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Parution: avril 2022

Mesures fiscales en faveur des abandons de loyer

Déduction (ou non imposition) des abandons de loyer

Bailleurs relevant des BIC, des BA et de l’IS

Cas général

1050

Par dérogation à la règle générale, les abandons de créances de loyer et accessoires afférents à des immeubles donnés en location à une entreprise n'ayant pas de lien de dépendance avec le bailleur (voir § 1055) consentis entre le 15 avril 2020 et le 31 décembre 2021 peuvent être compris dans les charges déductibles dans leur intégralité (CGI art. 39, 1.9° ; loi 2021-953 du 19 juillet 2021, art. 8). Si ces conditions de dates sont réunies, le créancier peut opérer la déduction sans avoir à justifier d'un intérêt à ce titre. Ces dispositions ne s'appliquent qu'aux abandons de créances de loyers au sens strict, c’est-à-dire à la renonciation définitive à la perception d'un loyer par le bailleur. Elles concernent les exercices clos à compter du 15 avril 2020 (loi précitée, art. 3, II).

Rappelons que, sauf pour le cas des entreprises en difficultés, les abandons de créance à caractère commercial ne peuvent être déduits des résultats que s’ils sont accordés dans le cadre d’un acte normal de gestion. En revanche, les autres aides de toute nature sont en principe exclues des charges déductibles (en pratique, il s’agit des abandons de créance à caractère financier) (CGI art. 39, 13.al. 1 ; voir « Détermination du résultat fiscal (BIC-IS) » RF 1130, § 2030).

Entreprises en difficulté

1051

Les règles relatives aux aides financières (autres que commerciales) prévues pour les entreprises en difficulté ne sont pas applicables aux abandons de loyers (CGI art. 39, 13.al. 4).

Rappel du régime des aides financières en faveur des entreprises en difficulté. L'exclusion de la déduction des aides financières ne s'applique pas aux aides consenties en application d'un accord constaté ou homologué dans les conditions prévues à l'article L. 611-8 du code de commerce ni aux aides consenties aux entreprises pour lesquelles une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte (CGI art. 39, 13.al. 2). Ces aides financières sont déductibles à hauteur de la situation nette négative de l'entreprise qui en bénéficie et, pour le montant excédant cette situation nette négative, à proportion des participations détenues par d'autres personnes que l'entreprise qui consent les aides (CGI art. 39, 13.al. 3).

Incidence sur le report en avant des déficits des sociétés à l’IS bénéficiaires des abandons

1052

En principe, le déficit subi au titre d’un exercice est considéré comme une charge de l’exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice, dans la limite d’un montant de 1 M€, majoré de 50 % de la fraction du bénéfice excédant ce seuil (CGI art. 209, 1 ; voir RF 1130, § 79).

Les sociétés en difficulté financières peuvent majorer cette limite de 1 M€ du montant des abandons de créances qui leur sont consentis (CGI art. 209, I.al. 4).

Pour les sociétés clôturant leur exercice dès le 15 avril 2020, les abandons de créances de loyers qui leur sont consentis viennent majorer la limite de 1 M€ (CGI art. 209, I).

Bailleurs relevant des BNC

1053

Pour les titulaires de bénéfices non commerciaux (BNC), les éléments de revenus ayant fait l’objet d’une renonciation dans les conditions mentionnées ci-dessus (voir § 1050) ne constituent pas une recette imposable de la personne qui a renoncé à les percevoir (CGI art. 92 B). Cette mesure vise en particulier les personnes donnant un bien immobilier en sous-location.

Rappelons que, lorsqu’un immeuble, qui fait l’objet d’un contrat de crédit-bail conclu par une SCI non soumise à l’IS, est donné en location nue par cette dernière, cette opération est fiscalement regardée comme une sous-location (la SCI étant elle-même locataire avant la levée d’option). Dans ce cas, les revenus tirés de la sous-location nue d’un immeuble pris en crédit-bail sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (CGI art. 92, 1 ; BOFiP-BNC-BASE-30-10-§ 320-12/09/2012 ; voir « La SCI », RF 2021-3, § 2251).

Une mesure identique est prévue pour les bailleurs relevant des revenus fonciers (voir § 1054).

Pour les contribuables qui ont opté pour la tenue d’une comptabilité commerciale, il convient d’appliquer la règle prévue pour les BIC, à savoir la déduction intégrale pour le contribuable qui les consent des abandons de créances de loyers et accessoires afférents aux immeubles donnés en location entre le 15 avril 2020 et le 31 décembre 2021 (loi précitée art. 3, I.4° ; CGI art. 93 A) (voir § 1050).

Le bailleur est un particulier (ou une SCI)

1054

En principe, les loyers que le bailleur a renoncé à encaisser doivent être compris dans ses recettes brutes, pour la détermination de son revenu foncier, dès lors qu’ils peuvent être regardés comme constitutifs d’un acte de disposition ou d’une libéralité au bénéfice du preneur (BOFiP-RFPI-BASE-10-10-§ 70-14/02/2014 ; voir « Revenus fonciers et SCI », RF 1132, § 235).

Par dérogation, et sous réserve du respect de la condition d’indépendance énoncée ci-après (voir § 1055), les renonciations et abandons de loyers consentis par les bailleurs au profit d’une entreprise locataire réalisés entre le 15 avril et le 31 décembre 2021, ne sont pas imposables, sans que la déductibilité des charges correspondantes (charges de propriétés, intérêts d’emprunt) soit remise en cause (CGI art. 14 B).

Lorsque l’entreprise locataire est exploitée par un ascendant, un descendant ou un membre du foyer fiscal du bailleur, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la condition que le bailleur puisse justifier, par tous moyens, des difficultés de trésorerie de l’entreprise.

Règle commune : absence de lien entre le bailleur et l’entreprise locataire

1055

La déduction des abandons de créances de loyers ne s’applique qu’en présence d’une réelle renonciation à la perception des loyers, qui suppose donc qu’il n’existe pas de lien de dépendance au sens de l’article 39,12 du CGI entre le bailleur et l’entreprise locataire (voir RF 1130, §§ 617 et 618).

Crédit d'impôt pour abandon des loyers échus en novembre 2020

Bailleurs bénéficiaires du crédit d'impôt

1056

Pour soutenir les locataires et inciter les propriétaires bailleurs à renoncer à percevoir les loyers, ces derniers ont pu bénéficier, sous certaines conditions, d’un crédit d’impôt allant jusqu’à 50 % des loyers abandonnés (loi 2020-1721 du 29 décembre 2020, art. 20, I à V ; BOFiP-DJC-COVID19-10-10-25/02/2021). Ce crédit d’impôt s’applique aux bailleurs, personnes physiques ou morales, à raison des abandons ou renonciations définitifs des loyers hors taxes et hors accessoires, échus au titre du mois de novembre 2020, lorsqu’ils sont afférents à des locaux situés en France, et consentis au plus tard le 31 décembre 2021.

Le crédit d'impôt bénéficie aux bailleurs soumis à l’IR ou à l’IS percevant des revenus tirés de la location nue ou meublée de locaux, quel que soit le régime d’imposition applicable à ces revenus.

Conditions à remplir par l'entreprise locataire

1057

Les abandons et renonciations de loyers doivent être réalisés au profit d’entreprises locataires répondant aux critères cumulatifs suivants (loi 2020-1721 du 29 décembre 2020, art. 20, I.1.1° à 4°) :

-louer des locaux faisant l’objet d’une interdiction d’accueil au public situés en France métropolitaine ou dans un département d’outre-mer (décret 2020-1310 du 29 octobre 2020, art. 4). Les entreprises qui ont pratiqué au cours du mois de novembre 2020 une activité de livraison et de retrait de commandes (de type « click and collect ») dans ces locaux sont éligibles (décret 2020-1310 du 29 octobre 2020, art. 37, I) ;

-ou exercer leur activité dans certains secteurs particulièrement touchés par l'épidémie de Covid-19 tels que l’hôtellerie, les cafés, la restauration ou la culture et l’événementiel (secteurs définis en annexe 1 au décret 2020-371 du 30 mars 2020), la liste des secteurs étant appréciée au 30 décembre 2020, date de publication de la loi de finances pour 2021 (BOFiP-DJC-COVID19-10-10-§ 80-25/02/2021) ;

-avoir un effectif inférieur à 5 000 salariés, cet effectif étant décompté selon les modalités prévues par le code de la sécurité sociale (c. séc. soc. art. L. 130-1 ; voir RF 1130, § 3126) et correspondant à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l'année civile précédente. Cette condition ne s’applique cependant pas aux entreprises locataires constituées sous forme d’association, mais celles-ci doivent être assujetties aux impôts commerciaux ou employer au moins un salarié ;

-ne pas être en difficulté au 31 décembre 2019 au sens du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) du 17 juin 2014. Néanmoins, les micro et petites entreprises au sens du droit européen en difficulté au 31 décembre 2019 sont éligibles, à condition de ne pas faire l’objet d’une procédure collective d’insolvabilité (sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire ou rétablissement professionnel) et de n'avoir pas bénéficié d’une aide au sauvetage ou d’une aide à la restructuration ;

-ne pas être en liquidation judiciaire à la date du 1er mars 2020 ;

-ne pas présenter de liens familiaux (entreprise locataire exploitée par un ascendant, un descendant ou un membre du foyer fiscal du bailleur) ou de liens de dépendance, au sens l’article 39, 12 du CGI, avec le bailleur (voir RF 1130, §§ 617 et 618), sauf si ce dernier est en mesure de justifier par tous moyens des difficultés de trésorerie de l’entreprise locataire.

Abandons de loyers éligibles

1058

L’abandon ou la renonciation doivent être afférents aux loyers hors taxes et hors accessoires échus au titre du mois de novembre 2020. Ils ont dû être réalisés au plus tard le 31 décembre 2021. Les loyers accessoires exclus de l’assiette du crédit d’impôt s’entendent notamment de ceux concernant (BOFiP-DJC-COVID19-10-10-§ 190-25/02/2021) :

-la location du droit d’affichage et les redevances qui ont leur origine dans le droit de propriété ou d'usufruit et qui proviennent de la mise à la disposition de tiers, par le propriétaire, de certains droits attachés aux propriétés bâties ou de biens assimilés lui appartenant ;

-le remboursement des charges récupérables afférentes aux locaux faisant l’objet de la location, correspondant généralement aux charges dont le propriétaire est fondé à obtenir le remboursement par ses locataires, sur justifications, en sus du loyer principal.

Aucun montant minimal d’abandon ou de renonciation n’est requis. L’abandon d’une fraction seulement du loyer du mois de novembre 2020 est donc éligible au crédit d’impôt. L'abandon ou la renonciation de loyers doivent être définitifs. Cela implique que le bailleur renonce à (BOFiP-DJC-COVID19-10-10-§ 210-25/02/2021) :

-exercer tout recours auprès du locataire à raison du défaut de paiement des loyers pour la période au titre de laquelle il bénéficie du crédit d’impôt ;

-contracter avec le locataire une clause de retour à meilleure fortune visant au remboursement des loyers auquel il a renoncé au titre de cette même période.

Calcul et utilisation du crédit d'impôt

1059

Le crédit d'impôt s'élève à 50 % des loyers abandonnés au titre du mois de novembre 2020. Lorsque l’entreprise locataire a un effectif d’au moins 250 salariés, l’assiette du crédit d’impôt est plafonnée à hauteur des deux tiers du montant du loyer prévu au bail, échu ou à échoir au titre du mois concerné. Dans cette situation, le crédit d’impôt est donc égal à un tiers des loyers abandonnés.

Le crédit d'impôt s'impute :

-pour les entreprises relevant de l’IR, sur l’impôt dû au titre de l’année civile au cours de laquelle les abandons ou renonciations définitifs de loyers ont été consentis, y compris en cas de clôture d’exercice en cours d’année civile ;

-pour les entreprises redevables de l’IS, sur l’impôt dû au titre de l’exercice au cours duquel les abandons ou renonciations définitifs de loyers ont été consentis.

Ce crédit d’impôt ne peut être utilisé pour le paiement de la contribution sociale sur les bénéfices ni pour acquitter un rappel d'impôt sur les bénéfices qui se rapporterait à des exercices clos avant le 31 décembre de l'année au titre de laquelle il est obtenu.

Lorsque les abandons ou renonciation de loyers sont réalisés par des sociétés de personnes, le crédit d’impôt peut être utilisé par leurs associés ou par les porteurs de parts ou actionnaires proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés, groupements ou fonds.

Dans les groupes de sociétés soumis au régime de l'intégration fiscale, l'excédent de crédit d’impôt du groupe qui n’est pas imputé sur l’IS du groupe constitue une créance sur le Trésor d’égal montant qui appartient à la société mère du groupe et lui reste acquise. Elle peut en obtenir la restitution. Par conséquent, en cas de sortie du groupe d’une société dont le crédit d’impôt a été pris en compte pour le calcul du crédit d’impôt du groupe, aucune régularisation n’est à opérer au niveau du groupe.

Si le montant du crédit d’impôt excède l’impôt dû au titre de cette année ou de cet exercice, l’excédent est restitué. Les bailleurs qui, telles les SPPICAV, bénéficient d'une exonération d'impôt, peuvent ainsi obtenir la restitution du montant total de leur crédit d'impôt. La créance correspondant au crédit d'impôt non utilisé est inaliénable et incessible, sauf dans le cadre d'une cession Dailly.

Le montant total des abandons ou renonciations de loyers donnant lieu à crédit d’impôt dont bénéficie chaque entreprise locataire ne peut excéder le plafond des aides temporaires (voir RF 1130, § 3405).