Aménagements mis en place pendant la crise sanitaire
Allongement des délais
Règles dérogatoires entre le 12 mars et le 23 juin 2020
Des dispositions dérogatoires ont été mises en place pour les délais et mesures qui ont expiré entre le 12 mars 2020 et 23 juin 2020 inclus (ord. 2020-306 du 25 mars 2020, art. 1er).
Certains actes ou formalités qui auraient dû être accomplis pendant cette période sont réputés avoir été faits à temps s'ils ont été effectués dans un délai qui ne pouvait excéder, passé le 23 juin 2020, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de 2 mois (ord. 2020-306 du 25 mars 2020, art. 2).
Actes et formalités concernés
La règle dérogatoire (voir § 1000) s’applique aux actes, formalités, recours, actions en justice, inscriptions, déclarations, notifications ou publications.
Encore faut-il qu'ils soient prescrits par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque (ord. 2020-306 du 25 mars 2020, art. 2).
Prescription. Lorsqu’elles sont engagées en application des dispositions du code de commerce relatives aux baux commerciaux, les actions en justice se prescrivent par 2 ans. Si ce délai expirait entre le 12 mars et le 23 juin 2020 inclus, l’action pouvait encore être engagée jusqu’au 23 août 2020 inclus.
Clause résolutoire : délai d'un commandement expirant entre le 12 mars et le 23 juin 2020
Le bail comporte généralement une clause résolutoire en cas d’inexécution d’une des obligations du locataire. Cette clause prévoit l’obligation, pour le bailleur, de délivrer un commandement de cesser l’infraction dans un délai de 1 mois (voir § 527).
Si ce délai a expiré entre le 12 mars et le 23 juin 2020 inclus, la clause est réputée n'avoir pas produit effet. Si le débiteur n'a pas exécuté son obligation, la date à laquelle la clause produit effet s'est trouvée reportée d'une durée, calculée à partir du 23 juin 2020 minuit, égale au temps écoulé entre (ord. 2020-306 du 25 mars 2020, art. 4, al. 1 et 2) :
-d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle était plus tardive, la date à laquelle l'obligation était née ;
-et, d'autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.
Le loyer qui devait être payé le 1er avril 2020 ne l’a pas été. Le bailleur a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire à son locataire le 15 avril 2020. Elle devait produire effet le 16 mai 2020. La date de prise d’effet s'est trouvée reportée d'une durée, calculée passé le 23 juin 2020, égale au temps écoulé entre le 1er avril 2020 (date de naissance de l’obligation de payer) et le 15 mai 2020 (date à laquelle la clause aurait dû être exécutée), soit 45 jours. À défaut de paiement, la clause a produit son effet le 8 août 2020.
Un report a également été prévu pour les clauses résolutoires devant produire effet après le 23 juin 2020, mais seulement si elles sanctionnaient l'inexécution d'une obligation autre que le paiement d’une somme d’argent. La date à laquelle ces clauses prenaient effet dans un délai déterminé expirant après le 23 juin 2020 était reportée d'une durée égale au temps écoulé entre (ord. 2020-306 du 25 mars 2020, art. 4, al. 3) :
-d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle était plus tardive, la date à laquelle l'obligation était née ;
-et, d'autre part, le 23 juin 2020.
Un bail impose au locataire de fournir au bailleur un justificatif d’assurance au plus tard le 31 janvier de chaque année. Cette obligation est visée dans la clause résolutoire. Le 1er juin 2020, le bailleur a fait délivrer à son locataire un commandement visant la clause résolutoire afin qu’il justifie, dans le délai d’un mois, d’une police d’assurance en cours. Si le locataire n'a pas fourni ce justificatif, la clause résolutoire était acquise passé 103 jours (délai courant du 12 mars au 23 juin) après le 23 juin 2020, soit le 4 octobre 2020.
Suspension des loyers
Entre le 12 mars et 11 septembre 2020
Les locataires susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité ont pu suspendre le paiement des loyers et charges locatives de leur local commercial, sans encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions.
Mise en place par l’ordonnance 2020-316 du 25 mars 2020 et précisée par le décret 2020-378 du 31 mars 2020, cette mesure s'est appliquée rétroactivement à compter du 12 mars 2020 et s'est poursuivie pendant toute la période d'état d'urgence sanitaire, puis encore pendant 2 mois (ord. 2020-316 du 25 mars 2020, art. 4). Elle a donc porté sur la période allant du 12 mars au 10 septembre 2020 inclus.
Clause résolutoire : incidence sur les loyers échus entre le 12 mars et le 11 septembre 2020. Pour les entreprises susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité, la mise en œuvre de la clause résolutoire s'est trouvée purement et simplement interdite pour sanctionner un défaut ou un retard de paiement des loyers et charges échus entre le 12 mars et le 11 septembre 2020 (ord. 2020-316 du 25 mars 2020, art. 4).
À partir du 17 novembre 2020
Durée de la mesure
La loi 2020-1379 du 14 novembre 2020 a provisoirement libéré certains locataires (voir § 1005) dont l'activité économique se trouve affectée par une mesure de police administrative du paiement de leurs loyers et charges locatives.
Ce dispositif est applicable depuis le 17 octobre 2020 et jusqu'à l'expiration d'un délai de 2 mois à compter de la date à laquelle l'activité du locataire cesse d'être affectée par la mesure de police administrative (loi 2020-1379 du 14 novembre 2020, art. 14).
Mesures de police administrative. Outre les fermetures administratives, le couvre-feu, la jauge et les règles de distanciation, le passe sanitaire imposé dans certains commerces pourrait permettre aux entreprises de bénéficier de la suspension des loyers et charges, la suspension se prolongeant encore pendant 2 mois après la fin de la mesure. Encore faut-il que l’application du passe sanitaire ait engendré une baisse d’activité du locataire (A. Confino et B. Brignon, Semaine juridique, édition Entreprise et affaires, 25 novembre 2021, 1501).
Locataires éligibles
La suspension des paiements et des sanctions (voir § 1006) bénéficie uniquement aux locataires (décret 2020-1766 du 30 décembre 2020, art. 1er, I) :
-dont le nombre de salariés est inférieur à 250 ;
-dont le chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à 50 M € ou, pour les activités n'ayant pas d'exercice clos, dont le montant du chiffre d'affaires mensuel moyen est inférieur à 4,17 M € ;
-et qui ont subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % au cours du mois de novembre 2020.
Associations. Pour bénéficier du dispositif, les associations doivent remplir les trois conditions ci-dessus et également employer au moins un salarié (décret 2020-1766 du 30 décembre 2020, art. 1er, IV).
Perte de chiffre d'affaires. La perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période le mois de novembre 2020 doit équivaloir à la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires au cours de ce mois et, d'autre part (décret 2020-1766 du 30 décembre 2020, art. 1er, II) :
-le chiffre d'affaires durant la même période de l'année précédente ;
-ou, si l'entreprise le souhaite, le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019 ;
-ou, pour les entreprises créées entre le 1er juin 2019 et le 31 janvier 2020, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 ;
-ou, pour les entreprises créées entre le 1er février 2020 et le 29 février 2020, le chiffre d'affaires réalisé en février 2020 et ramené sur un mois ;
-ou, pour les entreprises créées après le 1er mars 2020, le chiffre d'affaires mensuel moyen réalisé entre le 1er juillet 2020, ou à défaut la date de création de l'entreprise, et le 30 septembre 2020.
Entreprises ayant fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public. Pour ces entreprises, ne sont pas prises en compte dans le calcul du chiffre d'affaires du mois de novembre 2020 les activités de vente à distance avec retrait en magasin ou livraison (décret 2020-1766 du 30 décembre 2020, art. 1er, III).
Attestation du locataire. Pour bénéficier du dispositif, les entreprises doivent attester qu'elles remplissent les conditions indiquées ci-dessus en produisant une déclaration sur l'honneur et joindre tout document comptable, fiscal ou social permettant de justifier de leur éligibilité au dispositif. Les entreprises bénéficiant du fonds de solidarité peuvent présenter l'accusé-réception du dépôt de leur demande au titre du fonds pour le mois de novembre 2020, accompagné de tout document comptable ou fiscal justifiant qu'elles ne dépassent pas le niveau de chiffre d'affaires mentionné plus haut (décret 2020-1766 du 30 décembre 2020, art. 2).
Paiements et sanctions suspendus
Les entreprises exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative (voir § 1004) et répondant aux conditions indiquées ci-dessus (voir § 1005) ne peuvent encourir d'intérêts, pénalités ou toute mesure financière ou encore d'actions, sanctions ou voies d'exécution forcée ou encore mesures conservatoires en raison du retard ou défaut de paiement de loyers ou charges locatives.
Cette règle s'applique aux loyers et charges locatives correspondant à la période au cours de laquelle l'activité de l'entreprise est affectée par une mesure de police (loi 2020-1379 du 14 novembre 2020, art. 14, II et IV).
Caution et autres garanties. Pendant la période au cours de laquelle l'activité du locataire est affectée par une mesure de police, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en œuvre et le bailleur ne peut pratiquer de mesures conservatoires (loi 2020-1379 du 14 novembre 2020, art. 14, II).
Saisies. Pendant la période au cours de laquelle l'activité du locataire est affectée par une mesure de police, les procédures d'exécution engagées par le bailleur à l'encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges sont suspendues (loi 2020-1379 du 14 novembre 2020, art. 14, IV).
Une exception : la compensation. Le gel des sanctions mis en place par le dispositif ne fait pas obstacle au paiement du loyer et des charges par voie de compensation (loi 2020-1379 du 14 novembre 2020, art. 14, III). Si le bailleur doit une somme au locataire, il peut ainsi considérer que sa dette est payée à hauteur des loyers et charges impayés du locataire.
Clause résolutoire : incidence sur les loyers dus à compter du 17 octobre 2020
La clause résolutoire ou toute clause prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.
La règle s'applique aux loyers et charges locatives correspondant à la période au cours de laquelle l'activité de l'entreprise est affectée par une mesure de police (loi 2020-1379 du 14 novembre 2020, art. 14, II et IV).