte. En vain, cet époux n’avait jamais exploité le fonds de commerce et l’acte de cession ne stipulait nullement la solidarité entre les époux quant à l’exécution du bail ; par ailleurs, aucune clause du bail ne prévoyait que les époux étaient copreneurs solidaires (cass. com. 9 décembre 2008, n° 07-18236).

  • Reprise des clauses du bail. Un cessionnaire accepte les clauses et conditions du bail aux termes duquel le preneur doit « laisser en fin de bail sans indemnité tous changements ou améliorations apportés aux lieux loués ». Par la suite, le cessionnaire, désireux d’obtenir un autre bail d’une durée de 12 ans, demande la résiliation amiable du bail. Cette résiliation a notamment pour conséquence l’accession au bailleur des aménagements réalisés par les preneurs successifs dans les locaux (cass. civ., 3e ch., 19 mars 2008, n° 07-10679).

  • Interdiction des activités déjà exercées dans l’immeuble. La clause de destination d’un bail précise que le preneur A peut exercer le commerce de salon de thé, petite restauration. Un autre local situé dans le même immeuble est donné à bail à un autre locataire ; le contrat stipule que les locaux sont destinés à l’exercice de tous commerces, à l’exception de ceux existant déjà au sein de l’immeuble. Ce bail est cédé à B pour y exercer une activité d’artisan glacier exclusivement ; l’acte de cession reprend la clause de destination du bail et l’interdiction de commerces concurrents.

    Cependant, le cessionnaire ne se limite pas à la vente de glaces ; il commercialise également des pâtisseries, gaufres et sert des petits-déjeuners, café et autres boissons.

    Les juges saisis retiennent que seule l’activité d’artisan glacier peut être exercée dans les lieux loués et condamnent B à des dommages et intérêts. La Cour de cassation valide : « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage » (cass. civ., 3e ch., 13 juillet 2010, n° 09-67516).

  • Fonds de commerce cédé au bailleur. La cession du fonds de commerce au profit du bailleur conduit à l'extinction du bail. En conséquence, le bailleur-cessionnaire reste créancier de l'obligation de remise en état des lieux. De la même façon, la dette de loyers échus avant la cession n'est pas transmise au bailleur-cessionnaire. Le locataire-cédant reste redevable de cette dette (cass., civ., 3e ch., 30 novembre 2017, n° 16-23498).

Obligation du cédant

319

La cession du droit au bail est une cession de créance et elle emporte dessaisissement du cédant au profit du cessionnaire ; le cessionnaire devient titulaire des droits nés du bail et il peut s’en prévaloir envers le bailleur. Le cédant doit avoir la capacité juridique de vendre le droit au bail et il peut être tenu à garantir l’acquéreur du droit au bail. Il doit informer l’acquéreur des contestations nées au cours du bail cédé.

  • Garantie d’éviction. Ayant constaté que le cédant du bail – qui ne pouvait ignorer, lors de la cession, que les bailleurs successifs contestaient celle-ci et avaient engagé plusieurs actions contre lui – avait cependant accepté de conclure cette cession sans faire insérer à l’acte une clause prévoyant que le cessionnaire achetait à ses risques et périls, la cour d’appel a retenu exactement qu’en l’absence de non-garantie et nonobstant le fait que l’acquéreur ait eu connaissance, à la date de son engagement, du risque d’éviction auquel il pouvait être exposé, la garantie du cédant était due (cass. civ., 3e ch., 24 juin 1998, n° 96-19042).

  • Non-révélation d’une infraction au bail. Un locataire édifie une véranda en infraction avec les clauses du bail ; il cède son fonds de commerce. Le bailleur met en demeure l’acquéreur du fonds de détruire cette véranda puis il délivre un congé avec refus de renouvellement sans indemnité ; l’acquéreur n’ayant pas mis fin à l’infraction, il est assigné en expulsion. L’acquéreur assigne le cédant en réparation de son préjudice ; il est fait droit à sa demande, la véranda était en place au moment de la cession et le cédant avait déclaré dans l’acte de cession du bail qu’aucune infraction aux clauses et conditions de ce contrat n’avait été commise ; le cédant est condamné à garantir les cessionnaires des 2/3 du préjudice résultant de la privation de l’indemnité d’éviction (cass. civ., 3e ch., 28 juin 2000, n° 98-20901 ; D 2000, J 365).

  • Responsabilité du rédacteur de l’acte. L’intermédiaire professionnel, négociateur et rédacteur d’un acte de cession de bail commercial est tenu de s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de la convention ; il doit notamment s’assurer du consentement du bailleur (cass. civ., 1re ch., 17 janvier 1995, n° 92-21193) ; de même, il a l’obligation de vérifier que les conditions nécessaires à l’efficacité de l’acte sont réunies. À ce titre, il devra vérifier que l’acquéreur du droit au bail s’inscrit au registre du commerce et des sociétés ; il doit également attirer l’attention du preneur sur l’obligation qui lui incombe de notifier la cession au propriétaire des lieux (cass. civ., 1re ch., 16 juin 1981, n° 79-15845).

    Même lorsque le rédacteur d’acte est le notaire de l’acquéreur, il est responsable s’il omet d’inviter le bailleur à concourir à l’acte. En effet, le notaire – qui prête son concours à la rédaction d’un acte – est tenu de s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de la convention, même à l’égard de l’autre partie (cass. civ., 3e ch., 3 mai 2006, n° 05-15487).

  • Immatriculation du cessionnaire. Lorsque, à la date de délivrance du congé par le bailleur, la société locataire en place était régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés et que, à la date d’effet du congé, la nouvelle société locataire cessionnaire était elle-même personnellement immatriculée, le bailleur ne peut dénier à la société cessionnaire le droit au statut (cass. civ., 3e ch., 28 janvier 2004, n° 02-18983). En l’espèce, une opération d’apport de branche d’activité était intervenue entre la date de délivrance du congé et celle, 6 mois plus tard, de la prise d’effet de ce congé ; le cessionnaire ayant tardé à s’immatriculer, le bailleur avait délivré un nouveau congé en lui déniant tout droit au statut ; son action n’a pu aboutir, le cessionnaire ayant régularisé la formalité d’immatriculation avant le terme du bail. Un précédent arrêt de la Cour de cassation, rendu à propos de la même affaire, avait refusé à la société ayant repris l’activité le paiement d’une indemnité d’éviction dans la mesure où cette société ne s’était immatriculée qu’après la dénégation du statut signifiée par le bailleur (cass. civ., 3e ch., 27 mars 2002, n° 00-21685).

  • Fermeture administrative des locaux. Les locaux loués font l’objet d’une décision de fermeture prise par la commission de sécurité. Le bailleur est mis au courant. Le locataire cède alors son fonds à un cessionnaire qui ignore tout de cette décision. Quand il l’apprend, il obtient en justice l’annulation de la cession. Le bailleur poursuit néanmoins le cessionnaire pour obtenir le paiement des loyers échus depuis la cession ou, tout au moins, le paiement d’une indemnité d’occupation. De son côté, le cessionnaire demande la condamnation du bailleur à des dommages et intérêts. Les juges suivent la demande du cessionnaire après avoir souligné que le bailleur s’était empressé de conclure avec le cessionnaire le renouvellement du bail. Les juges refusent, en revanche, de donner droit à la demande du bailleur. Sur ce second point, ils sont censurés par la Cour de cassation : les juges doivent prendre en compte le fait que le cessionnaire a bénéficié de la jouissance des locaux (cass. civ., 3e ch., 24 juin 2009, n° 08-12251).

Solidarité du cédant

320

En l’absence de clause de solidarité entre le cédant et le cessionnaire, le bailleur ne peut exiger du cédant le paiement des loyers échus postérieurement à la cession (cass. civ., 3e ch., 12 juillet 1988, n° 86-15759 ; cass. civ., 3e ch., 15 janvier 1992, n° 90-11289).

En pratique, la clause de solidarité entre cédant et cessionnaire (différente d’un cautionnement) pour le paiement des loyers et l’exécution des obligations du bail est usuelle. Par l’effet de cette clause de garantie solidaire, le cédant est codébiteur solidaire du cessionnaire et ne peut se prévaloir des dispositions du code civil sur le cautionnement (cass. civ., 3e ch., 15 novembre 2000, n° 99-12218 ; cass. civ., 3e ch., 17 décembre 2003, n° 01-11198). Mais compte tenu des termes imprécis de la clause du bail, selon laquelle « le preneur demeurait garant solidaire de son cessionnaire », les juges du fond ont pu retenir que l’engagement du cédant du droit au bail devait être considéré, à l’égard du bailleur, comme une caution solidaire et non un codébiteur solidaire (cass. civ., 3e ch., 20 juillet 2003, n° 91-19431).

La Cour de cassation interprète restrictivement les clauses de garantie solidaire ; ainsi, cette clause prend fin :

-en présence d’un congé donné au cessionnaire pour la date d’expiration du bail (cass. civ., 3e ch., 4 mars 1998, n° 95-21560) ;

-à l’expiration du bail au cours duquel la clause a été introduite.

Mais la clause doit continuer à s’appliquer lorsque le bail s’est poursuivi par tacite reconduction au-delà du terme contractuel (cass. civ., 3e ch., 5 juin 2002, n° 00-20806) ; le cédant reste alors garant solidaire jusqu’à l’expiration du bail (cass. civ., 3e ch., 7 février 2007, n° 06-11148). En revanche, en cas de renouvellement du bail, la clause de solidarité prend fin, sauf si le cédant s’engage à garantir le paiement des loyers dus au titre du nouveau bail (cass. civ., 3e ch., 14 juin 2006, n° 05-14463).

La loi 2014-626 du 18 juin 2014 a apporté deux limites aux règles qui viennent d’être énoncées.

D'une part, le bailleur ne peut invoquer la clause de garantie que durant 3 ans à compter de la cession du bail (c. com. art. L. 145-16-2).

Toutefois, cette disposition, certes d'ordre public, n'est pas applicable de plein droit aux baux souscrits avant le 20 juin 2014 (cass. civ., 3e ch., 11 avril 2019, n° 18-16121).

D'autre part, le bailleur doit informer le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai de 1 mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être payée (c. com. art. L. 145-16-1).

  • Caution solidaire du locataire. La clause du bail stipulant que le preneur restait solidaire du paiement des loyers en cas de cession du bail oblige la caution solidaire du preneur au paiement des loyers arriérés en cas de défaillance du cessionnaire du bail (cass. civ., 3e ch., 11 mai 1995, n° 93-11410).

  • Clause de solidarité limitée au loyer. À la suite de la cession d’un bail commercial, la garantie du cédant prévue au bail pour le paiement des loyers ne peut être étendue aux réparations locatives et aux indemnités d’occupation (cass. civ., 3e ch., 12 avril 1995, n° 92-21541).

    Il n’en serait pas de même si la clause du bail précisait que la cédante était tenue à l’égard du bailleur tant pour les dégradations locatives constatées lors de son occupation que pour celles commises par la preneuse d’origine ou par tout cessionnaire (cass. civ., 3e ch., 15 janvier 1992, n° 90-11289).

  • Réparations locatives et indemnités d’occupation. Suite à la cession du droit au bail, le bailleur assigne les titulaires d’origine du bail en paiement d’indemnités d’occupation pour la période postérieure à la cession et jusqu’à la date où un état des lieux de sortie est établi, ainsi qu’en règlement de sommes au titre des réparations locatives. La demande est rejetée, le bail cédé ayant pris fin par l’effet d’un congé donné par le bailleur au cessionnaire (cass. civ., 3e ch., 4 mars 1998, n° 95-21560) ; l’arrêt de renvoi a fait l’objet d’un nouveau pourvoi en cassation et la Cour a précisé que la clause du contrat, selon laquelle le preneur demeurera garant solidaire de son cessionnaire, était limitée à la durée du bail initial (cass. civ., 3e ch., 7 mars 2001, n° 99-19473).

  • Travaux de remise en état. Les cessions successives d’un bail commercial opèrent transmission des obligations en découlant au dernier titulaire du contrat qui devient débiteur envers le bailleur des dégradations causées par ses prédécesseurs (cass. civ., 3e ch., 9 juillet 2003, n° 02-11794). Toutefois, le cessionnaire n’est pas tenu des dégradations pour lesquelles le cédant s’était engagé à effectuer les réparations lors de l’établissement de l’état des lieux de sortie (cass. civ., 3e ch., 13 juin 2001, n° 99-18047).

  • Modification litigieuse des lieux. Lorsque le cessionnaire n’est pas à l’origine des modifications litigieuses réalisées par les précédents locataires, les juges du fond doivent rechercher si, à la suite du commandement qui lui avait été délivré de remettre les locaux en l’état, il n’incombait pas au cessionnaire du bail de mettre un terme au manquement contractuel (cass. civ., 3e ch., 30 janvier 2002, n° 00-16284).

  • Clause particulière sur les indemnités. Lorsque le bail comporte une stipulation mentionnant la solidarité des preneurs et prévoit une indemnité d’occupation à leur charge, en cas d’application de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers, les indemnités d’occupation sont dues solidairement par les anciens locataires (cass. civ., 3e ch., 24 mars 1999, n° 97-12982 ; arrêt rendu à propos d’un bail d’habitation mais transposable à un bail commercial).

  • Faits commis par le cédant inopposables au moment du renouvellement. Le bailleur ne peut se prévaloir envers le cessionnaire des actes ou faits commis par le cédant afin de refuser le renouvellement sans indemnité (cass. com. 26 avril 1963, BC III n° 201) (voir § 743).

  • Loyers dus avant la cession. Le bailleur peut agir en résiliation du bail pour cession irrégulière lorsque le cédant, en dépit d’une clause du bail, n’avait pas payé l’ensemble des loyers dus à la date de la cession (cass. civ., 3e ch., 31 mai 1994, n° 92-19981) ; en l’espèce, le bail stipulait que le cédant devait être à jour des loyers échus au moment de la cession et le fait que le bailleur avait été appelé à l’acte de cession n’a pas remis en cause son droit de résiliation sur ce fondement.

  • Transaction entre le cessionnaire et le bailleur. Le preneur cède son bail alors qu’un litige l’oppose au bailleur sur le montant du loyer renouvelé ; l’acte prévoit une subrogation du cessionnaire dans les droits du cédant pour la procédure en cours et il stipule que le cédant prendra à sa charge toute augmentation rétroactive du loyer jusqu’au jour de l’entrée en jouissance du cessionnaire. Un nouveau bail est signé entre le bailleur et le cessionnaire ; les juges qualifient cet acte de transaction comme mettant fin au litige relatif au prix et déclarent le cédant tenu de payer l’augmentation de loyer pour la période antérieure à la cession (cass. civ., 1re ch., 6 mai 1997, n° 95-13860).

  • Négligence fautive du bailleur. Le cédant n’a pas à supporter la carence fautive du bailleur (cass. civ., 3e ch., 24 juin 1998, n° 96-21682) ; en l’espèce, le bailleur n’avait fait, au cours de 3 années de loyers impayés, aucune tentative sérieuse pour récupérer ses loyers auprès de la société cessionnaire du bail ni tenu le cédant informé de cette situation alarmante.

  • Solidarité du gérant de la SARL. Une clause d’un bail stipulait que « dans le cas où la cession ou l’apport serait fait à une SARL, le ou les gérants de ladite société seront conjointement et solidairement responsables avec la société et tous les cessionnaires successifs immédiats du paiement des loyers échus ou à échoir et de l’exécution des clauses et conditions du bail, à compter de la date de la cession ou de l’apport. » En application de cette clause, le bailleur actionne en garantie le gérant en place. La demande est rejetée ; en effet, cette clause fait naître une obligation nouvelle et subsidiaire à la charge du gérant en l’instaurant caution solidaire ; le gérant n’ayant pas été partie à l’acte de cession et l’acte aux termes duquel ils ont acquis les parts sociales ne faisant aucune allusion au droit au bail, la preuve de l’engagement exprès n’est pas rapportée (cass. com. 3 octobre 2000, n° 97-16523).

  • Seconde cession. Un locataire A cède son droit au bail à B qui le cède par la suite à C. A tente de récupérer son dépôt de garantie. Le bailleur s’y oppose en faisant valoir des loyers laissés impayés par C. Le bailleur est condamné car, dans son bail, A s’était engagé à garantir uniquement son successeur (cass. civ., 3e ch., 19 septembre 2007, n° 06-16570).